War Logs: Le datajournalism prend de l’ampleur
Roy Greenslade, qui tient un blog sur le Guardian et enseigne à la City University de Londres, estime que les révélations de Wikileaks et le traitement qui en est fait renforcent les partisans du datajournalism.
Roy Greenslade, qui tient un blog sur le Guardian et enseigne à la City University de Londres, estime dans ce billet que les révélations de Wikileaks renforcent les partisans du développement du datajournalism. Les liens sont en anglais.
Les révélations de Wikileaks sur la conduite de la guerre en Afghanistan ont été très justement salués comme le triomphe du “datajournalism”.
Il y a eu bien entendu une source principale, puisque quelqu’un a fait fuiter les 92 000 documents militaires classifiés. Mais la conséquence de la diffusion de l’information dans le domaine public est l’obtention d’une image plus précise de ce qu’il se passe en Afghanistan.
Les détracteurs ont attaqué ces fuites de deux façons contradictoires. Nous avons d’un côté l’argument du Pentagone et de la Maison Blanche: les éléments publiés mettent en péril la sécurité nationale et mettent la vie des soldats en danger. De l’autre, on trouve le point de vue selon lequel les fuites ne sont pas si conséquentes que cela (exemple dans “The Spectator”, qui titre Peu de révélations fracassantes dans ces fuites)
Ils ne peuvent tous deux avoir raison. Mais ils peuvent avoir tort ensemble. En ce qui concerne l’argument portant sur la sécurité, tant le Guardian que le New York Times ont déclaré qu’ils avaient été suffisamment prudents pour retirer tout ce qui pourrait menacer la sécurité des troupes.
Pour ceux qui déclarent que les éléments publiés sont sans grand importance, laissons les lecteurs en décider. Cela ne nous empêche pas d’effectuer quelques remarques.
Pensons-nous que des rapports factuels produits par des soldats américains sur les civils tués au cours d’opérations militaires sont sans intérêt? Pensons-nous réellement que des informations solides sur la puissance croissante des talibans devraient être tues? N’y a-t-il aucune conséquence aux preuves évidentes de l’aide fournie par les talibans par le Pakistan et l’Iran?
Bien sûr, nous pourrions dire que nous savions tout ça, ou à tout le moins que nous le suspections. Mais ces documents fournissent un appui sans équivoque à ces suspicions.
Wikileaks a fait œuvre de service public en publiant ces documents sur le web, tout comme les journaux qui les ont analysés pendant des semaines.
Il y a quelques semaines, Julian Assange, le principal porte-parole de Wikileaks, a lancé un appel aux entreprises de presse en les encourageant à mettre plus de données brutes à disposition du public.
Cet appel, qui a été lancé depuis la City University de Londres était entièrement orienté sur le besoin d’augmenter la transparence en matière de journalisme.
Assange croit que “le journalisme devrait être comme une science”. Il a aussi affirmé au journaliste du Guardian Stephen Moss qu’ “autant que possible, les faits devraient être vérifiables. Si les journalismes souhaitent bénéficier d’une crédibilité sur le long terme, ils doivent prendre cette direction, et avoir plus de respect pour leurs lecteurs”.
J’admets que j’ai longtemps défendu l’idée que les sources sont l’âme du journalisme. Mais j’ai rejoint le point de vue selon lequel les données sont plus précieuses (comme je le suggérais dans un article publié il y a 14 jours: Memo pour les journalistes: analysez les données et les sources suivront).
Plus précieuses? Les données ont bien évidemment besoin d’être analysées. Cela veut dire qu’une série de décisions éminemment subjectives entrent en jeu. Cela ne pose pas de problème puisque le résultat de l’analyse est fondé sur des informations factuelles et que, dans ce monde de médias ouverts, des analyses concurrentes peuvent être proposées à la sagacité des lecteurs.
Wikileaks, tant d’un point de vue éthique que pratique, est le produit du nouveau paysage médiatique qui permet une plus grande transparence et une responsabilité accrue comparée au passé.
En tant que journalistes, nous devrions être ravis: notre tâche centrale a souvent été de divulguer des informations, de révéler au public des documents que d’autres auraient souhaité voir rester secret.
La forme émergente de divulgation sur Internet, défrichée avec succès par Wikileaks au cours des deux dernières années, mérite nos éloges et a besoin d’être défendue contre le forces réactionnaires qui cherchent à éviter l’exposition.
Article initialement publié sur le blog de Roy Greenslade, traduit par Guillaume Ledit
Illustration: Carte publiée sur le datablog du Guardian, réalisée par Paul Scruton
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