Cet article est une réponse à l’article : “Youtube : la musique gratuite rapporte autant que la musique payante“
J’ai eu l’occasion d’échanger avec David Hyman, le fondateur et PDG de MOG, un service musical basé sur le “cloud”. Au cours de cet entretien, David et moi-même abordons l’impact de YouTube sur la musique et pourquoi les périodes d’essai gratuites sur les services de musique par abonnement doivent être allongées.
Ce qui suit est une version éditée de notre conversation.
David Hyman : Bonjour !
Je ne pense pas que nous perdions des abonnés au profit de YouTube. Cette expérience (YT) concerne plutôt les tubes. On ne peut pas y écouter une succession de chansons. Il n’y a pas de programmation passive. Pas de playlists. Pas d’albums. Le principe est plutôt : “un titre à la fois”. Avant 1985 on ne faisait pas de clips vidéo, et pourtant il y a eu beaucoup de BONNE MUSIQUE avant 1985 ! Après cette date, la video a été cantonnée à quelques chansons par album au mieux. Si vous voulez entendre les tubes, écoutez la radio ou allez sur YouTube. Je ne crois pas que nos abonnés soient ce type de consommateurs.
Je n’ai aucun site séduisant utilisant l’API YouTube pour offrir une expérience d’écoute satisfaisante qui me vienne à l’esprit. Nommez-en un ! Vous voyez, YouTube ne nous rend pas service. Mais il ne nous fait pas vraiment de mal, voire pas du tout. Ca me fait juste un peu mal au coeur. Mais je n’en suis pas non plus à perdre le sommeil en m’inquiétant des projections de MOG par rapport à YouTube !
C’est vrai. Mais Soundhound veut aussi inclure MOG ! Ce sera bientôt le cas. On peut payer à Soundhound des frais d’affiliation. Qu’est ce que Youtube paie à Soundhound ?
Bonne question ! Je ne pense pas qu’on ait suffisamment de données pour le moment. Je dirais que Netflix se débrouille très bien pour ce qui est de proposer des prestations satisfaisantes dans le cadre d’une période d’essai de durée comparable.
Peut être ! Je crois qu’on va en arriver là. Pour fournir davantage que ce que l’on fournit déjà, cela coûterait davantage aux labels. Et quand bien même, ils restreindront toujours la quantité de contenu gratuit que l’on peut proposer. Les frais associés à la mise à disposition de contenu gratuit au delà de la période d’essai gratuit que nous proposons sont prohibitifs. Les labels exigent des taux plutôt élevés sur la base du “par titre/par stream”. La modélisation qu’on a faite nous apprend qu’on ne pourrait pas compenser les coûts par la conversion et la publicité. Est-il possible qu’on ait tort ? Oui. Les taux sont très élevés, croyez-moi. Si je pouvais donner davantage et faire fonctionner le modèle, je le ferais. Nous passons une bonne partie de notre temps chaque jour à plancher sur ce sujet.
Nous essayons de trouver des solutions pour donner gratuitement de manière restreinte et ce de mieux en mieux et avec succès ! Ma seule inquiétude, c’est qu’une fois qu’on passe de “gratuit” à “gratuit restreint”, cela devient un “essai gratuit” et donc on perd l’intérêt de la vraie gratuité. Avec les coûts auxquels on fait face, on ne peut pas fournir du vrai gratuit.
Je suis d’accord.
Bien vu. Je dirai ceci : ne prenez pas ce qui suit pour argent comptant, ce n’est qu’une question de données… On a testé deux options : barrière de péage contre accès gratuit. Demander aux gens de payer avant d’utiliser l’essai gratuit s’est révélé meilleur en termes de conversion, au même niveau que le revenu net. On a tendance à penser que les choses dépendent davantage de comment le visiteur est arrivé sur site. Dans certains cas, ce serait mieux sans paywall. Et cela dépend aussi de la plateforme utilisée : smartphone, web etc…
Les gens doivent pouvoir accéder à la musique de partout : depuis leur voiture, leur télé, leur téléphone, et leur console de jeu. Partout. Je pense que les bénéfices de la propriété sont déjà morts. Le problème, c’est principalement un manque d’éducation.
Oui, comme ma fille de 7 ans. Elle a MOG sur un iPod dans une station d’accueil Altec Lansing dans sa chambre. Elle est accro. Elle ne sait pas faire la différence entre le téléchargement et le streaming. Allez, je dois me sauver !
–
Article initialement publié sur Hypebot.com et traduit par Loïc Dumoulin-Richet
Illustrations CC FlickR: william couch, orange_beard, samantha celera
]]>Cet article est une réponse à l’article : “Youtube : un modèle gratuit qui paye?“
J’ai eu l’occasion d’échanger avec David Hyman, le fondateur et PDG de MOG, un service musical basé sur le “cloud”. Au cours de cet entretien, David et moi-même abordons l’impact de YouTube sur la musique et pourquoi les périodes d’essai gratuites sur les services de musique par abonnement doivent être allongées.
Ce qui suit est une version éditée de notre conversation.
David Hyman : Bonjour !
Je ne pense pas que nous perdions des abonnés au profit de YouTube. Cette expérience (YT) concerne plutôt les tubes. On ne peut pas y écouter une succession de chansons. Il n’y a pas de programmation passive. Pas de playlists. Pas d’albums. Le principe est plutôt : “un titre à la fois”. Avant 1985 on ne faisait pas de clips vidéo, et pourtant il y a eu beaucoup de BONNE MUSIQUE avant 1985 ! Après cette date, la video a été cantonnée à quelques chansons par album au mieux. Si vous voulez entendre les tubes, écoutez la radio ou allez sur YouTube. Je ne crois pas que nos abonnés soient ce type de consommateurs.
