OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Un point sur le débat sur la levée de l’anonymat des donneurs de gamètes http://owni.fr/2010/11/27/un-point-sur-le-debat-sur-la-levee-de-l%e2%80%99anonymat-des-donneurs-de-gametes/ http://owni.fr/2010/11/27/un-point-sur-le-debat-sur-la-levee-de-l%e2%80%99anonymat-des-donneurs-de-gametes/#comments Sat, 27 Nov 2010 08:58:48 +0000 Audrey Desantis http://owni.fr/?p=33489 Donneur, receveur, enfant issu d’IAD (insémination artificielle avec donneur) devenu maintenant adulte : suite à la tribune-témoignage d’Albertine Proust publiée le 9 septembre sur Sciences et Démocratie, chacun a eu l’occasion de donner son avis pour alimenter un débat riche et parfois passionné. Et force est de constater qu’à la veille du vote par l’Assemblée Nationale du projet de loi proposé par Roselyne Bachelot, ex-Ministre de la santé, le débat est loin d’être encore clos.

Une quête d’identité incomprise, des limites obscures

Roselyne Bachelot a tenu à l’assurer plusieurs fois : “l’anonymat du donneur sera respecté“. L’idée principale étant que le donneur de gamètes ne verra son anonymat levé qu’avec son accord préalable.  Cet accord ne sera sollicité qu’au moment de la majorité de l’enfant issu du don, si ce dernier en effectue la demande. D’après l’ex-Ministre de la santé,

“le texte prévoit aussi l’accès à des données non identifiantes du donneur, comme son âge. Des informations plus précises d’ordre socioprofessionnel et concernant sa motivation ne seront recueillies lors du don que si le donneur l’accepte.”

Les réactions sont sans appel et le doute s’installe quant à la nécessité de lever l’anonymat de telles informations. Quelles seront les limites ? Dans sa tribune, Albertine va plus loin en exprimant clairement son incompréhension face à cette “quête d’identité” :

Nous ne comprenons pas que des enfants de receveurs puissent faire de la découverte de l’identité du donneur un combat“.

Selon elle, l’histoire de l’enfant se démarque totalement de son origine génétique et du don de gamètes qu’elle a effectué mais s’ancre dans l’histoire de ses parents, de leur projet de conception, de leur chemin parcouru. Un avis parfois partagé, comme le décrit paulineadrien, dans un long commentaire argumenté.

Il me semble que le principal intérêt de retrouver le donneur pourrait être non-pas de savoir que le donneur est tourneur-fraiseur ou un polytechnicien ou qu’il mesure 1m85 [...] le principal intérêt pourrait être dans ce qu’on désigne par informations médicales“.

Un avis aussi souvent contredit, parfois de façon assez passionnelle. Un « IAD » de la première heure, aujourd’hui adulte, témoigne de sa quête identitaire :

Nous ne souhaitons pas établir ou nouer de relation durable avec notre donneur que nous ne considérons pas comme notre père ou notre mère, mais seulement voir son visage pour savoir ce qui constitue notre singularité et notre appartenance à l’humanité“.

Beaucoup semblent accepter le désir de certains adultes de connaître leurs origines génétiques, sans forcément le comprendre. Mais quelles sont les limites de la quête de chacun? Un visage, une discussion, des échanges réguliers ?

Et là, paraît la question du “tout-génétique”… et de la consanguinité !

Le coeur de la pensée d’Albertine Proust repose sur un refus de la mode du “tout-génétique” entretenue actuellement (1). Partout, l’on peut entendre parler de “gène de l’obésité”, “gène de l’intelligence”, “gène de l’alcoolisme”, un mélange de dérive sémantique – il faudrait plutôt parler de prédisposition génétique – et de scientisme édulcoré, où la biologie prend abusivement le dessus au détriment du psychologique et de l’affectif

Anne, qui témoigne sur le site de PMA (Procréation Médicalement Anonyme), association défendant la levée de l’anonymat, illustre bien cette idée :

Le plus difficile c’est de savoir que je ne saurai jamais qui est mon “père”, car pour moi il n’est ni un géniteur, ni un donneur… c’est mon père, biologique évidemment, mais mon père tout de même.

