Les oiseaux de l’Apocalypse ou comment expliquer la chute soudaine de volatiles

Le 12 janvier 2011

Des "pluies d'oiseaux morts" inexpliquées se sont abattues aux États-Unis et en Suède. Alors que les scientifiques prennent énormément de précautions pour aborder ce phénomènes, certaines personnes y voient déjà la marque d'aliens, du complot militaire ou mieux, de l'Apocalypse.

Titre original : Apocalypse birds: le ciel va-t-il nous tomber sur la tête?

Des nuées d’oiseaux tombant du ciel. Le prémisse idéal à tout film catastrophe qui se respecte se transforme depuis quelques jours en un scenario bien réel.

Depuis la nuit de la Saint-Sylvestre, trois phénomènes de mort massive de volatiles ont été signalés aux États-Unis, dans les états d’Arkansas et de Louisiane, et en Suède, dans une ville au sud-ouest du pays. Survenu dans la nuit du 4 janvier, ce dernier événement a été remarqué moins par son ampleur, une cinquantaine de spécimens aurait été touchés, que par sa survenance, étrangement rapprochée des chutes d’oiseaux américaines. Celles-ci sont en revanche beaucoup plus spectaculaires: 500 victimes en Louisiane ce même 4 janvier, dix fois plus en Arkansas dans la nuit du 31.

Morts de peur

A chaque fois, la trame est identique: des oiseaux de type diurnes sont retrouvés morts ou très affaiblis sur un périmètre limité, sans que les scientifiques ne comprennent bien pourquoi. Impossible par exemple de savoir s’ils se sont éteints en plein vol, ou suite à une chute fatale. En attendant les conclusions des examens en cours, une explication l’emporte cependant: l’idée selon laquelle les oiseaux seraient morts de peur, en raison notamment de feux d’artifice tirés au cours des nuits d’hécatombes.

Les volatiles en question, des étourneaux et des carouges à épaulettes, ne sont pas des oiseaux de nuit: ils se déplacent de jour et en nuées atteignant parfois plusieurs milliers d’individus. Le bruit des feux d’artifice aurait troublé leur repos, créant un mouvement de panique forçant les oiseaux à voler bas pour fuir le ciel. Peu habitués à l’obscurité, ils auraient alors percuté les nombreux obstacles se présentant devant eux, maisons, arbres, ou auraient atterri dans l’urgence, se blessant ainsi mortellement.

“Un étourdissement en plein vol”

Pour Frédéric Jiguet, ornithologue au Muséum d’Histoire naturelle de Paris, la seule explication envisageable serait un « étourdissement en vol », causé par « un grand bruit », comme le passage d’un avion de chasse. Moins convaincu par l’hypothèse des feux d’artifice, il écarte également d’autres causes: l’infection, qui n’aurait pas pu foudroyer simultanément des groupes d’une telle ampleur; le choc physique, qui aurait difficilement pu faire autant de victimes, ou bien encore la tempête, qui aurait éparpillé les oiseaux sur un territoire plus élargi.

Les premiers résultats d’analyses semblent confirmer la théorie du chercheur dans le cas de l’Arkansas, puisqu’aucune toxine n’a été retrouvée dans le corps des volatiles, qui présentent en revanche un grand nombre de blessures, à l’origine de la formation de caillots sanguins qui pourraient être à l’origine de la mort. Pour Frédéric Jiguet,

Ces observations vont dans le sens d’un étourdissement en plein vol.

Quant à débattre du caractère exceptionnel de ces trois hécatombes, si le scientifique reconnaît la singularité des conditions dans lesquelles elles se sont déroulées, il en relativise la portée et n’y voit pour le moment rien de plus qu’une coïncidence.

On observe des morts massives dans le cadre de très mauvaises conditions météorologiques, par exemple en mer ou en plein désert. Dans le cas présent, c’est étrange car les phénomènes se sont produits dans des zones habitées et dans des conditions relativement normales, le tout dans un temps rapproché. Il faut néanmoins relativiser, en France des millions de canards et de grives meurent chaque année, de causes non naturelles, et personne n’en parle alors que le phénomène est bien plus vaste.

D’autres en revanche sont bien plus enclins à faire le lien entre ces pluies morbides. Depuis la médiatisation du cas de l’Arkansas, les explications les plus farfelues fleurissent sur la toile, dont l’une, rien de moins que le début de la fin du monde, fait particulièrement recette.

Des Petits-Gris à la Fin du Temps

Iwanttobeieve_ovni_ufo_extraterrestresParmi les théories les plus en vue, on retrouve la traditionnelle rencontre du troisième type. Si certains approuvent la cause plus plausible d’un “Ovni d’origine terrestre”, autrement dit d’un choc physique avec un engin militaire non identifié, certains avancent que les oiseaux auraient été victimes d’une “technologie alien”.

