OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 87 000 prisonniers perdus http://owni.fr/2012/03/26/87-000-prisonniers-perdus/ http://owni.fr/2012/03/26/87-000-prisonniers-perdus/#comments Mon, 26 Mar 2012 07:55:13 +0000 Pierre Leibovici http://owni.fr/?p=103102 OWNI est parti à la recherche de ces prisonniers, pas perdus pour tout le monde. ]]>

Maison d'arrêt de la Santé. Paris Surveillants fermant la grille d'accès à la cour de promenade © Olivier Aubert/Picture Tank

C’est l’histoire d’un chiffre à succès. Répété à l’envi, du Front national à l’UMP, pour justifier la multiplication du nombre de prisons en France. Un chiffre qui impressionne. Et qui trompe. Ce chiffre, c’est celui des peines de prisons en attente d’exécution. Le ministre de la Justice, Michel Mercier, parle de :

87 000, au 31 décembre dernier

Donc 87 000 personnes en France dont la condamnation a été prononcée par un juge mais n’est pas encore appliquée. Bien plus que le nombre de places opérationnelles dans les prisons du pays, 57 213 au 1er mars 2012, selon le ministère de la Justice.

L’argument est imparable pour qui veut convaincre de la nécessité d’agrandir le parc carcéral français, à commencer par Marine Le Pen, qui préfère parler de “peines prononcées qui n’ont jamais été exécutées” ou de “peines qui ne sont jamais appliquées” plutôt que de peines “en attente d’exécution”. Avant de lancer cette proposition :

Créer dans les plus brefs délais, 40 000 nouvelles places de prison.

Mais la réalité des peines de prison en attente d’exécution est plus complexe. Seules 4,2% d’entre elles présentaient une durée supérieure à un an et deux mois en juin 2011. Un détail qui a son importance.

Petites peines

Car depuis la loi pénitentiaire n° 2009-1436 votée le 24 novembre 2009, les peines égales ou inférieures à deux ans d’emprisonnement – contre un an auparavant – sont aménageables, c’est-à-dire exécutables sous le régime de la semi-liberté, du placement à l’extérieur ou de la surveillance électronique. Si le seuil à un an reste malgré tout maintenu pour les personnes récidivistes, la loi pénitentiaire de 2009 a engagé une petite révolution en matière d’application des peines, avec pour but avoué le désengorgement des prisons.

La France carcérale

La France carcérale

Maison d'arrêt de Béthune, taux d'occupation carcérale : 216%. Faa'a Nuutania, Polynésie Française : 235%. Prison par ...

Une révolution qui n’a pas plu à tout le monde, et notamment au député Eric Ciotti. Dans son rapport sur le renforcement de l’efficacité des peines, il écrit ainsi que la possibilité d’aménager des peines inférieures à deux ans “n’est légitimement ni comprise, ni admise par la plupart de nos concitoyens”. D’où la proposition n°33 de son rapport visant à supprimer purement et simplement les avancées permises par la loi pénitentiaire de 2009.

La proposition n°33 n’a pas été retenue dans le projet de loi sur l’exécution des peines voté le 29 février dernier par l’Assemblée nationale et validé le 22 mars par le Conseil constitutionnel. L’avenir de l’aménagement des peines reste pourtant incertain.

En juin dernier, sur les 85 600 peines en attente d’exécution, plus de 82 000 étaient aménageables. Mais pas aménagées. Comme l’indique le rapport d’Eric Ciotti, seules “9 774 personnes bénéficient d’un aménagement de peine sous écrou” au 1er mai 2011.

Interrogée par OWNI sur cet écart entre les peines qui pourraient être aménagées et celles qui le sont réellement, la sénatrice Nicole Borvo, rapporteure du Projet de loi de programmation relatif à l’exécution des peines, a une explication simple :

Le passage devant le juge de l’application des peines [chargé de décider de l’aménagement d’une peine, NDLR] est beaucoup trop long en France. Des gens sont condamnés mais attendent des mois avant de savoir s’ils vont finalement aller en prison, les services d’application des peines sont débordés, bref, on manque de moyens.