Dès lors se pose la question de définir les notions de père, mère, d’identité ou d’origine. Une question dont on trouve des éléments de réponse parmi les commentaires de la tribune. Eric défend l’idée de ne pas

confondre le fait de vouloir connaître ses conditions de naissance et le fait d’attribuer à la biologie des effets déterministes sur l’identité.

Quant à l’accès aux informations sur les donneurs, Valgm s’interroge :

Quand on vous fait miroiter l’illusion que c’est important, que ça vous sera bénéfique, comment ne pas être tenté ? Et tout ça pour quelles conséquences ?

Cette importance accordée aux gènes donne naissance à une peur tout aussi profonde que relativement injustifiée : celle du demi-frère ou de la demi-sœur cachés avec lesquels l’adulte issu d’IAD craint un rapport incestueux. Cette problématique est d’ailleurs abordée très vite dans le débat des internautes, notamment avec Chloé qui pose une question essentielle :

Cela voudrait-il dire qu’un enfant issu du don, et le sachant, vivra dans la peur constante de s’éprendre d’un demi-frère et devrait alors se restreindre à choisir qui ne lui ressemble pas de peur d’être en couple avec un membre de sa famille génétique ?“.

A vrai dire, la probabilité que cela arrive est quasiment nulle. Le risque de consanguinité est d’ailleurs plus élevé pour une personne conçue “traditionnellement”, d’après Eric qui précise qu’il y aurait

3 % d’enfants dont le père n’est pas l’ascendant génétique suite à un adultère“.

En France, depuis 1973, date de création des Cecos (Centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains), 50 000 enfants ont vu le jour suite à une IAD grâce à 9000 donneurs. Les lois de bioéthique instaurées en 1994 brident chacun à cinq dons, limite relevée plus tard à dix dons pour faire face à la pénurie de donneurs. Autrement dit, une goutte d’eau sur le nombre de naissances total depuis le début des années 70 (environ 30 millions). Pourtant, cette peur de la consanguinité et de l’inceste qui pourrait en résulter existe bel et bien.

Encore une fois, est-ce que l’on accorde une trop grande importance à la génétique et aux chromosomes, oubliant toute notion anthropologique de ce qu’est une famille, un “frère”, une “soeur” ? Quid de la notion de filiation entre le receveur et son enfant ? Faut-il conserver le mode actuel basé sur la filiation dite “charnelle” qui ne différencie pas un enfant issu d’un don d’un enfant “biologique” ou bien opter pour un mode proche de la filiation adoptive, en révélant donc potentiellement l’identité du donneur sur le certificat de naissance de l’enfant ?

Rétroactivité de la loi, sentiment de trahison et peur d’une diminution des dons

Après l’annonce de Roselyne Bachelot, les anciens donneurs se sont un peu sentis trahis et déconcertés face à une mesure allant à l’encontre des préconisations du rapport Leonetti publiées en janvier 2010. Pour Albertine Proust :

Maintenant que nous avons compris que notre anonymat pourrait à tout moment être remis en cause [...] la réaction la plus intelligente serait de demander la destruction de ce qu’il reste de nos dons. Nous ne voulons pas nous y résoudre

Et 70 % des donneurs suivent peu ou prou cet avis en étant contre la levée de l’anonymat. 60 % renonceraient d’ailleurs au don s’il leur était imposé de dévoiler leur identité. Du côté des receveurs aussi, des réactions hostiles naissent. Un quart d’entre eux semblerait renoncer à leur projet d’enfant si l’anonymat était levé. Par peur de voir leur famille déstabilisée ?

La peur de voir les dons diminuer s’accentue dans un contexte où les temps d’attente atteignent déjà six mois à un an pour bénéficier d’une IAD. Pour certains, aucun doute qu’une telle mesure va conduire à la “fuite” des dons et au développement de filières parallèles de dons illicites, sans limite, sans suivi, sans accompagnement. `

Pourtant les chiffres de pays précurseurs dans le domaine semblent indiquer le contraire. En Suède, premier pays dans le Monde à voter le même type de loi en 1984, le nombre de donneurs s’est stabilisé un an après son entrée en vigueur. Le Royaume-Uni ne paraît pas non-plus avoir été touché statistiquement par la levée de l’anonymat en 2005.

Mais le problème est ailleurs :

ne vaudrait-il pas mieux accompagner les couples qui ont recours à ces banques de gamètes?

interroge très justement Chloé en réponse à Albertine Proust. Toute la question est là.

