La mort de l’e-mail : et après ?

Le 13 avril 2011

Le mail, c'est pour ta mère. C'est un peu plus compliqué que cela, même si ce mode d'échange a effectivement ses beaux jours derrière lui.

J’ai animé la semaine dernière une conférence en ligne dénommée “L’e-mail est mort : quelle alternative ?” (que vous pouvez revoir ici dans l’onglet Webinar) avec des témoignages très pertinents de l’IREPS et de la Lyonnaise des Eaux. Cela m’a amené à me pencher sur la question et à identifier des éléments concrets sur un ressenti partagé par tous, à savoir que l’e-mail est devenu un poids dans l’activité professionnelle de chacun.

Les jeunes maîtrisent la communication (surtout par SMS)

Citons un chantre des nouveaux médias, Mark Zuckerberg, 27 ans cette année : « Les jeunes n’utilisent plus l’e-mail, ils préfèrent les SMS. Les gens veulent des choses plus immédiates comme le SMS ou le tchat pour échanger entre eux. »

Si l’on jette un coup d’œil aux statistiques issues de comScore, cela semble corroborer ces dires :

Rien de bien nouveau sous le soleil… Quiconque a un ado près de lui sait que lui demander son e-mail revient à lui parler d’un outil du siècle dernier (c’est techniquement le cas). Rien ne remplace le bref message instantané électronique comme fondation de l’échange interpersonnel.

En fait, l’e-mail est, comme la structure sémantique du mot l’indique, une version électronique du courrier papier classique, avec sa boite aux lettres, son enveloppe, sa « copie carbone » (cc)… Seule innovation : la copie cachée (cci), le tout croisé avec la logique de classement arborescent des ordinateurs des années 80.

Communiquer plus vite… ou mieux ?

Depuis quelques années, on entend dire que la Génération Y importe ses outils et usages au sein de l’entreprise. Quel est l’impact réel sur l’e-mail ?

  • Est-ce-que Twitter et autres outils de réseautage social vont avoir la peau du courrier électronique ?
  • Est-ce-que l’e-mail est une technologie passéiste uniquement bonne pour la communication corporate ou bien est-elle complémentaire ?
  • Est-ce-que l’a communication instantanée (ou accélérée) est juste une marotte d’adolescent ou bien est ce un révélateur de changements plus profonds ?
  • Et surtout, y-a-t-il quelque chose qui puisse remplacer l’e-mail ?

Une boîte pleine à craquer. Période numérique, début des années 2000.

L’e-mail est un excellent outil de communication interpersonnelle mais de nouveaux outils font leur apparition. Et dans les faits, si tout le monde a encore le droit d’écrire 5 pages de courriel, plus personne n’en a l’envie. Les messages ont tendance à se réduire en longueur, à devenir plus informels : ils s’adaptent aux rythmes du business, à l’importance du message et aux circonstances dans lesquels ils sont émis. D’où l’apparition de tweets, chats et autres mécanismes de communication.

Le principal problème de l’e-mail est qu’il est utilisé pour tout même s’il n’est pas le moyen le mieux adapté. Envoyé à une ou plusieurs personnes (plus souvent en copie qu’en destinataire), l’usage est parfois « d’arroser » le plus de monde possible afin d’être sûr que personne n’ait raté l’information. Quitte à ce que cela ressemble au final à du spam, et finisse dans le dossier de classement vertical (communément appelé « poubelle »).

Il pourrait être parfois aussi efficace de se lever de son fauteuil et hurler l’information dans l’openspace, mais cela pourrait déranger la quiétude des lieux. Plus sérieusement, l’e-mail n’est pas adapté à de nombreux cas de communication, par exemple une large diffusion avec une volonté d’interaction. Il faut aussi en finir avec une légende urbaine : l’e-mail n’est pas fait pour la collaboration, ni pour la coordination. Avez-vous déjà essayé de mettre à jour une version d’un document sans vous perdre dans les échanges, et au final vous tromper de fichier ? Avez-vous déjà réussi à déterminer un jour commun de réunion entre plusieurs personnes sans que cela ne se finisse par une date imposée ?

C’est exactement ce sur quoi les réseaux sociaux professionnels peuvent apporter une vraie plus-value. En proposant des fonctionnalités de recherche, de coordination, de planification et de collaboration, le besoin en e-mail s’en trouve automatiquement réduit. Vous avez une annonce à faire ? Au lieu de l’envoyer à la Terre entière, postez-la sur la première page de la communauté, lieu de passage obligé de tous lorsqu’ils se connectent. Vous avez une réunion à organiser ? Publiez l’invitation, et suivez en temps réel qui répond venir ou pas. Enfin, si vous avez besoin de retravailler un document, faites en un wiki (sorte de page Word partagée) et suivez les révisions collectives du document.

Une passerelle vers les réseaux sociaux

Tout cela devrait nous permettre de conclure que « plus de médias sociaux = moins d’e-mails ». D’après Nielsen, il n’en est rien :

Ce graphe montre au contraire l’inverse : plus vous êtes utilisateur de réseaux sociaux, plus vous « consommez » de courriers électroniques. La raison en est très simple : en fait, la valeur de l’e-mail est en train de migrer vers le réseau social, et l’e-mail ne devient plus qu’une passerelle, un trait d’union temporel. Il ne sert plus qu’à notifier, tenir au courant des nouveautés postées sur le réseau, suivre les mises à jour (un DM sur Twitter lisible d’un clic depuis un e-mail, le résumé d’une conversation, une nouvelle photo postée). Il est désormais inducteur d’actions. La vraie valeur des informations n’est plus dans l’e-mail, qui devient totalement périssable et jetable, mais dans la plateforme sociale.

Ces e-mails de notification sont en fait une réassurance, une transition en douceur d’un monde à l’autre. Une fois le réflexe pris d’aller sur le réseau social spontanément, il n’est plus nécessaire d’avoir ses notifications. C’est une questions de transition et d’évolution inéluctable des usages.

Pour preuve : à ce jour les entreprises ont de plus en plus tendance à communiquer sur les réseaux sociaux pour leurs relations publiques. Facebook est devenu un nouveau canal de discussion corporate (ce qui peut poser d’autres soucis, comme la confidentialité ou la propriété des données).

Ne nous leurrons pas : la transition sera longue. Raison de plus pour s’y mettre immédiatement ! Le réseau social est un nouvel outil centré sur l’utilisateur et non sur les process. L’e-mail aura toujours sa place dans certains cas (comme la validation d’inscription, les démarchages commerciaux, les notifications en provenance des réseaux sociaux) mais sa valeur va se déplacer. Cette transhumance peut, selon les entreprises et les projets, prendre entre quelques mois ou années. Mais au final c’est à la fois plus d’efficacité, de rapidité, de justesse dans les prises de décision, des rapports humains renforcés et une collaboration interne et externe à l’entreprise généralisée.

Billet initialement publié sur le blog de bluekiwi

Image CC Flickr PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification Frank Gruber et PaternitéPartage selon les Conditions Initiales Biscarotte

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