OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Sarkozy bat en retraite http://owni.fr/2012/04/11/sarkozy-bat-en-retraite/ http://owni.fr/2012/04/11/sarkozy-bat-en-retraite/#comments Wed, 11 Apr 2012 16:32:31 +0000 Pierre Leibovici et Grégoire Normand http://owni.fr/?p=105543 OWNI ont mis à l'épreuve les chiffres évoqués par Nicolas Sarkozy sur l'augmentation des pensions de retraite. Verdict : dans sa tentative de séduction de l'électorat âgé, le président-candidat pèche par excès d'optimisme. Et flirte plus que jamais avec la dernière place dans le classement OWNI-I>Télé de la crédibilité des six principaux candidats à la présidentielle.]]>

Rien ne va plus pour les deux lanternes rouges du classement quotidien du Véritomètre, permettant de vérifier l’exactitude des déclarations chiffrées ou chiffrables des six principaux candidats à la présidentielle. Nicolas Sarkozy repasse sous la barre des 44% de crédibilité (43,9%), à seulement six dixièmes de Marine Le Pen (43,3%), toujours dernière au classement. Avec 59,9%, Eva Joly rattrape son retard sur Jean-Luc Mélenchon, qui reste en tête avec 62,1% de crédibilité.

Au cours des dernières 24 heures, l’équipe du Véritomètre a vérifié 49 citations chiffrées des candidats à l’élection présidentielle. Résumé des quelques faits qui ont retenu notre attention.

Nicolas Sarkozy réforme les retraites

C’est le grand argument de la campagne du président-candidat, la France a, mieux que les autres pays européens, traversé l’épreuve de la crise économique. Un exemple ? Les pensions de retraite ont augmenté ces dernières années.

Mais, au gré des discours et des interviews, la hausse évoquée par Nicolas Sarkozy a tendance à changer de nature. Ainsi, les retraites auraient suivi la hausse de l’inflation, comme il l’indiquait dans l’émission Parole de candidat sur TF1, le 12 mars dernier :

J’ai continué à indexer les retraites [sur l'inflation].

Moins d’un mois plus tard, lors de la conférence de presse du 5 avril où il a présenté son programme, Nicolas Sarkozy parle cette fois-ci d’une “actualisation” des pensions de retraite, pas de leur “indexation” sur l’inflation :

Non seulement en France on n’a pas diminué les pensions de retraite, à la différence de ce qui s’est fait dans tant de pays européens, mais on les a actualisées.

Et le candidat UMP a bien fait de se corriger. Car, si les pensions de retraite du régime général ont effectivement augmenté en France en 2011 – de 0,6% d’après la revue Cadr’@ge [PDF] de la Caisse nationale d’assurance maladie -, cette hausse a été très éloignée de l’inflation. D’après l’Insee, l’indice des prix à la consommation, qui correspond à ce que l’on désigne généralement par l’inflation, a augmenté de 2,5% pour la seule année 2011.

Autrement dit, les pensions de retraites ont augmenté 4,2 fois moins vite que les prix en 2011. Une précision que se garde bien de rappeler le président-candidat.

Jean-Luc Mélenchon logé à la bonne enseigne

L’équipe du Véritomètre s’est refusée à vérifier le nombre de sympathisants présents au discours de Jean-Luc Mélenchon à Toulouse, le 6 avril dernier. Il en va autrement des chiffres qu’il a évoqués sur les inégalités de logement :

Huit millions de mal-logés dans la cinquième puissance du monde [la France]

Aucune source officielle ne permet de confirmer ce chiffre. En revanche, le rapport 2012 de la Fondation Abbé-Pierre, qui fait autorité auprès du ministère du Logement, estimait à huit millions le nombre de personnes en situation de mal-logement en France. Conformément, donc, aux propos du candidat Front de Gauche.

Quant à la puissance économique de la France, Jean-Luc Mélenchon est aussi dans le juste. D’après les données de la Banque mondiale, le Produit intérieur brut (PIB) de la France s’est élevé à 2560 milliards de dollars (courants) en 2010, faisant donc du pays la “cinquième puissance du monde”.

