Geek underground: une fabuleuse expérience de “sexualité augmentée”

Le 20 novembre 2010

Délaissant le geek mainstream, point désagréable mais si commun, La Peste nous invite à découvrir de plus obscurs charmes mâles, qui déclinent à leur façon l'art de la bidouille corporelle.

Dans la catégorie “analysons le web et rationalisons l’homo numericus”, les mÅ“urs sexuelles du geek constituent une inépuisable source de rédactionnel facile : le geek, cet être étrange venu d’ailleurs, semble en effet inspirer les pisse-copie 2.0, dont je fais humblement partie (ceci expliquera peut-être que j’aie un jour entrepris de donner aux geeks un mode d’emploi du clitoris).

Le geek mainstream : orgasme et mozzarella au programme.

Étant admis que le geek n’est pas vraiment un être humain mais pas tout à fait un alien, nous autres loleurs du web nous appliquons à exploiter le filon et produisons sans scrupules de la vanne geekesque au kilomètre, les geeks eux-mêmes contribuant à propager les clichés (preuve d’un savoureux sens de l’autodérision). C’est ainsi que l’internaute lambda en est venu à considérer le geek, dans son acception commune, comme un individu un peu asocial, gamer invétéré capable de jouer en réseau des nuits entières, se nourrissant exclusivement de pizzas et de Coca même pas Zéro, plutôt timide mais passionné, et doté d’un tempérament de feu.

Oui, le geek est supposé baiser comme un Dieu, tout empli qu’il est de cette bienfaisante frustration sexuelle générée par des heures semaines mois de réclusion volontaire. En gros, une femelle un peu agile et capable de s’extasier vaguement sur Asimov ou de mouiller sa culotte devant une Xbox a de grandes chances de choper sans se fatiguer du geek consentant et dévoué.
Mais tout ça ne représente qu’une version expurgée des choses. Et la description peu flatteuse d’un ado attardé fusionnant avec sa manette n’est jamais qu’une caricature du geek mainstream, dont les spécificités restent totalement accessibles, même pour le grand public : facile à comprendre, facile à choper.

Il faut donc creuser soigneusement le sujet pour découvrir le côté obscur de la geekitude, à savoir un autre genre de geek, plus discret, en retrait des réseaux sociaux, vivant le web à sa façon et ignorant superbement l’existence du Pizza Hut le plus proche. Un peu plus âgé que son homologue mainstream, un peu plus diplômé, et bien plus cérébré, c’est le geek underground. Une pépite. Un diamant brut. Là où le geek mainstream met de la fougue en pagaille, le geek underground distillera un érotisme raffiné. Et puissant. Le cul avec un geek underground, c’est l’expérimentation d’une réalité (sexuelle) augmentée.

Eh oui, le concept de réalité augmentée se décline à l’infini. Et les notions qui le sous-tendent sont parfaitement transposables, y compris au sexe. Il y a quelques jours, Éric Scherer nous parlait bien de “journalisme augmenté“… Et dans le deuxième point abordé, il évoquait le fait de “lâcher prise sur ses contenus et laisser les contenus extérieurs entrer”. Ooooh mais je suis tout à fait d’accord, Eric. Rien de tel que de laisser entrer des contenus extérieurs. Surtout s’il s’agit de ceux du geek underground, un homme à même d’augmenter la sexualité en décuplant nos facultés de perception proprioceptives. Comment fait-il ? C’est très simple : sur le schéma classique d’une partie de baise ordinaire, il implémente un système permettant de superposer l’intelligence au sexe. Et là, on obtient du vrai cul en 3D, en une alchimie qui n’a plus rien de virtuel.

Le geek underground est donc capable non seulement d’irriguer en simultané son cerveau et sa queue, mais il considère en outre ces deux organes comme des zones érogènes équivalentes.
Ceci dit, s’il nous ouvre la voie vers une sexualité augmentée, il est moins facile à apprivoiser que le geek mainstream. Normal : son fonctionnement est plus complexe. Et l’homme est un peu sauvage. En gros, il se mérite. Portrait d’un spécimen d’exception.

Le geek underground n’aime pas le web 2.0. Et ça, c’est hot.

