L’Internet le plus bête du monde?

Le 13 octobre 2010

Jean-Michel Planche est énervé par la stérile opposition qui caractérise selon lui le débat autour de la Hadopi. Et si les différents acteurs en présence construisaient ensemble une solution ? In fine, c'est une question de rayonnement de notre économie.

Le ministère de la Culture a réagi, comme il l’avait promis. Nous avons donc un décret n° 2010-1202 du 12 octobre 2010 modifiant l’article R. 331-37 du code de la propriété intellectuelle, paru ce jour au Journal Officiel et qui modifie l’article R331-37 du code de la propriété intellectuelle ainsi : « les opérateurs sont tenus d’adresser par voie électronique à l’abonné chacune des recommandations mentionnées respectivement au premier et au deuxième alinéa de l’article L. 331-25, dans un délai de vingt-quatre heures suivant sa transmission par la commission de protection des droits ». Et comme certaines Cassandre se « plaignaient », en rigolant sous cape, qu’il n’y avait pas de volet sanction, cette fois-ci, cela n’a pas été oublié. Selon Numerama : « Le non-respect de cette obligation est sanctionné d’une amende de 1500 euros, comme le défaut d’identification d’un abonné à partir de son adresse IP. »

Inutile de vous dire que ce matin, j’ai mal au cœur et pas envie de rire du tout. Au risque de me mettre tout le monde à dos, je vais vous expliquer pourquoi :

> Le ministère de la culture (sans majuscule) vient de nouveau de rater son examen d’entrée dans le monde numérique, l’Internet humain (et non « civilisé »). Il aurait pu prendre cet exemple pour tenter de nouer (je n’ai pas dit renouer) un véritable dialogue entre les acteurs, mais non. On est dans l’OPPOSITION systématique, dans la frappe atomique, dans les décrets pris à la hâte pour parfaire une œuvre, anéfé, bâclée. Ceci dit, rien ne m’étonne plus, depuis 1996, date où déjà ce ministère commençait à faire ch*… en s’attaquant à un brillant étudiant de l’époque : Nicolas Pioch, qui lui avait compris, avant les grands pontes qu’il n’était pas normal que le Louvre ne dispose pas d’un rayonnement web-esque. Ici, comme je le disais lorsque je suivais les débats à l’Assemblée nationale concernant la Hadopi et le reste : « j’ai mal aux institutions ». Disant cela, je n’ai pas une pensée anti-régalienne, bien au contraire. Il suffit juste de se rappeler l’objectif : « Elles visent à maintenir la paix, l’ordre public, la sécurité des territoires pour permettre aux individus d’exercer leurs libertés. »

> Les cassandres techno-light, fan d’Ernesto, anti « ordre établi », mais incapables de proposer quelque chose et pour le moins de réaliser quelque chose. À trop se gargariser en expliquant que la Hadopi, ce sont des nuls, qu’en plus personne n’est forcé de faire quelque chose, parce que des sanctions ne sont pas prévues et patati… et bien voilà. Eux aussi sont dans l’opposition qui ne construit rien, qui ne donne envie de rien… si ce n’est de partir, bien loin et de laisser tout ce beau monde s’expliquer, détruire de la valeur au lieu d’en créer et encore et toujours rater les trains. Encore une occasion manquée, eux aussi. Balle au centre.
Il est à noter que ce sont les mêmes aussi qui vont nous foutre la m* dans les discussions Hadopi en prônant le VPN à tout va… sans bien comprendre, ni les conséquences, ni les parades stupides dans les mains du législateurs, qui pourraient nous ramener quinze ans en arrière, lorsque nous étions dans la même catégorie, vis-à-vis du chiffrement que l’Irak, la Chine ou l’Iran.