Les mauvais calculs de François Bayrou

François Bayrou a été par deux fois ministre de l’Éducation nationale, entre mars 1993 et mai 1995, puis entre novembre 1995 et juin 1997, et il entend bien le rappeler. Quitte à en faire un peu trop sur ses résultats de l’époque, comme lors du discours qu’il a tenu à Poitiers le 5 avril dernier :

Depuis que j’ai quitté le ministère de l’Éducation nationale, la France n’a cessé de glisser dans les classements internationaux.

Les “classements internationaux” dont parle le candidat MoDem sont en fait au nombre de un, s’agissant de sources officielles, en l’occurrence le Programme international de suivi des acquis des élèves (Pisa), réalisé tous les trois ans par l’OCDE.

Or, la première enquête du Pisa n’est parue qu’en 2002, cinq ans après le passage de François Bayrou au ministère de l’Éducation nationale. Et elle se basait sur des données récoltées en 2000. Difficile d’affirmer, donc, que c’est en raison de son départ du ministère de l’Éducation que le score de la France dans le classement international des systèmes scolaires s’est dégradé.

Le classement Pisa ne réussit décidément pas à François Bayrou. Celui qui se réclame davantage président de l’Association pour la défense du calcul mental en France – comme à Caen le 7 avril dernier - que président du MoDem a une fois de plus avancé, lors de son discours à Poitiers, que la France était “34 ème sur 35 [pays membres de l’OCDE] pour le calcul”. La dernière édition du Pisa [PDF] affiche plutôt la France (page 9) au quinzième rang de l’OCDE, à égalité avec la République tchèque, pour la culture mathématique.


Les vérifications des interventions sont réalisées par l’équipe du Véritomètre : Sylvain Lapoix, Nicolas Patte, Pierre Leibovici, Grégoire Normand et Marie Coussin.
Retrouvez toutes nos vérifications sur le Véritomètre et nos articles et chroniques relatifs sur OWNI
Illustrations par l’équipe design d’Owni /-)

]]>
http://owni.fr/2012/04/11/sarkozy-bat-en-retraite/feed/ 1
Regards sur une décennie de mal-logement http://owni.fr/2011/04/30/argos-regards-sur-une-decennie-de-mal-logement/ http://owni.fr/2011/04/30/argos-regards-sur-une-decennie-de-mal-logement/#comments Sat, 30 Apr 2011 16:00:56 +0000 Ophelia Noor http://owni.fr/?p=58756 Au début des années 2000, plusieurs photographes du collectif Argos ont réalisé des reportages sur la question du mal-logement et des personnes sans-abri. Ils ont suivi, pendant plusieurs mois, le quotidien de familles vivant dans un bois à côté d’une cité HLM en Seine-et-Marne, fait le tour des hôtels meublés du 20ème arrondissement de Paris, rencontré des hommes vivant sur une bretelle d’accès du périphérique à Porte Maillot ou suivi le parcours d’un homme, de la rue à la réinsertion.

Dix ans après, les sans-abris étaient dans l’agenda de l’Union européenne qui faisait de l’année 2010, celle de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. L’objectif : trouver des positions communes et développer des politiques globales et efficaces dans les pays de l’Union.
La fin du sans-abrisme, une utopie ? Le jury de la conférence de consensus sur le sans-abrisme organisée à Bruxelles en décembre dernier répondait, avec optimisme et détermination :

L’absence de chez-soi constitue une injustice grave et une violation des droits fondamentaux de l’homme à laquelle on peut et on doit mettre fin. Le jury considère ainsi que l’absence de chez-soi peut être progressivement réduite et que l’on peut, en fin de compte, y mettre un terme.

Le Parlement lui emboîtait le pas avec cette déclaration du 16 décembre 2010 sur la stratégie de l’UE pour les personnes sans-abri, qui demande :

  • au Conseil de s’engager avant la fin de l’année 2010 à régler la question des personnes sans-abri d’ici 2015,
  • invite la Commission (…) à aider les États membres à élaborer des stratégies nationales efficaces
  • demande à EUROSTAT de recueillir des données sur les personnes sans-abri.

