L’auto-critique, oui, mais seulement dans le discours

Le 17 février 2010

[...]Les journalistes sont conscients de faire de la merde, mais ils continuent gaiement tout en se disant « ce qu’il faut, c’est arrêter de faire de la merde ».

Il est impressionnant de voir comment, dans le documentaire d’Arte « Huit journalistes en colère », les « pointures » des médias sont capables de se remettre en question. Avec des discours parfois assez justes.

Cela m’a toujours surprise. Dans la plupart des rédactions dont j’ai croisé la route, même dans les plus suivistes et critiquables, les journalistes ont souvent fait preuve d’une grande capacité de remise en question. Là où je pensais que la plupart d’entre eux consacraient l’essentiel de leur temps de cerveau à reproduire bêtement l’AFP, je me suis rendue compte qu’il existait malgré tout une lueur d’intelligence, une petite place dans les méninges consacrée à l’auto-critique.

Le plus surprenant, c’est que malgré cette réflexion, la plupart d’entre eux (d’entre nous, devrais-je dire) passent toujours l’essentiel de leur temps à bâtonner des dépêches ou à ordonner aux autres de le faire. Même si certains ne l’assument pas et dissimulent cette triste vérité à eux-mêmes sous couvert de beaux discours. En clair, les journalistes sont conscients de faire de la merde, mais ils continuent gaiement tout en se disant « ce qu’il faut, c’est arrêter de faire de la merde ».

C’est du vécu

Un exemple m’a particulièrement frappée. En faisant le tour des dépêches (évidemment), je tombe sur cette information. Un virus tout aussi dangereux qu’Ebola a été découvert en Afrique du Sud. Point de rouge clignotant sur la dépêche, pas même un léger jaune, pas de redit, juste une dépêche perdue au milieu de mille autres. J’en informe mon rédacteur en chef qui, intrigué, vérifie aussitôt sur son propre fil AFP (une information donnée par un journaliste n’est validée par ses semblables que si elle a été donnée par un membre de la sacro-sainte Trinité AFP-AP-Reuters, mais c’est un autre débat).

L’information le souffle, « c’est dingue », s’exclame-t-il. Il montre ça à un collègue, et ils s’esclaffent, tous les deux « Ce qui est hallucinant c’est qu’un truc comme ça, tout le monde s’en fout alors qu’on en fait des caisses sur la grippe A ! » Bien, même dans un des médias les plus conformistes du secteur, on est conscient de l’absurdité de certains choix éditoriaux.

Sauf que. Une fois avoir bien ri, chacun est retourné à son poste. Et aucun sujet n’a jamais vu le jour.

> Article initialement publié sur le blog de Morgane Tual

> Photo d’illustration Truthout.org sur Flickr

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