Peu de parents révèlent à leurs enfants la façon dont ils ont été conçus, à cause du tabou et parfois de la honte de l’infertilité et des difficultés rencontrées. Mais alors que l’intérêt des enfants est à présent le plus mis en avant, ne serait-il pas plus constructif de mettre en avant l’intérêt de la famille dans son ensemble, autour du projet parental ? Quelles pourraient être les solutions mises en place pour accompagner les “receveurs” dans leur démarche et tout au long de leur vie ? Ces interrogations restent en suspens.

>> Article initialement co-publié sur Sciences et Démocratie & Prisme de tête

>> Images CC Flickr : M i x y et wellcome images

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http://owni.fr/2010/11/27/un-point-sur-le-debat-sur-la-levee-de-l%e2%80%99anonymat-des-donneurs-de-gametes/feed/ 2
En France, Le débat sur les cellules souches embryonnaires reste au point mort http://owni.fr/2010/11/25/en-france-le-debat-les-cellules-souches-embryonnaires-reste-au-point-mort/ http://owni.fr/2010/11/25/en-france-le-debat-les-cellules-souches-embryonnaires-reste-au-point-mort/#comments Thu, 25 Nov 2010 13:53:38 +0000 Audrey Desantis http://owni.fr/?p=33466 Alors que le débat américain sur les cellules souches ressemble à un feuilleton de soap-opéra – dernier épisode en date, un juge fédéral a annulé le décret de Barack Obama sur le financement public de la recherche sur des cellules souches – nous entendons peu parler de la situation en France.

Y-a-t-il une absence de débat scientifique ou s’agit-il simplement d’un manque d’intérêt public et politique pour la question? Éclairage sur un problème d’éthique certainement trop longtemps laissé de côté.

Espoirs étouffés dans l’œuf

Il s’agit tout d’abord de faire face à la pénurie de don d’organes et réparer des tissus malades mais, les promesses longtemps portées par les cellules souches s’estompent peu à peu face aux difficultés de parcours des chercheurs en thérapie cellulaire. Pourtant, on parlait de guérir la maladie de Parkinson, l’insuffisance cardiaque ou bien des maladies génétiques, entre autres.


Le souci, c’est qu’effectuer des recherches sur les cellules souches, et plus précisément sur les cellules souches embryonnaires (cellules ES) – des cellules capables de se transformer en n’importe quel tissu ou organe – c’est toucher au vivant et à l’humain. Et le débat peut être parfois vif et houleux en ce qui concerne l’Homme, quel que soit son stade de développement.

En France, la loi de bioéthique de 1994 interdit d’abord d’effectuer des recherches sur des embryons et a fortiori sur des cellules souches embryonnaires. Dix ans plus tard, le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE), le Conseil d’Etat et l’Académie Nationale de Médecine réalisent tout le potentiel de ces cellules et préconisent une autorisation sous conditions. Une révision de la loi de 1994 conduit donc à nuancer cette interdiction totale, en permettant pendant cinq ans certaines dérogations d’utilisation des embryons surnuméraires de fécondations in vitro, avec l’accord des géniteurs.

L’Agence de la biomédecine a d’ailleurs été créée à l’époque – le 5 mai 2005 – pour garantir un choix sélectif des projets choisis et des dérogations accordées, ces dernières n’ayant lieu que dans des cas particuliers menant à “permettre des progrès thérapeutiques majeurs” et surtout à ne pas remplacer une “méthode alternative d’efficacité comparable”. En parallèle, le gouvernement français signait à l’époque un décret permettant l’importation de cellules souches embryonnaires, sensé faciliter le travail des chercheurs et assurer une solution transitoire en attendant un débat plus décisif sur la question.

Mais, entre 2004 et 2008, seules 57 autorisations de protocoles de recherche sur les embryons ont été accordées en France et 39 autorisations d’importations. En réalité, la recherche en thérapie cellulaire  se trouve ralentie par le flou éthique et législatif mais aussi par les nombreuses étapes administratives à “subir” avant de pouvoir faire aboutir un projet viable de recherche.

La révision de la loi, un virage manqué

À l’occasion de la révision de la loi de bioéthique en 2009, le milieu de la recherche peut s’attendre à voir la situation évoluer vers une autorisation totale. En effet, une interdiction pure et simple signerait un véritable retour en arrière dans un débat de longue haleine.