Pour le moment, c’est la France qui serait championne européenne du mal logement, avec 52 personnes sans domicile fixe pour 100.000 habitants.

Nous avons laissé la parole aux photographes du collectif Argos qui nous racontent, chacun, l’histoire de leur reportage et de leurs rencontres.

Ces familles qui n’ont plus droit de cité

Par Eléonore Henry de Frahan

Apres l'école Morgane, 8 ans, rentre chez elle. Chez elle, ce sont les quatre caravanes du haut, dans ce petit bois coincé entre la nationale 105 et le château d'eau où vivent deux familles et un homme seul. ©Eleonore Henry de Frahan Collectif Argos/PictureTank

C’est en 2000 que je découvre à la lisière des villes, des familles françaises qui survivent dans des habitats de fortune sans électricité ni eau courante. Pour assurer une vie décente à leurs enfants, les parents cumulent les petits boulots. Je m’y rendais en RER et à vélo et je développais mes films moi-même.

J’ai rencontré les familles petit à petit avec l’aide du Dr Moriau de Médecins du monde qui m’a introduit. Madeleine est salariée comme femme de ménage. Pourtant, elle vit en caravane, avec son mari Gérard et ses deux filles, de 8 et 10 ans, juste en face de la barre HLM de Seine-et-Marne d’où ils ont été expulsés.

Ils n’ont ni eau ni électricité. Ils se servent d’un poêle à bois pour se chauffer et d’un groupe électrogène pour la télé. Tentant comme les autres parents du campement d’assurer une vie décente à leurs enfants. Notre société moderne lancée dans une course effrénée au profit laisse derrière elle une part de plus en plus importante de la population.

Il y a huit ans, Gérard a perdu son emploi. Après plusieurs mois sans revenus, la petite famille est venue camper dans ce bois. Au fil des ans, ils ont acquis plusieurs caravanes et les ont retapées. Chacune d'elle est une pièce de la maison. ©Eleonore Henry de Frahan Collectif Argos/PictureTank

J’ai réalisé ce reportage sans commande. Je voulais tout simplement sensibiliser les gens à ce problème de société. Des familles n’ont plus accès aux biens de consommation qu’on leur propose au quotidien, à un minimum de confort, ou tout simplement à un logement et à une vie décente. Cette précarité gagne du terrain et déferle aujourd’hui sur le monde du travail (missions d’intérims, travail à temps partiel). Avoir un emploi ne garantit plus l’intégration ni la protection sociale.

Patrick monte un vélo pour son fils avec les matériaux qu'il a récupéré. ©Eleonore Henry de Frahan Collectif Argos/PictureTank

Je suis retournée les voir régulièrement et le travail s’est échelonné sur un an et demi. J’ai continué a leur rendre visite ponctuellement pendant un temps, quand je le pouvais. Dernièrement je voulais justement avoir de leurs nouvelles mais ils ne sont plus sur le terrain et je ne sais plus comment les joindre.

Le reportage a été publié sur 8 pages dans VSD, il a été expose à différents endroits comme le centre culturel de Rezé, de Woluwe St. Lambert a Bruxelles, le festival de Biarritz sur la violence moderne, et il a accompagné les journées du livre avec l’association ATD quart monde.

Matériel : un Nikon f3 et des films Tri X n/b

Hôtels meublés

Par Guillaume Collanges

J'ai trouvé un appartement à 3800 francs mais je ne peux pas. Je touche 4000 francs par mois. ©Guillaume Collanges Collectif Argos/PictureTank

Le reportage sur les hôtels meublés s’est étalé sur six mois, en 2000. J’habitais le 20ème et c’est un arrondissement ou il y en a pas mal. Plusieurs fois je suis passé devant sans y prêter attention. Un jour j’ai lu une plaque “Hotel meublé – chambre au mois” et je me suis demandé qui vivait ici. J’ai fait du porte à porte, essayant de rentrer dans les établissements mais beaucoup d’entre eux n’aiment pas les curieux. Les marchands de sommeil préfèrent la discrétion.