Je n’ai aucun site séduisant utilisant l’API YouTube pour offrir une expérience d’écoute satisfaisante qui me vienne à l’esprit. Nommez-en un ! Vous voyez, YouTube ne nous rend pas service. Mais il ne nous fait pas vraiment de mal, voire pas du tout. Ca me fait juste un peu mal au coeur. Mais je n’en suis pas non plus à perdre le sommeil en m’inquiétant des projections de MOG par rapport à YouTube !
C’est vrai. Mais Soundhound veut aussi inclure MOG ! Ce sera bientôt le cas. On peut payer à Soundhound des frais d’affiliation. Qu’est ce que Youtube paie à Soundhound ?
Bonne question ! Je ne pense pas qu’on ait suffisamment de données pour le moment. Je dirais que Netflix se débrouille très bien pour ce qui est de proposer des prestations satisfaisantes dans le cadre d’une période d’essai de durée comparable.
Peut être ! Je crois qu’on va en arriver là. Pour fournir davantage que ce que l’on fournit déjà, cela coûterait davantage aux labels. Et quand bien même, ils restreindront toujours la quantité de contenu gratuit que l’on peut proposer. Les frais associés à la mise à disposition de contenu gratuit au delà de la période d’essai gratuit que nous proposons sont prohibitifs. Les labels exigent des taux plutôt élevés sur la base du “par titre/par stream”. La modélisation qu’on a faite nous apprend qu’on ne pourrait pas compenser les coûts par la conversion et la publicité. Est-il possible qu’on ait tort ? Oui. Les taux sont très élevés, croyez-moi. Si je pouvais donner davantage et faire fonctionner le modèle, je le ferais. Nous passons une bonne partie de notre temps chaque jour à plancher sur ce sujet.
Nous essayons de trouver des solutions pour donner gratuitement de manière restreinte et ce de mieux en mieux et avec succès ! Ma seule inquiétude, c’est qu’une fois qu’on passe de “gratuit” à “gratuit restreint”, cela devient un “essai gratuit” et donc on perd l’intérêt de la vraie gratuité. Avec les coûts auxquels on fait face, on ne peut pas fournir du vrai gratuit.
Je suis d’accord.
Bien vu. Je dirai ceci : ne prenez pas ce qui suit pour argent comptant, ce n’est qu’une question de données… On a testé deux options : barrière de péage contre accès gratuit. Demander aux gens de payer avant d’utiliser l’essai gratuit s’est révélé meilleur en termes de conversion, au même niveau que le revenu net. On a tendance à penser que les choses dépendent davantage de comment le visiteur est arrivé sur site. Dans certains cas, ce serait mieux sans paywall. Et cela dépend aussi de la plateforme utilisée : smartphone, web etc…
Les gens doivent pouvoir accéder à la musique de partout : depuis leur voiture, leur télé, leur téléphone, et leur console de jeu. Partout. Je pense que les bénéfices de la propriété sont déjà morts. Le problème, c’est principalement un manque d’éducation.
Oui, comme ma fille de 7 ans. Elle a MOG sur un iPod dans une station d’accueil Altec Lansing dans sa chambre. Elle est accro. Elle ne sait pas faire la différence entre le téléchargement et le streaming. Allez, je dois me sauver !
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Cet article est une réponse à l’article : “Youtube : un modèle gratuit qui paye?”
Article initialement publié sur Hypebot.com
Illustrations CC FlickR: william couch, orange_beard, samantha celera
]]>Il est vrai qu’à la vue des caractéristiques sociales de Spotify, les déclarations de Daniel EK semblent crédibles, notamment lorsqu’il dit que sur Facebook, la musique va devenir plus populaire que les photos. L’échange de photo est l’essence même de Facebook, tout comme les jeux FarmVille ou CityVille. La mise à jour des statuts et les échanges de liens jouent également un grand rôle. Nous aimons bien savoir ce que font nos amis. Toutefois, une large majorité d’inscrits n’utilise que très peu son compte.
La plupart des gens est sur Facebook, mais ne l’utilise pas. Ils ne passent pas tout leur temps à poster des photos, ni à mettre à jour leur statut. Spotify veut changer ça. Le partage de musique très facile devrait permettre aux derniers utilisateurs de facebook d’échanger à nouveau. C’est une activité qui demande un minimum d’effort. Pas d’inquiétude, votre futur employeur ou école ne risque pas de tomber sur des photos compromettantes puisqu’il ne s’agit que de musique.
Avec Spotify, il y a une section “Nouveautés”, à la manière des fils d’actualités de Facebook, qui devrait un jour en proposer un consacré exclusivement à la musique, développé par Spotify. On peut imaginer un player permettant de streamer vos nouveautés musicales pendant que vous consultez vos autres messages.
Un jour, la musique fera partie intégrante de Facebook.
Pourquoi ? C’est simple.
Le temps passé sur le site. La musique est la meilleure façon d’accroitre le temps passé sur Facebook. Quand Mark Zuckerberg parle de révolutionner l’industrie du contenu en 5 ans, il sait de quoi il parle. La musique est vitale pour garder les utilisateurs plus longtemps sur Facebook. C’est pourquoi, des extraits musicaux de 30 à 90 secondes sur Facebook ne suffisent pas.
Spotify est ce qui se fait de mieux pour rendre la musique sociale et facilement partageable. Vous pouvez importer vos amis Facebook directement sur Spotify, instantanément partager vos suggestions et leur faire écouter. Il devient de fait beaucoup plus facile de partager et consommer de la musique. La dimension sociale devient une norme. On a toujours échangé de cette manière, sauf qu’avant c’était sous forme de fichier ou de lien. Maintenant, les échanges sociaux se font sur Spotify.
Comme Ek l’a annoncé dans Wired, son ambition est de ramener nos habitudes de consommation de musique illégales vers une pratique légale. Plutôt que d’encourager les échanges de fichiers entre inconnus, Spotify nous permet de partager la musique avec notre réseau, et plus important encore, nos amis. Alors que les internautes veulent toujours avoir la possiblité de téléchager de la musique gratuitement et facilement transférable sur sur leur iPod ou sur CD, leur bibliothèque n’est pas éternelle sur un disque dur. En revanche, elle peut l’être dans le cloud.
