Guerre en Libye,|| peur des réfugiés en Europe
Les Européens ont regardé, d'abord impuissants, la répression implacable de la révolte libyenne. Ils sont ensuite passés à l'action, tout en exprimant de vives craintes d'être "envahis" par des réfugiés fuyant la Libye.
L’Europe ne pourra pas se soustraire à ses responsabilités.
Déclaration signée Silvio Berlusconi en visite samedi sur l’île de Lampedusa, où des milliers de réfugiés venus des côtes tunisiennes et libyennes ont débarqué ces derniers mois. Le chef du gouvernement italien a parlé d’un “tsunami humain”, qui éprouve sur les terres européennes la solidarité effective envers les révolutions arabes.
Pourtant, depuis le 16 février, date du début des manifestations à Benghazi, les forces occidentales ont manifesté leur soutien au peuple lybien. La révolution est réprimée dans la violence mais n’empêche pas le mouvement de prendre de l’ampleur.
Quelques semaines seulement après le début de l’intervention de l’OTAN, les 27 se chamaillent pour savoir qui devra assumer la responsabilité de réfugiés dont personne ne veut.
Rappel. Le 22 février, Mouammar Kadhafi apparaît sur les écrans de télévision, halluciné et hallucinant. Son message est clair quoiqu’à peine croyable: les manifestants sont des drogués et des mercenaires, à la solde de Ben Laden.
Le plus ancien dictateur de la région promet de mourir en martyr s’il le faut, pour “protéger son peuple“.
Les manifestations se transforment en guerre de positions entre les forces fidèles à Kadhafi et les insurgés réfugiés à Benghazi et Misrata. Au total, les affrontements font des milliers de morts.
Internationalisation et politisation du conflit
La répression commence à inquiéter les puissance occidentales. Le 10 mars, Nicolas Sarkozy (qui avait reçu le dictateur en grandes pompes, quoique sous une tente, trois ans plus tôt) reconnaît le Conseil national de transition comme représentant unique de la Libye, pendant que la député Chantal Brunel expose sa solution à la crise humanitaire: “remettre (les réfugiés) dans des bateaux”. Avec le Royaume-Uni, la France milite pour l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne. Les États-Unis, par la voix d’Obama, hésitent, puis acquiescent [en].
Le 17 mars, le Conseil de sécurité de l’ONU adopte la résolution 1973 [en] qui ordonne la protection des civils libyens. La diplomatie française bombe le torse et le conflit s’internationalise, sous l’égide de l’OTAN [en] à partir du 27 mars.
Sur place, cela se traduit par la mobilisation d’hommes et de matériel venus en particulier de France, des États-Unis et de Grande Bretagne. En France, l’affaire prend un tour politicien. Au sommet de Paris de soutien pour le peuple libyen le président Sarkozy dit sa “détermination” à soutenir les peuples arabes :
Des peuples arabes ont choisi de se libérer de la servitude dans laquelle ils se sentaient depuis trop longtemps enfermés. Ces révolutions ont fait naître une immense espérance dans le cœur de tous ceux qui partagent les valeurs de la démocratie et des droits de l’homme. Mais elles ne sont pas sans risque. L’avenir de ces peuples arabes leur appartient. Au milieu des difficultés et des épreuves de toutes sortes qu’ils ont à affronter, ces peuples arabes ont besoin de notre aide et de notre soutien. C’est notre devoir.
L’intervention militaire en Libye commence, menée par les Rafales de l’armée française et le ministre de l’Intérieur manifeste son soutien à Sarkozy, à “la tête de la croisade” [voir vidéo à 10:25] auprès du Conseil de Sécurité.
La question des réfugiés prend le pas sur la question militaire
Aux prises de paroles inspirées militant pour une intervention militaire en Libye destinée à garantir la sécurité de Libyens, ont succédé des débats plus houleux, sur ces mêmes civils, lorsqu’ils apparaissent aux portes de l’Europe, à Lampedusa ou à Malte.
Alors que l’Italie accordait la semaine dernière des visas Schengen aux réfugiés tunisiens (dans l’objectif clairement affiché de s’en débarrasser), la France prévenait qu’elle n’en voulait pas, et accusait l’Italie d’agir en contradiction avec l’”esprit de Schengen”.
La commissaire européenne Cecilia Malmström a pour sa part appelé les pays membres à se montrer “solidaires”. Et la Commission européenne a débloqué 25 millions d’euros pour aider les pays les plus touchés et parer à l’urgence humanitaire.
La CIMADE (Comité inter mouvements auprès des évacués) dénonce la politique migratoire de l’UE et met en garde contre les “renforcement de la répression à l’encontre des migrants” et “les réflexes de peur et de xénophobie”.
Ce lundi, le Luxembourg accueillait la réunion des 27 ministres de l’Intérieur européens. Au menu des discussions, l’octroi de visas temporaires aux immigrés africains (venus pour la plupart de Tunisie). La question des réfugiés est-elle italienne ou européenne ? Pour Berlin, le problème est exclusivement italien. La France quant à elle, a déjà instauré un cordon sanitaire, destiné à contrôler les entrées sur le territoire français.
Dans le même temps, les combats se poursuivent en Libye, entre les troupes de Kadhafi et les insurgés. Hier dimanche, l’OTAN a détruit 11 tanks de l’armée libyenne, alors que les présidents mauritanien, malien, congolais et sud-africain, ainsi que le ministre ougandais des Affaires étrangères arrivaient en Libye, mandatés par l’Union africaine pour tenter de trouver une issue à un conflit entamé il y a deux mois, par des manifestations non violentes. Depuis le début des conflits, plus de 448 000 réfugiés, toutes nationalités confondues, ont fui la Libye.
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Illustration Flickr CC par Olmovich
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Retrouvez notre dossier sur les réfugiés de Libye :
Image de Une CC Marion Boucharlat pour OWNI
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