Jeunes journalistes, arrêtez de penser comme des vieux cons
Sûre d'elle-même, moutonnière, experte ès personal branling, la nouvelle garde, dans sa majorité, regarde le paysage des pures players avec des œillères : avant 2006, point de salut !
Petite précision de la rédaction : bien qu’OWNI “arrête la frise du Net aux cinq dernières années”, nous avons dans nos cartons un projet de fond qui nous tient à coeur : une histoire du web français. Car pour fréquenter régulièrement des dinosaures du web et leur accorder une place de choix sur la soucoupe, ce jeune vieux con de Jean-Marc Manach, Eric Scherer, qui est un de nos parrains, sans parler d’un nostalgique du papier comme Jean-Christophe Féraud, nous sommes bien conscients de n’avoir rien inventé.
En plus, nous ne sommes pas (tous) journalistes :)
Ce qui ne nous empêche pas de trouver ce billet pertinent…
Billet d’humeur sur un milieu que je connais peu (comme SCANDAL) et qui me fait pourtant pas mal cogiter : les jeunes journalistes qui peuplent ma timeline Twitter. Des personnes intelligentes, passionnantes, avec un sens aigu du bon lien mais avec la mémoire d’un poisson rouge alzheimerique quand on parle de journalisme sur le Web.
D’ailleurs, peu de noms mais beaucoup de pseudos Twitter dans cette bafouille rageuse. Le jeune journaliste ne nomme plus, il pseudise. On va vite vous remettre dans le droit chemin, c’est moi qui vous le dis.
Le texte est incohérent et ce n’est pas grave.
Un jeune journaliste, c’est quoi ?
Un ex-dreadeux avec un clavier entre les mains, un diplôme d’école de journalisme et beaucoup d’arrogance.
Les jeunes journalistes sont l’avenir du journalisme. Et ils le savent. Donc chacun, au travers de dix liens par jour et de discussions sur l’avenir de la profession, prophétise un jour l’iPad comme sauveur de la presse avant de l’abandonner le lendemain au profit « d’une révolution des contenus » et le surlendemain de l’avènement des blogs mutualisés à l’annonce des résultats de l’Huffington Post.
Des jeunes qui pensent pour la plupart de la même manière, au gré de l’actualité, qui adoptent le point de vue des anciens qu’ils sont censés conseiller, voire éclairer sur l’avenir de la profession, digital natives qu’ils sont.
A trop bien connaître ces « anciens » qui prennent le Web autant pour une plaisanterie de jeunes que pour un mal nécessaire (et incompréhensible), ils perdent toute envie de regarder ce qui se faisait sur le Web avant 2006. L’actualité est déjà assez dense pour avoir à s’embêter avec des cours d’histoire.
Des jeunes qui ont du coup toujours les vieux modèles et noms en tête alors qu’ils devraient les laisser mourir (oui, je parle bien des grands journaux, entre autres) parce qu’ils veulent les voir perdurer pour un jour y travailler, ou y continuer.
Ce jeune journaliste sort ou étudie donc dans une école de journalisme. La diversité et l’originalité intellectuelle est donc une gageure de ce milieu qui occupe bien le devant de la scène Web.
Côté vie réelle, la directrice de l’IJBA confiait pourtant aux candidats à l’édition 2009 de leur Koh-Lanta, que seuls 15% des journalistes sortent effectivement d’écoles. Une proportion qui laisse songeur.
Je suis geek avant d’être apprenti-journaliste, donc les récits des jeunes ahuris à l’entrée d’écoles rêvant d’Aubenas et de grande presse me laissent moqueur. Ils veulent devenir journalistes, pas informer par passion. Un tort impardonnable qui les mène à croire tout ce que disent les professeurs sortis de médias vieillissants.
Le personal branding pour éviter de réfléchir
Les jeunes journalistes personal brandant, ce sont les (très) sympathiques et intelligents @StevenJambot, @PaulLarrouturou ou @JeremyJoly. Symptomatique de ce que j’avance, le web docu Link Generation de ce dernier recueille les avis d’autres jeunes journalistes et de vieux de la presse en occultant complètement des mémoires vivantes de l’économie des médias Web comme @EParody.