Les bibliothèques musicales passent de tangibles à intangibles – d’une expérience concrète à une expérience sociale. Petit à petit la frontière entre bibliothèque personnelle et collective deviendra de plus en plus floue.
Un jour , les internautes streameront un torrent avant de le télécharger. C’est juste une question de temps. Parallèlement, Spotify donne aux utilisateurs la possibilité de pré-écouter tout ce qu’ils souhaitent, de se constituer une énorme bibliothèque musicale, et de la partager sans difficulté avec leurs amis. C’est l’évolution de la musique sociale : tous les iPod et iPhones seront connectés entre eux. La musique s’infiltrera sur tout les réseaux sociaux et deviendra elle-même un objet social.
Nos applications et écrans tactiles devraient nous permettre d’interagir à nouveau avec notre musique, et de le faire tous ensemble. L’avenir, c’est le croisement entre Spotify, Facebook et Aweditorium. De plus, la barre de statut, la réussite, et l’interactivité – des informations-clé dans l’univers du jeu vidéo – feront partie intégrante de l’expérience musicale.
L’engagement des fans s’en trouvera accru. L’avenir est le croisement entre la consommation de musique et le jeu. L’échange de musique sera encouragé et non plus entravé.
Si Spotify avait été lancé avant 2011, une tempête médiatique aurait eu lieu. D’une certaine manière, le fait que la plateforme ne se soit pas encore installée aux Etats-Unis est presque symbolique. Pourquoi ? Une décennie de musique vient de se terminer.
Tout ce que l’on écrira sur l’industrie de la musique dans les vingt prochaines années pourra faire référence à ce que la période 2000 – 2010 révèle de l’incapacité des majors à appréhender le changement et à donner aux fans ce qu’ils attendaient vraiment. Maintenant, si Spotify est lancé au cours de cette décénnie, tous les auteurs considèreront l’événement comme un nouveau départ.
En imaginant que ce chapitre sur l’industrie musicale soit déjà écrit, que nous révèle-t-il ?…Qu’il a fallu dix ans aux labels pour mettre en place un service d’écoute de musique qui se positionne comme une alternative au piratage. Il rendra compte de l’évolution continue de la musique sociale.
Et, nous l’espérons tous, il traitera de la renaissance de l‘industrie musicale avec l’ouverture d’Apple au streaming et à l’abonnement, l’arrivée de Google dans le secteur de la musique, le lancement de Spotify aux Etats-Unis et la croissance jamais démentie de services tels que RDIO, MOG, Thumplay Music, Slacker, et Pandora entre autres. L’avenir de la musique s’est concrétisé. Peut-être même que l’on se souviendra de la décennie 2000 – 2010 comme de “la décennie perdue”.
Dès 2011, l’industrie de la musique va renaître. Il était temps.
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Traduction : Romain Saillet, Loic Dumoulin Richet
Cet article a été initialement publié en anglais sur Music Think Thank.
Crédit photos CC Flickr : Andreas Blixt, p_kirn, _ambrown
]]>Comment osent-ils seulement tenter de justifier le fait de ne pas rétribuer les musiciens pour leur travail ?
Les chansons qui nous touchent, nous transportent et dont chaque note et chaque mot nous fait frémir, font ressortir des choses qu’on serait bien incapables d’exprimer seul. Voici donc quatre raisons qui font que les fans téléchargent votre musique illégalement. Quatre raisons que vous pouvez changer.
Malgré tous nos efforts pour promouvoir une autre manière de consommer la musique, et tous les jolis sites web à notre portée, je dirais que la plupart des gens n’ont pas la moindre idée de leur existence. Essayez de répéter les mots suivants rapidement trois fois de suite : Project Playlist, Pandora, Last.fm, HypeMachine, Grooveshark, Microsoft Zune Pass, Spotify, Rdio, iLike, TheSixtyOne, Rhapsody, MOG, Napster, Slacker Radio, WeAreHunted et ainsi de suite. Ce sont autant de façons d’écouter de la musique en ligne gratuitement et en streaming. Mais y a-t-il suffisamment de fans qui connaissent ces ressources ?
Une étude datant de l’an dernier disait que la plupart des Européens n’avait aucune idée de l’existence de Spotify, alors même qu’on parlait de la mise en place de sanctions durcies pour les internautes téléchargeant des fichiers illégalement. Le problème, c’est que l’être humain est volontiers récidiviste. Si un fan téléchargeait de la musique via BitComet à l’époque du lycée, et qu’il possédait un compte Demonoid, il est probable qu’il n’ait même pas pris la peine de s’intéresser aux options légales. Ça fonctionne, il trouve toujours ce qu’il cherche, et rapidement en plus !
Solution : si vos fans téléchargent votre musique illégalement et ne savent pas qu’ils peuvent l’écouter sur Grooveshark, dites leur que c’est possible. Au contraire s’ils téléchargent votre musique et que celle-ci n’est pas accessible facilement en streaming, c’est de votre faute.
Andrew Dubber essaie de faire rentrer ça dans la tête de tout le monde depuis des années. Ça vaut la peine de le répéter. Les fans veulent pouvoir entendre votre musique avant de l’acheter. N’étant pas au courant des possibilités d’écouter votre production en streaming (à moins que vous n’ayez même pas pensé à la mettre à leur disposition), ils vont télécharger votre album illégalement pour l’écouter.
Pas seulement parce qu’ils veulent le posséder ou parce qu’ils l’auraient acheté de toute façon. Non, en fait ils veulent juste pouvoir écouter les chansons et s’assurer qu’elles ne sont pas pourries. Acheter un disque sans l’avoir jamais écouté, ça existait avant. Ils écoutaient un ou deux singles à la radio et décidaient alors de se procurer l’album.
