Vous voulez des pions ? Vous aurez des ex-policiers
Les équipes mobiles de sécurité constituent un des quatre volets majeurs du plan de "sanctuarisation des établissements scolaires" lancé en septembre dernier. Les EMS ne font pas l'unanimité parmi les premiers concernés.
“Accompagnement du diagnostic de sécurité, prévention en cas de tension, sécurisation“. Telles sont les principales missions des équipes mobiles de sécurité (EMS). Mais dans quelles zones dangereuses agissent-elles ? Les quartiers pauvres de Baltimore filmés dans The Wire ? Des banlieues au bord de l’émeute ? Non, dans toutes les académies de la douce France.
Les quarante équipes sont en place depuis mercredi dernier. Les EMS constituent un des quatre volets majeurs du plan de “sanctuarisation des établissements scolaires” lancé en septembre dernier. Une riche idée de Xavier Darcos, mise en oeuvre par son successeur à l’Éducation nationale Luc Chatel, conjointement avec le ministre de l’Intérieur (et pourquoi pas celui de la Défense, tant qu’on y est ?).
Il s’agit d’équipes mixtes composées de personnels de l’Éducation nationale -proviseur, CPE, enseignants, infirmière…- et de “spécialistes de la sécurité issus d’autres ministères ou des métiers de la sécurité“. Comprendre des ex-policiers et gendarmes.
Le dosage de sa composition est variable en fonction des zones d’intervention. L’ensemble des membres doivent recevoir une formation “adaptée aux spécificités des interventions en milieu scolaire.” Les EMS sont placées sous l’autorité du recteur d’académie qui travaille maintenant avec un conseiller technique “sécurité“, issu de la police ou de la gendarmerie par exemple. C’est sur saisine du rectorat qu’elles interviennent.
L’argument avancé, on s’en doute, pour la mise en place de ces EMS, c’est l’augmentation de la violence à l’école sous différentes formes. Toute un arsenal sécuritaire destinée à… “restaurer la confiance et le dialogue” -cherchez l’erreur- et “conforter l’autorité dans les établissements en proie aux tensions” -là c’est plus logique. Pour retrouver la sérénité, c’est bien connu, embauchez du personnel possédant une « présence physique imposante et forte visibilité, [...] des aptitudes physiques et sportives (ex : pratique des arts martiaux) avérées ».
“Des pompiers pyromanes”
Un discours qui laisse dubitatif les premiers concernés. En Seine-Saint-Denis, département de l’académie de Créteil réputé difficile, et qui avait à ce titre inauguré le dispositif, la FCPE, première fédération de parents d’élèves, a parlé de “rustine sur un pneu crevé”.
Au lycée Le Corbusier d’Aubervilliers (93), enseignants et personnels ont fait grève, “indignés par l’absence totale de concertation et la non prise en compte de [leurs] demandes et des besoins réels.” Idem au lycée Aubrac de Pantin (93), où des enseignants avaient débrayées en janvier.
Dans une académie plus calme, celle de Toulouse, même opposition : « Cette unité est une unité que nous ne reconnaîtrons pas. Ils nous fabriquent une problématique là où il n’y en a pas. Ce sont des pompiers pyromanes : après avoir enlevé 100 000 personnes dans l’Éducation nationale il ne reste pas assez d’adultes dans les établissements » a expliqué Pascal Astruc, président de la FCPE 31.
Et Pierre Granet, secrétaire général de la FCPE 31 de fustiger cette politique du gouvernement selon laquelle « toute l’adolescence est perçue comme suspecte. Sélectionner, surveiller et punir, voilà la logique. Avec un contrôle social des populations supposées à risque qui n’est pas acceptable. La stigmatisation ne fait qu’envenimer les choses ».
Luc Chatel : «99% des élèves ne connaissent pas la violence»
Face à l’augmentation de la violence, quelles solutions autres apporter ? Suite à la mort de Hakim Mahdi, un élève poignardé dans l’enceinte de son établissement, le lycée Guillaume-Apollinaire , les professeurs avaient demandé “plus de moyens humains : des surveillants et des professeurs qualifiés“. Tout simplement : à quoi bon des États généraux si la solution est connue ?
D’ailleurs Luc Chatel lui-même a déclaré que «99% des élèves ne connaissent pas la violence». Alors pourquoi une telle débauche de moyens axés sur la sécurité ? Vous avez dit “communiquer” ?
40 000 postes supprimés depuis l’élection de Nicolas Sarkozy
Sourd à la demande, le gouvernement a prévu de supprimer 16 000 postes dans le budget 2010, conformément à la règle du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux. Ce qui devrait porter à 40 000 postes le nombre total de postes de l’Éducation nationale supprimés depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, essentiellement des enseignants.
Lors de son intervention à l’occasion de la rencontre nationale des responsables des EMS, Luc Chatel a évoqué la mort de Hakim, qui ne risque pas de se plaindre de cette récupération : “Sa mort est la négation des valeur de l’École de la République, fondée sur la tolérance, sur le respect de l’autre“. La défiance a priori fait-elle désormais partie du socle commun transmis à l’école ?
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Voir aussi l’intégralité de notre dossier spécial à l’occasion des États généraux de la sécurité à l’école, où il est entre autre question de ces adolescents envoyés en prison, aux États-Unis, parce que des policiers y ont remplacé les surveillants, de la mise en place de portiques de sécurité…
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