À l’époque, Emmanuelle Prada-Bordenave, directrice de l’Agence de biomédecine décrit le système en marche comme étant “néfaste” d’un point de vue juridique. Dans la même veine, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) ainsi que le CCNE abondent dans le sens d’une recherche “autorisée mais encadrée”.

Mais le Conseil d’Etat, tout en reconnaissant les difficultés qu’impose le moratoire aux instituts de recherche, notamment en termes de prédictions de résultats thérapeutiques, rend sa décision en mai 2009 et préconise de conserver les mêmes normes d’autorisation. 2010 marque la mise en place d’une nouvelle réflexion autour d’une révision de la loi de 1994, une nouvelle de voir la situation évoluer. Alors aujourd’hui, où en sommes-nous?

Jean Leonetti, rapporteur de la mission parlementaire sur la bioéthique, avait proposé en début d’année de parler dorénavant d’obligation de “finalité médicale” et non-plus de “finalité thérapeutique”. Par “finalité médicale”, il faut comprendre “ayant pour but une amélioration de la santé de l’homme, et non le savoir pour le savoir”. Une façon détournée d’élargir les champs de recherche.

Plusieurs parlementaires de l’Opecst ont ensuite défendu l’autorisation réelle des projets de recherche sur les cellules ES, dans un cadre très strict, certes, et sous certaines réserves. Dans la foulée, ils ont permis l’ouverture du débat sur les cellules de sang de cordon, porteuses d’espoirs thérapeutiques.
Le projet de loi est aujourd’hui prêt et finalement… peu de changements effectifs. La recherche sur les cellules ES est toujours interdite, sauf dérogations. Seule modification : la limite de période de dérogation initialement  fixée à cinq ans disparait. Un pas de souris.

Le salut viendra peut-être des CPI (Cellules Pluripotentes induites), des cellules souches que deux équipes de recherches japonaise et américaine ont réussi à créer à partir de… cellules de peau humaine ! Si cette nouvelle piste de recherche aboutit, le débat sur l’utilisation d’embryons humains pourra se clore de lui-même. En attendant, c’est statu quo… ou quasiment.

Illustrations FlickR CC : BWJones, stefg74

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Cellules souches embryonnaires en France: un débat au point mort http://owni.fr/2010/11/19/cellules-souches-embryonnaires-un-debat-au-point-mort-en-france/ http://owni.fr/2010/11/19/cellules-souches-embryonnaires-un-debat-au-point-mort-en-france/#comments Fri, 19 Nov 2010 12:12:02 +0000 Audrey Desantis http://owni.fr/?p=36098 Alors que le débat américain sur les cellules souches ressemble à un feuilleton de soap-opéra – dernier épisode en date, un juge fédéral a annulé le décret de Barack Obama sur le financement public de la recherche sur des cellules souches – nous entendons peu parler de la situation en France.

Y-a-t-il une absence de débat scientifique ou s’agit-il simplement d’un manque d’intérêt public et politique pour la question? Éclairage sur un problème d’éthique certainement trop longtemps laissé de côté.

Espoirs étouffés dans l’œuf

Il s’agit tout d’abord de faire face à la pénurie de don d’organes et réparer des tissus malades mais, les promesses longtemps portées par les cellules souches s’estompent peu à peu face aux difficultés de parcours des chercheurs en thérapie cellulaire. Pourtant, on parlait de guérir la maladie de Parkinson, l’insuffisance cardiaque ou bien des maladies génétiques, entre autres.


Le souci, c’est qu’effectuer des recherches sur les cellules souches, et plus précisément sur les cellules souches embryonnaires (cellules ES) – des cellules capables de se transformer en n’importe quel tissu ou organe – c’est toucher au vivant et à l’humain. Et le débat peut être parfois vif et houleux en ce qui concerne l’Homme, quel que soit son stade de développement.

En France, la loi de bioéthique de 1994 interdit d’abord d’effectuer des recherches sur des embryons et a fortiori sur des cellules souches embryonnaires. Dix ans plus tard, le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE), le Conseil d’Etat et l’Académie Nationale de Médecine réalisent tout le potentiel de ces cellules et préconisent une autorisation sous conditions. Une révision de la loi de 1994 conduit donc à nuancer cette interdiction totale, en permettant pendant cinq ans certaines dérogations d’utilisation des embryons surnuméraires de fécondations in vitro, avec l’accord des géniteurs.