Aujourd’hui, ce qu’ils veulent, c’est pouvoir écouter votre œuvre dans son intégralité, voire vivre avec pendant un certain temps. Après seulement, ils envisageront de passer à l’achat.
Solution : simplifiez au maximum l’accès de vos fans à votre musique, via le streaming et le téléchargement de quelques titres. S’ils veulent pouvoir écouter votre musique, cela signifie qu’ils vont savoir s’ils aiment. Pas qu’ils vont acheter.
La plupart des artistes d’aujourd’hui ne profitent pas du marketing de masse. La radio, la télé et les magasins sont saturés. À cause d’années de MTV et de radios commerciales, la plupart des fans connaissent bien un certain nombre d’artistes. Ainsi, par le simple fait d’avoir déjà entendu parler d’eux et de connaître leur musique, un lien (ténu) de confiance s’est installé. C’est pas grand chose, mais ça suffit. Par cette capacité, même infime, à se rappeler au souvenir de l’auditeur, les artistes des majors ont une grosse longueur d’avance sur vous. Les fans font confiance à Nickelback pour pondre des singles de la même manière qu’ils resteront persuadés que les pâtisseries de supermarché ont un goût de carton.
Ils savent à quoi ils s’exposent. Même s’ils savent aussi qu’ils auraient mieux fait d’aller chez le super pâtissier du coin. Mais non, ils sont quand même allés chez Carrefour. Mais pourquoi ?
Ils savent qu’à chaque fois le goût sera le même, tout comme pour Nickelback. Si votre dernier album n’était pas bon ou si votre son a changé, il est temps de rétablir la confiance.
Solution : établissez un lien de confiance avec vos fans au fil du temps, et rendez votre musique convaincante. Si vous voulez qu’ils l’achètent, il faut qu’ils apprennent à vous connaître et à vous faire confiance. Sinon, ils se la procureront sans payer.
Jay Franck, un grand fan de “tubes” résume ça très bien : “Chaque clic qui sépare l’internaute de l’accès à votre musique fait diminuer le nombre de personnes qui l’écouteront. Assurez-vous que vos chansons soient à un clic du fan, dans le plus d’endroit possibles. Moins il y aura de clics à faire, plus le nombre de fans potentiels sera grand.”
Il faut bien prendre en considération vos fans actuels et vos fans potentiels, leur expérience d’achat de votre musique, et vous assurer que le processus est continu et nécessite aussi peu de clics que possible. Il est fort possible que l’accès légal à votre album prenne plus de temps (et donc de clics) qu’avec BitTorrent. mais c’est à vous d’estomper ça. Et sinon, qu’est-ce que vous pouvez vendre qui ne soit pas téléchargeable ?
Jetez un oeil aux différents avantages offerts par Kickstarter ou Pledge Music et vous verrez qu’il y a de nombreux petits plus à accrocher à votre album. S’ils voulaient l’écouter et n’en ont pas eu la possibilité, dites-vous bien qu’ils le possèdent déjà.
Qu’est-ce que vous pouvez offrir de non-téléchargeable ? Les règles du jeu ont changé. Les fans ont besoin d’éléments pour motiver leur achat. Leur refourguer de la musique sans rien d’autre, souvent, ça ne suffit pas.
Solution : certains fans peuvent ne rien vouloir d’autre de vous que votre musique. Vous ne pourrez pas changer ça. Mais c’est à vous (et pas à eux) de faire en sorte que votre production soit facilement accessible et qu’elle soit meilleure, plutôt que gratuite.
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Billet initialement publié sur The HypeBot
Crédits photos : FlickR CC nouQraz
]]>Kyle Bylin : dans un élan désespéré pour préserver les normes culturelles et sociales en vigueur ou d’éventuels dégâts à l’encontre de l’institution sociale actuelle, l’industrie du disque traditionelle est entrée en guerre contre une multitude d’ennemis, du phonographe à l’autopiano en passant par la copie privée, pleurnichant que ces nouvelles technologies allaient tuer la musique pour de bon.
Steve Knopper : Je crois bien que les jeux sont faits. L’industrie a loupé sa chance lorsqu’elle a échoué à signer un accord avec le Napster des débuts, en 1999-2000. Je pense vraiment qu’un tel accord aurait retenu les dizaines de millions de fans de Napster, et aurait transformé une bonne partie d’entre eux en acheteurs, ce qui aurait éliminé une part non négligeable de la demande envers sites de partage de fichiers post-Napster, de Kazaa à BitTorrent en passant par The Pirate Bay. Ceci dit, je pense que les majors devraient davantage avoir envie d’innover. Ok, en Europe elles ont ouvert leurs catalogues à Spotify, mais aux Etat-Unis, elles ont conclu qu’il n’y avait pas de revenus à espérer, et donc on ignore quand le service sera lancé. Pour moi, les labels devraient
inverser la tendance au plus vite, en essayant Spotify et tout un tas d’autres choses, signer des artistes comme Radiohead, NIN, Palmer, The Pixies etc., travailler avec Topspin et d’autres boites, faire signer aux artistes des contrats plus souples voire leur donner un rôle exécutif en leur sein afin de secouer l’ordre établi et de créer de la valeur différemment.
Warner s’y est essayé (voir “Fortune’s Fool” de Fred Goodman), mais si vous regardez leurs initiatives dans le détail, des contrats 360° aux sonneries de téléphone, ils sont restés très traditionnels et ancrés dans le contexte du business d’antan. Le scénario le plus probable est que le business du live va continuer à prospérer (malgré les problèmes de cet été) et que les labels vont fusionner avec des boites de merch, des tourneurs et/ou des agences de management pour accroître le modèle de deals 360° au sein de l’industrie. Et puis, sans doute, le nouveau boss sera le même qu’avant.