A l’époque la moyenne était de 3500 francs (env 500€) pour une chambre avec lavabo. C’était le prix d’un studio sur le marché privé. Quand je trouvais un endroit accessible je faisais tous les étages en expliquant bien aux gens que je faisais un reportage. Peu voulaient répondre, surtout les femmes qui sont donc sous représentées dans le reportage. Elles se méfiaient d’un homme inconnu, même s’il se présentait comme un journaliste, d’autant qu’à l’époque je n’avais pas la carte de presse.

Je suis ici depuis trois mois. J'ai 37 ans, j'ai loué un appartement jusqu'à 33 ans, depuis, je vis en meublé. Je suis analyste programmeur, je travaille a Paris, parfois, en province. ©Guillaume Collanges Collectif Argos/PictureTank

L’ambiance dans ces hôtels est souvent triste, voir violente quand il y a trop d’alcool. Des situations de misère et de précarité qui s’installent dans la durée. Un seul avait une ambiance quasi “familiale”, je n’avais d’ailleurs pas eu le droit d’aller voir les deux premiers étages réservés aux habitués de longue date. Du 3ème au 5ème c’était autorisé, et pourtant une dame était là depuis dix ans !

Cela fait 10 ans que je suis ici, et mon fils onze. J

Toutes ces rencontres m’ont beaucoup marqué , certaines n’ont jamais été diffusées car les personnes n’ont pas voulu signer l’autorisation de diffusion. Mais je retiendrai toujours cette conclusion qu’avait eu une des rares femmes rencontrées, ancienne institutrice : “les problèmes, ça rend médiocre.”

Matériel : appareil Nikon fm, 35mm f2 et film Kodak Supra 400

Vie périphérique

Par Cédric Faimali

Thierry dans sa cabane au bord du périphérique parisien. @Cédric Faimali Collectif Argos/PictureTank

C’était en 2003, j’avais repéré les tentes de Thierry et Diego sur mon chemin en passant par la Porte Maillot. Quand je suis arrivé sur leur campement la première fois, Diego est sorti avec une barre de fer et m’a dit :

“Qu’est-ce que tu viens chercher ici ? Il n’y a rien à voler !”
J’ai répondu : “Je viens en ami”
Et il m’a dit : “Il n’y a pas d’amis ici !”

J’ai quand même réussi à amorcer la discussion et à lui expliquer ce que je faisais là. Je me rappellerai toujours de cette phrase : “Il n’y a pas d’amis ici”. La peur de se faire attaquer et dépouiller est constante. Diego, ancien légionnaire de 48 ans était installé là depuis 1999 avec son chat Gavroche, et venait de se faire agresser par des jeunes quand je l’ai rencontré. Il était tailladé au couteau.

Diego s'approvisionne en eau potable grâce aux bouches d'incendies des pompiers. @Cédric Faimali Collectif Argos/PictureTank

Diego et Thierry étaient un peu comme des Robinson Crusoë, ils disaient : “la société veut pas de nous, et nous, on veut pas d’elle. On n’étale pas notre misère en pleine rue, la mendicité fait chier tout le monde.” Ils se débrouillaient pour trouver de la nourriture, subvenir à leurs besoins. Ils en étaient fiers. Ils avaient la télé avec une batterie, ils coupaient du bois pour se chauffer. Ça ne les intéressait pas de toucher le RMI ou la CMU quand je les ai rencontré.

Le linge de Diego et Thierry sèche le long du boulevard périphérique. @Cédric Faimali Collectif Argos/PictureTank

Le reportage a duré tout un hiver et j’ai continué au printemps et à l’été suivant. Parfois je ne faisais pas de photos, j’allais discuter, j’amenais des batteries chargées, des cigarettes, des vêtements ou des couvertures. C’est très long comme reportage, c’est lourd psychologiquement, les gens sont parfois sur la défensive, ils ne comprennent pas toujours notre démarche, refusent de se faire prendre en photos et c’est normal. C’est leur vie. Il faut s’apprivoiser et aussi que la confiance s’installe.