L’Agence de la biomédecine a d’ailleurs été créée à l’époque – le 5 mai 2005 – pour garantir un choix sélectif des projets choisis et des dérogations accordées, ces dernières n’ayant lieu que dans des cas particuliers menant à “permettre des progrès thérapeutiques majeurs” et surtout à ne pas remplacer une “méthode alternative d’efficacité comparable”. En parallèle, le gouvernement français signait à l’époque un décret permettant l’importation de cellules souches embryonnaires, sensé faciliter le travail des chercheurs et assurer une solution transitoire en attendant un débat plus décisif sur la question.

Mais, entre 2004 et 2008, seules 57 autorisations de protocoles de recherche sur les embryons ont été accordées en France et 39 autorisations d’importations. En réalité, la recherche en thérapie cellulaire  se trouve ralentie par le flou éthique et législatif mais aussi par les nombreuses étapes administratives à “subir” avant de pouvoir faire aboutir un projet viable de recherche.

La révision de la loi, un virage manqué

À l’occasion de la révision de la loi de bioéthique en 2009, le milieu de la recherche peut s’attendre à voir la situation évoluer vers une autorisation totale. En effet, une interdiction pure et simple signerait un véritable retour en arrière dans un débat de longue haleine.

À l’époque, Emmanuelle Prada-Bordenave, directrice de l’Agence de biomédecine décrit le système en marche comme étant “néfaste” d’un point de vue juridique. Dans la même veine, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) ainsi que le CCNE abondent dans le sens d’une recherche “autorisée mais encadrée”.

Mais le Conseil d’Etat, tout en reconnaissant les difficultés qu’impose le moratoire aux instituts de recherche, notamment en termes de prédictions de résultats thérapeutiques, rend sa décision en mai 2009 et préconise de conserver les mêmes normes d’autorisation. 2010 marque la mise en place d’une nouvelle réflexion autour d’une révision de la loi de 1994, une nouvelle de voir la situation évoluer. Alors aujourd’hui, où en sommes-nous?

Jean Leonetti, rapporteur de la mission parlementaire sur la bioéthique, avait proposé en début d’année de parler dorénavant d’obligation de “finalité médicale” et non-plus de “finalité thérapeutique”. Par “finalité médicale”, il faut comprendre “ayant pour but une amélioration de la santé de l’homme, et non le savoir pour le savoir”. Une façon détournée d’élargir les champs de recherche.

Plusieurs parlementaires de l’Opecst ont ensuite défendu l’autorisation réelle des projets de recherche sur les cellules ES, dans un cadre très strict, certes, et sous certaines réserves. Dans la foulée, ils ont permis l’ouverture du débat sur les cellules de sang de cordon, porteuses d’espoirs thérapeutiques.
Le projet de loi est aujourd’hui prêt et finalement… peu de changements effectifs. La recherche sur les cellules ES est toujours interdite, sauf dérogations. Seule modification : la limite de période de dérogation initialement  fixée à cinq ans disparait. Un pas de souris.

Le salut viendra peut-être des CPI (Cellules Pluripotentes induites), des cellules souches que deux équipes de recherches japonaise et américaine ont réussi à créer à partir de… cellules de peau humaine ! Si cette nouvelle piste de recherche aboutit, le débat sur l’utilisation d’embryons humains pourra se clore de lui-même. En attendant, c’est statu quo… ou quasiment.

Illustrations FlickR CC : BWJones, stefg74

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Levée de l’anonymat des donneurs de gamètes : un point sur le débat http://owni.fr/2010/11/19/levee-de-l%e2%80%99anonymat-des-donneurs-de-gametes-un-point-sur-le-debat/ http://owni.fr/2010/11/19/levee-de-l%e2%80%99anonymat-des-donneurs-de-gametes-un-point-sur-le-debat/#comments Fri, 19 Nov 2010 10:18:26 +0000 Audrey Desantis http://owni.fr/?p=36134 Donneur, receveur, enfant issu d’IAD (insémination artificielle avec donneur) devenu maintenant adulte : suite à la tribune-témoignage d’Albertine Proust publiée le 9 septembre sur Sciences et Démocratie, chacun a eu l’occasion de donner son avis pour alimenter un débat riche et parfois passionné. Et force est de constater qu’à la veille du vote par l’Assemblée Nationale du projet de loi proposé par Roselyne Bachelot, ex-Ministre de la santé, le débat est loin d’être encore clos.

