Home : le chef d’oeuvre de Yann Arthus Bertrand, la trahison de Luc Besson
Le dernier film de Yann Arthus Bertrand, Home, sorti en simultané dans plus d’une centaine de pays, diffusé le 5 juin en prime time sur plus d’une centaine de chaînes de télévision, et disponible gratuitement sur YouTube, laisse dans le monde digital le sentiment d’une vaste opération de Green Washing de la part de Luc [...]
Le dernier film de Yann Arthus Bertrand, Home, sorti en simultané dans plus d’une centaine de pays, diffusé le 5 juin en prime time sur plus d’une centaine de chaînes de télévision, et disponible gratuitement sur YouTube, laisse dans le monde digital le sentiment d’une vaste opération de Green Washing de la part de Luc Besson, son producteur.
Il est capital, essentiel, indispensable, de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain.
Un film indispensable
Le film est magnifique du point de vue graphique. Les émissions “La Terre vue du Ciel” nous avaient déjà habitué au style et à la patte de Yann Arthus Bertrand, mais dans ce film, l’artiste écolo s’est surpassé. Je ne vous en ferait pas ici une critique ou une description. Si vous l’avez raté, il est disponible sur YouTube gratuitement, et en HD. Si vous avez l’occasion de le voir dans un multiplex, apprêtez vous à en prendre plein les yeux, et plein la tête, car l’essentiel n’est pas dans les images, pourtant époustouflantes, mais dans le message qu’elles portent. L’urgence d’agir, le danger des tergiversations politiques, un un mot comme en cent : courrez le voir (ou cliquez ici).
Le copyright pour flouer les artistes
Lors de l’avant première, le 3 juin dernier à Paris, Yann Arthus Bertrand déclarait enthousiaste : “il n’y a pas de droits, n’y a pas de copyright, montrez-le au maximum de gens”. Un enthousiasme qui confine ici à la naïveté. Le film est bel et bien protégé par un copyright, et la société de Luc Besson, EuropaCorp, a bel et bien l’intention d’en contrôler l’usage, et de toute évidence, d’en tirer un profit, d’une façon ou d’une autre. Si l’intention de l’auteur était de diffuser son message au plus grand nombre, c’est un semi-échec, en pactisant avec le Diable, le film de Yann Arthus Bertrand pourrait y perdre son âme, et ce serait une catastrophe.
L’intention de Yann Arthus Bertrand ne fait aucun doute, et son oeuvre plaide en sa faveur, mais celle de Luc Besson, fervent partisant d’Hadopi et de Loppsi est bien moins claire. S’agit-il de récupérer des profits au passage, ou est-ce simplement une tentative de Green Washing, très à la mode en ce moment, doublée d’une contre attaque vis à vis de l’internet qui l’a déja sévèrement critiqué, et à qui il tente de faire passer des vessies pour des lanternes ? Luc Besson nous avait déja habitué à une confusion mentale entre Libre et Gratuit, il s’est ici surpassé.
La stratégie internet de Luc Besson : le minitel 2.0
Nous avons eu l’occasion de rencontrer l’une des plus proche collaboratrices de Yann Arthus Bertrand quelques jours avant la sortie de Home, et l’entretien (en cours de montage) a porté essentiellement sur le message écologique porté par le film (sa réaction, ainsi que celle de YAB ne devraient pas tarder)
Je n’ai cependant pas manqué de l’interroger sur le régime de protection de l’oeuvre, sujet que Yann Arthus Bertrand et son équipe ont de toute évidence négligé (en même temps, ce n’est pas leur métier, et apparemment Luc Besson et Yann Arthus Bertrand ont des vues très différentes sur le sujet). Je l’ai également interrogée et sur la possibilité d’en faire d’en faire des remix, ce à quoi il m’a été objecté le besoin de conserver l’intégrité de l’oeuvre. Une réponse qui n’avait, de toute évidence, pas fait l’objet de la moindre réflexion sur ce qu’est un remix et sur ce que le remix peut apporter en terme de diffusion d’un message politique. On n’a à faire plus à une ignorance de ce mouvement culturel, qui est la base du web social, qu’à une quelconque volonté de contrôle, en tout cas de la part de Yann Arthus Bertrand et de son équipe. Du coté de Besson, ce n’est, bien évidemment, pas le cas.
Ni Yann Arthus Bertrand ni ses proches collaborateurs ne connaissaient l’existence des licences Creative Commons, et leur ignorance juridique était telle qu’ils pensaient sincèrement que l’on pouvait produire une oeuvre sans le moindre régime de protection (par défaut, et sans mention contraire, c’est le copyright qui s’applique, même si cela n’est pas explicitement marqué où que ce soit).
En adoptant une licence Creative Commons (by-nc), Yann Arthus Bertrand aurait pu laisser un milliard d’internautes remixer son oeuvre, en faire des montages alternatifs, plus adaptés à certaines cultures, à certaines situations écologiques, à certains endroits sur Terre, mais également plus adaptées à une diffusion virale du message, et toutes, bien évidemment, pointant vers l’oeuvre originale, lui assurant de facto une diffusion encore plus grande.
Mais force est de constater que le régime de copyright et l’appréhension qu’à Luc Besson de l’internet se limite à y voir une télévision géante, un minitel 2.0.
And now what ?
Le respect du copyright, et plus encore de Luc Besson, n’est pas particulièrement répandu sur internet, et les semaines à venir ont toutes les chances de voir apparaître, un peu partout sur le net, une multitude de remix de Home. Certains remix seront excellents, d’autres médiocres, c’est la loi du genre.
Face à cela, Besson ne dispose que de trois approches :
Faire le mort, et laisser faire, accepter l’inévitable. C’est la moins pire des solutions, celle qui limitera les dégâts sur son image, celle de sa société, lui évitera peut être une multitude d’attaques venues de toutes parts, fort dangereuse pour une société cotée en bourse quand on sait à quel point le marché est sensible aux rumeurs.
Passer à l’attaque, contre l’internet tout entier. Mouvement qu’il a déja quelque peu entammé, et se retrouver non seulement la cible d’attaques pour le restant de sa vie, être également responsable d’un semi échec vis à vis de l’écologie, sa stratégie internet étant pour le moins lamentable, mais également mettre en difficulté le groupe PPR, qui a participé au financement de ce film, et qui verrait ses marques faire l’objet de moqueries et de dénigrement par bon nombre d’internautes qui se défouleraient en remix vengeurs : Gucci, Yves Saint Laurent, Puma, Conforama, Surcouf… La liste est longue, et la FNAC, déja complice de Hadopi et propriété de PPR, fait peser de lours soupsons sur les réelles intentions du Groupe.
Passer “Home” en licence Creative Commons, et permettre explicitement aux internautes de s’approprier son message, de l’adapter à leurs besoins, et Dieu sait que même si ce film peut viser à l’universalisme, il n’en demeure pas moins facilement remixable pour l’adapter à des cas particulier, pour être plus incisif sur des situations précises et certaines populations, plus touchées par un problème que par un autre. C’est de très loin la meilleure des solutions, mais cela suppose de reconnaître son erreur, pas évident vu la caractère du bonhomme.
Ne jettons pas le bébé avec l’eau du bain
Si la tentative de Green Bashing de Luc Besson a toutes les chances d’être un échec, il est impératif que le message de Home ne soit pas mis de coté. Si Luc Besson, qui avait jusqu’ici au moins le mérite de financer des films intéressants avec l’argent issu de navets, a désormais endossé le costume du Diable aux yeux des internautes, et probablement sous peu des écologistes, ne laissons pas Yann Arthus Bertrand être sa première victime.
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