Facebook le débecte. Twitter le navre. MySpace est une incarnation du Diable, en la personne de Murdoch, cette innommable raclure. Contrairement au geek mainstream qui est un pur produit de l’internet social, le geek underground a une conscience aiguë des ressorts les plus subtils de l’exploitation commerciale des données personnelles de l’utilisateur. À juste titre, il y est donc fortement opposé. Et son argumentation ne se résume pas à un poing levé contre le Grand Capital, loin de là ! Une solide documentation vient appuyer son point de vue.

Une femme capable d’envisager froidement la portée économique des ressorts du web 2.0 et de soutenir une discussion hargneuse sur le fonctionnement discutable des pure players, par exemple (et si possible en se faisant l’avocat du diable, proférant des énormités du style : “Non mais sans déconner, LePost et Rue89, c’est quand même une formidable aventure humaine, c’est pas vraiment une histoire de fric !“) a donc de fortes chances de finir la soirée épinglée sur le canapé, avec l’ourlet de sa jupe qui lui chatouille les oreilles.

Certes, ça demande un peu plus d’implication personnelle que la pose soigneuse d’un mascara pailleté ou le visionnage de l’intégrale de Big Bang Theory, mais en terme de retour sur investissement, c’est carrément plus rentable : la prestation du geek underground est inversement proportionnelle à l’intensité de son aversion pour le web 2.0. Il maîtrise donc aussi bien le cunnilingus que le sacro-saint principe du no free lunch. Alors oui à l’orgasme augmenté (d’une touche de conflit idéologique).

Le geek underground ne joue pas. Il code.

Chez lui, pas de console. Et dans son PC, pas de carte graphique super cosmique. Il s’en cogne, il ne joue pas. Pour se détendre, le soir après le boulot, il se consacre à des projets personnels militants. Et qu’on ne s’y trompe pas : s’il adhère volontiers au slogan de Wordpress (“Code is poetry”), il méprise un peu ces ersatz de CMS tout juste bons à faire de l’internaute un branleur sous assistance respiratoire php. Pour lui, si à 30 ans t’es pas sous SPIP, t’as un peu raté ta vie.

D’ailleurs, les développeurs SPIP sont la référence absolue. Bien sûr, pour passer sous SPIP il faut mettre les mains dans le cambouis, mais une blogueuse qui souhaiterait s’envoyer un geek underground aurait tout intérêt à ne pas trop se vanter de maîtriser Wordpress, et à lâcher cet outil de grosse feignasse pour rejoindre la grande famille SPIP. Car pour faire bander un geek underground, il ne suffit pas de le comprendre : il faut montrer ce qu’on sait faire. Mais pas de panique : si la perspective de dézipper SPIP est trop angoissante (ça peut rebuter, à froid, même si au final ce n’est pas plus compliqué que Wordpress), il est possible d’opter pour l’observation participante en se contentant d’admirer l’homme à l’Å“uvre, à condition bien sûr d’être suffisamment renseignée pour piger de quoi il parle, histoire de rebondir sans se vautrer.

Tu veux que je pianote sur ton clavier ?

En effet, SPIP étant le minimum syndical et constituant le prérequis de toute geekerie militante, notre geek voit plus loin, et donne vie à sa propre conception du réseau social de niche. Et là, c’est forcément chez Elgg que ça se passe… Elgg, l’outil open source permettant de créer un réseau sur mesure.

Alors si l’on candidate pour une séance de baise augmentée, comprendre le fonctionnement d’Elgg et savoir poser des questions pertinentes peut s’avérer profitable à deux niveaux : tout d’abord, la maîtrise du sujet créé une communauté d’intérêts extrêmement bandante. Ensuite, la réponse aux questions posées permettra d’apprécier à sa juste valeur le fonctionnement cérébral du geek underground.

À titre de symbole, il serait donc utile :
- de pouvoir comparer avec lui l’intérêt des deux packs Elgg (le core engine ou le pack complet) selon qu’il souhaite se lancer dans du développement vraiment particulier ou au contraire se contenter de piocher dans les community plugins pour agrémenter le réseau de base
- de savoir que The Wire constitue le Twitter interne d’Elgg
- de piger qu’une des grandes forces d’Elgg, dans le cadre d’un réseau social affranchi de l’exploitation commerciale des données personnelles, c’est de permettre l’hébergement du code sur son propre système
- de savoir se montrer indulgente face aux problèmes typiques rencontrés par un concept pas encore très bien rôdé (et là, c’est le moment de placer l’expression “compatibilité ascendante”).