Une quête d’identité incomprise, des limites obscures

Roselyne Bachelot a tenu à l’assurer plusieurs fois : “l’anonymat du donneur sera respecté“. L’idée principale étant que le donneur de gamètes ne verra son anonymat levé qu’avec son accord préalable.  Cet accord ne sera sollicité qu’au moment de la majorité de l’enfant issu du don, si ce dernier en effectue la demande. D’après l’ex-Ministre de la santé,

“le texte prévoit aussi l’accès à des données non identifiantes du donneur, comme son âge. Des informations plus précises d’ordre socioprofessionnel et concernant sa motivation ne seront recueillies lors du don que si le donneur l’accepte.”

Les réactions sont sans appel et le doute s’installe quant à la nécessité de lever l’anonymat de telles informations. Quelles seront les limites ? Dans sa tribune, Albertine va plus loin en exprimant clairement son incompréhension face à cette “quête d’identité” :

Nous ne comprenons pas que des enfants de receveurs puissent faire de la découverte de l’identité du donneur un combat“.

Selon elle, l’histoire de l’enfant se démarque totalement de son origine génétique et du don de gamètes qu’elle a effectué mais s’ancre dans l’histoire de ses parents, de leur projet de conception, de leur chemin parcouru. Un avis parfois partagé, comme le décrit paulineadrien, dans un long commentaire argumenté.

Il me semble que le principal intérêt de retrouver le donneur pourrait être non-pas de savoir que le donneur est tourneur-fraiseur ou un polytechnicien ou qu’il mesure 1m85 [...] le principal intérêt pourrait être dans ce qu’on désigne par informations médicales“.

Un avis aussi souvent contredit, parfois de façon assez passionnelle. Un « IAD » de la première heure, aujourd’hui adulte, témoigne de sa quête identitaire :

Nous ne souhaitons pas établir ou nouer de relation durable avec notre donneur que nous ne considérons pas comme notre père ou notre mère, mais seulement voir son visage pour savoir ce qui constitue notre singularité et notre appartenance à l’humanité“.

Beaucoup semblent accepter le désir de certains adultes de connaître leurs origines génétiques, sans forcément le comprendre. Mais quelles sont les limites de la quête de chacun? Un visage, une discussion, des échanges réguliers ?

Et là, paraît la question du “tout-génétique”… et de la consanguinité !

Le coeur de la pensée d’Albertine Proust repose sur un refus de la mode du “tout-génétique” entretenue actuellement (1). Partout, l’on peut entendre parler de “gène de l’obésité”, “gène de l’intelligence”, “gène de l’alcoolisme”, un mélange de dérive sémantique – il faudrait plutôt parler de prédisposition génétique – et de scientisme édulcoré, où la biologie prend abusivement le dessus au détriment du psychologique et de l’affectif

Anne, qui témoigne sur le site de PMA (Procréation Médicalement Anonyme), association défendant la levée de l’anonymat, illustre bien cette idée :

Le plus difficile c’est de savoir que je ne saurai jamais qui est mon “père”, car pour moi il n’est ni un géniteur, ni un donneur… c’est mon père, biologique évidemment, mais mon père tout de même.

Dès lors se pose la question de définir les notions de père, mère, d’identité ou d’origine. Une question dont on trouve des éléments de réponse parmi les commentaires de la tribune. Eric défend l’idée de ne pas

confondre le fait de vouloir connaître ses conditions de naissance et le fait d’attribuer à la biologie des effets déterministes sur l’identité.

Quant à l’accès aux informations sur les donneurs, Valgm s’interroge :

Quand on vous fait miroiter l’illusion que c’est important, que ça vous sera bénéfique, comment ne pas être tenté ? Et tout ça pour quelles conséquences ?

