Ce qu’aurait pu être le Sarkomètre du Nouvel Obs

Le 10 février 2010

Avec son Sarkomètre, le Nouvel Obs a mis un pied dans les données structurées. Une avancée incontestable, mais si timide qu’elle souligne finalement l’ampleur du fossé qui sépare encore la presse traditionnelle de la visualisation de données.

Avec son Sarkomètre, le Nouvel Obs a mis un pied dans les données structurées. Une avancée incontestable, mais si timide qu’elle souligne finalement l’ampleur du fossé  qui sépare encore la presse traditionnelle de la visualisation de données.

Reprenons. Le 1er février dernier, lenouvelobs.com publiait un tableau récapitulant, pour 113 promesses  formulées par Nicolas Sarkozy pendant la dernière campagne présidentielle, si l’engagement a été tenu, oublié ou engagé.

La base de données constituée par les journalistes comprend également, pour chaque promesse, sa thématique, la déclaration originelle du candidat Sarkozy, et un commentaire de la rédaction du Nouvel Observateur.

Il s’agit effectivement d’une démarche de structuration de données : publier dans un tableau ce qui d’ordinaire est publié par le Nouvel Obs sous forme d’article, de récit, en croisant des indicateurs (thème, promesse, déclaration, réalisation, commentaire) et des variables (les 113 promesses).

Le Nouvel Obs reprend ici la démarche de Politifact, avec son Obameter (The Obameter : Tracking Obama’s Campaign Promises), qui a noté plus de 500 promesses faites par Barack Obama pendant sa dernière campagne selon leur degré de réalisation (Promise Kept, Compromise, Promise Broken, Stalled, In the Works, Not yet rated).

Politifact est un projet de journalisme innovant lancé par Matt Waite au sein du St. Petersburg Time en 2008, pendant la campagne pour les élections présidentielles aux Etats-Unis : le site évaluait la véracité des propos tenus par les hommes politiques sur une échelle allant de « True » à « False » en passant par « Mostly True », « Half True » et « Barely True ».

Revenons d’abord sur le principal bon point du Sarkomètre : il a été publié via Socrata, une plateforme d’hébergement et de publication de bases de données. Avantages de la solution Socrata :

  • Interactive : l’interface de Socrata permet aux internautes de trier, de masquer ou de compiler les données par ligne ou par colonne.
  • Conversationnelle: les internautes peuvent noter et commenter la base de données
  • Virale : les internautes peuvent partager le Sarkomètre via Delicious, Digg, Facebook et Twitter
  • Ouverte : la base de données peut être librement publiée sur d’autres sites/blogs via un Social Data Player embeddable, il est possible de télécharger la base de donnée sous différent formats ou d’y accéder via l’API Socrata.

En passant par Socrata, le Nouvel Obs respecte tous les codes de l’open data. La base de donnée est libre, et cela représente une petite révolution dans un univers journalistique plutôt enclin à s’accrocher aux droits d’auteurs.

Maintenant cette belle avancée signalée, venons-en aux insuffisances.

Le tableau réalisé par le Nouvel Obs nous permet d’échapper à un article long, répétitif, encombré de formules destinées garder l’attention du lecteur tout en déroulant les 113 promesses. C’est déjà un beau progrès, mais le Nouvel Obs aurait pu aller beaucoup plus loin.

Le Sarkomètre ne nous permet pas de nous rendre compte instantanément que sur 103 promesses :

-31 ont été tenues

-39 ont été engagées

-43 ont été oubliées

Il ne nous permet pas de voir du premier coup d’œil que les thématiques ayant fait l’objet du plus grand nombre de promesses sont :

-La fiscalité (10 promesses)

-La famille (8 promesses)

-La santé (8 promesses)

-L’éducation (7 promesses)

Et que ces thématiques affichent des taux différents de conversion des promesses en engagements tenus :

-Fiscalité : promesses tenues à 40% (4 promesses tenues sur 10)

-Famille : promesses tenues à 0% (0 promesse tenue sur 8 )

-Santé : promesses tenues à 25% (2 promesses tenues sur 8 )

-Education : promesses tenues à 29% (2 promesses tenues sur 7)

Pour cela, il aurait fallu que le Nouvel Obs réfléchisse à la visualisation de sa base de données.

Voyons maintenant ce que le Sarkomètre aurait pu être.

Puisque je n’ai ni le temps ni l’équipe nécessaire à la réalisation de ces visualisations (mais il pourrait un jour en être autrement), je vous propose simplement quelques exemples de graphisme.

Le Sarkomètre aurait pu proposer :

  • Une visualisation qui permette d’identifier en un clin d’œil quelle est la proportion des promesses tenues.

Comme sur l’Obameter :

  • Une visualisation représentant la part relative de chaque thématique dans les promesses tenues/en cours de réalisation/abandonnées

Comme pour l’agenda du président Obama analysé par le Washington post :

Ou à la façon de Where does my money go

  • Une visualisation représentant les ratios promesse tenues/promesses formulées pour chaque thématique

Comme sur cette visualisation de l’évolution du pouvoir d’achat des foyers américains sur Flowing Data :

  • Une timeline mettant en évidence le rythme de réalisation des promesses et les priorités de l’équipe gouvernementale

Comme la timeline d’ABC News sur la dernière campagne présidentielle américaine :

  • Une visualisation graphique du champ lexical de la formulation des promesses dans les discours du candidat Sarkozy

Comme sur Capitol Words :

Ou comme dans la rubrique In Obama’s Words du Washington Post :

  • Même un simple petit curseur, comme sur Politifact aurait déjà été plus parlant.

Conclusion : structurer des donnée ne suffit pas, un travail d’éditorialisation est nécessaire pour faire ressortir des idées de la base de données.

» Article initialement publié sur Database journalisme

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