L’intérêt de l’OpenApi pour les entreprises

Le 8 novembre 2010

Le mouvement de l'openData fait de plus en plus d'émules, notamment dans le domaine politique. Il serait temps que l'entreprise s'y mette. Elle aurait tout à gagner à sortir de son modèle historique fermé et à libérer ses données.

Le système d’information des entreprises est généralement un système fermé. Ce n’est pas forcément par crainte d’intrusion, ou de malveillance, mais parce que la philosophie de base du monde industriel est qu’il y a une vie dans l’entreprise, une vie en dehors de l’entreprise, et que la frontière entre les deux doit être simple: fermée, avec quelques points de passage bien surveillés, par exemple par une machine inventée par IBM en 1912 (l’horloge pointeuse) faisant office de système d’information, et une logique basée sur l’horaire qui permet de faire une barrière temporelle entre le dedans et le dehors.

Bien évidemment, le monde a changé. Plusieurs frontières entre l’intérieur et l’extérieur de l’entreprise, entre la sphère privée et la sphère professionnelle, ont explosé. Déjà sur le plan temporel, à part les salariés qui ont un travail posté (à peine 15% du travail actif), plus personne n’est vraiment concerné par la durée comme mesure de la création de valeur (d’où l’absurdité de la loi des 35 heures, non pas à cause du chiffre 35, mais parce que l’heure est de moins en moins une unité pertinente).

Ensuite, la capacité des entreprises à mettre partout des blocages sur leur système d’information, allant de pare-feu à l’interdiction des réseaux sociaux en passant par le blocage de toute vidéo (pire que le gouvernement Chinois…), force finalement les salariés à travailler de chez eux, où ils trouvent de bien meilleures conditions informatiques que sur leur lieu de travail.

Ouvrir les systèmes d’information

Les systèmes d’information, traditionnellement fermés, ont été bouleversés par la philosophie ouverte de l’Internet. Il a fallu quelques années avant que les entreprises ne se mettent à ouvrir partie de leurs informations sur l’extérieur; je me souviens de la révolution engendrée par UPS qui avait été innovant en décidant d’ouvrir son intranet sur le web afin de donner les dates de délivrance de ses paquets.

En 2010, il serait suicidaire pour une entreprise qui s’adresse au grand public de ne pas avoir un site web qui, a minima, offre de l’information, et au moins permet d’effectuer des transactions. Mais ceci va vite devenir largement insuffisant, et je pense que le monde de l’entreprise devrait rendre publiques les API, qui sont des interfaces de programmation, de leur système d’information.

Observons ce qui se passe dans le monde de la politique. Le mouvement de l’Open Data est né de la volonté de certains chefs d’état d’ouvrir au public les données de l’administration; ou plutôt, pour reprendre l’excellent phrase du rapport de Nicholas Gruen remis au gouvernement Australien, de passer d’une logique où « le gouvernement protège ses données, sauf s’il a envie de les diffuser » à une logique où « le gouvernement diffuse ses données, sauf s’il y a une raison impérieuse de ne pas le faire ». C’est ainsi que le gouvernement Américain a ouvert son portail de données, que ce fut aussi le premier geste de Cameron lorsqu’il fut élu, conduisant au portail Anglais, suivi par de nombreux pays ou administrations; même le gouvernement Russe a ouvert un portail rendant publiques les dépenses de son administration.

Lorsqu’un gouvernement ouvre ses données, celles-ci se présentent sous plusieurs formats, allant de simples documents pdf jusqu’à des tableurs excel. Publier des données est intéressant, mais les rendre utiles est encore mieux. La logique a donc été de passer de l’ouverture des données à l’ouverture d’interfaces de programmation permettant à des programmeurs de réaliser des applications dialoguant avec les systèmes d’informations.

Suivre l’exemple du secteur public

Le principe est le suivant: une municipalité ouvre des API sur son système d’information. Ensuite pour amorcer la pompe, elle crée un concours public, récompensant les meilleures applications utilisant ces API. La communauté est alors motivée pour créer de telles applications. L’intérêt pour une ville est multiple: elle se concentre sur son métier qui est de gérer la ville, elle n’a plus de problème de développements informatiques, puisque les applications sont réalisées ailleurs, l’argent du contribuable est finalement mieux dépensé, et les services rendus deviennent très nombreux. De plus, dans le modèle anglo-saxon, non seulement l’administration ne doit pas faire payer ses données, mais il est bien que ces données permettent au monde économique de s’enrichir… Un ensemble de municipalités a d’ailleurs décidé de standardiser ces interfaces de programmation, donnant naissance à Open311, site sur lequel on peut voir la liste des applications développées par des tierces personnes.

Le monde de l’entreprise devrait s’inspirer de ce mouvement. Prenons un cas d’école, en partant du bricolage. Les deux grandes enseignes, Castorama et Leroy-Merlin ont développé des applications iPhone. Ces applications ont coûté de l’argent, et ont forcé les entreprises à faire de l’informatique, ce qui est loin de leur cœur de métier. De plus, aucune de ces deux applications ne permet de passer commande directement des produits concernés.

Imaginons maintenant que les enseignes décident d’ouvrir leurs API. Il y aura sûrement dans la communauté des clients des programmeurs de génie qui développeront des applications orientées usage, puisqu’eux-même sont clients. Ces application pourront alors, au-delà ce que font déjà celles des marques, inventer d’autres usages en laissant cours à l’imaginaire, et surtout, passer directement des commandes au système d’information. Le flux d’achat en sera ainsi augmenté.

Prenons un autre exemple: si les banquiers ouvraient leurs API (en imaginant qu’ils passent d’un mode stock à un mode flux), la communauté pourrait développer des applications innovantes, permettant de mieux gérer leurs comptes, de faire des transactions, etc… Les banquiers y gagneraient des flux, et les clients auraient des services bien plus intéressants.

La rentabilité de l’OpenApi

Est-ce utopique ? C’est déjà ce que fait Amazon dans le retail, avec d’une part les Amazon Web services, dont l’un par exemple permet d’adresser le tunnel de commande, et les widgets qui permettent à chacun de mettre une fenêtre d’Amazon sur son site. C’est aussi la récente innovation de paypal avec paypalX, un ensemble d’API ouvertes associées à un modèle économique de partage de revenu. C’est ce qu’a fait JCDecaux en ouvrant les interfaces des bornes du vélib, fournissant le nombre de vélos et ne nombres de slots disponibles, même si l’on aurait aimé qu’il ouvre ses interfaces du Vélib lui-même, et surtout l’on a regretté qu’il fasse machine arrière. On pourrait penser à d’autres applications, dans le monde de l’automobile, de toutes les industries ou de tous les services.

Le monde Internet est un monde ouvert, basé sur la coopération, l’intelligence collective, et la valeur du flux plus que du stock. Ouvrir ses API représente, pour une entreprise, la compréhension d’où se situe la valeur, et de comment l’exploiter intelligemment. Je reste persuadé que les premières qui le feront auront un avantage compétitif par rapport aux autres.

Le “government as a platform” de Tim O’Reilly deviendrait, à la lumière de ce que j’ai écrit en 2008, « enterprise as a platform ». Auguste Detoeuf, dans « propos de O. L. Barenton, confiseur », le disait lui-même dans un livre écrit en… 1936 :

Ce ne sont pas vos brevets, mais votre rapidité d’exécution, qui vous protégera de la concurrence.

Crédit photos cc FlickR : tuppus, TheGoogly, thecodefarm.

Article initialement publié sur La rupture Internet.

Laisser un commentaire

Derniers articles publiés