Les data en forme

Le 11 septembre 2012

La 47e chronique de la veille du datajournalisme selon Owni vous embarque dans un livre aux millions de couleurs, l'inflation en temps réel, les dépenses des parlementaires, les secrets du graphe Facebook et des fractales naturelles.

Aux écoliers qui viennent de réintégrer leurs classes, les professeurs présenteront sûrement Raymond Queneau comme un remarquable prosateur. Mais rares sont ceux à qui on exposera son surréaliste ouvrage de littérature expérimental Cent mille milliards de poèmes, lequel propose, par un jeu de languettes et de rimes, plus de vers que ne pourra jamais en lire l’humanité.

Sur un principe voisin, l’artiste allemande Tauba Aurebach (à qui on devait déjà un piano qui ne peut se jouer qu’à deux) a imprimé un “atlas colorimétrique”, déclinant sur 3 000 pages le spectre RGB (ou RVB pour les francophones). Basé sur les trois couleurs primaires de la lumière, ce nuancier constitue le système chromatique de référence pour les écrans et logiciels d’imagerie à travers le monde.

Le livre ne portant aucune autre indication que les couleurs elles-mêmes, pas même code offrant la possiblité d’appliquer la couleur observée sur Photoshop ou Gimp, il s’avère d’une parfaite inutilité pratique. Les amateurs éclairés pourront donc se contenter de la pure contemplation et feuilleter ce qui s’avère être une véritable oeuvre de data-art.

Inflation en temps réel sur Amazon

A l’issue d’une enquête mené par ses journalistes Julian Angwin et Dana Mattioli sur Amazon, le Wall Street Journal a découvert une autre sorte de nuancier : celui des prix pratiqués par les géants du eCommerce ! A l’image du “yield management”, par lequel les compagnies aériennes font fluctuer d’heure en heure le prix de ticket en fonction de la demande et de la disponibilité des places, des algorithmes ont été implémentés sur ce site et chez certains de ses concurrents pour modifier heure par heure (voire quart d’heure par quart d’heure) l’étiquette d’un produit. Objectif de la manoeuvre : optimiser son référencement dans les moteurs de recherche qui scannent le web à la recherche des meilleurs prix, et qui “même pour un penny de différence” ramènent en tête des classements telle ou telle plate-forme. Une méthode surprenante que le site web du quotidien économique a retranscrit en suivant le cours d’un micro onde General Electric sur trois sites différents (dont Amazon) durant la journée du 12 août dernier :

Durant cette seule journée, le four aura ainsi vu son prix passer de 745 dollars à l’aube à plus de 850 dollars dans la matinée avant d’amorcer un creux entre 9h30 et midi, heure à laquelle il est revenu à son pic et ainsi de suite… Le tout correspondant de façon assez fidèle aux heures de lever, repas et travail de l’Américain moyen. Au total, notre micro onde aura connu neuf changements de prix en 24 heures sur Amazon, contre deux seulement chez son concurrent Best Buy, avec une amplitude de prix de 100 dollars ! Interrogé par les journalistes, la société Mercent Corp qui commercialise ces solutions de montagnes russes tarifaires annonce modifier le prix de deux millions de produits chaque heure. De quoi renouveler le concept de shopping en temps réel.

Dans la poche des parlementaires anglais

En 2009, un scandale avait entaché toute la classe politique britannique et interrogé la France : plongeant dans le détail des notes de frais des parlementaires, nos confrères du quotidien le Daily Telegraph avaient relevé des abus manifestes dans ces dépenses discrétionnaires, depuis les travaux de jardinages jusqu’à la spéculation immobilière en par la nourriture pour chat. Tandis que les Français n’ont pas encore vu la première virgule d’un amendement donnant un droit de regard sur les 6 142 euros de “frais de mandat” versés chaque mois par l’Assemblée, le gouvernement britannique a appliqué aux budgets de fonction de ses députés sa politique d’Open Data. Publiées par l’Independant parliamentary standards authority (ou Ipsa), les émoluements des parlementaires sont désormais publics et consultables à loisir sur le site de l’institution. A ceux qui veulent aller droit au but, nos talentueux confrères du Guardian proposent une application qui permet de passeren revue, poste par poste, les dépenses de chacun des élus et de les comparer avec les moyennes des autres partis :

L’application, élaborée à l’aide d’utilitaires de la société de datavisualisation Tableau, propose même un “top” des élus les plus dépensiers, la première place revenant au travailliste Jim Murphy qui a dépensé pour l’année fiscale 2011-2012 près de 87 000 livres, soit 109 000 euros ! Et pour ceux qui s’indigne du manque de transparence de ces données en France, leur souris pourra s’attarder sur l’initiative de l’ONG Avaaz qui a lancé pour cette rentrée parlementaires une pétition en ligne exigeant que les citoyens puissent avoir un droit de regard les livres de compte du Palais Bourbon.

