Un air de particules

Le 28 février 2012

Le fond de l'air est frais... et sévèrement pollué. Pour contrer la pollution de l'air par les particules fines, officiellement toxiques et cancérigènes, le ministère de l'Écologie vient d'obtenir la publication de deux décrets pour protéger les huit villes de France les plus polluées. Mais rien ne sera mis en œuvre avant le premier semestre 2013. D'ici là : inspirez, expirez.

La semaine dernière, le 24 février, deux décrets visant à lutter contre la pollution atmosphérique sont rentrés en vigueur, pour permettre la mise en place des Zones d’actions prioritaires pour l’air (Zapa). L’objectif est de faire diminuer le taux de polluants émis par les pots d’échappement dans et autour des agglomérations les plus exposées.

C’est-à-dire : Paris, Saint-Denis, Bordeaux, Clermont-Ferrand, Lyon, Grenoble, Nice et Aix-en-Provence. À terme, dans ces huit villes, l’enjeu est de restreindre voire d’interdire, à certaines conditions, la circulation des véhicules les plus émetteurs de particules ou d’oxydes d’azote. Cette mesure ne concernera pas les véhicules d’intérêt général, ceux relevant du ministère de la défense ou encore ceux portant une carte de stationnement pour personnes handicapées.

Pour tous les autres, l’un des textes précise les sanctions prévues en cas d’infraction, 135 € pour les poids lourds, les bus et autocars, 68 € pour les véhicules légers. Mais attention, ces textes ne seront pas d’application immédiate. Pour leur mise en œuvre systématique, un troisième décret est prévu dont la date de sortie a été repoussée au premier semestre 2013.

Le projet Zapa est un axe phare du plan Particules, paru en 2007. Un programme de lutte contre la pollution de l’air par les particules, et ses conséquences sur la santé, en droite lignée des recommandations du Grenelle de l’environnement. Un bilan à mi parcours de ce plan, présenté le 7 décembre dernier par le ministère de l’Écologie, permettait de mesurer l’étendu du chantier juridique qui restait à réaliser.

Pourtant, la réalité de la pollution observée inviterait plutôt à accélérer ces processus. Le 6 février, Airparif signalait le dépassement d’un premier seuil d’alerte aux particules fines en Île-de-France. La vague de froid qui sévissait a entraîné sur l‘ensemble du territoire nombre de rapports sur une concentration anormalement élevée de ces polluants dans l’air. En cause, des couches d’air non brassées et un anticyclone persistant.

Ces particules fines sont dénommées PM2,5, en raison de leur diamètre inférieur à 2,5 micromètres. Une taille infime qui leur permet, en cas d’inhalation, de pénétrer jusqu’au niveau des alvéoles pulmonaires. Un risque pour la santé dénoncé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui estime que 1,3 millions de décès dans le monde seraient imputables à la pollution de l’air en zone urbaine.

Le plan Particules, pour s’aligner avec les directives européennes, préconise d’atteindre un taux de PM2,5 de 15 microgrammes par mètres cube d’air (μg/m3). À partir de 2015, la nouvelle valeur cible sera de 10μg/m3. L’objectif est de correspondre aux conseils pressants de l’OMS en termes de lutte contre la pollution de l’air :

Pour Patrice Halimi, Secrétaire général de l’Association santé environnement france (ASEF), descendre sous la barre des 10μg/m3 sera difficilement réalisable. Et pourtant :

Les microparticules émises par les véhicules diesel, sont entre autre reconnues comme cancérigènes, irritantes et allergènes. En 2007, l’étude ISAAC réalisée dans six villes françaises sur près de 8 000 enfants, a démontré l’effet de la pollution atmosphérique sur le développement de l’asthme et des allergies. Les enfants résidant depuis huit ans dans des zones à pollutions élevées ont 3 fois plus d’eczéma, 1,5 fois plus d’asthme et presque 2 fois plus d’asthme à l’effort !

Pour déterminer l’influence au long terme de ces particules fines, l’Institut de veille sanitaire (InVS), a coordonné de juillet 2008 à mars 2011 le projet Aphekom. Ce dernier a permis d’établir les impacts sanitaires de la pollution atmosphérique dans 12 pays européens.