KB: On entend souvent l’argument selon lequel ces révolutionnaires seraient de toutes façons incapables de créer davantage de changement que l’industrie du disque ne peut l’imaginer. De même, ils seront “incapables prédire correctement l’impact des ramifications éventuelles car il ont une inclination à surestimer la valeur du nouveau système et parce qu’ils leur manque la capacité à trouver d’autres usages pour les outils mis en oeuvre.
SK : Pour moi, ces nouvelles technologies existent déjà : le mp3, le partage de fichiers, Napster, YouTube, etc. Tout le reste passe pour une secousse secondaire. Mais ce qui est sûr c’est que les réseaux sociaux ont le potentiel de modifier le modèle, tout comme la position dominante de Google sur le marché des médias, et les voies émergentes pour gagner de l’argent par la publicité sur internet, la vidéo etc. Tous ces élements réunis semblent mûrs pour être expérimentés et pour que l’on prenne des riques.
KB : Les artistes, qu’ils appartiennent à l’ancienne ou à la nouvelle génération, partagent eux aussi cette dichotomie vis-à-vis les nouvelles technologies et leur volonté de les intégrer à leur carrière.
SK : Je ne suis pas sûr que cela soit le rôle de l’artiste. Un artiste doit faire de la musique. S’il peut en plus créer un nouveau model pour vivre de sa musique, tant mieux pour lui. J’admire Radiohead, Amanda Palmer, Josh Freese, Nine Inch Nails etc, mais je n’en respecte pas moins la musique de M.I.A., Taylor Swift ou Eminem parce qu’ils ont décidé de la jouer à l’ancienne. Malgré la révolution qu’a été internet depuis 10 ans, la triste vérité est que signer avec une major et utiliser ses contacts pour percer à la radio et faire un tube est toujours la meilleure façon de passer du statut de parfait inconnu à celui de superstar de la musique. Cela va changer, et les artistes s’y feront, mais je ne pense pas qu’il soit obligatoire qu’un artiste soit la tête de proue de ce changement.
Dans le contexte de l’industrie du disque, le boulot d’un artiste, c’est de faire de la bonne musique. Si en plus c’est un visionnaire comme NIN ou Radiohead en matière de technologie ou de marketing en ligne, c’est du bonus. Mais ce n’est pas obligatoire.
Moi ça me va si Eminem continue à s’accrocher à son contrat chez Universal jusqu’à sa mort ou celle de l’industrie toute entière.Love The Way you Lie est une chanson géniale, et en soi, California Gurls (le tube estival de Katy Perry, ndt) aussi. Bien sûr, les Beatles et d’autres ont mis le concept d’album en avant dans les années 60, ce qui a participé à faire changer le business, passant de la vente de singles à la vente d’albums, un changement révolutionnaire autant que profitable à l’époque. Mais un grand nombre d’artiste de l’époque a continué à faire de très bons singles (cf. la Motown, Stax etc) et je suis ravi qu’ils aient fait ça plutot que de se transformer en ingénieurs ou en “artistes à albums” (ceci dit : youpi pour le What’s Going On de Marvin Gaye!)
KB : Richard Florida formule la réflexion suivante dans son ouvrage The Great Reset : “Pour chaque institution qui a échoué, pour chaque business model qui a survécu à son inutilité, d’autres, plus neufs et meilleurs se sont engouffrés dans la faille. Les périodes de crises passées ontdonné lieu à de nouvelles ères de grande ingéniosité et d’inventivité.” Il avance l’arguement selon lequel les crises (comme celle que traverse l’industrie du disque) “ont existé à des moments où de nouvelles technologies et de nouveaux business models ont été forgés, et elles s’inscrivent également dans des époques où sont nés de nouveaux modèles économiques et sociaux ainsi que de nouveaux modes de vie et manières de travailler”.
SK : Je crois que l’industrie du disque se remet à croître par un moyen plutôt ancien : les tournées. C’est ce que montrent les exemples les plus révolutionnaires en matière de distribution musicale : Radiohead, NIN, Amanda Palmer etc… (Pardonnez-moi de faire à chaque fois référence aux mêmes exemples, mais je suis fatigué!). Ou du moins en trouvant un moyen d’agréger les revenus générés par les tournées, le merchandising et autres, avec la musique enregistrée et les téléchargements. Des outils comme Spotify, Rhapsody ou le service de cloud qu’Apple serait en train de développer en ce moment finiront bien par arriver au secours du model de la musique enregistrée, mais quand cela arrivera et si cela arrive, ce sera du bonus.
Pour l’heure il faut que les artistes se muent en bêtes de scène.
A mon avis, les problèmes qu’on a connu cet été sont une secousse passagère pour l’industrie du disque, et il n’existe pas de réel bouleversement technologique dans ce secteur, StubHub mis à part pour ce qui est du marché de la revente, ce qui fait référence à une source de revenu additionnelle plutôt qu’à une baisse des revenus primaires. La musique live restera donc une vache à lait, du moins pour un grand nombre d’artistes, à eux de trouver comment utiliser cela à leur avantage économique.
KB : Dans son livre, Florida dit que les “Great Resets” (qu’on pourrait traduire par “les grandes remises à zéro”) sont “des transformations larges et fondamentales de l’ordre social et économique et qu’ils concernent bien plus que des événements purement économiques et financiers. Un vrai “reset” ne fait pas que transformer note manière d’innover et de produire mais introduit un nouvel environnement économique.”. Il affirme également qu’un autre point capital est “leur manière d’amener des changements de consommation qui nourissent les industries en plein essor.
SK : Je ferai à nouveau référence à l grande revise à zéro de l’industrie du disque en 1999 ou 2000. Aujourd’hui, il s’agit plus de ramasser les morceaux et de trouver comment sauver ce qu’il reste. Il en va de même dans le secteur de la presse.
