L’antiterrorisme tient sa nouvelle victime

Le 19 septembre 2011

Deux ans après son arrestation, le physicien Adlène Hicheur devrait demeurer en détention provisoire pour des faits de terrorisme qui restent à prouver. Ses proches pointent les lacunes d'un dossier ficelé par l'antiterrorisme français.

Malgré l’absence d’éléments matériels, le physicien Adlène Hicheur devrait voir son mandat de dépôt prolongé par le juge des libertés, lors d’une audition prévue ce mardi 20 septembre. Le chercheur entamera donc prochainement sa troisième année de prison.

Arrêté le 8 octobre 2009, ce physicien de l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire, le Cern, est mis en examen pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Il est accusé d’avoir échangé des messages sur Internet avec un membre supposé d’Al Qaida au Maghreb Islamique. Deux ans après, personne d’autre n’a été mis en examen dans cette affaire. Celui qui est présenté par l’accusation comme son interlocuteur, Mustapha Debchi, a été arrêté début février en Algérie. Aucun élément nouveau n’a été versé au dossier depuis.

Nouveau renouvellement

Ses avocats et ses proches ne se font aucune illusion quant à la décision de demain. Le prolongement de son mandat de dépôt rythme la détention d’Adlène Hicheur tous les quatre mois depuis deux ans. Le débat contradictoire en présence du juge des libertés, du prévenu et de ses défenseurs devrait aboutir, demain, à un renouvellement malgré les alternatives envisagées et un état de santé dégradé.

“Il est affaibli, il marche avec une canne”, nous a confié Me Baudouin, l’un de ses avocats. Avant son arrestation, au printemps 2009, il avait été hospitalisé plusieurs mois en vue d’une intervention chirurgicale, finalement annulée. Pendant sa garde à vue, il n’avait pu porter la ceinture lombaire et avait effectué son transfert à Paris, 500 km assis dans un véhicule, quand les médecins lui recommandaient la position debout ou couché. Et c’est couché au sol dans sa cellule qu’il avait fini sa garde à vue rappelle son frère, Halim.

La prison de Fresnes

Une première expertise médicale conclut le 17 décembre 2009, deux mois après son arrestation, à la compatibilité de son état de santé avec une incarcération. Ce que ses avocats ont contesté, jusque devant la Cour de Cassation. Dans les arrêts du 15 mars et du 15 juin 2011, les magistrats de la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire rappellent les arguments de la chambre de l’instruction :

Sur l’état de santé de M. X (Adlène Hicheur), l’intéressé est suivi régulièrement en détention et y reçoit les soins appropriés à son état (…) il est pris en charge par les médecins intervenants dans les établissements pénitentiaires et ne produit aucun certificat médical révélant un changement de sa situation.

Le 3 mai 2011, un certificat médical établissait que “les pathologies chroniques ont un retentissement psychologique accentué par la détention”.

Vingt demandes refusées

Plus de vingt demandes ont été déposées par ses avocat. Toutes ont été refusées, y compris le placement sous bracelet électronique alors que les conditions étaient réunies. En juin 2010, le service pénitentiaire d’insertion et de probation (Spip) a mené une enquête en vue d’un placement en liberté conditionnelle sous bracelet électronique. Adlène Hicheur pouvait être hébergé par un membre de sa famille en Seine-Saint-Denis, à proximité d’un lieu de soins.

Réalisée en lien avec les forces de police dont le domicile dépend, l’enquête a conclu à la possibilité technique de mettre en place un tel dispositif. Mais la question des horaires de pointage au commissariat n’a pas été traitée. Et c’est ce point qui a justifié le refus du juge des libertés, en juillet 2010, de mettre fin à la détention à la centrale de Fresnes.

La chambre de l’instruction a justifié ses rejets de remise en liberté par des motifs généraux comme le montre l’arrêt de la Cour de Cassation du 15 juin 2011. Le maintien en détention vise à “mettre fin à l’infraction et [à] empêcher son renouvellement”, à “garantir son maintien à la disposition de la justice” et prévenir toute fuite à l’étranger “compte tenu de la double nationalité du mis en examen [et] “du fait qu’il soit coutumier des voyages à l’étranger”. Son maintien enfin vise à “empêcher une concertation frauduleuse avec les co-auteurs ou les complices”.


Crédits photo CC Wikimedia Commons by-sa Lionel Allorge / FlickR CC by Vectorportal

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