Dans la famille des scénarii à la Chris Carter, l’implication du programme Haarp est tout aussi satisfaisante, bien que manquant de Petit-Gris. HAARP, ou “High Frequency Active Auroral Research Program”, est un projet scientifique et militaire bien réel, basé en Alaska. Il a pour objectif d’étudier l’impact d’une couche atmosphérique, la ionosphère, sur les communications longues distances. A ce titre, il arrive que les chercheurs en charge du projet “injectent une petite quantité d’énergie déterminée dans une couche spécifique de la ionosphère”. Altération dont les incidences sont non seulement disséquées du côté des sceptiques et des conspirationnistes, mais également du côté du Parlement Européen et d’Hugo Chavez. Le projet est soupçonné d’être à l’origine de changements climatiques temporaires graves, comme des tempêtes ou de tremblements de terre, et dans le cas qui nous intéresse, de la chute mortelle des oiseaux.

On reste dans la veine du complot militaire pour la traditionnelle expérimentation militaire qui aurait mal tournée, hypothèse ravivée par la présence d’une base, Little Rock Air Force Base, à proximité de la ville témoin de la pluie de volatiles. Certains sites racontent que le site détiendrait un stock d’armes chimiques rapatriées d’Irak, dans le but de les utiliser en Afghanistan. Le transport d’un gaz mortel en direction d’Extrême-Orient aurait mal tourné, ce qui expliquerait la mort des oiseaux. La machination ne s’arrête pas là, car les sites indiquent également que l’un des “experts en armes biologiques et chimiques” a été assassiné “après avoir menacé de révéler le test de gaz toxique de l’armée américaine qui a tué des centaines de milliers d’animaux dans l’Arkansas la semaine dernière”.

“Des centaines de milliers d’animaux”, car en marge de l’apocalypse aviaire, il faut savoir que l’état a également été le théâtre de l’extinction de plusieurs milliers de poissons et ce, dans un même week-end. Si la coïncidence est troublante elle ne signifie rien pour les autorités, qui affirment que ces deux incidents, espacés de 160 km, n’auraient rien à voir.

Qu’à cela ne tienne, il n’en fallait pas plus pour susciter l’émoi de toute une communauté sensible, avec plus ou moins de sérieux, aux sirènes millénaristes.

Nombreux sont les sites qui tentent ainsi de répondre à l’attente anxieuse d’internautes, en recherche d’un passage évoquant “la mort d’oiseaux noirs” -les carouges, principales victimes de l’hécatombe, étant de robe sombre- dans la Bible. Faut-il y voir un signe annonciateur de l’Apocalypse ? Malheureusement, le Livre ne répond pas à ces interrogations, mais fournit néanmoins suffisamment d’éléments pour combler certaines aspirations apocalyptiques.

De sorte que les poissons de la mer, et les volailles du ciel, et les bêtes du champ, et de tous choses de rampement qui rampent sur la terre, et tous hommes qui [soyez] sur le visage de la terre, secoueront à ma présence, et les montagnes seront jetées vers le bas, et les endroits raides tomberont, et à chaque mur tomberont à la terre.

Ezekiel 38:20

Animaux décimés par milliers, éclipse solaire, tremblements de Terre en Argentine et au Chili, mais aussi inondations en Australie: ne cherchez plus, la colère de Dieu s’abat sur l’humanité; 2012 se réalise plus tôt que prévu. C’est en tout cas ce qu’affirment de toute leur verve certains individus, certes assimilables à des illuminés puissance dix. Un aperçu édifiant ci-dessous, expliquant ces différents désastres par des causes tout aussi diverses, allant de Dieu bien sûr, à un sort lancé par des sorciers. On vous laisse apprécier -pour oreilles averties.

Ovni, complot militaire, “On nous ment”, Dieu et les sorcières: ne manquait plus qu’à cette farandole d’autorités en la matière ce bon vieux Nostradamus qui, décidément, avait un avis sur tout. Sans grande surprise, l’opacité de ses prédictions est telle qu’elles pourraient donner lieu à toutes sortes d’explications, même les plus capillo-tractées. Démonstration:

Puanteur grande sortira de Lausanne, Qu’on ne s’aura l’origine du fait. Lon mettra hors tout la gent loingtaine Feu veu au ciel, peuple estranger deffait.

Où la “puanteur” renvoie à la décomposition des animaux, le “feu du ciel” à l’éclipse solaire et éventuellement aux feux d’artifice, et la “Lausanne” à une désignation ancienne ou biaisée de la Louisiane. Pour les amateurs anglophones, la démonstration complète vaut le détour.

Jean-Michel Planchadamus.

En marge de ces craintes hallucinées, toujours savoureuses – quoique flanquant les miquettes-, on retiendra l’humour des internautes, dont l’attrait assumé mais ironique pour ces histoires de fin du monde, doublé de la recherche intensive -et forcément absurde- des causes de l’apocalypse aviaire n’ont pas fini d’animer le réseau.

A la rédac, si certains valident l’hypothèse d’une future apocalypse zombie, on penche aussi pèle-mêle pour l’implication des Yes Men, de Twitter, de Lady Gaga, des gaz de schistes, voire même de Lady Ga-gaz de schistes. A vous de trancher.


Illustrations CC: materija folle – www.omarsartor.com, Alex—D , p373

Article initialement publié sur OWNIsciences

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