Intelligents je disais aussi, parce que Jérémy écoute les critiques des râleurs dans mon genre et prend note des propositions pleines de fautes qu’on peut formuler pour compléter cette excellente initiative.
Ils se caractérisent par le culte du personal branding, du lien, du tweet-clash et toutes ces choses qui distrayent en battant des bras dans l’air. En collectionnant les « réflexions » sur trente sujets liés au journalisme, on en arrive à une activité disparate, perdue un peu partout sur la Toile, sans lieu ou moyen de réflexion commun. Alors peut-être qu’ils ont ces discussions en école, mais rien n’en ressort sur le Web. Just for the show, donc.
Pareil pour Owni d’ailleurs, qui malgré un contenu de (haute) qualité et une démarche originale, se concentre uniquement sur le neuf et se prend pour un pionnier lunairiste en arrêtant la frise du Net aux cinq dernières années. Les dix ans précédents passent encore au broyeur de la jeunesse, de l’autopromotion et de la nécessité d’un discours de nouveauté.
Les jeunes journalistes : de l’intelligence mais un spectre limité
Aussi, geek que je suis, je sais que les pure players, ce n’est pas les adulés Rue89, Slate ou Mediapart mais ZDNet, PC INpact, Numerama, Tom’s Guide ou le Journal du Net. Des journaux en ligne qui vivent (bien ou moins bien) de leur production (ou d’activité annexes des groupes qui les supportent) que ces jeunes journalistes ne connaissent pas parce que leurs professeurs, sortis de la vieille presse ou de médias audiovisuels, ne leur en ont jamais parlé.
La presse spécialisée dans les nouvelles technologies est la première à avoir investi le Web, à avoir connu les affres du financement d’un média à une époque où le Web était moins développé et à s’en être (très) bien sortie, au point de pouvoir maintenant étendre ces marques sur divers supports.
Je le sais d’autant mieux depuis mes deux mois chez ZDNet qui fournit un travail d’une très grande qualité (avec des analyses souvent bien moins molles que celle des « grands médias ») et m’a bien ouvert les yeux sur l’état de la « vraie » presse en ligne. Celle des pure players qui a trouvé des modèles éditoriaux et commerciaux assez cohérents pour vivre de leurs écrits depuis plus de dix ans et continuer sur cette voie encore longtemps.
On pourra me rétorquer que ces modèles (adossement à des comparateurs de prix, à des groupes d’audits, marketing direct…) ne sont pas applicables à la presse généraliste. Un bon point qui ne doit pourtant pas faire oublier qu’ils existent et qu’ils peuvent être de bonnes inspirations pour des modèles dérivés.
Donc : OUI, la presse en ligne a un avenir, et un très long passé même. Il faudrait apprendre à le connaître avant de discuter de l’édition « pure Web » comme d’un phénomène émergent. Groumph.
Mon lot de bêtises
Ce billet coup de gueule doit être bourré d’erreurs, d’inexactitudes et d’oublis qui en font tout l’intérêt. Ca vient aussi d’une très profonde frustration face à un discours que je lis tous les jours sur le Web. Discours qui provient de ces jeunes et moins jeunes journalistes, avec leur arrogance de « gens des vrais médias » qui croient que l’édition en ligne, à part eux, se limite aux blogs.
Les commentaires avec du « Tu n’y comprends rien, petit imbécile qui croit tout connaître » sont bien entendu les bienvenus. :)
Open your eyes, bidule de mince.
Parce que je n’écris jamais de billet sans insérer de clip compromettant
Enfin non, mais bon. Un peu de musique bizarre ne devrait pas vous faire de mal. Donc Mind Wall par le géant Towa Tei, c’est parti. Wesh.
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> Article initialement publié sur Irregulier.net ; la réponse de Steven Jambot à ces critiques : faire du concret en Afrique australe
> Illustration CC Flickr par One Laptop per Child
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