“L’info médicale sur Internet, c’est comme les logiciels open-source”

Le 5 août 2010

Selon le docteur Jacques Lucas, vice-président du Conseil National de l’Ordre des Médecins (Cnom), en charge des technologies de l’information et de la communication, Internet constitue “un virage majeur dans la relation médecins/patients”.

Selon le docteur Jacques Lucas, vice-président du Conseil National de l’Ordre des Médecins (Cnom), en charge des technologies de l’information et de la communication, Internet constitueun virage majeur dans la relation médecins/patients”.

Et pour cause : Internet occupe une place de plus en plus importante dans notre rapport à l’information, notamment médicale. Même si les médecins français tardent à s’emparer de ce nouvel outil, certains ont franchi le pas.

Nous avons demandé à trois médecins, membres de l’association Médecins Maîtres-Toile de détailler la façon dont ils utilisent Internet. Tous tirent de cette expérience de nombreux avantages en terme de relation avec leurs patients.

“Le médecin joue un rôle de bibliothécaire”

Aujourd’hui, les gens sont beaucoup moins influencés par la télévision, qui est un objet passif, que par Internet, qui est un objet actif : le patient est perdu, il ne sait pas où chercher,

nous explique le Dr. Biland, médecin généraliste à Tourcoing. De fait, le médecin sur Internet doit avant tout jouer “un rôle de bibliothécaire” : “il faut écouter le patient, le renvoyer vers une information référencée”.

Car le constat est unanime : le patient de 2010 est pleinement formé à l’utilisation d’Internet et y trouve nombre de ses informations médicales. Il faut donc le guider, l’orienter sur le réseau, mais aussi également lui dire où ne pas aller, puisque les informations qu’on trouve sur le Net ne sont pas toujours entièrement fiables. “Je leur dis d’aller sur des sites fiables et leur déconseille formellement les forums comme ceux de Doctissimo”.

Pour le Dr. Mennecier, hépato-gastroentérologue à l’hôpital Begin à Saint-Mandé, Internet peut faire partie intégrante de la consultation. Renvoyé vers une documentation gérée directement par son médecin, le patient peut avoir accès à une information claire et pertinente. Le Dr. Mennecier a souvent recours à cette pratique, qui permet de retranscrire ce qu’il se dit pendant la consultation, où le patient est parfois assailli d’informations. En ce sens, la pratique d’Internet intervient “en complément de la consultation”, sans la remplacer.

C’est même un véritable moyen d’éducation thérapeutique : “au lieu de répéter dix fois la même chose”, le patient peut facilement retrouver l’information dans la documentation établie par son médecin. Et les avantages sont conséquents : cela lui “permet d’avoir une bonne relation et une bonne adhésion au traitement” et renforce “le sentiment de confiance, car le patient est formé et sait ce que je lui propose comme traitement”.

Les limites de cette utilisation

Pour le Dr. Biland, il n’est pas encore envisageable d’utiliser Internet pour interagir encore plus directement avec ses patients “ça ne présente pas d’intérêt, ça ne veut pas dire que je ne le ferai pas”. De même, il se montre réticent à l’usage des réseaux sociaux, invoquant le problème de la mémoire d’Internet car “l’info que le patient donne aujourd’hui, dans trente ans elle sera toujours visible”.

Le Dr. Mennecier nuance également la généralisation de sa pratique. Selon lui, elle correspond moins aux besoins des médecins généralistes qu’à ceux des médecins spécialisés, dont l’audience et la maladie sont beaucoup plus ciblées, et où la synthèse y est de fait plus simple.

Même si les forums comme ceux de Doctissimo restent contestés, l’information médicale sur Internet est loin d’être inintéressante. Toujours selon le Dr. Mennecier,

L’information médicale sur Internet, c’est un peu comme les logiciels open-source, elle se met à jour plus vite.

Mais “même si l’information médicale est de qualité, rien ne vaut un médecin” ne manque-t-il pas de préciser. Cela reste un domaine à risque, et “le plus gros, ce sont les forums, car ceux qui y vont, ce sont ceux qui ne vont pas bien”.

Si les relations médecins/patients sur Internet semblent se limiter pour le moment à un aspect plutôt informatif de la pratique médicale, d’autres utilisations sont néanmoins possibles.

D’autres usages d’Internet en médecine

Depuis quelques années, ce qu’on appelle la télémédecine semble se dessiner comme l’usage le plus prometteur des nouvelles technologies de la communication dans un cadre médical.

Pour l’OMS la télémédecine est “l’utilisation des technologies de l’information pour fournir des soins médicaux et des informations d’un endroit à un autre”. Déjà largement utilisée dans les pays du Nord de l’Europe, elle recouvre des activités très différentes, du travail collaboratif aux dossiers médicaux en ligne en passant par de véritables télé-interventions. Ainsi, si on imagine facilement certaines utilisations des technologies comme les opérations à distance, d’autres pratiques méritent également que l’on s’y attarde.

Le Dr. Ludwig Finkeltain, neuro-psychiatre et psychanalyste, pratique depuis une dizaine d’année la télépsychatrie. Il a d’abord traité par le biais d’Internet des demandes classiques et informelles de renseignements et d’informations. Mais il a depuis mené “conformément à un protocole expérimental” une psychothérapie par e-mail à heure et jour fixes, le tout ponctué par une rencontre mensuelle, notamment pour des patients habitant dans des endroits reculés où ne pouvant pas se présenter directement au cabinet.

Et les résultats sont “remarquables”, puisque que la télépsychatrie a permis de recréer les mécanismes à l’œuvre dans le cadre de consultations classiques. Selon le Dr. Finkeltain, “le processus psychothérapique est également possible par ce moyen”. Mais plus largement, selon lui :

Ma profession, nos diverses spécialités médicales ont énormément à gagner à l’usage d’Internet.

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Crédit Photo CC Flickr : TabithahawkPasukaru76.

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