OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Une honte française 17 octobre 1961 http://owni.fr/2011/10/14/une-honte-francaise/ http://owni.fr/2011/10/14/une-honte-francaise/#comments Fri, 14 Oct 2011 18:10:33 +0000 Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=83424 “]

Dans le métro de Paris le 17 octobre 1961 / copyright Elie Kagan/BDIC

17 octobre 1961 : à Paris coulent la Seine et les cadavres. On en dénombre au moins 200 pour cette nuit-là. À lire les documents et les notes de la Préfecture de police de Paris, la tragédie est le résultat d’une politique de violences policières planifiée, voulue en haut lieu. Et soutenue alors que les autorités n’ignoraient rien du caractère pacifiste de la manifestation organisée par le Front de libération nationale (FLN) algérien.

Dans la journée du 17, le Service d’action technique (SAT) de la préfecture, sorte d’agence de renseignement spécialisée sur les milieux indépendantistes algériens, informe le cabinet du préfet Maurice Papon en des termes clairs sur la nature de la manifestation (voir document ci-dessous). Selon ce service, pour le FLN :

Il s’agit d’être tous dehors et de se faire voir, notamment après l’heure du couvre-feu, afin de protester pacifiquement contre les récentes mesures préfectorales. Certains responsables ont réclamé à leurs éléments d’emmener avec eux leurs femmes et leurs enfants.

Ahurissant

Les manifestants se heurtent à une violence policière meurtrière. Au moins 200 personnes d’origine algérienne sont assassinées – jetées des ponts, tuées par balle, ou à coup de bâtons. Un policier de l’époque, Gérard Monate, membre du Syndicat général de la police, a participé à plusieurs réunions internes à la Préfecture de police sur ces évènements. Plusieurs années après, il a livré un témoignage saisissant (voir document ci-dessous) :

Tout Algérien devenait un ennemi potentiel et devait subir la rigueur de la police. On vit alors s’installer et s’amplifier : le racket, tout argent trouvé sur un algérien était confisqué ; le matraquage dans toutes les interpellations ; les comités d’accueil, lors des rafles les algériens interpellés devaient rentrer dans les locaux de la police entre deux haies d’agents qui les matraquaient. Le déchaînement devint incontrôlable et nous savions que toutes manifestations auraient un résultat dramatique. Hélas c’est ce qui s’est produit pendant les affrontements du mois d’octobre 1961. Il y a eu des tués et des blessés (…) Ce fut ahurissant ! Le nombre officiel des morts est dérisoire par rapport à la réalité.

Aucune investigation

La loi du silence s’applique alors dans toute l’administration de la police pour que la tragédie d’octobre 61 n’entre pas dans l’histoire officielle. Cachée par tout un gouvernement au nom de la raison d’État. À l’exception d’un Groupe de policiers républicains à l’origine d’un tract accusateur daté du 31 octobre. Le 1er décembre 1961, dans son bulletin d’information interne (voir document ci-dessous), le préfet de police Maurice Papon se félicite cependant, auprès de ses policiers, qu’aucune investigation indépendante ne se penche sur ces évènements :

Je me suis opposé à l’institution de commissions d’enquête et comme je vous en ai fait part, les élus de Paris et de la Seine, à l’issue de leurs débats, ont tenu à voter une adresse de confiance à votre égard.


Illustrations de la Une du 17 octobre 1961 par Loguy pour Owni /-)

Retrouvez les autres articles du dossier :
1961 entre violence et silence
La rafle du 17 octobre 1961

Photos du fonds Elie Kagan gérées par a Bibliothèque de Documentation internationale contemporaine, copyright Elie Kagan/BDIC

[MAJ] Découvrez le webdocumentaire d’Olivier Lambert et Thomas Salva La Nuit oubliée, diffusé ce lundi sur lemonde.fr.
La nuit oubliée – 17 octobre 1961

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La rafle du 17 octobre http://owni.fr/2011/10/14/la-rafle-du-17-octobre-1961/ http://owni.fr/2011/10/14/la-rafle-du-17-octobre-1961/#comments Fri, 14 Oct 2011 13:28:13 +0000 Guillaume Dasquié & Andréa Fradin http://owni.fr/?p=83354 Le 17 octobre 1961, en plus du massacre perpétré dans les rues de Paris, la Préfecture de police a planifié l’incarcération d’au moins 11 538 personnes d’origine algérienne – et 12 520 au plus, en recoupant différentes sources documentaires de l’administration. Des personnes entassées durant plusieurs jours au Stade Coubertin, au Palais des sports de la porte de Versailles, dans le hall du Palais des expositions, et dans deux centres policiers du 3e arrondissement et du quartier de l’Opéra.