Dans l’annexe du projet de loi sur l’exécution des peines figurent les mesures qui seront engagées pour “garantir la célérité et l’effectivité de l’exécution des peines prononcées”. L’augmentation des moyens accordés aux services d’application des peines arrive en dernière position, 400 postes devant être créés d’ici à 2017 dans les juridictions et les bureaux d’exécution des peines. La priorité est ailleurs dans le projet de loi : “porter la capacité du parc carcéral à 80 000 places”.

45 000 condamnations de plus

Plus largement, la construction de nouvelles prisons légitimée par le nombre de peines en attente d’exécution amène à une réflexion sur le sens des courtes peines. L’étude d’impact du projet de loi relatif à l’exécution des peines avouait elle-même que “les peines d’une durée inférieure ou égale à 3 mois constituent la moitié du stock des peines en attente d’exécution”.

De quoi rendre dubitatif le sénateur Jean-René Lecerf, qui s’exprimait ainsi lors de l’examen du projet de loi au Sénat :

Mais de quoi parle-t-on ? La moitié de ces peines en attente d’exécution sont égales ou inférieures à trois mois. Quelle est la signification d’une peine de trois mois ?

Et Nicole Borvo de renchérir :

Les courtes périodes d’incarcération n’ont aucun effet en matière de réinsertion. Elles n’ont aucune valeur ‘pédagogique’.

Pour la fermeture des prisons

Pour la fermeture des prisons

La prison n'a toujours pas atteint les objectifs fixés il y a plus de deux siècles. Elle reste le lieu de l'inhumain, de ...

Le poids de ces courtes peines est à mettre en parallèle avec l’augmentation des condamnations ces dernières années : 45 129 de plus au cours de la décennie 2000, d’après les chiffres de l’Insee. Une évolution dont tient compte le projet de loi sur l’exécution des peines puisque son “scénario le plus probable” prévoit l’augmentation de “2% par an en moyenne des condamnations à des peines privatives de liberté”.

Le 6 mars dernier, plus de soixante députés ont saisi le Conseil constitutionnel pour juger la conformité du projet de loi sur l’exécution des peines à la Constitution. Un texte que la Haute juridiction a finalement validé en l’état, la semaine dernière, le 22 mars. Les parlementaires ne l’attaquaient que sur les partenariats avec le secteur privé envisagés par la loi pour permettre de disposer des places supplémentaires.

Une décision qui résonne comme une excellente nouvelle pour les rois du BTP carcéral, Bouygues, Eiffages et GDF-Suez en tête, dont les Partenariats public-privé (PPP) sur 24 000 places de prison supplémentaires pourront représenter de beaux profits.


Photographie par Olivier Aubert / Picture Tank © tous droits réservés

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Les geôles oubliées de la République http://owni.fr/2011/12/09/prisons-noumea-surpopulation-carcerale/ http://owni.fr/2011/12/09/prisons-noumea-surpopulation-carcerale/#comments Fri, 09 Dec 2011 13:11:20 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=90016 Cet article fait partie de notre dossier sur les prisons à l’occasion de la sortie du numéro 10 de Snatch qui consacre un dossier de 60 pages au sujet. En partenariat avec WeDoData, OWNI a réalisé deux infographies, adaptées sous la forme d’applications, sur la France carcérale et l’état des prisonniers français pour le numéro 10 de Snatch, dans les kiosques samedi 10 décembre.

Des critiques au vitriol. Le contrôleur général des prisons, Jean-Marie Delarue, a jeté une lumière crue sur les “violations graves des droits fondamentaux d’un nombre important de personnes” enfermées dans le centre pénitentiaire de Nouméa, en Nouvelle-Calédonie. Publié le 6 décembre au journal officiel, le texte évoque des détenus “entassés”, dans “des cellules insalubres où [ils] subissent une sur-occupation frôlant les 200 % dans le centre de détention et le quartier de semi-liberté et atteignant 300% dans le quartier de la maison d’arrêt”.

