La belle histoire de la neutralité des réseaux
Perdu dans la neutralité ? Pour y voir plus clair, Lobbynomics réalise un éclairage original du concept, à travers l'histoire des réseaux de télécommunication.
L’histoire de la neutralité des réseaux depuis la fin du 18e siècle, quel intérêt ? Si l’on considère cette idée à l’aune du seul réseau Internet, difficile de saisir l’utilité d’une telle remontée dans le temps. Mais si cet embranchement de tuyaux est aujourd’hui au centre de toutes les attentions, il ne faut pas oublier que d’autres moyens de télécommunication, avant lui, ont jeté les bases de la réflexion actuelle sur la neutralité.
Lobbynomics a retracé la sinueuse histoire réticulaire dans une infographie, consacrée au déploiement des lignes de télécommunications américaines et européennes entre 1770 et 2010. Poste, télégraphe, téléphonie et évidemment, Internet: la frise reprend les événements qui ont tissé la trame d’une exigence de neutralité dans les réseaux. Elle nous apprend par exemple que dès 1770, le Service Postal américain, anciennement “Post Office”, est tenu de faire en sorte que les messages “soient transmis à la destination choisie par les expéditeurs, sans être interceptés, lus ou déroutés en cours d’envoi.” Un siècle plus tard, les mêmes impératifs s’imposent au télégraphe, qui doit “transmettre les messages de façon sécurisée, dans l’ordre des réceptions, avec exactitude et sans discrimination.”
Les éclairages historiques laissent rapidement la place à l’étude du seul cas Internet, l’infographie opérant un rafraichissement de nos mémoires salutaire, particulièrement en ces temps d’adoption de la Loppsi en France, dont l’article 4 met un sérieux coup de boutoir à la neutralité, ou de définition du concept de neutralité des réseaux aux États-Unis -nous y reviendrons.
Le constat est saisissant: entre 2005 et 2010, en Amérique du Nord comme sur le vieux continent, les opérateurs n’ont eu de cesse d’imposer à leurs clients une certaine conception du réseau, débarrassée des encombrants -et accessoirement, potentielles menaces- protocoles peer-to-peer et de voix sur IP. Et s’ils se sont globalement saisi de la question, autorités de régulation comme gouvernements n’ont toujours pas réussi à envoyer un message clair plaidant en faveur d’un réseau neutre, libre et ouvert.
C’est d’ailleurs dans cette perspective mi-figue, mi-raisin que la FCC, équivalent de notre Arcep national aux États-Unis, s’est effectivement prononcée, peu avant Noël. Le 21 décembre dernier, l’autorité a en effet adopté des règles relatives à la neutralité des réseaux, attendues de longue date, et dont l’exigence varie en fonction des réseaux. Quand, du côté filaire, les opérateurs n’ont pas le droit de bloquer de services, côté sans fil en revanche, la FCC leur laisse une amplitude d’action beaucoup plus large, en permettant la mise en place de “services gérés” et de priorisation. Tant et si bien que cet entre-deux fâche autant le parti républicain, qui craint que ces règles freinent l’innovation sur Internet, que les partisans d’un concept plein de neutralité des réseaux, synonyme d’une discrimination nulle, quelque soit le réseau.
Pourtant, encore une fois, si ses implications sont nombreuses et expliquent la sensation de confusion qui émane des débats dont elle fait l’objet, l’idée de neutralité des réseaux est simple:
Il s’agit de garantir qu’Internet reste ouvert, libre, neutre, une source d’innovation et de création et un marché concurrent. Soit avant tout s’assurer que les FAI ne privilégient ni ne discriminent pas certains contenus, services et applications.
Des FAI qui ne scrutent pas leurs tuyaux: l’éclairage historique prend subitement tout son sens et l’analogie avec La Poste paraît beaucoup moins surannée et tout à fait à propos, comme le rappelle Benjamin Bayart:
Le facteur n’ouvre pas les lettres, de la même façon les opérateurs n’ont pas à regarder ce qu’ils transportent. S’ils veulent facturer au volume, ils peuvent, mais ils n’ont ni à choisir le niveau de priorité -ce n’est pas leur boulot mais celui des utilisateurs et des serveurs-, ni à regarder ce qu’il y a à l’intérieur.
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Infographie initialement publiée sur Lobbynomics.
Illustration CC FlickR: fedewild
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