Sarkozy attaque Internet

Nous avons cartographié le réseau d'influence sur Internet du Président de la République - le plus puissant comparé aux autres partis. Initialement, Nicolas Sarkozy avait découvert une terre hostile. Au cours de son mandat, il a cherché à contrôler l'archipel du numérique. Avec quelques succès. Entrez et cliquez sur notre carte interactive.

“Vous avez changé le monde.” Nicolas Sarkozy tend la main au peuple d’Internet. Nous sommes en mai 2011, à l’occasion de l’e-G8. Perdu en terre indigène, le président part en conquête. Sur cette île hostile à civiliser, il s’entoure. Les conseillers se placent. Internet est un enjeu politique, il devient objet de convoitises. Affole d’abord le comté de la Culture, qui craint de voir ses ressources dilapidées dans ce nouveau monde. Cette caste capte immédiatement l’oreille du chef de l’État. C’est le temps des grands travaux. Il faut au moins une Haute autorité. Ce sera Hadopi. Les autochtones n’ont pas été faciles à mater, mais l’institution qui contrôle la diffusion des oeuvres sur Internet n’en a pas moins été fondée. Son instigateur, Olivier Henrard, conseiller Culture à Élysée, veille sur le trésor de ses landes du haut de son Palais.

Ce butin protégé, le Château s’est mis à écouter les plaintes du peuple des dunes de l’Industrie. Délaissé un temps, ce territoire s’est progressivement révélé prodigue ; le Président attentif lui a donné un cénacle, le Conseil national du numérique (CNN)1, qui l’informe des desiderata des colons du numérique. Émissaire de choix, Jean-Baptiste Descroix-Vernier a oeuvré dans l’ombre à son instauration. Et n’a pas hésité à protéger le Prince des malandrins sévissant sur le réseau. Au Palais, un jeune pèlerin a pris du galon. De webmaster élyséen, Nicolas Princen est monté en grade : il est depuis mars 2011 “conseiller technique”, officieusement rattaché aux problématiques propres au Net. Il vient combler le vide laissé par Frank Supplisson, conseiller technique NTIC évacué de l’Elysée en avril 2008, qui sévit aujourd’hui sous l’étendard du ministre de l’Industrie Eric Besson. Sorti des tiroirs de Bercy pour atterrir dans le giron élyséen, le CNN est à la fois piloté par Nicolas Princen et le cabinet Besson. A l’Elysée le symbole, à l’Industrie la besogne.

La peuplade industrielle a eu son totem. Mais ce don n’est pas un désaveu du Comté de la Culture. Loin d’être laissées en friche, ses exploitations sont cajolées. En cette fin de mandat, Nicolas Sarkozy en a même appelé à une “collaboration judiciaire et policière active entre États” pour mieux les protéger. C’est dire.

La fin du quinquennat numérique approchant, d’autres lieutenants se font le relais politique de cette bienveillance culturo-sarkozyste. Sur les Plages du Parti, Franck Riester assure la diffusion de la bonne parole. Secrétaire national de l’UMP en charge de la communication, rapporteur en son temps des lois Hadopi, il gère les affaires culturelles. Et tente de se glisser dans le costume du Monsieur Net au parti majoritaire. Une place disputée par une autre responsable UMP, plus discrète, Laure de la Raudière. Secrétaire nationale en charge cette fois du numérique, l’ingénieur télécom tente de se faire une place au soleil, à grand renfort de rapports (sur la neutralité des réseaux, sur le très haut débit) et d’expertise. Mais le sérieux ne fait pas tout et la garde Culturelle du Palais dispose encore d’une place de choix à la droite du grand Manitou.

Sur cet isolat, où chacun tente de s’attirer les bonnes grâces du Château, le bon peuple du réseau  se fait rarement entendre. Au renouvellement du bail présidentiel de lui donner un porte-voix.

Et aux internautes de préparer le débarquement pour se réapproprier leur lande.


L’Elysée à la conquête du Net, une histoire à retrouver en détail dans l’ebook Partis en ligne, qui présente les stratégies numériques de Nicolas Sarkozy, de l’UMP et du Parti Socialiste.

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Design de l’application par François Prosper et Karen Bastien [WeDoData] pour OWNI.FR
Contenu éditorial par Andréa Fradin, Guillaume Ledit et Olivier Tesquet
Couverture de Une à partir des travaux de François Prosper et remixée par la team design d’Owni

  1. dont Nicolas Voisin, patron de 22mars, société éditrice d’OWNI, est membre. []

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