OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Petites histoires russes d’activisme en ligne qui font une grande différence http://owni.fr/2010/11/08/petites-histoires-russes-dactivisme-en-ligne-qui-font-une-grande-difference/ http://owni.fr/2010/11/08/petites-histoires-russes-dactivisme-en-ligne-qui-font-une-grande-difference/#comments Mon, 08 Nov 2010 14:07:29 +0000 Alexey Sidorenko (trad. Fabienne Der Hagopian) http://owni.fr/?p=34797 [liens en russe sauf mention contraire] Tandis que de l’autre côté de l’Atlantique les analystes d’Internet sont occupés à débattre [en anglais] si les nouvelles technologies influencent ou non le changement social et politique, les blogueurs russes apportent leur humble contribution à un débat dont ils ignorent probablement l’existence. Leurs victoires sont de petites victoires et elles ne sont pas nombreuses ; leur impact peut facilement être attribué aux marges d’erreur des statistiques –  mais elles n’en sont pas moins là.

Les succès de la blogosphère russe de ces derniers mois ont une chose en commun : ils se sont appuyés sur les média en ligne et ont provoqué des décisions de l’exécutif qui aident les gens à défendre leurs droits.

Éliminer l’obscénité et réparer les injustices

En mai 2010, Difgat Khantimerov, 44 ans, à la tête du district de Yermekeïevo en Bachkirie [en français], se faisait piéger sur une vidéo alors qu’il ordonnait à des écoliers d’une équipe de volley d’embrasser ses pieds pendant qu’ils faisaient des pompes. Cette approche si créative de l’éducation physique a attiré l’attention des blogueurs et en quelques mois la vidéo publiée sur YouTube par ermekeevo2010 a atteint près de 300.000 vues.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Il a fallu trois mois et demi pour que cette vidéo soit remarquée par les média traditionnels. Une des raisons de ce délai est que Khantimerov, outré par la diffusion incontrôlable de la vidéo, avait ordonné aux FAI locaux d’annuler tout projet de développement du haut débit dans le district de Yermekeevo.

Une autre raison est qu’aucun des enfants humiliés ne voulait attirer l’attention sur l’incident. Mais Khantimerov  a finalement dû faire face à ses responsabilités. Dès que les média traditionnels (tels que enta.ru et rg.ru) ont pris le relais des blogueurs, le président de Bachkirie a ordonné la révocation du fonctionnaire. Khantimerov a plus tard présenté ses excuses aux enfants.

Lilia Gumerova, la défenseure des enfants du Bachkortostan et la femme qui a rendu cette histoire publique, n’aurait pas atteint une fraction de ces résultats sans un téléphone portable, YouTube et la réaction des utilisateurs.

Enquêtes collaboratives

L’histoire d’Anna Buzilo (de Vladivostok) montre comment les enquêtes collaboratives peuvent être plus efficaces que celles de la police. La jeune femme de 25 ans disparaissait le 14 juin 2010. Trois jours plus tard, Kripton, utilisateur du forum de Vladivostok drom.ru, lançait un thème, demandant de l’aide aux internautes. Le 18 juin, le blogueur LeRoN posait une question triviale :

Au fait, est-ce qu’elle se disputait avec son petit ami ?

Ce n’est qu’en septembre, quand le meurtrier d’Anna a été identifié, que LeRoN a réalisé à quel point il était près de la vérité quand il avait posé sa question.

Au total, plus de 500 utilisateurs de drom.ru se sont joints aux recherches des amis et de la famille d’Anna pour la retrouver ou identifier son meurtrier ou son ravisseur. Le blogueur Bedaan a mis en place une collecte pour payer l’essence des enquêteurs volontaires. D’autres blogueurs ont distribué des tracts avec le signalement de la jeune femme. D’autres encore ont emmené les chiens policiers dans des endroits éloignés de la ville ou se sont servis de leurs relations pour obtenir le journal d’appel de son portable de la compagnie de téléphone.

Trois mois après la disparition d’Anna, Pavel, son petit ami, admettait l’avoir enlevée et demandé 130.000 dollars de rançon. Il était immédiatement arrêté. Selon un entretien avec l’un des participants aux recherches, c’était aussi la version des utilisateurs du forum. Un peu plus tard, Pavel confessait l’avoir tuée et révélait l’emplacement du corps.

Sans les forums comme drom.ru,  le cas d’Anna n’aurait pas fait l’objet d’une enquête si approfondie.