Plus loin, le directeur de cette autorité administrative indépendante détaille :

113 personnes occupaient [le quartier ouvert du centre de détention] prévu pour 57 personnes (…),  60 personnes occupaient [le quartier fermé du centre de détention] déclaré pour avoir 32 places (…) 18 personnes occupaient [le quartier de semi-liberté] pour une capacité théorique de neuf places.

En juin 2011, la densité moyenne dans la prison était de 221 %, soit 232 détenus en surnombre.

Territoires oubliés

Nouméa n’est pas qu’un exemple, mais l’archétype de l’état de la surpopulation dans les prisons françaises de l’Outre-Mer, les territoires oubliés de la France carcérale. Sur les quatorze établissements que compte l’Outre-Mer, la densité est supérieure à 200% dans trois établissements, et la moitié est en état de surpeuplement. Les conséquences sur les conditions d’enfermement sont directes, rappelle Jean-Marie Delarue.

Dans la maison d’arrêt de la prison de Nouméa, 27 cellules sur 34 disposent d’un matelas “posé à même un sol crasseux et humide où circulent des rats et des cafards”, écrit le contrôleur général des prisons. Son rapport fait un lien direct entre “l’épisode dramatique survenu pendant le déroulement de la mission” – un meurtre dans une cellule occupée par six personnes – et “les conséquences inéluctables que fait peser la sur-occupation de l’établissement sur les conditions de détention”.

Alexis Saurin, président de la Fédération des Associations Réflexion-Action, Prison et Justice (FARAPEJ), explique cet état par des causes pratiques, la difficulté à effectuer des transferts, mais aussi des causes plus diffuses et plus inquiétantes :

Les prisons d’Outre-Mer sont moins visitées par les contrôleurs. On peut se demander si la situation dans ces établissements est plus acceptable parce qu’ils sont loin de métropole… La situation n’est pas nouvelle. Le centre pénitentiaire Nuutania, à Faa (Polynésie Française), était déjà largement surpeuplé en 2003. Si la situation perdure, c’est qu’elle est d’une certaine manière tolérée…

L’Outre-Mer est la terre des extrêmes. Aux îles Marquises, la maison d’arrêt de Taiomac est l’une des moins remplies avec un détenu pour cinq places, ou encore Mata-Utu où la prison de trois places était vide en juin. Ces écarts masquent des réalités plus complexes en métropole où les immenses établissements pénitentiaires regroupent le plus de détenus en surnombre.

Un tiers de la population carcérale

Quatre des cinq établissements avec le plus grand nombre de détenus en surnombre sont situés en région parisienne : Fresnes, avec 569 détenus en surnombre, suivi par Fleury-Mérogis avec 533 détenus, et plus loin Villepinte avec 316 détenus en surnombre. Ramené au nombre de places, les densités ne sont pas les plus élevées.

Selon l’Observatoire des prisons et autres lieux d’enfermement, 11 282 détenus étaient en surnombre le 1er novembre 2011. Une estimation minimale de l’effet de la surpopulation : un détenu en surnombre dans un cellule a des conséquences sur le quotidien de son co-détenu. Pour Alexis Saurin, le nombre de personnes affectées par la surpopulation carcérale est au minimum le double, voire plus. Ce qui représente entre un tiers et la moitié du nombre total de détenus.

Depuis 2002, la population carcérale a sensiblement augmenté. Lors de l’arrivée de la droite au gouvernement en 2002, la population carcérale était d’environ 45 000 détenus. Le 1er novembre 2011, 64 711 personnes étaient détenues en France. Une augmentation de plus de 40%. Mais le tournant a lieu dès 2001 avant l’élection de Jacques Chirac, rappelle Alexis Saurin :

Ces trente dernières années, la population carcérale a connu des variations à la hausse et à la baisse. Les pouvoirs exécutif et législatif influent directement ou indirectement sur les décisions de justice. Les discours récents sur la “justice laxiste” tendent à faire allonger la durée des peines.