Au-delà de ça, et de façon plus globale, être capable d’encaisser des critiques au sujet d’un bout de code “pas propre”, et de comprendre pourquoi, ça peut toujours servir.

Alors d’accord, tout ça demande du souffle et empiète sur le temps normalement consacré à se faire un gommage. Mais se donner cette peine, c’est mettre son cerveau au service de son cul : et ça, c’est un formidable service à se rendre. Bienvenue dans un monde d’érotisme augmenté (d’une communion des âmes dans une plateforme intègre).

Le geek underground ne râle pas. Il milite.

Par petites touches, sans ostentation, et avec une grande cohérence au quotidien, il s’engage. Exemples significatifs :

- Du Coca Zéro ? Cette boisson de geek abruti et de pétasse frivole ? Il n’y en a pas chez lui. Parce que Coca-Cola assassine des syndicalistes colombiens. Et le docu réalisé par German Gutierrez et Carmen Garcia valide son point de vue. Du coup, mieux vaut ouvrir une bonne bouteille de bordeaux.
- Les liens ouvrants ? C’est le Mal, expliquera-t-il. Pourquoi ? Mais parce que Jakob Nielsen, gourou du web, l’a dit un jour. Dans une de ses alertbox. Le 30 mai 1999, précisément. Le lien ouvrant, c’est la négation de liberté de l’internaute, ça provoque la perte de l’historique, bref c’est un manquement à l’éthique implicite de tout webmaster qui se respecte. Merde quoi. (Conseil de survie : si l’on se trouve sur le site d’un geek underground et qu’on s’apprête à cliquer sur un lien hypertexte, mieux vaut cliquer sur la molette centrale de la souris. Voilà. Comme ça, on ne perd pas la page initiale. Ce qui est le souhait de tout individu normal.)
- Le commerce équitable ? Oui, mais pas n’importe comment. À l’opposé des bobos stupides qui bouffent du quinoa en se la pétant écolo sans penser une seconde aux litres de kérosène nécessaires à l’importation de cette herbacée d’Amérique du Sud, le geek underground réfléchit et achète intelligemment sa musique (oui, il est souvent punk), ses bouquins (non, il ne lit pas de la daube), et même son café.

Proudly powered by Elgg.

- La lecture sur le web ? Pourquoi pas… Mais de la bonne, alors, pas du contenu frelaté. On trouvera donc dans ses flux le rézo, le blog de Jean-Pierre Martin, celui de Tristan Nitot, Les Nouvelles News, sans oublier Brave Patrie et d’autres sites de qualité.

Globalement, la tranquille conviction avec laquelle il défend son steak rend le geek underground encore plus désirable : loin des grandes gueules à pancarte qu’on n’entend militer que lors des manifs annuelles ou de l’autarcie décérébrée des gamers en manque de chatte, il est solidement ancré dans la réalité, et fait preuve d’une crédibilité que rien ne vient entacher.

Et au pieu, il est comme dans la vie : crédible, solidement documenté et totalement impliqué. La levrette augmentée (d’une pointe d’html ou de contestation sociale), c’est un délice insoupçonné.

Le geek underground : l’essayer c’est l’adopter.

Au final, ce geek un peu à part est une valeur sûre, trop souvent méconnue. Il serait utile de commercialiser un logiciel permettant, selon les principes mêmes de la réalité augmentée, d’intégrer virtuellement le geek underground dans notre lit, histoire de se faire une idée précise de la prestation.

Ce que j’en pense à titre personnel ? Je valide totalement ce spécimen de mâle. Je le recommande, même.

Mais en attendant, mes blogs personnels sont toujours sous Wordpress, je tweete quotidiennement, j’ai descendu un litre de Coca Zéro en écrivant cet article, et tous les liens que j’y ai insérés sont ouvrants. Faut croire que je ne suis pas une bonne recrue.

Images CC Flickr César S.., mac steve, Fonzie’s cousin et adpowers

Une CC Rosekipik

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