Une autre histoire a pour cadre la région de Ekaterinbourg où trois véhicules terrorisaient les conducteurs locaux sans être inquiétés par la police. Lors de l’un des incidents, les conducteurs des “trois voitures noires immatriculées à Tioumen” [une région voisine] ont vandalisé une voiture au hasard. L’utilisateur de LiveJournal [en français] pilgrim-67 s’est penché sur l’affaire. Il s’est servi des observations et des photos des forums locaux pour déchiffrer les plaques d’immatriculation des voitures, en a identifié les propriétaires et leurs comptes sur Odnoklassniki.ru, un réseau social russe. Il a donc réussi à complètement identifier les coupables et a même découvert que ces bandits de la route qui opéraient en toute impunité étaient liés à des membres du parti “Russie Unie” de la région de Tioumen.

Suite à l’enquête de pilgrim-67, la police a ouvert sa propre enquête criminelle et arrêté l’un des suspects. Là aussi les média sociaux ont rempli les deux fonctions de mener l’enquête et de mettre la pression sur les fonctionnaires.

Exposer la corruption

Global Voices a déjà couvert le rôle des communautés de LiveJournal comme outil de transparence. Mais l’impact de blogueurs individuels comme Alexeï Navalny et Ivan Begtine, est devenu encore plus important ces dernières semaines : ils ont fait échouer le vol d’1,8 million de dollars.

Le 15 octobre 2010, Evgueni Lerner (evgeniy1001 sur LJ) publiait un billet intitulé “55 millions de roubles en 16 jours ? – un réseau social du ministère de la Santé” dans lequel il dévoilait un étrange d’appel d’offres du ministère qui prévoyait de dépenser 1.8 million de dollars en deux semaines. Il était évident pour tout professionnel des services informatiques (SI) que le projet décrit était impossible à réaliser dans le délai prévu.

Alexeï Navalny et Ivan Begtin ont alors lancé avec d’autres blogueurs une campagne sur les blogs pour attirer l’attention sur les termes suspects de l’appel d’offre. Cette campagne a provoqué la démission du fonctionnaire responsable ainsi que l’annulation du projet.

L’affaire a inspiré à Navalny l’idée de proposer aux experts de services informatiques de tout le pays d’évaluer tous les futurs projets de l’administration dans ce domaine pour vérifier qu’ils n’avaient rien de suspect. Après cet appel, deux autres appels d’offres ont été aussitôt annulés. Navalny a admis que malheureusement il ne pensait plus qu’il y ait aucun appel d’offre en matière d’informatique qui ne soit pas suspect.

Toutes ces affaires prouvent une chose : les nouveaux média font une différence dans des domaines où rien n’aurait pu être fait auparavant.

Billet initialement publié sur Global Voices, illustration CC FlickR macloo

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Russie: nouvelle “règle des 24 heures” pour censurer les commentaires http://owni.fr/2010/07/17/russie-nouvelle-%e2%80%9cregle-des-24-heures%e2%80%9d-pour-censurer-les-commentaires/ http://owni.fr/2010/07/17/russie-nouvelle-%e2%80%9cregle-des-24-heures%e2%80%9d-pour-censurer-les-commentaires/#comments Sat, 17 Jul 2010 08:29:34 +0000 Alexey Sidorenko (trad. Fabienne Der Hagopian) http://owni.fr/?p=22278

[Liens en russe sauf mention contraire] Une décision [en anglais] de la Cour suprême de Russie du 15 juin qui “exonère” les sites d’information de toute responsabilité pour les commentaires de leurs visiteurs s’avère en fait être l’introduction d’une procédure de censure à grande échelle. Roskomnadzor, un service fédéral qui surveille Internet et les média traditionnels pour le ministère russe des Télécommunications, a introduit une nouvelle “règle des 24 heures” selon laquelle les médias en ligne doivent supprimer ou éditer les commentaires “inappropriés” de leurs sites dans les 24 heures suivant notification, sous peine de perdre leur immatriculation comme média.

Les sujets interdits sont énumérés à l’article 4 de la loi “Des médias d’information” et incluent l’incitation à la haine, le terrorisme, les liens vers de la pornographie et la révélation de secrets d’État.