>Les FAI… Free y compris. (NDLR : dont la plupart, pour ainsi dire tous sont mes clients, sauf Free et dont je demande une lecture attentive de ce billet).1
Non, mais c’est quoi cette histoire ? Comme je l’ai dit, il y avait le moyen d’essayer de forcer le gouvernement, les anti-Hadopi d’enfin CONSTRUIRE ENSEMBLE. Et ce n’est pas l’histoire des Labs de la Hadopi qui le permettront. C’est mon avis et celui de nombreuses personnes avec qui j’en ai discuté. (et le pourquoi je ne participerai pas à cette histoire, tant que nous n’aurons pas l’ENVIE de TOUS de TRAVAILLER ENSEMBLE à CONSTRUIRE quelque chose d’un peu ambitieux au service du plus grand nombre)
Vous êtes les juges de paix, quelque part, les gardiens du temple et pas simplement les exécuteurs des basses œuvres. Comme le disait l’autre, « un grand pouvoir entraîne de grandes responsabilités ».
Vous aussi, vous pouviez faire comme Free. Mais peut-être en plus intelligent pour éviter de voir qu’en final, tout cela n’est qu’une histoire de gros sous et que nous ne valons pas beaucoup plus que 0,65 euros par tête de pIPe.
Ils sont où les pilotes dans l’avion qui décident et frappent du poing sur la table en refusant un modèle dicté par d’autres ? Ils sont où vos lobbys ? Par rapport à ceux de la musique, excusez-moi, mais ils ne font pas le poids. Qui dans votre écosystème a l’efficacité des SPRD pour les « ayants droits » ?
Quant allez-vous prendre des mesures ENSEMBLE pour faire poids et SENS dans un paysage où malgré votre rôle essentiel, vous n’êtes traité que comme des fétus de paille dans un océan enragé, dont d’autres soufflent le sens du vent ?

Acteurs de l'Internet français discutant de piratage.

À défaut d’avoir la droite (ou la gauche) la plus bête du monde, allons-nous avoir :

« l’Internet le plus bête du monde ? »

Et pourtant …

Nous sommes l’un des pays les plus et les mieux connectés… mais comprenons : connecté à l’Internet et aux usages multi-play. Nous ne sommes pas l’un ou l’autre, nous sommes à la fois adeptes des réseaux managés (téléphonie, télévision) ET de l’Internet.
Ceci nous donne une chance unique. Un marché important et viable. Une avance réelle et sérieuse. Mieux, cela fait même de nous l’un des pays leaders… et oui. Je suis désolé si cela en fait rire certains.
Voyageant beaucoup, je peux vous dire que lorsque je parle de triple-play, d’usages avancés, de qualité… partout dans le monde, il y a une écoute et un véritable respect. Si la technologie de ma société est vendue dans plus de trente pays dans le monde et présente chez plus de quarante opérateurs… parmi les plus importants dans le monde, c’est aussi parce qu’elle vient de France, d’un pays qui a des valeurs, qui sait raisonner et trouver des solutions pragmatiques alors que d’autres s’enlisent dans leur passé et leur complexité.

Allons-nous continuer de montrer au monde que les seules réalisations « internationales » qui filtrent sont des députés cachés derrière des rideaux, des footballeurs ridicules et des décrets d’application, dont on dira bientôt le décret « Free » (bravo pour la publicité) qui ne font que démontrer la peur, la précipitation, l’impréparation et la vacuité de toutes ces lois en « i » ?

Ne pouvons-nous pas montrer un visage apaisé, serein, sérieux … et en même temps ambitieux ? Il y va du rayonnement de tout notre économie (merci de penser un peu à nous !) et in fine… de notre pays. Un peu de décence Messieurs et de sérieux, s’il vous plait !

Alors, on fait quoi ?

Je ne veux surtout pas tomber dans le travers du donneur de leçon. Même si la critique peut sembler facile, elle ne l’est pas tant que cela pour moi, surtout ici. J’espère donc que ce billet sera bien compris et permettra d’aider à infléchir (restons modeste, MAIS positif) la tendance dangereuse que nous prenons depuis un moment.

Essayons déjà de commencer par quelque chose qui va FORCER les puissances en présence de se PARLER et de travailler ENSEMBLE.

Comment ? Et bien, Messieurs les FAI mettez les serveurs SMTP dont la Hadopi veut se servir sur des plages d’adresses IP que vous donnez à vos clients. Pas plus, pas moins.
Vos obligations de moyens seront respectées et vu le résultat, la Hadopi et surtout le Ministère de la Culture et ses conseillers seront forcés de revenir vous voir, dans un mode plus constructif. Du moins je l’espère.

Billet initialement publié sur Never give up !

Image CC Flickr y Cayusa et e_monk

  1. Jean-Michel Planche est le président fondateur de Witbe, société spécialisée dans la supervision de services []

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