L’augmentation du nombre détenus sous écrou ces douze derniers mois est en partie liée à l’affaire dite de Pornic explique Pierre Tournier, directeur de recherche au CNRS et auteur d’un rapport mensuel, publié par l’Observatoire des prisons et autres lieux d’enfermement (OPALE).

Deux phénomènes sont à l’œuvre. Il y a d’abord une augmentation du nombre des entrées sous écrou au premier trimestre 2011. Le climat créé par l’affaire dite de Pornic a pu favoriser un recours à la détention. Au deuxième trimestre, la durée moyenne du temps passé sous écrou croît et entraîne une augmentation de la population carcérale.

Sur la vie des détenus, les conséquences sont nombreuses. Pour Alexis Saurin, l’accès au soin est restreint, de même que l’accès aux parloirs, aux douches, aux activités, au travail. Les surveillants sont surmenés. Des remarques en échos avec les recommandations du contrôleur général des prisons. Dans le texte paru mardi au Journal Officiel, il décrit un personnel pénitentiaire “remarquable de dévouement et d’investissement.”

“Construire de nouvelles prisons ne résoudra rien !” se désole Alexis Saurin :

Il faut d’abord mettre en place des dispositifs de prévention de la surpopulation carcérale à deux niveaux : avant la décision de justice en informant les magistrats sur les possibilités d’accompagnement en milieu ouvert, avant le placement en détention en créant des cotes d’alerte sur les places disponibles dans un établissement. Les dispositifs alternatifs à la privation de liberté doivent aussi être développés, que ce soit les travaux d’intérêt général et le sursis avec mise à l’épreuve, dont le recours a été limité depuis les lois sur la récidive de 2005. Enfin, les aménagements de peine doivent être plus utilisés.

Il pointe aussi le coût des projets de construction de nouvelles prisons dans un contexte de crise économique. Des ressources qui pourraient être mieux employées, plaide-t-il, notamment en améliorant la qualité du suivi :

Les difficultés économiques frappent de plein fouet les plus précaires qui sont les plus nombreux en prisons et qui rencontrent aussi le plus de difficultés pour se réinsérer.


Retrouvez notre Une sur les prisons en partenariat avec Snatch :

Photographie de Une © Aimée Thirion. Infographies CC WeDoData

OWNI avait consacré un dossier sur les alternatives à la prison en novembre 2010.

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http://owni.fr/2011/12/09/prisons-noumea-surpopulation-carcerale/feed/ 3
La France carcérale http://owni.fr/2011/12/07/prison-carte-surpopulation-carcerale-france/ http://owni.fr/2011/12/07/prison-carte-surpopulation-carcerale-france/#comments Wed, 07 Dec 2011 15:36:26 +0000 Media Hacker http://owni.fr/?p=89510 Dans la carte ci-dessus, cliquez sur les pictos pour connaître le nombre de places et le nombre de détenus dans la prison N’oubliez pas l’Outre-Mer, loin de la métropole…

Cette application est tirée de deux infographies réalisées par WeDoData en partenariat avec OWNI pour le numéro 10 de Snatch, dans les kiosques samedi 10 décembre. Dans un dossier de 60 pages, Snatch s’est penché sur les prisons : rencontre avec Patrick Dils, enquête sur la perpétuité et les tatouages en milieu carcéral, tour d’horizon d’expériences (plus ou moins) étonnantes à l’étranger.


Enquête graphique réalisée par WeDoData avec OWNI, en partenariat avec le magazine Snatch qui consacre un dossier aux prisons dans son numéro 10, dans les kiosques à partir de samedi 10 décembre.

Application réalisée par Jérôme Alexandre et adaptée par Marion Boucharlat.

Photographie de Une © Aimée Thirion.

Retrouvez notre Une sur les prisons :

OWNI avait consacré un dossier sur les alternatives à la prison en novembre 2010.

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