Pourquoi les stars du web n’arrivent pas à pénétrer les entreprises?

Le 18 octobre 2010

Utiliser les réseaux sociaux les plus connus au sein d'une entreprise pose souvent problème. Si des solutions adaptées existent, elles sont souvent mises de côté tant elles bouleversent les relations entre collègues.

Facebook, Twitter ou encore FlickR, Digg, Delicious, WordPress… Mais pourquoi donc ma DSI [Direction des Systèmes d'Information] n’utilise pas ces outils au sein de mon entreprise ?

Cette question, beaucoup d’entre vous se la pose. Pourquoi donc un tel écart entre nos usages « à la maison » et nos outils « professionnels » ? Étant confronté à cette situation quotidiennement, je voulais écrire ce billet de longue date. Le très bon billet de Fabien Grenet « Et si Twitter lançait une offre vraiment adaptée aux entreprises ? » repris sur le tout aussi bon blog de Nicolas Bordas m’a décidé à le rédiger.

Il existe plusieurs raisons à cela, liées aux besoins spécifiques d’une entreprise, en passant par la stratégie (et les moyens) de nos start-up préférées.

Ces stars du web, dont les services sont utilisés chaque jour par des centaines de millions d’internautes, n’arrivent pas à proposer des offres « pro ». Par offre professionnelle, je pense à proposer leur technologie pour l’entreprise, en usage interne. Je n’évoque pas ici l’utilisation des outils à des fins de marketing/communication par les marques.

Mais le constat est pourtant sans appel : aucune des start-up que je connaisse ne propose ce type de service pour l’entreprise. Si, pardon, j’en connais deux, dont une française (cocorico !) : Google via ses offres Google Apps, Enterprise Search et Postini Services, et Netvibes au travers de son offre Netvibes for entreprise.

À l’heure de l’Entreprise 2.0 (je vous conseille au passage cet excellent blog piloté par le non moins excellent Fred Cavazza), des « nouveaux médias » et de la redéfinition des moyens de communication dans l’entreprise, voire de son organisation même, le constat est étonnant, car nous pouvons imaginer les besoins bien présents.

De plus, le cloud computing est aujourd’hui très tendance. Or, toutes les sociétés citées ci-dessus sont déjà sur un mode « in the cloud » et pourraient attaquer le marché des entreprises en leur proposant des offres clé en main, sous un mode aujourd’hui très recherché de pay-per-use.

Ci-gît le Seigneur de La Palice
S’il n’était mort il ferait encore envie

L’entreprise est l’entreprise, l’usage privé est l’usage privé

Par cette très belle lapalissade, se cache une effroyable vérité. Même si en apparence les besoins finaux sont identiques : usage, ergonomie, fonctionnalités…, les besoins et exigences d’une entreprise vis-à-vis des services utilisés sont très différents du monde « grand public ». Nous pouvons citer par exemple (liste non exhaustive) :

  • La sécurité absolue de l’information
  • Le taux de disponibilité du service (contractuel avec pénalités à la clé !)
  • Propriété intellectuelle des données : à qui appartiennent les informations et données créées sur les plateformes ?
  • Les besoins d’interconnection avec le reste du SI (annuaires, authentification via SSO – Single Sign On,…)
  • La relation client – fournisseur, réunions régulières, tableaux de bord, etc.
  • Réversibilité (comment récupérer mes données en cas de fin de contrat ?)
  • Le support utilisateurs
  • …

Sur l’ensemble de ces quelques points pris en exemple, la plupart de nos start-up préférées sont incapables de répondre. Imaginez le coût en pénalités que devrait payer Twitter à ses clients pour cause d’indisponibilité du service ! Et agir sur cet indicateur nécessite de revoir l’architecture technique au grand complet.

Bien incapables d’aborder ces aspects, le champ est alors libre pour voir apparaitre des sociétés reprenant des concepts, mais adaptés à l’entreprise.

Citons par exemple le très bon (et français) bluekiwi (Twitter) qui propose une offre de réseau social d’entreprise. Ou encore Yammer positionné sur le microblogging. Sans oublier bien entendu les « gros » que sont Microsoft ou encore IBM qui ont des offres de plateformes collaboratives.

Ces start-up (ou pas) sont alors centrées sur les besoins des entreprises et savent y répondre au plus juste.

De plus une start-up comme Twitter par exemple ne dispose ni des ressources, ni des moyens, permettant d’étendre leur service aux entreprises. En effet, la stratégie communément adoptée est 1- avoir la base d’utilisateur la plus importante possible 2- essayer de trouver une recette pour la monétiser. Les efforts sont alors concentrés sur le recrutement de nouveaux utilisateurs, au détriment de la stabilité ou de la sécurité de la solution (Twitter, encore une fois, est un cas d’école !). Impossible dans ces conditions d’espérer démarcher les entreprises pour leur ventre une solution SaaS (Software as a Service) !

Enfin, et ce n’est pas négligeable, une start-up ayant depuis l’origine évoluée sur un marché grand public a énormément de mal, lorsqu’elle entreprend de proposer une solution à une entreprise, à avoir un discours adaptée à celle-ci. Je pense que c’est une question de gènes ! J’ai pu personnellement constater, au travers d’un appel d’offre, que même une jeune et petite start-up comme Google n’arrive toujours pas à avoir un discours adapté à une grande entreprise, et ne dispose pas de réponses satisfaisantes aux questions posées ci-dessus. A contrario, les sociétés comme bluekiwi étant spécialisées dès l’origine sur l’entreprise, sont comme des poissons dans l’eau !

Il serait pourtant, à mes yeux, très pertinent de voir des entrepreneurs proposer cette double approche public–entreprise dès la création de leur business, en intégrant les deux dimensions dans un business plan… La partie publique créerait un usage ainsi qu’une notoriété forte. La branche entreprise permettrait d’assurer le financement de l’entreprise. Les ressources techniques seraient communes bien entendu, intégrant l’ensemble des contraintes dès la conception. Je ne me souviens pas avoir déjà été confronté à ce type de modèle…

Donc, les solutions existent. Pourquoi n’ai-je rien au boulot ?

Oui l’offre existe, elle répond à tous les canons de la beauté actuelle : Software As A Service (ou offre dans le nuage), pay-per-use, un investissement donc minimum, prêt à être utilisé et une mise en Å“uvre technique ultra simple…

Cependant, l’usage de ces outils bouleverse les relations au sein de l’entreprise. Pour le meilleur bien entendu. Mais comme pour tout, tout ceci doit se faire de manière maîtrisée, contrôlée, accompagnée, avec des sponsors internes forts, porteurs de ces changements.

Aujourd’hui, la DSI va pouvoir jouer à plein son rôle de veille technologique, accompagner et guider l’entreprise dans les changements qui arrivent, mais ne peut en aucun cas prendre le rôle d’une DRH ou d’une Direction de la Communication. Ces personnes doivent ainsi être les vrais moteurs de tels changements et à la pointe des attentes et nouveaux usages de leurs collaborateurs. La DSI jouera alors pleinement son rôle d’accompagnateur.

Vous trouvez que vos outils professionnels brillent par leur obsolescence ? Arrêtez ainsi de vous plaindre de votre Informatique, allez voir votre DRH :-) La DSI connait déjà les réponses !

Billet initialement publié sur le blog d’Éric Delattre

Illustration CC FlickR par slimmer_jimmer

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