OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Nouvelle stratégie d’Apple: ne pas s’adresser aux early adopters ? http://owni.fr/2010/09/08/nouvelle-strategie-d%e2%80%99apple-ne-pas-s%e2%80%99adresser-aux-early-adopters/ http://owni.fr/2010/09/08/nouvelle-strategie-d%e2%80%99apple-ne-pas-s%e2%80%99adresser-aux-early-adopters/#comments Wed, 08 Sep 2010 11:06:38 +0000 Valentin Pringuay http://owni.fr/?p=27486 Une théorie voudrait nous faire croire que, pour s’assurer le succès d’un nouveau produit technologique, il faut d’abord s’adresser aux early adopters.

Ce terme, traduit en français par “premiers adopteurs”, désigne toute la population qui veut absolument posséder le dernier gadget technologique dès son lancement. Ici peuvent se ranger toutes les personnes qui font la queue devant un Apple Store ou une boutique Orange/SFR/Bouygues le jour du lancement d’un nouveau téléphone.

Les early adopters vont ensuite être les premiers, enthousiastes, à montrer à leur entourage ce nouvel objet, ce qui pourra tendre à inciter une plus grande population à l’acheter.

Ce modèle a été théorisé en sociologie sous le nom de “cycle de vie d’adoption de technologie” et se présente comme sur le schéma suivant :

Nous voyons ici que les “premiers adopteurs” correspondent à 13,5% des clients. Ces personnes vont ensuite venir aider à convaincre la “majorité tôt” (early majority), puis une fois que le produit s’est imposé sur le marché, la majorité tardive (late majority) va acquérir l’appareil. Et nous finissons par les laggards, les retardataires, les personnes réticentes à l’innovation.

Sauf que, conclure d’après ce schéma qu’il faut marketer tout produit pour séduire les early adopters, serait une erreur.

Par définition, un early adopter est une personne qui va vouloir posséder tous les derniers gadgets technologiques… alors utiliser votre temps et votre budget pour les séduire pourra être inutile…

Par opposition, il est courant de penser que tenter de convaincre les personnes réticentes à l’innovation serait une perte de temps. Les évangelistes et marketers tendent à les ignorer complétement.

Mais il s’agit peut être d’une grave erreur.

Une étude pour démontrer l’intérêt de ces retardataires

C’est dans une étude pour une académie israelienne de marketing que Jacob Goldenberg et Shaul Oreg vont essayer de démontrer l’intérêt de ces “retardataires”.

Prenons un exemple.

Arthur est une personne réticente quant à l’adoption des nouvelles technologies. Il avait acheté un Walkman pour écouter des cassettes en allant faire du jogging tous les matins. Les lecteurs CD Discman sont sortis bien des années plus tard, mais Arthur ne sentit aucun besoin d’en acheter un. Après tout, son Walkman fonctionnait très bien et il ne voulait pas acheter de nouveau sa musique sur CD.

Puis les lecteurs MiniDisc sont arrivé sur le marché, dans l’indifférence la plus totale pour Arthur.

Puis, seize ans après avoir acheté son lecteur cassette portable, les lecteurs mp3 sont devenus la nouvelle tendance.

Ce jour-là, Arthur fut obligé de se rendre compte que son encombrant Walkman était complétement dépassé. Peut-être même que son lecteur cassette montrait des signes de faiblesse et qu’il commençait à fonctionner moins bien.

Arthur était ainsi de nouveau prêt à acheter un nouvel appareil pour sa musique, et devint ironiquement l’une des toutes premières personnes à acheter un iPod.

Il s’agit, comme le désigne l’étude de Goldenberg & Oreg, de l’effet “saute-mouton” (leapfrog effect). Une personne retardataire, à force d’être réticente, pourra devenir l’un des tout premiers early adopters de certains produits.

La définition de ces “retardataires” serait donc fausse puisque, dans le cas de plusieurs générations de produits, ils peuvent sauter des générations et être dans les premiers par la suite.

Voici la théorie, mais est-ce que cela se vérifie en pratique ?