Cette importance accordée aux gènes donne naissance à une peur tout aussi profonde que relativement injustifiée : celle du demi-frère ou de la demi-sœur cachés avec lesquels l’adulte issu d’IAD craint un rapport incestueux. Cette problématique est d’ailleurs abordée très vite dans le débat des internautes, notamment avec Chloé qui pose une question essentielle :

Cela voudrait-il dire qu’un enfant issu du don, et le sachant, vivra dans la peur constante de s’éprendre d’un demi-frère et devrait alors se restreindre à choisir qui ne lui ressemble pas de peur d’être en couple avec un membre de sa famille génétique ?“.

A vrai dire, la probabilité que cela arrive est quasiment nulle. Le risque de consanguinité est d’ailleurs plus élevé pour une personne conçue “traditionnellement”, d’après Eric qui précise qu’il y aurait

3 % d’enfants dont le père n’est pas l’ascendant génétique suite à un adultère“.

En France, depuis 1973, date de création des Cecos (Centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains), 50 000 enfants ont vu le jour suite à une IAD grâce à 9000 donneurs. Les lois de bioéthique instaurées en 1994 brident chacun à cinq dons, limite relevée plus tard à dix dons pour faire face à la pénurie de donneurs. Autrement dit, une goutte d’eau sur le nombre de naissances total depuis le début des années 70 (environ 30 millions). Pourtant, cette peur de la consanguinité et de l’inceste qui pourrait en résulter existe bel et bien.

Encore une fois, est-ce que l’on accorde une trop grande importance à la génétique et aux chromosomes, oubliant toute notion anthropologique de ce qu’est une famille, un “frère”, une “soeur” ? Quid de la notion de filiation entre le receveur et son enfant ? Faut-il conserver le mode actuel basé sur la filiation dite “charnelle” qui ne différencie pas un enfant issu d’un don d’un enfant “biologique” ou bien opter pour un mode proche de la filiation adoptive, en révélant donc potentiellement l’identité du donneur sur le certificat de naissance de l’enfant ?

Rétroactivité de la loi, sentiment de trahison et peur d’une diminution des dons

Après l’annonce de Roselyne Bachelot, les anciens donneurs se sont un peu sentis trahis et déconcertés face à une mesure allant à l’encontre des préconisations du rapport Leonetti publiées en janvier 2010. Pour Albertine Proust :

Maintenant que nous avons compris que notre anonymat pourrait à tout moment être remis en cause [...] la réaction la plus intelligente serait de demander la destruction de ce qu’il reste de nos dons. Nous ne voulons pas nous y résoudre

Et 70 % des donneurs suivent peu ou prou cet avis en étant contre la levée de l’anonymat. 60 % renonceraient d’ailleurs au don s’il leur était imposé de dévoiler leur identité. Du côté des receveurs aussi, des réactions hostiles naissent. Un quart d’entre eux semblerait renoncer à leur projet d’enfant si l’anonymat était levé. Par peur de voir leur famille déstabilisée ?

La peur de voir les dons diminuer s’accentue dans un contexte où les temps d’attente atteignent déjà six mois à un an pour bénéficier d’une IAD. Pour certains, aucun doute qu’une telle mesure va conduire à la “fuite” des dons et au développement de filières parallèles de dons illicites, sans limite, sans suivi, sans accompagnement. `

Pourtant les chiffres de pays précurseurs dans le domaine semblent indiquer le contraire. En Suède, premier pays dans le Monde à voter le même type de loi en 1984, le nombre de donneurs s’est stabilisé un an après son entrée en vigueur. Le Royaume-Uni ne paraît pas non-plus avoir été touché statistiquement par la levée de l’anonymat en 2005.

Mais le problème est ailleurs :

ne vaudrait-il pas mieux accompagner les couples qui ont recours à ces banques de gamètes?

interroge très justement Chloé en réponse à Albertine Proust. Toute la question est là.

Peu de parents révèlent à leurs enfants la façon dont ils ont été conçus, à cause du tabou et parfois de la honte de l’infertilité et des difficultés rencontrées. Mais alors que l’intérêt des enfants est à présent le plus mis en avant, ne serait-il pas plus constructif de mettre en avant l’intérêt de la famille dans son ensemble, autour du projet parental ? Quelles pourraient être les solutions mises en place pour accompagner les “receveurs” dans leur démarche et tout au long de leur vie ? Ces interrogations restent en suspens.

>> Article initialement co-publié sur Sciences et Démocratie & Prisme de tête

>> Images CC Flickr : M i x y et wellcome images

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