L’éducation numérique, c’est pour bientôt ?

Le 1 mars 2010

L’écueil serait de vouloir apprendre aux jeunes à utiliser des outils nouveaux… avec des vieilles méthodes et un contexte obsolète.

Le 15 février dernier, le gouvernement a annoncé la préparation d’un plan visant à moderniser l’Éducation nationale. Les principales mesures de ce plan seront inspirées du Rapport Fourgous (pdf) sur le développement du numérique à l’école.

Sans rentrer dans les détails, je vous propose une lecture transversale de ce rapport.

Investir dans la matière grise, pas que dans le matériel

Le premier constat sur lequel ce rapport se base est que les investissements dans l’équipement matériel ne suffit pas. Et l’on peut difficilement ne pas être d’accord : donner les outils, c’est bien, encore faut-il former nos jeunes à les utiliser. D’ailleurs, les outils informatiques sont de toute façon déjà partout : à l’école comme à la maison, et pour certains même dans leur poche… Là n’est donc plus vraiment l’enjeu. il faut donc former à l’usage de ces outils…

Le mirage de la génération Y

On a beau dire que la jeune génération, les « digital natives » qui sont « nés le clavier dans les mains », est plus à l’aise avec ces outils, encore faut-il enseigner les bonnes pratiques…  À ce titre, la lecture de cet article écrit par un professeur d’informatique est très édifiante :

Il semble qu’une nouvelle vague d’étudiants arrive en écoles d’art, des étudiants « post-micro-informatique », relativement malhabiles face aux logiciels bureautiques ou de création, auxquels ils ont pourtant eu accès au collège. Cette observation récente et empirique semble confortée par les travaux de chercheurs de la Fondation Travail et Technologie de Namur, auteurs d’une étude évoquée par une interview pour le journal Le Monde, étude qui tend à établir qu’une partie des adolescents et des jeunes adultes manquent d’aisance avec les outils informatiques dont ils disposent pourtant et dont ils sont quotidiennement consommateurs.

Ouch ! ;-)

Ne soyons donc pas naïfs quant à la nature de ces générations Y (ou je ne sais quoi « natives ») : il y a un réel besoin de formation aux usages, mais pas seulement. Il y a en effet un décalage flagrant dans le fait que les jeunes sont certes accoutumés à manier une souris et un clavier, mais qu’ils n’ont pas forcément conscience du changement profond que ces outils apportent (justement parce qu’ils ont toujours connu ces outils). Ils n’ont pas connu la transition comme les générations précédentes.

Éduquer les éducateurs…

C’est là que le rôle des éducateurs est crucial : eux ont le recul nécessaire : ils ont connu l’ancien monde… mais ils doivent encore pour la plupart acquérir la perspective numérique.

Et c’est là que le rapport Fourgous a vu juste : miser sur l’éducation des professeurs au même titre que celle des élèves. Cela semble de bon sens, pourtant la tentation a été grande jusqu’à présent de vouloir les court-circuiter pour s’occuper directement les soit-disant premiers intéressés à savoir les jeunes.

Cela sera-t-il suffisant ?

Il semble indéniable que ce rapport va dans le bon sens. Pour autant, comme je tiens souvent à le souligner, le numérique est un enjeu qui dépasse bien souvent les considérations traditionnelles. Il nous amène à repenser en profondeur chaque couche du système actuel. Il en est de même pour le vaste sujet de l’éducation 2.0. Peut-être faudra-t-il aller plus loin que le simple enseignement de l’utilisation des outils numériques. Peut-être faudrait il apprendre à penser le numérique ?

À ce titre, je vous invite vivement à lire l’article de Henri Verdier sur ce sujet, qui, je ne peux le cacher, m’a inspiré cette réflexion et dont je vous propose un extrait :

Je crois qu’on a tort de réduire la question du numérique à un problème d’équipement, de ressources, de formation et de volontarisme. Notre système éducatif a été bâti au nom d’objectifs bien précis, autour d’une stratégie d’industrialisation des processus éducatifs bien précise. Et il tient assez bien depuis Jules Ferry. Dans ce cadre, le numérique peine à trouver une place, parce que les nouvelles technologies n’apportent jamais de gain d’efficacité dans une organisation si elles ne sont pas accompagnées d’une réorganisation.

L’usine, le bureau, l’armée ou le bloc opératoire de 2010 n’ont rien à voir avec leurs ancêtres de 1910. Les grands principes d’organisation de l’école sont les mêmes. Aucun changement radical ne se produira dans les écoles sans un changement de même ampleur.
Et comme on ne décrètera pas ces changements d’un trait de plume, et comme on va devoir expérimenter et innover, il va falloir commencer par la mère de toutes les réformes : faire confiance aux enseignants, leur donner une liberté d’organisation, leur donner latitude de faire bouger les organisations, voire en partie les programmes. Et comme on veut garantir l’égalité républicaine, il va falloir inventer des processus d’accompagnement de ces expérimentations et repenser l’encadrement et les inspections. Et comme tout ceci coûte cher il va falloir assouplir les possibilités d’investissement des établissements scolaires et des enseignants eux-mêmes. Et à tous les étages il va falloir mettre des degrés de liberté. [Lire la suite]

En d’autres termes, l’écueil serait de vouloir apprendre aux jeunes à utiliser des outils nouveaux… avec des vieilles méthodes et un contexte obsolète…

L’esprit “2.0″ ne peux pas s’enseigner comme on apprend le théorème de Pythagore. En revanche, il peut se transmettre subtilement en s’intégrant dans l’esprit du système d’éducation de demain. Ce n’est pas encore l’heure de la récré M. Chatel !

Parole d’un vieux de 21 ans (sic) ! ;-)

Article initialement publié sur Tête de Quenelle !

Photo CC Flickr Dean Terry

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