HADOPI et HA-près ? Les industries culturelle face à leur responsabilité citoyenne

Le 30 avril 2009

Les questions de soutenabilité de la création artistique dans un environnement numérique auront été à peine effleurées au cours d’un débat de plus de six mois qui pour les historiens du numérique n’aura finalement pas plus d’intérêt que le verbatim d’une émission "Ciel Mon Mardi" consacrée à la corrida.

Tribune initialement publiée le 29 Avril 2009 sur ElectronLibre.info

Chères industries culturelles,

Alors que la loi “Création et Internet” sera bon gré mal gré votée dans les jours à venir à la majorité au sein de notre vénérable Assemblé Nationale, redéfinir les contours de la culture à l’ère du numérique devient une priorité absolue.

Les questions de soutenabilité de la création artistique dans un environnement numérique auront été à peine effleurées au cours d’un débat de plus de six mois qui pour les historiens du numérique n’aura finalement pas plus d’intérêt que le verbatim d’une émission “Ciel Mon Mardi” consacrée à la corrida. Quid du statut de l’artiste ? Quid de la notion de la définition de la diversité dans un univers d’abondance de l’offre ? Quid du rôle opérationnel des maisons de disques ? Quid de la définition de l’exception culturelle et des quotas de diffusion de chanson francophone ?

Malgré la mobilisation des politiques, la mobilisation des acteurs de l’industrie culturelle, la mobilisation des artistes, la mobilisation des éminences numériques, la mobilisation des consommateurs, le bilan de l’épisode HADOPI – autre nom de la loi – est d’une vacuité sans nom.

Une poussée de fièvre sur Google Trends dont il ne sort rien pour la création à l’ère numérique si ce n’est la mise en place d’une Haute Autorité dont le mandat politique n’est pas un mandat de support à la création artistique à l’ère du numérique mais un mash-up complexe entre un aspirateur à adresses IP et un guichet automatique de La Poste.

Répression sur l’Internet

Vos artistes et vos consommateurs auraient pu espérer mieux de ce débat qui les a mis au centre de l’agenda politique alors que la crise gagne toutes les couches sociales du pays et que la culture malgré sa haute valeur symbolique ne constitue pas la base de la pyramide des besoins au sein de notre société. Il est d’ailleurs peu probable qu’une si belle place dans l’agenda législatif vous soit offerte dans les années à venir.

Alors oui, vous avez gagné. Le pouvoir en place a accédé à votre demande de plus de contrôle et de répression sur l’Internet afin de favoriser l’émergence et la survie d’une offre culturelle à l’heure du numérique. Rançon de ce succès, vous vous devez maintenant de réussir non plus simplement pour vos actionnaires mais aussi afin de respecter l’esprit de la loi adoptée par les députés de l’Assemblée Nationale au nom du peuple français.

A vous maintenant de nous démontrer dans quelle mesure, vous allez savoir saisir cette opportunité pour financer et soutenir la diversité culturelle et offrir aux artistes français ainsi qu’à toute la filière musicale et cinématographique des emplois de qualité où le travail artistique est rémunéré à sa juste valeur opérationnelle (la prestation d’une tâche artistique) et patrimoniale (la juste répartition des fruits d’un succès commercial garantie par le droit d’auteur).

Un début de réponse

Car le tour de bonneteau sémiologique qui vous a permis de vous présenter comme gardiens de la diversité culturelle, de l’emploi de qualité au sein des filières artistiques et de l’antilibéralisme tout au long de la loi HADOPI ne trompe personne et doit maintenant se traduire en fait réel et quantifiable.

La communauté des artistes que vous défendez et vos consommateurs sont maintenant en attente de réalisation concrète, de nouveaux albums produits, de nouveaux films originaux, de chiffres de revenus, d’amélioration qualitative de la condition des intermittents du spectacle, etc. Toute une série d’indicateurs que les pouvoirs publics et en premier lieu le Ministère de la Culture devrait mettre en place dès aujourd’hui afin de fournir au peuple français d’ici 3 ans une évaluation en bonne et due forme de cette décision de politique publique qu’est HADOPI.

C’est sur cette base là que vous serez jugé par les artistes dont vous vous dîtes les représentants et les protecteurs et les citoyens français auprès de qui vous demandez le vote d’une législation répressive.

La tâche sera ardue car le débat sur HADOPI ne vous aura pas apporté un début de réponse opérationnelle aux problématiques soulevées par le numérique. Et il est par conséquent impératif que vous veniez prendre part aux multiples propositions de débats, de tables rondes et autres initiatives lancées ces derniers jours afin de faire avancer cette réflexion.

Car d’ici trois ans, un échec d’HADOPI pour favoriser l’émergence d’un écosystème soutenable de la création artistique vous aura totalement discrédité auprès des communautés artistiques et de vos plus fervents consommateurs.

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