Une réponse parmi d’autres, trop rares, à la crise des médias ?

Le 23 avril 2010

Porter à bout de bras une aventure éditoriale ambitieuse peut toujours sembler être un pari fou. Si nous sommes convaincus qu'il n'en est rien, voilà donc une occasion rêvée d'expliquer à tous comment fonctionne la soucoupe, plan de vol inclus.

Le plan de vol de la soucoupe

Alors que le moindre battement d’ailes d’un papillon dans les médias américains induit une réaction quasi immédiate  en France comme ailleurs dans le monde, la compénétration entre sphères publiques européennes reste quasi nulle.

OWNI vise à se faire l’écho du meilleur des informations et des idées sur l’ère numérique en provenance de nos voisins européens. Pour ce faire, dans un premier temps, un réseau de vigies européennes sera constitué. A l’horizon 2011, une version anglaise d’OWNI sera lancée , parallèlement à un déploiement européen et international d’OWNI ; ceci notamment à l’aide de partenariats d’ampleur transfrontalière (cf. interview d’Adriano Farano).

Laboratoire du journalisme innovant, OWNI se doit d’être à la pointe de l’expérimentation en matière de datajournalism, une nouvelle façon de présenter l’information à l’aide de visualisations, d’infographies dynamiques, de journalisme de base de données et d’outils interactifs.

Fort de ses équipes, OWNI a déjà fait montre de ses capacités en matière de datajournalism: une carte de la vidéosurveillance dans le cadre des Etats Généraux de la Sécurité à l’école ou encore un outil de géolocalisation des bureaux de vote à l’occasion des Régionales 2010.

En préparation : visualisation des données sur les établissements carcéraux, carte des flux migratoires en Europe, visualisations autour du parc éolien français ou du G20, ou encore représentation graphique et interrogeable de la place des médias classiques dans le web social.

Dans le même sillage, OWNI vise également à expérimenter des nouvelles formes de journalisme, en particulier avec le “journalisme de liens”. Lancé aux États-Unis avec des “success stories” telles que The Drudge Report, le “linkjournalism” consiste en une sélection de liens pertinents sélectionnés avec soin pour un public donné.

Dans les projets d’OWNI figure notamment le lancement d’une LinkTV, une web TV basée sur des liens de vidéos de qualité hébergées entre autres sur YouTube ou Dailymotion. Ceci fait suite aux expérimentations menées depuis deux an notamment avec Aaaliens (agrégateur de liens fédérant certains des veilleurs les plus réputés du web social francophone).

Pour porter son projet éditorial, OWNI se constitue en pôle non-profit, composé d’une association, OWNIeditors, et d’un fonds de dotation, OWNIpedia, qui financera d’autres projets innovants dans l’écosystème de l’information.

Les valeurs intrinsèques d’OWNI s’inscrivent dans l’un des principes fondamentaux de la démocratie française: l’accès des citoyens à la culture et au savoir comme véritable extension du droit social. Cette notion d’intérêt général a été fondée par le Conseil National de la Résistance selon lequel, pour pouvoir participer pleinement à la démocratie et faire des choix réfléchis et informés, les citoyens doivent acquérir un minimum d’éducation et de savoir.

Valeurs et outils, deux notions inextricables

Né en avril 2009 en France lors de la bataille contre la loi Hadopi, OWNI est engagé pour les libertés numériques et vise à faciliter un débat public constructif, critique et technophile. Fort d’un réseau de 500 contributeurs, auteurs, professionnels, chercheurs, journalistes, entrepreneurs et d’internautes actifs, l’objectif d’OWNI – média, réseau social et plateforme de publication – est d’offrir le meilleur de l’information et du débat sur l’évolution de la société numérique en France et en Europe.

OWNI raconte et analyse l’impact d’Internet sur la société, les pouvoirs et les cultures. La publication met en scène au quotidien ses contenus à la destination gracieuse du plus grand nombre, et grâce à la bonne volonté de notre communauté d’auteurs. Celle-ci accepte de publier ses articles sous licence Creative Commons, permettant ainsi aux idées de circuler le plus possible.

Ces valeurs, nous tentons au quotidien de les défendre en permettant à chaque internaute, d’obtenir une information claire, identifiée et gratuite pour comprendre la mutation du monde qui nous entoure.

OWNI est développé en open source (en logiciel libre) dans l’environnement Wordpress (WorpressMu + BuddyPress), “Content Managing System” qui est la première plateforme de publication dans le monde. Ceci est un choix stratégique fondamental qui participe de la philosophie de notre média, en adéquation directe avec les valeurs de l’Internet que nous défendons (partage, collaboration, transparence, ouverture), mais c’est également un avantage en termes de recherche et développement collaboratifs considérable.

Enfin, et c’est un point clef, l’environnement de travail, le code, les services, les applications tierces, sont en permanence mis à jour et testés par des millions d’utilisateurs dans le monde. La communauté de développeurs Wordpress est très dense, très active (bien plus que toute autre communauté autour d’une plateforme de publication en logiciel libre comme Drupal). Automatic, société qui pilote et exploite le code de Wordpress (à l’adresse wordpress.com et en fournissant des solutions professionnelles dédiées) fait évoluer de façon organisée et pérenne l’écosystème de bénévoles, d’entrepreneurs du web et de passionnés qui gravitent autour de sa solution, sans échange marchand systématique entre ses membres (cf. l’adresse wordpress.org).