Pour cela, Goldenberg a lancé un sondage auprès de 105 personnes en 2003 pour découvrir quelle sorte d’appareil audio ils utilisaient.

10% des répondants avaient agit exactement comme Goldenberg l’avait prédit en passant du lecteur cassette au mp3.

Et 23 autres pour cent n’avaient pas encore remplacé leur lecteur cassette et pouvaient potentiellement sauter également les générations pour devenir pionniers en achetant la prochaine innovation que nous ne connaissons pas encore.

Un impact économique énorme

D’après Goldenberg, l’impact économique de ces “retardataires” serait énorme. Selon ses calculs, si seulement 10% des “retardataires” sautent les générations, leur achat pourrait augmenter les profits d’un nouvel objet de 89%.

Si nous en croyons les résultats de cette étude, des générations de marketers auraient fait une erreur colossale en snobbant les retardataires.

De plus, si vous prenez un early adopter qui a l’habitude d’acheter toutes les nouveautés… quelle est la valeur de son avis lorsqu’il va en parler autour de lui ? Il va passer pour un geek qui s’entousiasme pour le moindre changement d’OS de son iPhone.

Alors que Arthur, notre retardataire connu pour étre réticent au changement, possède un immense pouvoir de persuasion. En effet, en montrant son adoption pour un nouveau produit, les personnes vont immédiatement s’intéresser à l’objet. Si ce gars arriéré s’est acheté ce produit, pourquoi pas moi ?

De même, si vous avez 50 ans et que vos enfants sont sur Facebook… vous allez prendre cela comme une nouvelle lubie qu’ils auront probablement vite remplacé. Par contre, si vos parents de 70-80 ans vous expliquent pourquoi ils ont décidé de se créer un compte sur Facebook… là vous n’aurez pas d’autre choix que de vous dire : “Mince, il faut que je jette sérieusement un oeil à ce truc”.

Ce qui nous amène à l’iPad.

De très nombreux geeks ont décidé de le renier en bloc en le découvrant lors de la présentation par Apple.

L’iPad ne fait rien de mieux que leur iPhone ou leur ordinateur portable… ils ne peuvent donc pas comprendre pourquoi quelqu’un pourrait souhaiter en avoir un.

Par contre, pensez à toutes ces personnes réticentes qui n’ont jamais acheté de smartphone ou même d’ordinateur portable. De très nombreux consommateurs plus âgés n’ont d’ailleurs jamais acheté d’ordinateur du tout, intimidé par le clavier et la souris.

Mais aujourd’hui, leurs enfants prennent des photos numériques et des vidéos de leurs petits-enfants, et ils apprécieraient probablement d’avoir quelque chose qui pourrait leur permettre de consulter facilement ces choses. Quelque chose qui aurait une interface intuitive et qu’ils pouraient facilement emmener avec eux.

Ils sont désormais prêt à sauter le pas pour acheter quelque chose de radicalement nouveau.

Et lorsque l’on voit la manière dont a été lancé l’iPad, cette stratégie peut transparaître. Aux dernières conférences sur l’iPhone (avant l’iPhone 4), il a été beaucoup montré le potentiel des applications et notamment des jeux. Lorsque vous souhaitez atteindre un public relativement (voire assez) âgé, cela n’est pas la bonne manière de les intéresser.

Il était nécessaire pour Apple d’associer sa tablette à un monde beaucoup plus valorisant et sérieux. C’est ainsi que, même avant de présenter le projet de cette tablette, Apple a immédiatement rencontré les grands pontes de la presse pour leur présenter l’opportunité que représentait l’iPad.

Et dès la keynote de présentation, c’est le directeur du New York Times qui s’est retrouvé au côté de Steve Jobs. Le monde de la presse s’est immédiatement emballé. L’iPad allait-il révolutionner le monde de la presse ? Lui donner un nouvel essor ?

Pourtant, il serait bien de retourner cette question autrement…

Le monde de la presse espérait un grand retournement, puisque force est de constater que la jeunesse ne se tourne plus beaucoup vers elle.