Roskomnadzor a envoyé son premier avertissement officiel au site Apn.ru par e-mail le 23 juin, mais il n’était pas encore clair à l’époque si une requête officielle pouvait être envoyée par e-mail et quels étaient les délais pour supprimer le commentaire.  Le 6 juillet, Roskomnadzor a donc publié les lignes directrices de la nouvelle procédure dans un document au titre pompeux de “Procédure pour envoyer des notifications aux entités des médias d’information présentes sur les réseaux de télécommunications et sur Internet relativement à l’inadmissibilité des abus à la liberté d’information”. (version intégrale)

Voici cette procédure:

  • Un employé de Roskomandzor fait une capture d’image du commentaire inapproprié, la sauvegarde sur son disque dur et l’imprime.
  • Un officiel “responsable pour le contrôle gouvernemental et le respect de la loi en ligne”, approuve alors le bien-fondé de “l’abus de la liberté d’information” (le texte dit clairement “approuve” et non “juge” ou “décide”).
  • Ensuite, le département envoie un e-mail et un fax au propriétaire du site avec l’ordre de supprimer ou modifier le commentaire en question.
  • Si le site du média n’obéit pas à l’ordre dans les 24 heures, une notification légale est envoyée.  Après plusieurs notifications, la justice est saisie.  Si Roskomnadzor gagne le procès, le site perd son immatriculation de média.

Ni la loi “Des Médias d’Information“ ni Roskomandzor ne précisent si le site serait fermé s’il perd son immatriculation, mais pour la plupart des sites privés, cela signifierait l’incapacité de fonctionner légalement (facturer la publicité, payer les salaires des employés, etc.).

Sergey Sitnikov, responsable de Roskomnadzor, explique que le but de son département était de “prévenir la circulation d’informations contraires à la loi”, mais nombre de blogueurs russes sont concernés par cette idée et en parlent sur Habrahabr, un portail dédié aux services informatiques.

Quelques blogueurs ont essayé de rester optimistes (sans succès). StrangeAttractor écrit :

Si la loi interdit d’inciter au terrorisme ou au hooliganisme, c’est OK et c’est bien.  Mais si elle interdit d’exprimer une opinion sur quelque chose… ou d’être fier de son héritage national…, alors c’est clairement de la bêtise et de la provocation.

Newpravda écrit :

D’un côté, c’est une bonne idée, laissez-moi m’expliquer, de ne pas laisser un terroriste s’exprimer librement. Mais connaissant notre réalité, ils [Roskomnadzor] vont s’en servir [de la ‘règle des 24 heures'] pour tous les articles qu’ils veulent, je ne serais pas étonné s’ils interdisaient Gena et Cheburashka [en anglais] [héros de dessins animés à succès] pour propagande ou quelque chose.

Les divers effets et implications de la loi sont aussi discutés. Vitaliidaniuk est sceptique quant à l’efficacité de la loi, avançant qu’il serait très difficile de contrôler les commentaires Twitter que l’on retrouve souvent publiés près d’un article ou intégrés à des systèmes gestionnaires de commentaires (comme Disqus ou IntenseDebate).

Voldar a suggéré que le futur moteur de recherche national [en anglais] pourrait être utilisé pour détecter les commentaires inappropriés et envoyer des notifications aux auteurs automatiquement. XaosSintez écrit sur la possibilité que de fausses notifications de Roskomnadzor soient utilisées pour bloquer n’importe quelle discussion.  Et xoco partage son histoire sur la façon dont les autorités surveillent et contrôlent déjà ce qui se dit en ligne et dans la vie réelle :

Tout cela est très triste.  Ayant pris part à la création de la communauté en ligne de la ville de Lyubertsy [en anglais] (banlieue de Moscou), j’aimerais partager mon histoire.  Sur le forum, on discutait de l’état des routes, des nouveaux immeubles, de la désorganisation des marchés.  Et donc, les utilisateurs du forum considéraient l’idée de descendre dans la rue pour attirer l’attention sur l’état des routes avec des nids de poules profonds de plus de cinquante centimètres, et se demandaient s’ils devraient bloquer la circulation avec une manifestation.  Le jour même, nous avons reçu un message des autorités qui demandait les informations sur des activistes du forum – adresse IP, heures d’accès au forum, etc.  Comme si ces gens étaient mêlés à des activités extrémistes.  Qu’est-ce qui se passera ensuite ? Il n’y a pas la plus petite liberté d’expression.

Suite à ces discussions, les blogueurs ont créé un hashtag (mot-clép sur Twitter #ru_cenz pour répertorier tous les incidents liés à cette nouvelle mesure ainsi que la censure du Web russe en général.

Non seulement les dernières initiatives de Roskomnadzor violent la constitution russe, qui interdit toute forme de censure, mais elles semblent aussi contredire le point de vue du Président Medvedev sur ce sujet.  Ce cas est représentatif du régime politique en place : ignorance des lois et des droits humains, contradiction entre les textes et les actions, et finalement, une claire volonté d’influencer et de contrôler le web russe.

Billet initialement publié sur Global Voices ; image CC Flickr M i x y

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