Thierry, je l’ai croisé par hasard, en 2006, au bureau de Poste près de chez moi. Il avait eu des problèmes de dents, il s’était fait soigner et m’avait dit qu’il était hébergé. Puis leur campement a brûlé en 2007, j’étais allé voir les pompiers qui en étaient au début de l’enquête. Il privilégiaient l’accident.

Thierry dort malgré le bruit incessant des voitures. @Cédric Faimali Collectif Argos/PictureTank

Je vais reprendre ce sujet avec des personnes qui vivent dans les tunnels de La Défense, un autre endroit où on est pas censé vivre, dans les sous-sols du pôle financier. Aujourd’hui, leur campement a disparu.

Matériel : appareil panoramique hasselblad Xpan, film Porta 400 NC

Gilles, de la rue à la réinsertion

Par Jéromine Derigny

Gilles, SDF de 37 ans, fait sa vie entre Montreuil et Vincennes. Une grande partie de la journée, Gilles fait la manche, toujours au même endroit. ©Jérômine Derigny Collectif Argos/PictureTank

J’ai réalisé ce sujet en commande pour le Pèlerin, en janvier 2007 où j’ai suivi pendant plusieurs jours le quotidien de Gilles, rencontré au Samu social.

Après la publication, Gilles, ayant déjà passé plusieurs années à la rue, a semblé retrouver un regain d’énergie pour continuer à se battre, et trouver un centre d’hébergement. Puis du travail en réinsertion. J’ai décidé de garder le contact avec lui puisqu’il avait un portable, ça n’était pas trop compliqué. C’est ainsi que pendant un an, j’ai continué à le retrouver de temps à autres, dans son parcours de réinsertion à l’association Neptune, basée à Montreuil.

Gilles, sdf depuis plusieurs années et jusqu'en 2007, est maintenant en réinsertion, tant sur le plan du travail que du logement. ©Jérômine Derigny Collectif Argos/PictureTank

Une deuxième publication dans le Pèlerin a eu lieu un an après la première. On ne se refait pas si vite d’années de rue, et tout n’a pas été simple pour Gilles, une année ne suffit bien sûr pas pour se réinsérer. J’ai continué à garder contact avec lui, mais il est parti en province, chez Emmaüs. Puis petit à petit j’ai perdu sa trace, les coups de fil s’espaçant… de mon fait plutôt.

Gilles a organisé un tournoi de pétanque, ou se mélangent habitants du foyers, et personnes du quartier. ©Jérômine Derigny Collectif Argos/PictureTank

Je serais curieuse de savoir où il en est actuellement, je lui souhaite bien entendu d’avoir encore progressé dans son parcours…

Peut-être que lui ou une de ses connaissances sera lecteur d’OWNI !?

Matériel : Nikon D200 24mm (35mm) f2.8

48 rue du faubourg Poissonnière

Par Guillaume Collanges

Au 48 rue du Faubourg Poissonnière, les familles ont campé plus de deux mois dehors en attendant le relogement. ©Guillaume Collanges Collectif Argos/PictureTank

Au cours du reportage sur les meublés en 2000, je suis rentré en contact avec le DAL. Je voulais suivre également les mal logés qui squattent ces immeubles innocupés de Paris. Celui ci appartenait à une compagnie d’assurance italienne et était vide depuis plusieurs années quand les familles sont rentrées dedans.

C’était insalubre, les rats envahissaient la cour la nuit mais certains logements étaient assez grands. Les gens étaient plutôt “bien ici” pour la plupart. Mais un immeuble pas entretenu se délabre et deux plafonds s’étaient affaissés provoquant l’expulsion manu militari de deux familles….. vers des hôtels meublés comme solution provisoire. Bien sûr.

Dialika retrouvera un logement dans Paris. ©Guillaume Collanges Collectif Argos/PictureTank

La plupart des adultes travaillaient et avaient leurs papiers, et étaient en attente de logement social depuis des années…. comme beaucoup trop.
J’ai passé quinze jours avec eux sous la tente, les gens y dormaient à tour de rôle. C’est fatiguant, la rue est bruyante et le réveil est à 5h avec le premier camion poubelle de la ville. Les gens ont tous été relogés grâce à l’action du DAL.