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Article initialement publié sur Hypebot.com
Crédits photos FlickR CC : patrick h lauke ; wlodi ; hoong wei long
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Kyle Bylin : Dans Cognitive Surplus, Clay Shirky écrit : “Lorsqu’une technologie nouvelle apparaît, il faut qu’elle trouve sa place dans la société d’une manière ou d’une autre”. Il existe une dichotomie certaine entre l’industrie du disque traditionnelle et le business model du futur dans leur attitude vis-à-vis des avancées technologies et de leur vonlonté de l’intégrer en leur sein.
C’est peu de le dire, mais l’industrie du disque traditionnelle n’est pas vraiment fan des petits malins qui se la jouent radicaux et qui essaient de révolutionner le business model que celle-ci a passé des décennies à perfectionner, améliorer et protéger.
D’autre part, le business model du futur incite les entreprises et les consommateurs à lâcher les vieux modèles et à mettre autant de bordel que possible en adoptant les nouvelles technologies, comme le dit Shirky.
SK: Je pense qu’il vous faudrait définir “le business musical du futur”. Faites-vous référence à ce qu’ont fait Radiohead, Topspin, Amanda Palmer, Warner Music Group, les sites de vente en ligne comme iTunes ou Amazon ou encore la vague coalition mettant la musique en accès libre et incarnée par MySpace, Google, Spotify etc. voire les sites de partage de fichiers ?
L’industrie du disque traditionnelle adopte actuellement certaines de ces initiatives et arrive même à créer de la valeur grâce à des idées comme Vevo, ou en faisant jouer la concurrence entre iTunes et Amazon, ce qui entraine des prix plus bas pour les consommateurs de musique en ligne.
Globalement, je dirais que l’industrie du disque se porterait bien mieux si elle avait à sa tête un visionnaire high-tech, quelqu’un qui comprenne que l’ancien modèle est mort et que fabriquer des tubes à la Jimmy Iovine ne va pas permettre au modèle de rester à flots pour les 30 années à venir.
KB : Pour Shirky, le grand paradoxe tient au fait que “ceux qui se battent pour résoudre un problème spécifique font aussi tout leur possible pour que ce problème demeure, afin que la solution qu’ils proposent reste viable”. Ainsi, il avance qu’ “on ne peur pas demander à ceux qui dirigent les systèmes traditionnels de voir le bon dans les nouvelles technologies. Ceux qui s’emploient à garder le système actuel sur pieds ont du mal, dans l’ensemble, à considérer qu’un élément qui’ils jugent perturbateur puisse avoir la moindre valeur.”
SK : Depuis Napster, les gros bonnets de l’industrie, et en particulier Doug Morris de chez Universal, nous disent : “On ne pouvait pas anticiper les problèmes, nous ne sommes pas ingénieurs”. Dans mon livre en revanche j’avance qu’un grand nombre d’employés du secteur (les Robin Betchels et autres Erin Yasgars) ont compris qu’il y avait des oppportunités à saisir en travaillant avec Napster et en développant le marketing musical en ligne. Ce sont eux qui criaient à Doug Morris et consorts de faire attention.
“Genre, ce serait bien que vous écoutiez vos propres employés, non ?”
De manière plus générale, je crois que je préfère laisser la parole à Andrew S. Grove et à son ouvrage Only The Paranoid Survive (Seuls les paranoïaques survivent). Il y expose les points d’inflexion stratégique (les moments où une industrie fait face à un nouveau défi technologique et doit s’y adapter ou péricliter) et illustre son propos de cas concrets, distingant ceux qui les ont bousillés (par exemple Apple dans les années 90, avant que Steve Jobs ne reprenne le groupe en main pour développer l’iPod et l’iPhone), et ceux qui s’en sont servis pour croître encore plus (c’est à dire Intel, sa propre entreprise, et à mon avis l’industrie du cinéma avec la VHS).
Pour moi, quand les patrons de l’industrie du disque disent “on n’a rien vu venir”, c’est une excuse bidon.
Au final c’est pour ça que les équipes dirigeantes des labels d’aujourd’hui (les mêmes qui avaient “tué” le point d’inflexion stratégique à l’époque de Napster), ne risquent pas de se transformer en ingénieurs ou même en dirigeants visionnaires à l’origine d’un nouveau business model.
KB: Un écosystème numérique nouveau et plus désordonné est en train d’émeger, nourri en premier lieu par un public dispersé aux quatre coins du web et qui a découvert avec enthousiasme des artistes dont il ne soupçonnaient même pas l’existence.
SK : Je ne pense pas que l’industrie du disque ne fait pas entrave aux nouvelles technologies de manière aussi agressive qu’il y a 10 ou même 5 ans, à l’époque où sa seule stratégie web était d’attaquer tout le monde en justice et de coller des DRM sur tous les CD et titres numériques.
Aujourd’hui, le problème tient davantage à un manque d’innovation ou d’anticipation.
Les labels sont d’accord pour autoriser des services comme Spotify ou MOG à utiliser leurs catalogues, mais seulement contre (forte) rétribution (qu’ils ne partagent pas avec les artistes), mais ils refusent d’être proactifs et d’essayer de nouvelles façons de faire (sauf si vous considérez les deals 360° qu’ils font signer). EMI a essayé pendant un moment, lorsqu’ils ont enbauché Corey Andrejka et Douglas Merrell mais tout ça est parti en sucette quand les caisses de l’entreprise se retrouvées à sec.
J’aimerais bien que d’autres labels fassent pareil : embaucher des visionnaires et leur donner toute lattitude pour mettre en oeuvre de nouvelles idées et même échouer sur certaines. Les majors sont pour la plupart toujours dirigées par des mecs de la vieille école qui étaient déjà aux commandes au moment des grosses erreurs commises sous l’ère Napster, de Doug Morris à Edgar Bronfman en passant par Howard Stringer et Rolf Schmidt-Holtz.