Mais pourquoi avoir décidé de penser qu’avoir une application sur l’iPad allait tout changer ?

La presse associée à l’iPad pour attirer les consommateurs plus âgés

Si Apple a contacté ce monde de la presse, ce n’était pas dans l’intérêt des journaux.

Je vais vous poser une petite devinette.

Qui sont les plus gros consommateurs de presse papier ?

Évidemment, les personnes d’un certain âge. Et présenter ce nouvel appareil au fonctionnement simple, comme étant un très bon support pour lire la presse, ce n’était pas pour attirer la jeunesse vers la presse, mais pour attirer les personnes plus âgées vers l’iPad.

On dirait donc que Apple a radicalement changé la manière de marketer ses nouveaux produits auprès du public.

Preuve en est encore de l’iPhone 4.

Les geeks se sont moqués de Facetime : la téléphonie vidéo n’a jamais fonctionné après tout. Mais Apple pourrait réunir les conditions pour réussir (comme le démontrait déjà cet article publié sur Presse-Citron).

Et encore une fois, Apple ne vise pas ici les early adopters. Rappelez-vous la publicité qui a été montrée à la keynote Apple… Est-ce que l’on voit le côté fun de la chose avec des jeunes qui s’amusent sur un fond de punk-rock ?

Non, c’est une vieille chanson de Louis Armstrong qui est diffusée. Et l’on voit des parents éloignés qui partagent des moments avec leurs enfants. Nous pouvons voir des personnes âgées utiliser Facetime pour être proches de leur petite-fille le jour de sa remise des diplômes.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Et comme la vidéo ne fonctionne que d’iPhone 4 à iPhone 4, si les grands-parents en achètent un pour se rapprocher de leurs enfants/petits-enfants, cela les oblige à l’achat d’un iPhone 4 également.

Toute la stratégie actuelle de Apple avec l’iPad, le rapprochement avec les journaux, Facetime… cela ne vise aucunement toute la population geek qui en parle tant, Apple vise une part de marché que de trop nombreux concurrents tendent à oublier : les personnes réticentes aux nouvelles technologies.

Source : Wired & Wikipedia. Illustration : Jean Jullien

Billet initialement publié sur Web Tribulation

Image de homepage Michael.Sutton

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Les méfaits d’une grande audience sur Twitter http://owni.fr/2010/08/18/les-mefaits-d%e2%80%99une-grande-audience-sur-twitter/ http://owni.fr/2010/08/18/les-mefaits-d%e2%80%99une-grande-audience-sur-twitter/#comments Wed, 18 Aug 2010 06:31:23 +0000 Valentin Pringuay http://owni.fr/?p=24979

Parfois, il y a des histoires qui sont tellement intéressantes qu’il faut juste les raconter. Mais écrire un blog, c’est souvent donner son avis. Je suis pourtant également de ceux qui aiment beaucoup écouter les gens parler et apprendre de leurs paroles. L’article qui suit n’est donc pas véritablement de moi. Il a été écrit par Clive Thompson sur Wired [EN] et j’avais juste envie de le traduire pour le partager avec une audience francophone. Bien évidemment, je l’ai enrichi et me suis approprié le sujet.
Et, une fois que vous l’aurez lu, j’espère pouvoir m’enrichir de vos paroles et juste vous écouter en commentaire.

Lorsque nous parlons de réseau social, plus c’est grand, mieux c’est. Du moins, c’est ce que de nombreuses personnes pensent. Plus le nombre de personnes qui vous suivent ou sont amis avec vous est grand, plus vous êtes important et génial. C’est pourquoi nous sommes parfois tellement en admiration devant des personnes qui ont plus d’un million de followers sur Twitter.
Mais avoir une énorme audience sur Twitter peut avoir des points négatifs.

Lorsque vous passez de quelques centaines de followers à une dizaine de millier, quelque chose d’inattendu se produit : le principe de réseau social vole en éclat.

