Nicolas Sarkozy fait l’économie du net

Le 17 avril 2012

En transformant une réponse à un groupement d'industriels en "projet numérique", Nicolas Sarkozy continue sur sa lancée. Internet y est considéré principalement sous ses aspects économiques. Sans oublier la nécessaire lutte contre le piratage.

Nicolas Sarkozy lors du forum e-G8 à Paris en mai 2011 - (cc) Ophelia Noor pour Owni

Il était temps ! A cinq jours du premier tour de la présidentielle, Nicolas Sarkozy a livré son “projet numérique”. Ou plus exactement, un texte de 37 pages – une somme en regard des autres réponses – adressé en réponse au “Collectif numérique”, groupement de 19 représentants d’industriels du net qui a demandé à l’ensemble des prétendants à l’Élysée de présenter leur vision du secteur. Dans le cas du candidat-président, la réponse s’est donc finalement mutée en e-programme.

Économie

Un choix qui peut expliquer la tonalité résolument économique du projet. Dès les premières lignes, Nicolas Sarkozy annonce d’ailleurs la couleur : Internet est une “question clé” qui “concerne autant notre économie que notre société en général, notre démocratie, notre école et les éléments du vivre-ensemble au XXIème siècle.” La hiérarchie est faite. Et respectée : plus de la moitié du texte se consacre ainsi exclusivement à Internet perçu en tant qu’industrie. Ce n’est qu’à la page 22 qu’apparaît d’autres notions, telles que la “diplomatie connectée”, l’open data, ou bien encore le rôle d’Internet dans l’éducation, la formation ou la santé.

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Pour le candidat de la majorité, l’objectif est de considérer le numérique comme une “industrie à part entière” : fiscalité, implantation à l’étranger, aide aux starts-up, impôts sur les sociétés étrangères implantées en France, création de séminaire, signature de convention… Le but est de partir à “la conquête du monde” avec des “étudiants [qui] se passionnent pour le numérique comme les générations précédentes se sont passionnées pour le chemin de fer, le train, l’avion ou l’aérospatiale, ces industries qui aujourd’hui déplacent toujours les foules au décollage.”

Résultat : les autres volets d’Internet, qui dépassent la seule économie du secteur tout en y étant intimement liées, restent pas ou peu abordés. Pourtant, il y a déjà presque un an, en juin dernier, les responsables numériques de l’UMP avaient élaboré 45 propositions pour Internet [PDF], balayant un champ bien plus vaste que le seul terrain économique. Y étaient abordées la vie privée, la protection du principe de neutralité du réseau, ainsi que l’épineuse question du filtrage du net, pour lequel les représentants de la majorité en charge du dossier envisageait la mise en place d’une procédure unique faisant intervenir “systématiquement” l’autorité judiciaire “hors circonstances exceptionnelles”.

Propriété intellectuelle

Si Nicolas Sarkozy reste silencieux sur ces questions, d’autres en revanche font une apparition remarquée au cÅ“ur du projet.

Ainsi la propriété intellectuelle et l’industrie culturelle, que Nicolas Sarkozy rapproche du marché du logiciel, les estimant tout deux victimes du fléau du “piratage”. “Ce sujet majeur devra être traité comme l’est le piratage des autres créations de l’esprit” martèle le candidat.

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De même pour la sécurité, qui n’a que peu à voir avec des préoccupations purement économiques. Nicolas Sarkozy souhaite mettre “Internet au cÅ“ur” de ce sujet, expliquant vouloir réfléchir “aux façons d’utiliser les communications par SMS et réseaux sociaux, plébiscités par les jeunes générations, pour le signalement des violences et délits aux forces de police.”

Au final, l’impression qui ressort de ce projet numérique improvisée – ou prétexte – est un saucissonnage d’Internet qui profite au seul volet industriel et économique. Manque une vision, une approche globale sous-tenant l’ensemble. D’ailleurs, le candidat a beau déclarer que “pas une seule proposition de [son] programme ne concerne pas le numérique”, force est de constater qu’Internet ne figure qu’à la marge dans le texte fondateur. Seules exceptions : le point 13, consacré à la “lutte contre les nouvelles formes de terrorisme”, qui mentionne la pénalisation de la “consultation habituelle de sites Internet faisant l’apologie du terrorisme ou diffusant des techniques terroristes.” ; et le point 17, qui envisage la question de la couverture du territoire en très haut débit.

François Bayrou, Nicolas Dupont-Aignan, Eva Joly et François Hollande ont également répondu à la sollicitation du Collectif numérique. De même, d’autres organismes, comme Candidats.fr de l’Association pour le logiciel libre (April) ont demandé aux présidentiables français de présenter leur perception et leurs propositions pour Internet. Des contributions qu’OWNI ne manquera pas de synthétiser dans une approche comparative des programmes. A suivre, donc.


Photographie par Ophelia Noor pour Owni /-) Nicolas Sarkozy lors du forum e-G8 à Paris en mai 2011

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