Retraite: accident du travail, maladie professionnelle, quel droit ?

Le 19 octobre 2010

Selon le taux d'IP (incapacité permanente partielle), dans quels cas les travailleurs pourront-ils prétendre à une retraite anticipée si la réforme du gouvernement passe ? Visualisation d'exemples à l'appui, OWNI essaye de clarifier ce sujet complexe.

Selon le texte de loi soutenu par la majorité, pour pouvoir prétendre à une retraite à taux plein à 60 ans, un travailleur devra présenter un taux d’incapacité permanente partielle (IP) supérieur à 20%. Un amendement du gouvernement dispose que l’assuré pourra y prétendre aussi entre 10 et 20% sous réserve « que l’assuré ait été exposé, pendant un nombre d’années déterminé par décret, à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4121-3-1 du code du travail. » En l’occurrence, ces facteurs sont « liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail, susceptibles de laisser des traces durables identifiables et irréversibles sur la santé ». Une commission pluridisciplinaire validera au cas par cas «les modes de preuve apportés par l’assuré et d’apprécier l’effectivité du lien entre l’incapacité permanente et l’exposition aux facteurs de risques professionnels. »

Les taux d’IP attribués en accident de travail ou en maladie professionnelle, sont évalués par les médecins-conseils de l’Assurance Maladie, selon un barème indicatif (Accidents du Travail – Maladies Professionnelles). Certaines maladies professionnelles nécessitent, pour leur reconnaissance, que l’assuré ait été exposé au risque pendant un temps minimum (durée d’exposition) ; de plus, la demande de reconnaissance ne peut pas intervenir au-delà d’un délai après que l’assuré a cessé d’être exposé à ce risque (délai de prise en charge).

Avec l’aide du docteur Xavier Bourhis, médecin-conseil à l’Assurance Maladie, OWNI a essayé de vous montrer de façon un peu plus concrète à quoi correspondent ces tableaux très techniques, en vous donnant des exemples d’IP selon les seuils-clés de la réforme. Nous avons aussi abordé le cas des pathologies qui peuvent se déclarer après le départ à la retraite. Il arrive en effet qu’un salarié ne présente aucune affection durant son activité professionnelle et que les premiers symptômes apparaissent à un âge plus avancé, parfois « du jour au lendemain », nous a expliqué le Dr Bourhis.

Ces maladies, même si elles peuvent être prises en charge au titre des maladies professionnelles, aboutissent de fait à des inégalités devant la retraite. Un cancer, même reconnu d’origine professionnelle et à ce titre indemnisé, diminue votre qualité de vie, voire votre espérance de vie tout court, et donc votre temps de retraite. On lira à ce titre cette étude de l’INED, pointée par Le Canard enchaînée du 29 septembre 2010, éloquemment intitulée «La double peine des ouvriers’ : plus d’années d’incapacité au sein d’une vie plus courte.» [PDF]

« Le projet du gouvernement confond deux problèmes, résume Florence Toureille, présidente du SNPdos / CFDT : l’incapacité permanente de travail liée à un accident au travail et celles liés aux conditions de travail. Les 10% ne changent rien, ce pourrait être 2%.» Et au final, ce sont les mêmes personnes qui sont doublement pénalisées : ceux qui ont commencé tôt un travail pénible. Elle craint aussi un double examen pour que les salariés puissent continuer de bénéficier de la retraite à taux plein à 60 ans. Actuellement, il faut être déclaré inapte au travail suite à un examen médical du médecin-conseil pour y avoir droit.

On rajoutera aussi que le flou plane sur la composition de cette commission et son cadre de travail : «Une commission pluridisciplinaire territoriale sera chargée d’attester cette exposition ainsi que le lien entre celle-ci et l’incapacité », indique laconiquement le gouvernement. «Est-ce que le barème de la sécurité sociale s’appliquera ?, s’interroge Florence Toureille, ou celui de droit commun, plus sévère ?» Dans l’ensemble, elle «doute que les directives soient favorables.» Et vu l’enjeu financier, – d’après les chiffres du gouvernement, on passerait de 10.000 à 30.000 travailleurs concernés par an -, ce doute peut sembler légitime. On rajoutera pour le contexte que la tendance est à une baisse des accidents du travail (-7,5% de 2008 à 2009) et à une augmentation du nombre de maladies professionnelles (+8% sur la même période), selon le rapport de l’Assurance Maladie-Risques Professionnels [PDF].

D’aucuns envisagent de fixer l’âge du départ à la retraite en fonction de l’espérance de vie par métier. L’Andeva (Association nationale de défense des victimes de l’amiante) et le FNATH (Association des handicapés de la vie) proposent ainsi que les ouvriers exposés à des produits dangereux aient une retraite anticipée. En septembre, la vice-présidente socialiste de la commission des finances, Raymonde Le Texier, a assuré que le PS comptait « se battre sur la pénibilité », pour essayer de revenir à une prise en compte par branche et non plus individuelle. Alors que le débat se poursuit au Sénat, les différents partenaires sociaux avancent leurs solutions.

L’exercice d’OWNI a ses limites : il ne s’agit bien entendu que d’exemples. En effet, comme l’a souligné à plusieurs reprises le docteur Bourhis, « il est impossible d’attribuer un taux d’IP automatique en fonction du seul diagnostic, d’où le rôle du médecin-conseil, sinon un ordinateur suffirait.» Au cas par cas, c’est le médecin-conseil qui fixe le taux d’ IP, en fonction notamment de son examen clinique, des résultats des examens complémentaires et dans certains cas d’antécédents médicaux ou chirurgicaux du patient. Il est strictement impossible de faire des équations du type x années de travail de peintre en bâtiment =  x % de taux d’IP.

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Poster réalisé par Marion Boucharlat

Illustrations CC FlickR par dorena-wm, idlphoto

Retrouvez le dossier intégral d’OWNI sur les mobilisations de ces dernier jours

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