Prenons le cas de l’Américaine Maureen Evans.
Cette jeune femme utilise Twitter depuis ses tout débuts en 2006, où elle arriva rapidement à une centaine de followers. Comme de nombreux utilisateurs, elle appréciait la nature des conversations que faisait naître ce medium : un follower répondait à l’un de ses messages et d’autres followers allaient venir immiscer dans la conversation pour faire naître une véritable conversation.
Puis, en 2007, elle commença un petit projet sur Twitter : publier des recettes, chacune condensées en 140 caractères. Elle amassa très vite 3000 followers, mais sa communauté en ligne ressemblait toujours à une petite ville : parmi ses habitués, les gens se connaissaient et discutaient entre eux.
Mais alors que son audience grandissait encore et encore, dépassant les 13.000, le sens de communauté s’évapora. Les personnes arrêtèrent de discuter ou de lui adresser la parole.

C’était devenu totalement silencieux

s’étonna-t-elle.
Pourquoi ? Parce que la socialisation ne pouvait plus suivre. Une fois qu’un groupe a atteint une certaine taille, chaque participant commence de nouveau à s’y sentir anonyme. Les personnes qui semblaient proches, presque comme des amis, semblent soudainement trop importantes, et donc distantes.
“Elles ont l’impression qu’elles ne peuvent plus être celles qui feront la contribution utile”, explique Maureen Evans : donc la conversation s’arrête.

Retour à une diffusion de type radio ou télévision

Mais Evans n’est pas la seule. Cette histoire semble se répéter chez de nombreuses personnes qui ont gagné en popularité sur Twitter. Avec quelques centaines ou milliers de followers, elles s’amusent – mais dès que l’on franchit une certaine limite, le réseau social s’effondre et les médias sociaux ne sont plus sociaux du tout.
Il ne s’agit plus vraiment de discuter et de partager
puisque nous retournons à quelque chose qui ressemble d’avantage à une diffusion dans le pur style radio ou télévision.
Une personne avec plusieurs dizaines de milliers de followers va diffuser de l’information sans que les interactions soient aussi riches qu’avec 1000 followers.
Les followers vont partager l’information, la “retweeter”, simplement parce qu’il s’agit de la seule chose à faire.
Donner son avis ? Pour quoi faire ? Quelqu’un comme Eric Dupin (@pressecitron) doit recevoir plus de trente réponses à la moindre question.
Est-ce que vous pensez qu’il est possible ensuite de remercier/discuter/débattre avec chacune d’elle sans que cela devienne un job à plein temps ?
Lorsque vous avez 1000 followers, vous avez tendance à répondre à toutes les personnes qui vous envoient un message, voire à remercier pour chaque retweet.
Lorsque vous avez atteint 40.000 followers, le choix des personnes à qui répondre se fait de la même façon que sur le standard d’une radio. Cet “auditeur” a des propos intéressants, répondons-lui, donnons-lui la parole… même si cela signifie laisser l’immense majorité des autres personnes dans le silence.

Un outil pour anticiper  un trop grand cercle social ?

Et si la conversation devient plus difficile lorsque le nombre de followers dépasse un certain seuil, ce n’est pas seulement à cause de cette audience qui se sent intimidée. S’il est plus difficile pour les personnes de ressentir la même proximité avec une personne qui a 50.000 followers qu’avec une personne qui en a 500, la personne en question a aussi tendance à s’auto-censurer.
En effet, les personnes qui se retrouvent avec une audience énorme ont tendance à écrire de manière plus prudente, un peu comme un homme politique.

Clive Thompson terminait son article en se faisant la réflexion que, peut-être, fallait-il créer des outils qui récompenseraient l’anonymat, qui encourageraient à rester dans l’ombre. Il pense aussi à un service qui préviendrait les utilisateurs lorsque le cercle social devient trop grand pour être viable.
Je ne suis pas totalement convaincu par cette approche qui ne fonctionnera pas auprès du grand public, mais il a raison sur un point : être connecté à moins de personnes a un avantage : nous discutons avec eux, contrairement au fait de communiquer vers eux.

Billet initialement publié sur Web Tribulation

Image CC Flickr Desmond Kavanagh

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