Un été à Paris, au 48 rue du faubourg poissonnière. ©Guillaume Collanges Collectif Argos/PictureTank

Matériel : Nikon F90, 35mm f2, et film Supra 400


Crédits photos : © Collectif Argos/Picture Tank Tous droits réservés
Retrouvez les cinq reportages dans notre visionneuse /-)

Le collectif Argos fête ses 10 ans. Les rédacteurs et photographes vous invitent au vernissage de leur exposition le 11 mai à 18h00 à l’Espace Confluences à Paris.

Téléchargez le pdf.


L’intégralité des reportages est sur le site du collectif Argos :
Jérômine Derigny : Gilles de la rue à la réinsertion (2007 et 2009)
Guillaume Collanges : 48 bd poissonnière (2000) et Hôtels meublés (2000)
Cédric Faimali : Vie périphérique (2003)
Éléonore de Frahan : Ces familles qui n’ont plus droit de cité (2000)

]]>
http://owni.fr/2011/04/30/argos-regards-sur-une-decennie-de-mal-logement/feed/ 3
Entre SDF et mal-logés, un constat pour le moins alarmant http://owni.fr/2011/02/15/entre-sdf-et-mal-loges-un-constat-pour-le-moins-alarmant/ http://owni.fr/2011/02/15/entre-sdf-et-mal-loges-un-constat-pour-le-moins-alarmant/#comments Tue, 15 Feb 2011 14:50:48 +0000 Aymeric Pontier http://owni.fr/?p=46780 Dans le cadre de mon cursus universitaire, j’ai réalisé un stage de fin d’études au sein d’un des plus grands bailleurs sociaux de France, ce qui a donné lieu à l’écriture de mon mémoire sur “L’appropriation du développement durable par les bailleurs sociaux“. Pour ce faire, j’ai du me lancer dans de nombreuses recherches sur les problèmes de logement en France, et les réponses apportées par les pouvoirs publics au fil du temps. Très vite, j’ai vu que le logement était victime de ces vilaines petites manies bien de chez nous : rigidité administrative, évaluation très insuffisante des politiques menées, et surtout une effervescence législative démentielle !

Abondance de lois mais aucun impact sur le logement

Honnêtement, je ne suis même pas arrivé à faire une liste complète de toutes les lois votées sur le sujet, qui se sont empilées les unes sur les autres. Depuis que le logement est devenu un sujet politique (il y a environ un siècle et demi), le rythme de l’ingérence publique n’a fait qu’augmenter, et depuis les années 1990 nous sommes passés à une nouvelle loi tous les un ou deux ans en moyenne… soit à chaque changement de ministre en gros. L’accès au logement est l’un des domaines privilégiés de la législation émotionnelle à répétition, à l’instar de la folie sécuritaire. Pour autant, les difficultés liées au logement ne se sont pas arrangées. Dans son rapport 2011 sur le mal-logement, la Fondation Abbé Pierre a dressé un constat assez édifiant :

Dans une société aussi organisée et riche que la nôtre, et sensée par ailleurs être “solidaire“, on se demande comment il est possible qu’1% de la population soit privé de domicile personnel, et qu’il y ait plus de 130 000 personnes vivant dans la rue. Surtout pour un pays dont les dépenses publiques s’élèvent désormais à plus de 1000 milliards d’euros chaque année !

Tout d’abord, il ne faut pas perdre de vue le fait que les situations des sans-domicile sont très hétérogènes. Dans son rapport annuel (2009), l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS), chargée du contrôle et de l’évaluation des politiques publiques de la sécurité sociale, a dressé une liste des différentes catégories (page 51) :

le «clochard», tel que le sens commun l’entend, qui subsiste très minoritairement, sédentarisé ou non, le «travailleur pauvre», employé ou ouvrier en emploi précaire, le «jeune» en rupture familiale ou issu d’une prise en charge institutionnelle (aide sociale à l’enfance, protection judiciaire de la jeunesse), les personnes en souffrance psychique ou à comportements addictifs, les étrangers dépourvus de titre de séjour, installés en France ou en transit, les anciens détenus, et les familles avec enfants expulsées de leur logement (un quart des personnes sans abri est accompagné d’enfants…).