Nombre moyen de mois de vie gagnés si les 25 villes de villes à l’étude baissaient le taux de concentration jusqu’à atteindre le taux de 10μg/m3.

Les chiffres de l’Agence nationale de sécurité sanitaire(Anes) montrent que, pour l’année 2002, les particules fines auraient causé 600 à 1 100 décès par cancer du poumon et 3 000 à 5 000 décès par maladies cardiorespiratoires. Des chiffres alarmants qui pourraient donc être considérablement réduits même si à l’heure actuelle aucun seuil n’a été déterminé en dessous duquel les PM2,5 n’auraient aucun impact sur la santé. En cas de pics de concentration, comme ce fut le cas lors de la période de grand froid, les incidences sur la santé s’observent rapidement :

En moyenne sur une année, on observe que les jours où les concentrations de particules fines sont élevées, les hospitalisations augmentent, de même que les taux d’infarctus ou d’AVC. Ainsi, une hausse de 10 µg/m3 de la dose journalière entraîne en moyenne deux fois plus d’hospitalisations d’enfants et de personnes âgées.

Une synthèse sur l’estimation des hospitalisations en urgence en temps de pollution atmosphérique corrobore les propos de Patrice Halimi. L’un de ces co-auteurs, Sabine Host de l’Observatoire régional de santé d’Île-de-France souligne toutefois que de nombreuses dispositions sont prises pour réduire le taux de PM2,5 – en théorie.

Les sources à l’origine des particules fines sont multiples. L’effort est surtout mis sur des mesures de restrictions au niveau des sources fixes comme les usines, les chaufferies… Il y a aussi des plans de déplacements urbains qui vont réguler l’utilisation de la voiture en ville ou encore le projet Zapa mais aussi une nouvelle régulation sur la biomasse et l’interdiction des déchets verts.


L’étude des sources aide à trouver des situations répondant à des conditions spécifiques. D’après le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa), en 2009, les émissions à l’origine des PM2,5  en France proviendraient de ces différentes sources :

Ces 35% du secteur résidentiel/tertiaire souligne l’importance de sources de pollution qui restent malgré tout peu régulées. Elles concernent notamment les particules fines émises par le chauffage au bois des habitations. Si des mesures de restrictions sont difficiles à mettre en place, des initiatives voient le jour comme le label Flamme Verte qui favorise l’installation de dispositifs de chauffage moins polluants.

Cette multitude de sources, dont les proportions varient selon le positionnement géographique, et l’effet de dispersion des particules fines dans l’atmosphère mettent en évidence une autre conséquence : la pollution ne s’arrête pas à la porte de la maison.

Les transferts entre air extérieur et air intérieur existent. Il est impossible de déterminer le taux de particules fines dans une habitation ou un bureau car les situations diffèrent d’un endroit à un autre. Un logement mal isolé va permettre plus d’échanges, et inversement. Mais paradoxalement cela veut dire qu’un habitat qui va avoir peu de transferts peut aussi concentrer les polluants à l’intérieur.

Si la pollution extérieure impacte la pollution intérieure, il est indéniable que, outre les résidus de combustion, les produits ménagers, le bricolage, le tabac le cas échéant, font également partie des agents dangereux. Les études sur les éléments précis qui composent ces poussières, d’origine intérieure ou extérieure, font cruellement défaut.  Le manque de données précises crée un flou qui se répercute sur l’état des connaissances portées aux consommateurs. Une situation que dénonce Patrice Halimi :

Ce qu’il faut prendre en compte, c’est que nous respirons au quotidien un air pollué ! Il est donc primordial d’informer le grand public.

Le bilan à mi parcours du plan Particules a montré que l’essentiel de la communication aux particuliers réside en la diffusion de plaquettes. La sensibilisation sur les émissions polluantes dues au système de chauffage est quant à elle confiée aux “professionnels de la maintenance”.

Si la lutte contre la pollution aux particules fines passent naturellement par l’effort de réduction des émissions, il n’est pas fait mention des possibilités de purification de l’air. Car des solutions comme une aération pouvant filtrer le PM2,5 sont envisageables mais restent coûteuses et nécessitent un entretien régulier.


Photo par Wa So/Flickr (CC-byncnd)

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