Article initialement publié sur Hypebot.com et traduit par Loïc Dumoulin-Richet
Crédits photos : CC flickr Kumar Appaiah & Mykl Roventine & Rust.bucket
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J’ai rencontré Steve Knopper, contributeur du magazine Rolling Stone et auteur de “Appetite for self-destruction : The spectacular crash of the record industry in the digital age”. (Le goût de l’auto-destruction : comment l’industrie de la musique a explosé en plein vol à l’heure du numérique).Dans cette interview, Steve nous donne sa vision sur les ressemblances entre la presse et l’industrie de la musique, nous explique pourquoi il est dangereux de traiter la musique comme un produit et nous parle de l’avènement du partage de fichiers.
Le sous-titre de votre ouvrage “Le goût de l’auto-destruction” est “comment l’industrie de la musique a explosé en plein vol à l’heure du numérique”. Pourquoi est-ce si important de faire la distinction entre l’industrie de la “musique” et celle du “disque”, et quels risques y a-t-il à mélanger les deux termes ?
Steve Knopper: Cette distinction est à mon avis assez simple. L’industrie du “disque” fait référence à la musique enregistrée, c’est à dire aux quatre majors, aux gros labels indépendants ainsi qu’à la RIAA (Recording Industry Association of America ou Association Américaine de l’industrie de la musique enregistrée). L’industrie de la “musique” est le business au sens large et comprend les promoteurs de concerts, les managers et agents d’artistes, les stations de radio et même pourquoi pas les magazines comme Rolling Stone.
Avec les difficultés que traverse actuellement le monde de la presse et de l’information et la crise qui le guette, voyez-vous une corrélation entre les difficultés rencontrées par l’industrie de la presse et celle de la musique et si oui, quelles leçons peuvent-elles tirer l’une de l’autre ?
En effet, je dirais que le parallèle est frappant. La presse fait face aux même problèmes liées à internet que l’industrie du disque, à savoir une belle opportunité déguisée en menace. Avec Napster/le mp3/le piratage d’un côté et Craigslist et les contenus gratuits de l’autre. La seule différence, c’est que la presse n’a pas connu le problème des contenus illégaux. Les deux ont échoué à faire évoluer leurs modèles respectifs en même temps que des systèmes de distribution neufs et efficaces capables d’intéresser un public bien plus large. A la place, elles l’ont joué “pauvre de moi, je ne peux pas lutter contre la gratuité”.
Pour ma part je pense que les personnes à la tête de ces industries se sont focalisées sur leurs énormes contrats basés sur les anciens business models, et qu’elles n’avaient aucun intérêt à insuffler le moindre changement malgré les efforts de leurs employés pour s’adapter au mieux.
Dans son ouvrage Convergence Culture, Henry Jenkins, professeur au Massachussets Institute of Technology (MIT) a dit que “le public ne va pas redéfinir sa relation aux médias du jour au lendemain et ceux-ci ne vont pas renoncer à leur mainmise sur la culture sans se laisser faire”.
Dans le cadre de la “renégociation” de leur rôle dans la vie des gens, quel aspect de leur relation avec les fans de musique les médias ne peuvent-ils pas se permettre de manquer cette fois-ci ?
Très franchement je doute que l’industrie du disque ait déjà eu une vraie “relation” avec les fans. Leurs utilisateurs finaux ne sont pas des consommateurs de musique, mais plutôt les distributeurs, de Tower à iTunes. Alors que les radios savent jusqu’à la donnée démographique la plus fine qui sont ses consommateurs, les majors ont toujours produit du contenu et pris des décisions “au feeling”.
Longtemps, cette méthode a fonctionné, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Pour répondre à votre question, je pense qu’il incombe plus que jamais aux labels d’utiliser toutes les resources high-tech disponibles, de Myspace à Youtube en passant par le plus complexe BigChampagne, pour savoir qui sont leurs consommateurs et comment il doivent les séduire de manière directe.
Dernièrement l’industrie de la musique s’est attelée à comprendre les fans ayant une vraie relation avec “leur” artiste de même qu’un engagement actif pour celui-ci, au lieu de s’occuper uniquement de ceux qui consomment les contenus via la radio et MTV et qui achetaient l’album seulement après.
De quelle manière la gestion des relations avec les fans pourrait-elle aider l’industrie du disque à se relever à l’heure du numérique ? Plus largement, quels sont les éléments qui vous semblent encore et toujours ignorés ?
Vous savez quoi ? J’ai été obligé de googler “gestion des relations avec les fans” (“fan relationship management”) ! Non, mais en vrai, les labels ont toujours été nuls pour ça. Ils signent des artistes qui selon eux vont vendre, et ensuite ils soudoient tout le monde (radios, distributeurs, MTV, presse) pour en faire des stars. Les managers et les promoteurs de concerts (et même Ticketmaster) disposent de bien plus de données via les mailing lists de fans et les infos liées aux places de concerts vendues, et ils en font un usage bien plus efficace.
Si la fusion Live Nation-Ticketmaster se fait, les dirigeants des deux entreprises ont promis qu’ils allaient devenir vraiment très bons sur ces points. Je veux bien les croire, mais il y a d’autres facteurs qui entrent en ligne de compte de cette fusion. Les lois antitrust par exemple.
Dans le deuxième chapitre (How Big Spenders Got Rich in the Post-CD Boom) vous émettez ce commentaire : “Le business est passé de mecs qui mettaient eux-mêmes leurs affaires dans des caisses à un réseau international géré par des mecs surdiplômés”. Et plus tard cet autre remarque : “Sous la pression de la dette, ces hommes en costume ont commencé à exiger que le département “musique” de leur groupe fonctionne comme n’importe quel autre.”
Quel danger y a-t-il à traiter la musique comme n’importe quel autre produit, pour lequel on peut réussir à faire exploser les ventes si l’on fait assez de publicité sur MTV et à la radio, dans l’espoir de dépasser les prévisions trimestrielles ?