La catégorie la plus représentée est celle des étrangers sans titre de séjour, pourchassés qui plus est par la politique menée en matière d’immigration. Si l’on s’en tient aux seuls sans domicile francophones présents en France qui ont pu être enquêtés par l’INSEE en janvier 2001, la part des étrangers serait de 29 %, soit une proportion quatre fois plus élevée que dans l’ensemble de la population française. Voici l’étude INSEE la plus récente sur le sujet.

Le rapport de l’IGAS permet d’en savoir plus sur la politique menée pour venir en aide aux sans-domicile:

En premier lieu des moyens dédiés à l’hébergement. L’hébergement d’urgence (près de 27 000 places) offre un abri, un diagnostic, une orientation. L’hébergement de stabilisation est destiné aux personnes pour lesquelles une insertion professionnelle n’est pas prévisible à brève échéance (près de 8 000 places). L’hébergement d’insertion accueille les personnes ou les familles qui connaissent de graves difficultés, notamment économiques, familiales, de logement, de santé ou d’insertion, en vue de les aider à accéder à une autonomie personnelle et sociale ou à la recouvrer (30 000 places). À côté de ces dispositifs dédiés, les deux tiers environ des logements conventionnés à l’aide au logement temporaire (soit 15 500 logements) accueillent des personnes en attente d’un logement durable. Les places d’hébergement et de logement adapté sont financés principalement par l’État, pour un budget d’environ 800 millions d’euros.

(page 6 du rapport de l’IGAS)

De fait, il n’y a donc pas assez de places pour tout le monde…
Mais encore faudrait-il que les sans-domicile profitent des places existantes ! Selon les secteurs, ce n’est pas toujours le cas. Notamment, parce qu’il est difficile de connaître avec précision les besoins à un endroit donné, ou les profils des personnes concernées. La dernière enquête détaillée de l’INSEE date de 2001, et il n’y en aura pas de nouvelle avant 2012. En clair, la politique n’est pas assez adaptée. Dans son rapport, l’IGAS fait de nombreuses propositions pour améliorer l’efficacité des dispositifs, elle pointe du doigt des structures en trop grand nombre et demande à ce qu’elles soient fusionnées, ou à défaut que les efforts soient davantage coordonnés.

Des logements sociaux pour ceux qui n’en ont pas besoin

Parfois, pour améliorer la situation, il suffit de choses très banales, telles que la simplification de la demande de logement social, par exemple. L’IGAS précise qu’il a fallu attendre l’année 2009 pour que des fichiers communs à tous les bailleurs soient mis en place, ce qui est tout de même la moindre des choses ! Mais bien plus grave, apparemment, le passage des centres d’hébergement d’urgence aux logements sociaux n’est pas aussi aisé qu’on pourrait l’espérer…

A la page 71, l’IGAS résume la situation :

En fait, un accès plus fluide des personnes hébergées aux logements «très sociaux» supposerait notamment que le taux de rotation des personnes occupant des logements de ce type puisse être accéléré, et cette accélération passe elle-même par un accès plus aisé au logement social, qui nécessiterait à son tour que les sorties du parc HLM vers le locatif privé soient plus nombreuses : c’est en définitive toute une chaîne dont il conviendrait de modifier le fonctionnement. Une partie majeure de l’offre de logement social est financièrement inaccessible à ces personnes, qui ne peuvent souvent prétendre qu’à un niveau de loyer très social, alors même qu’elles représentent environ 80 % des demandeurs de logement social

Ubuesque, les logements sociaux sont trop chers pour les pauvres.

Dans un billet éclairant, Vincent Bénard expliquait il y a déjà deux ans que : 2,25 millions de ménages qui ne devraient pas avoir besoin d’aide publique pour se loger occupent un logement aidé. Pour rappel, il y a environ 4,2 millions de logements sociaux en France. En résumé : Plus de la moitié des logements sociaux sont occupés par des gens qui n’y ont pas leur place. Pire, il y aurait 50 000 ménages parmi les plus riches, gagnant entre 11 200 à 13 500 euros par mois, qui occuperaient actuellement des HLM.