Highway to hell

Avant de retourner à d’autres comptabilités d’utilité publique, permettez-nous de vous offrir une petite pause musicale dans votre voiture de fonction. La filiale australienne de l’assureur Allianz a compilé une série de données d’intérêt divers sur les autoradios, de leur naissance (en 1930, par la bien nommée société Motorola) aux derniers “pods” pour smartphones embarqués :

Nous y apprenons notamment que des études ont prouvé que l’écoute de musique en voiture augmente de cinquante millisecondes le temps de réaction de l’automobiliste aux objets se présentant devant lui mais réduisait de cent millisecondes leur réactivité aux menaces provenant des côtés du véhicule. Le tempo semble également être en cause : le compositeur le plus “sécure” selon une étude cité par ce panneau serait Mozart tandis que Eminem serait le plus accidentogène. Au milieu du classement, Elton John constituerait le meilleur compromis. En tout cas du point de vue de la sécurité routière.

Tous les amis du Monde !

Lancé début août, le site Facebook Stories s’était donné pour vocation de relayer “les plus belles histoires” partagées sur le réseau et ceux qui l’utilisent. En plus des histoires particulières, le site d’est enrichi cette semaine d’une datavisualisation réalisée par une chercheuse issue de la prestigieuse université de Stanford portant sur les liens entre les usagers selon leur pays : la “carte interactive de l’amitié mondiale” :

Le diamètre de chaque cercle est calculée en fonction du nombre de “liens d’amitié” Facebook entre chacun des pays pondéré par le nombre total de ces liens à l’intérieur de chacun des pays.

Si beaucoup de faits sont largement connus (les liens entre les pays européens et leurs anciennes colonies ou bien entre les Etats membre du Commonwealth), d’autres amitiés à longue distance révèlent des aspects méconnus de l’histoire culturel, politique ou économique de certains Etats. Les Brésiliens y révèlent ainsi les forts liens qui les unis aux Japonais, du fait de l’immigration massive vers l’Archipel dans les années 1970, et les intérêts économiques du pays en République démocratique du Congo. Des détails sont présentés en pied de carte pour expliquer l’origine de certains liens (avec quelques bugs néanmoins, comme l’amitié franco-tunisienne expliquée par l’immigration des Zimbabwéens en Afrique du Sud).

La minute autopromo : P/Datha est sur C/Politique !

Owni et France 5 sont heureux de vous annoncer la naissance dimanche 9 septembre d’une nouvelle chronique : C/Data. Elle marche (grâce à Loguy), elle parle (grâce à Julien Goetz) et elle sait même compter (grâce à Paule d’Atha) pour dynamiser en image les débats menés par Caroline Roux dans l’émission C/Politique. Pour cette rentrée, peut-être sous l’influence familiale, elle a parlé de gaz de schiste, pour questionner le lieutenant d’Europe écologie-Les Verts Jean-Vincent Placé, en exposant les pour et les contre de l’exploitation de cette ressource :

Chaque semaine, elle viendra chahuter dans vos dimanches après-midi vers 17h40. Les papas sont un peu crevés mais très contents.

Bonus : quand la nature fait des fractales


Sans l’aide d’aucun logiciel connu, la nature produit spontanément aux quatre coins du globe des représentations mathématiques complexes que l’homme a mis des siècles à mettre en équation. Depuis deux ans, le professeur Paul Bourke de l’University of Western Australia chasse sur Google Earth les fractales partout où ils apparaissent, des plateaux secs d’Espagne aux deltas sinueux de Birmanie et jusqu’au fin fond du Groenland, où la verdure se complexifie mathématiquement.

Le projet Google Earth fractals est libre de contribution et accompagne chaque image d’un fichier .KMZ (compression du format .KML, format de localisation de Google Earth et Google Maps) pour aller admirer, dans leur milieu d’origine, les gribouillis matheux de mère Nature. Et à ceux qui veulent se balader dans l’univers des représentations fractales, depuis Second Life jusqu’au Grand Canyon, le site perso de Paul Bourke offre une jolie galerie de liens.

Laisser un commentaire

Derniers articles publiés