Les repères économiques usuels s’effondrent

Dans un monde en perpétuel changement, en crise globale et identitaire, les repères économiques usuels s’effondrent.

Les acteurs économiques doivent repenser leurs modèles, en se transformant. L’alliance entre le profit et le non-profit répond aujourd’hui à cette problématique. Le commerce équitable en est la preuve flagrante. Avec 2 300 milliards d’euros de chiffre d’affaires net global en 2007, 79 000 points de ventes dont 55 000 supermarchés, et une croissance annuelle de 20%, le commerce équitable est le marché qui connaît la croissance la plus rapide du monde. Ce succès est du à l’association du secteur économique (fabricants et distributeurs) avec le secteur non lucratif (associations, fondations), qui répondent tous deux au besoin essentiel des clients d’aujourd’hui : vivre dans un monde meilleur. Ainsi, les entreprises conservent leurs marges et leurs rentabilités tout en aidant 1,5 million de paysans dans le monde.

Dans le secteur des médias, l’hyper abondance de l’information, et notamment numérique, a provoqué un effondrement des recettes publicitaires perçues par chacun des acteurs. Cette situation entraîne la nécessité de repenser le rôle de médiateur culturel.

C’est ce qu’à fait le milliardaire américain Herbet M. Sandler avec le média web ProPublica qu’il a doté d’un budget annuel de 10 millions de  dollars. Pilotée par l’ancien directeur de la rédaction du Wall Street Journal, la rédaction produit des sujets d’investigation qui sont diffusés soit en partenariat avec d’autres médias (dont le New York Times), soit directement sur son site web. Leur production est financée par le non-profit via des mécènes qui donnent en moyenne 66 000 euros. Ainsi, la rentabilité du média est assurée tout en délivrant une information claire et objective au plus grand nombre.

Ce modèle profit/non-profit vient d’être récompensé en avril 2010 par un Prix Pulitzer remis à une enquête publiée sur ProPublica.

L’attrait profit/non-profit permet en outre de créer des synergies fiscales grâce, en particulier, aux mécaniques de donations. Lancée en 2007 par Jean-François Daniel (disclaimer: Jean-François Daniel fut un partenaire actif d’OWNI) l’opération “La Rose Marie Claire” en France est un exemple concret de ce type de synergie. En vendant une rose dont la moitié du prix de vente est reversée à des associations qui scolarisent les jeunes filles défavorisées, les entreprises bénéficient d’une réduction fiscale de leur impôt sociétés sur la partie du prix qui est reversée et augmentent leur chiffre d’affaires grâce au trafic supplémentaire généré par l’attrait du non-profit (augmentation de 20% du trafic dans les points de vente), sans compter l’image qu’elles donnent ainsi à leurs clients.

Dans le cas d’OWNI, la synergie profit/non-profit se traduit [maj : aurait pu se traduire] par la création de l’association OWNIeditors qui prendra dorénavant en charge le développement éditorial du média social OWNI, jusqu’ici piloté par 22mars. Ceci se fait en restant dans le même écosystème et avec une totale continuité – 22mars est fondateur d’OWNIeditors et a associé à son capital l’ensemble de l’équipe éditoriale (Guillaume Ledit, Sabine Blanc, Adriano Farano, Nicolas Kayser Bril) en plus des développeurs (Tom Wersinger, Aurélien Fache) et de notre maître es-design, Loguy aka Logule. Cette prise en charge est permise dans un premier temps par l’octroi d’un prêt à taux zéro de 250 000 euros à l’association, puis par le développement des recettes non-profit : dons, mécénat et subventions.

Ce dispositif permettra l’essor du projet éditorial d’OWNI. La nouvelle version du site en est l’une des incarnations. En beta permanente, la soucoupe est un phalanstère, un lieu d’expérimentation afin de permettre une information qui serve l’intérêt général et permette une meilleur compréhension des cultures liées à l’essor de ce nouveau corps social qu’est le web, devenu véritablement “social”.

Notre stratégie – et les mois, voir les années, de travail que cela a nécessité – est une réponse parmi d’autres, trop rares, à la crise des médias. Cet écosystème est celui d’une économie qui précède puis que permet une stratégie médiatique d’intérêt public, menée par des artisans. Ces artisans en lien social sont la “dream team” que le temps et l’exigence nous ont permis de réunir.

Un éditeur ne saurait avoir d’autre chemin que celui de “prendre soin”. Et de sublimer.

Ils nous ont également aidé sur ce chemin : Pierre Bilger, Eric Scherer, Pierre Bellanger, Jacques Rosselin, Jean-Christophe Feraud, Jean-Marc Manhack, Olivier Missir, Sébastien Ravut, Remi Vincent, Pierre Romera, Isabelle Mirri (…)

Voir aussi The Flying Saucer’s Flight Plan, en anglais.

MAJ : Dissocier l’actif et les équipes ? Nous n’avons pas retenu cette hypothèse. Par contre le modèle mixte “profit / non-profit” est au coeur de l’économie d’OWNI. Suivez les Editos mensuels, ils content notre histoire ;-)

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