Dans une étude comparative, l’OCDE précise pourtant que : “Les systèmes de logement social qui sont orientés vers ceux qui sont le plus dans le besoin semblent atteindre leurs objectifs à un coût moindre que des systèmes moins ciblés“. Donc, non seulement les logements sociaux ne bénéficient pas à ceux qui en ont le plus besoin, mais en plus ce choix économique coûte plus d’argent ! Vous l’aurez compris, l’une des principales urgences serait de demander aux ménages les plus riches, mais aussi à la classe moyenne, de quitter les logements indûment occupés.

De plus, j’estime qu’il faudrait enfin songer à regrouper les différents organismes HLM publics : il y en a près de 300 en France, soit une moyenne de 3 par département. Pour les départements les plus peuplés, comme le Nord, pourquoi pas. Mais pour les zones quasi-désertiques, franchement ?

Et dans le privé? Prix exorbitants et faible pouvoir d’achat des plus pauvres

Mais si tous ces gens, sensés avoir les moyens de se loger dans le privé, préfèrent opter pour un logement social, c’est aussi parce que se loger coûte bien trop cher. Le marché de l’immobilier en France souffre d’un important problème d’offre, et depuis longtemps, qui ne parvient pas malgré toutes les incitations fiscales possibles et imaginables à satisfaire la demande.

Sans faire dans le simplisme béat ni dans l’exagération inutile, il n’y a nul besoin d’aller chercher bien loin pour en comprendre les raisons principales : la réglementation qui restreint les nouvelles constructions dans des zones bien précises, généralement celles qui en ont le plus besoin. L’interdiction de construire en hauteur est la difficulté majeure : elle limite le nombre de logements dans les grandes villes, et donc les prix s’envolent. Et en plus elle pousse à une extension urbaine destructrice d’écosystèmes ! Je croyais qu’on était passés à une société de développement durable ? Il est temps de supprimer ces interdictions, généralement prises sous des prétextes obscures, et d’un soi-disant “intérêt général” qui n’est jamais défini. Certes, les grandes villes seront plus denses. Et alors ? Il faut savoir si on veut offrir un logement pour tous ou pas…

Il ne faut pas oublier non plus les problèmes sempiternels de la France : un chômage de masse depuis 30 ans qu’aucune politique publique n’est parvenue à endiguer (cas unique dans les pays de l’OCDE) et une fiscalisation qui détruit le pouvoir d’achat des français les plus pauvres, un système de subventions et de réglementations incompréhensible du fait de sa complexité et de la multiplication des acteurs en charge, l’idéologie de la conservation du patrimoine qui pousse à sauvegarder précieusement le moindre morceau de pierre, etc etc…

Bien que le rapport de la Fondation Abbé Pierre soit indispensable pour connaitre la situation du mal-logement en France, en revanche certaines des propositions qu’elle avance pour résoudre la crise en cours laissent à désirer, tant cela serait en réalité contre-productif, en particulier en ce qui concerne un renforcement du “contrôle des loyers”. Toutes les études et enquêtes ont montré, depuis des décennies, que le contrôle des loyers n’a que deux fonctions : l’augmentation du coût des loyers dans les logements non contrôlés et la diminution des constructions nouvelles, du fait de la crainte des propriétaires de perdre de l’argent. Bref, tout le contraire de l’objectif fixé.

En définitive, la crise du mal-logement est l’un de ces sujets de société auquel des réponses simples, rapides et efficaces pourraient être apportées. Mais le choix du conservatisme et des intérêts en place fait qu’elles sont sans cesse repoussées. De fait, il y aura encore des sans-domicile dormant dans la rue pendant un sacré bout de temps. Jusqu’à quand ?

Billet publié initialement sur Singularité et Infosphère sous le titre Comment résorber la crise du logement?

Illustrations Flickr CC Damien Roué, Marc Donnadieu

]]>
http://owni.fr/2011/02/15/entre-sdf-et-mal-loges-un-constat-pour-le-moins-alarmant/feed/ 2