Bon, on ne vend pas de la musique comme on vend du savon. Dans la musique, vous ne pouvez pas lancer un produit quand ça vous arrange, et en plus il vous faut un tube. On a pu observer cette tendance ces deux dernières années, où les labels attendaient avidement que leurs poules aux oeuf d’or comme Eminem, Guns N’ Roses, Green Day ou Dr Dre finissent leurs albums pour le sacro-saint quatrième trimestre, à temps pour les courses de Noël. Comme je le dis dans le livre, les labels ont réalisé au cours des années 90 qu’ils ne pouvaient plus se permettre de signer des artistes et de leur laisser des années pour mûrir, comme à l’époque de U2 ou Bruce Springsteen par exemple.
Au cours de cette décennie, ils se sont retrouvés sous la coupe de grands groupes comme Sony ou Vivendi, dont les dirigeants exigent des résultats trimestriels. Je pense qu’il existe un lien de cause à effet direct entre cet état d’esprit et les étoiles filantes qui sont apparues à cette époque, des Third Eye Blind à Chumbawamba, des Spice Girls aux Hanson et à la pop pour ados en général.
“L’apparation du site de partage de fichiers Napster à ce moment précis n’était pas une coincidence”, dites vous plus loin dans le livre. Pourquoi cela ?
Pour moi ça veut dire qu’à la fin des années 90 les consommateurs en avaient ras le bol. Il fallait qu’ils se trimballent dans des magasins de disques pour acheter des CD à 18$ alors qu’ils ne voulaient qu’une ou deux bonnes chansons. Pendant très longtemps, j’ai entendu de nombreux acheteurs se demander pourquoi ils ne pouvaient pas acheter seulement le single qu’ils avaient entendu à la radio et qui leur plaisait tant. Mais comme je le dis dans le livre, les singles n’existaient alors déjà plus.
Etant donnée l’aspect libérateur d’internet, je pense que ce n’est pas un hasard si des gens comme Shawn Fanning (le fondateur de Napster) sont apparus pour offrir aux consommateurs une façon d’y arriver. La demande existait de manière évidente et ce n’était qu’une question de temps pour que la technologie la rattrape. Plus récemment ce phénomène de technologie en phase avec la demande est apparu sur le marché de la revente de billets de concerts grâce à l’avènement de sites comme StarHub et RazorGator.
Ma thèse est simple. Le complexe de la sortie du CD (“The CD-release complex”), comme j’aime l’appeler, n’existe plus. Ce système abstrait constituait la colonne vertébrale de l’industrie du disque moderne, basée sur l’idée que les fans découvraient la musique par les mêmes voies utilisées par les labels pour la promouvoir les nouveautés.
Et si cette commercialisation de la culture a mis la musique à la portée du plus grand nombre, elle n’est pas en phase avec le caractère participatif d’internet.
Au lieu d’envisager uniquement le partage de fichiers, pourquoi l’étude du déclin d’un marketing obsolète, le fractionnement du paysage médiatique ainsi que le développement d’un public organisé en réseau ne nous donneraient-ils pas un aperçu plus précis de “l’évolution socio-culturelle” que nous vivons ?
Voilà une question complexe ! Pour faire simple, je dirais bien sûr qu’Internet puis les réseaux sociaux ont plus que jamais rapproché les individus et favorisé la communication à l’échelle mondiale. Cela a donné de belles opportunités aux entreprises. Il est bien plus facile de toucher un fan de Green Day en regardant sa page Facebook où s’affiche son amour pour le groupe. En 1991, rien de tout ça n’était possible, il fallait deviner.
Dans le même esprit, Bob Garfield de “Advertising Age” a récemment noté : “Le futur s’annonce radieux, mais le présent, c’est l’apocalypse. Il est absurde de penser que la transition (si transition il y a) entre les médias de masse et le marketing et les micro médias et le marketing se fera sans heurts.
Comment ces problèmes aux aspects multiples ont-ils réussi à accoucher d’un tel cataclysme au cours des dix dernières années, alors même que le “changement climatique” au sein de l’industrie est bien plus subtil et sophistiqué que tout ce qu’on aurait pu imaginer ?
Je suis d’accord avec ça. Dans mon livre, Edgar Bronfman dit que qu’entre aujourd’hui et 2020 les choses vont être compliquées mais qu’après ça les opportunités de business seront bien plus nombreuses. Je pense que c’était la même chose dans l’industrie automobile, avec l’avènement de la voiture personnelle au détriment du cheval. Les chauffeurs de diligences étaient sans doute réticents à l’idée d’apprendre à conduire un autre type de véhicule. Mais finalement, ils ont surmonté leurs réticences, s’y sont mis et ont gagné bien plus d’argent qu’avant. Quant à ceux qui n’ont pas voulu évoluer ont fait faillite.
Aujourd’hui, les choses sont clairement plus complexes. Warner a tenté de s’adapter en investissant 33 millions de dollars chez LaLa et iMeem. Il s’avère que ces investissements se sont vraiment plantés. On pourrait citer bien d’autres erreurs dans le domaine. Mais les initiatives intéressantes sont légion : Spotify, Google Chine et d’autres types de services liés à la musique et faits pour inciter les consommateurs à acheter au bout du compte des produits plus onéreux comme des t-shirts et des places de concert.
Ca ne m’étonnerait pas qu’à horizon 5-10 ans il existe un service aussi simple à utiliser qu’iTunes et qui rassemblerait en une seule page web tous ces éléments, facilitant ainsi l’accès des fans à tout l’univers de leurs artistes préférés. Mais il reste beaucoup de choses à négocier et d’éléments juridiques à débroussailler avant d’en arriver là.
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Article intialement publié sur Hypebot.com sous le titre : “Interview: Steve Knopper of Rolling Stone and Appetite for Self-Destruction (Part 1)“.
Retrouvez cet article et bien d’autres sur OWNImusic, que nous lançons avec joie ces jours-ci !
Photos CC Flickr emanuela franchini, Jonathan_W, Martin Neuhof, Stéfan
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