Les réseaux sociaux d’information plus forts que les G.I.’s

Le 25 mars 2011

Retour sur un échange avec Alec J. Ross, principal conseiller de la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton sur Internet et les nouvelles technologies. L'impact des réseaux sociaux comme soft power a été au centre des discussions.

En compagnie d’un petit aréopage de journalistes et de chercheurs, nous avons passé une agréable partie d’après-midi avec Alec J. Ross [en], le conseiller principal de la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton [en] en matière de technologie et d’innovation.

Avant de rejoindre le Département d’État, Alec J. Ross fut l’une des chevilles ouvrières de la campagne électorale de Barack Obama, en charge notamment des liens avec les entreprises de la Silicon Valley.

Aujourd’hui, les réseaux sociaux sont devenus un instrument majeur de la diplomatie américaine. Les révolutions arabes des dernières semaines ont fait de Facebook et Twitter des instruments plus efficaces pour renverser les régimes que les milliers de G.I.’s envoyés jadis dans d’autres dictatures.

Les réseaux sociaux changent aujourd’hui nos relations avec les populations dans les pays du monde, indique Alec J. Ross. Auparavant, nos diplomates tiraient une grande partie de leurs informations sur les pays des rencontres qu’ils avaient avec les élites locales (les ministres  du gouvernement, les dirigeants d’entreprises,… ). Désormais, nous pouvons écouter directement ce que dit la population sur les réseaux sociaux.

Les élites ne sont plus les seuls interlocuteurs

Les réseaux sociaux sont un formidable canal d’écoute. Mais aussi d’échange, affirme Alec J. Ross. « Nous avons lu toutes les critiques que les citoyens égyptiens émettaient sur les réseaux sociaux à l’encontre de la politique passée des États-Unis au Moyen-Orient. Ils reprochaient notre soutien à l’ancien président Moubarak. Hillary Clinton a participé à une conversation sur le site Internet Masrawy.com [ar], le premier portail Internet d’Égypte. La secrétaire d’État a répondu directement aux questions et critiques envoyés par les internautes sur les réseaux sociaux. Un nouveau rapport s’instaure grâce aux réseaux sociaux. »

Les États-Unis communiquent directement avec les protestataires en Iran, via Twitter, souligne par ailleurs Alec J. Ross.

Ne nous trompons toutefois pas : dans ce nouveau monde de sur-information et parfois d’hyper-transparence (Ndla: pensons à Wikileaks), la propagande n’a plus d’effet. Ce n’est pas Voice of America [en] ou Radio Free Europe [en], comme il y a plusieurs dizaines d’années. Les Iraniens disposent de beaucoup plus de sources d’information différentes que jadis les habitants des pays communistes, dans les années 60 ou 70. Ils ont accès à des dizaines de chaînes de télévision par satellite. Des centaines de blogs. Il est illusoire de penser que nous pourrions peser sur les événements en bombardant Twitter ou Facebook avec nos propres slogans. Aujourd’hui, le « push broadcasting » n’a plus rien d’efficace.

Pas seulement Facebook ou Twitter… Maktoob (Jordanie), QQ (China) ou Mixi (Japon) aussi

Évidemment, que Facebook, Youtube ou Twitter soient nés en Californie, renforce le poids des États-Unis sur ces nouveaux mondes de la diplomatie digitale.

Alec J. Ross assure que l’origine des réseaux sociaux sur lesquels ces conversations prennent place n’est pas l’aspect le plus déterminant. Cette origine n’a en fait pas d’effet.
« Le principe de la neutralité du Net est très importante, souligne-t-il. Il est même essentiel. Ce qui compte, c’est l’efficacité. Si les gens, dans un pays, interagissent sur un réseau social plus populaire, c’est très bien. Maktoob ou Mixi, en Jordanie ou au Japon, jouent exactement le même rôle que Facebook et Twitter. Lors d’un séjour en Afrique, le président Obama a interagi avec un réseau social sud-africain qui s’avérait être le plus efficace en raison de sa facilité d’utilisation sur les téléphones portables. Ces derniers sont le principal outil d’accès à Internet dans le continent. »
Les réseaux sociaux sont donc un phénomène réellement universel.

Dépasser la diplomatie, connecter le monde économique

Le nouveau monde de la diplomatie digitale, que décrit le conseiller du State Department, reflète l’impact général des nouveaux outils sociaux sur la politique, l’économie et la société en général.

Nous ne sommes sans doute qu’au début. Internet suscite d’autres espoirs.

Pour que les révolutions soient un succès complet, il faudra que la démocratie ramène également la croissance économique. Là aussi, Internet jouera sans doute un rôle important.

Ainsi, en Tunisie, dans certaines villes où le chômage terrasse la population des moins de trente ans, l’espoir vient de la possibilité de pouvoir collaborer directement, dans le futur, avec des entreprises des pays développés à travers les réseaux numériques.  Après tout, l’Inde a basé une partie de son développement économique fulgurant des quinze dernières années sur les nouvelles technologies et le travail à distance. D’aucuns espèrent qu’elle fera des émules.

Billet initialement publié sur Entreprise Globale sous le titre « Rencontre avec Alec J. Ross, le conseiller “réseaux sociaux” d’Hillary Clinton »

Image Flickr CC Stéfan

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