Dans ces lieux, selon des témoignages concordants, plusieurs d’entre elles ont été victimes d’exécutions sommaires – on estime qu’au moins 200 personnes d’origine algérienne ont péri dans la nuit du 17 octobre. Des notes confidentielles de la Préfecture de police de Paris, alors dirigée par Maurice Papon, et datées du 18 octobre 1961 à 6h30 du matin, comptabilise cette horreur. Les personnes arrêtées sont répertoriées par la police sous l’acronyme “FMA”, pour Français musulmans d’Algérie.

Ainsi, dès la nuit du 17 octobre, 10 009 personnes ont été placées de force dans les stades et les enceintes sportives de la capitale, dont la réquisition avait dû être prévue au préalable. 831 étaient retenues dans des commissariats d’arrondissement, et 698 dans des commissariats de la proche banlieue. Au-delà du 24 octobre, il restait encore plus de 2 000 personnes enfermées, qui avaient été regroupées dans un centre situé à Vincennes.

17 octobre 1961/ Photo copyright Elie Kagan/BDIC

Au sein de l’appareil d’État, aucun responsable n’ignorait l’illégalité et la cruauté de ces opérations. La Commission de vérification des mesures de sécurité publique dépêcha l’un de ses conseillers au Centre de Vincennes, le 26 octobre. Il rend un rapport accablant, dont on sait qu’il est remonté jusqu’au Premier ministre. Dans ce document de quatre pages (voir ci-dessous), l’auteur écrit :

Je ne crois pas devoir cacher que l’impression que j’ai ressentie spécialement dans les locaux de triage m’a été fort pénible. Des centaines d’êtres humains sont parqués derrière des barrières couchés ou assis sur la paille, sales (…) la nourriture paraît nettement insuffisante ; les services d’hygiène [sont] réduits au minimum. (…) Mon attention a été attirée par plusieurs Algériens portant des pansements à la tête. Interrogés, ils m’ont déclaré avoir été frappés à coups de bâton par les gardiens de la paix (…).

Occupation nazie

La violence et le caractère barbare de ces emprisonnements extrajudiciaires ont frappé quelques intellectuels de l’époque, alertés par la tragédie. Ils les ont immédiatement comparés aux actes commis durant la seconde guerre mondiale, par cette même police française, contre les Parisiens de confession juive.

Un télégramme secret du 19 octobre 1961 (ci-dessous), deux jours après la tragédie, transmis par les services de renseignement de la préfecture, s’inquiète ainsi d’un manifeste de l’écrivain Claude Lanzmann – alors âgé de 36 ans. Et de citer le texte que Lanzmann fait circuler alors auprès de ses amis :

Un déchaînement de violences policières a répondu à leur démonstration pacifique et de nouveaux Algériens sont morts parce qu’ils voulaient vivre en hommes libres. En restant passifs, les Français se feraient les complices des fureurs racistes dont Paris a été le théâtre et qui nous ramènent aux jours les plus noirs de l’occupation nazie. Entre les Algériens entassés au Palais des Sports en attendant d’être refoulés et les juifs parqués à Drancy avant la déportation, nous nous refusons de faire une différence.



Photo de Une et des articles par Elie Kagan. Fonds Elie Kagan géré par la Bibliothèque de Documentation internationale contemporaine, copyright Elie Kagan/BDIC

Illustrations par Loguy pour Owni /-)
Infographie par Andréa Fradin et Loguy
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1961 entre violence et silence
Une honte française


[MAJ] Découvrez le webdocumentaire d’Olivier Lambert et Thomas Salva La Nuit oubliée, diffusé ce lundi sur lemonde.fr.
La nuit oubliée – 17 octobre 1961

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