La formation fantôme de la vidéosurveillance

Le 11 septembre 2012

Les opérateurs privés de vidéoprotection devront-ils se ruer avant le 31 décembre dans le seul centre qui dispense une formation dans le domaine ? Non répond le délégué interministériel à la sécurité privée. Mais les analyses détaillées du blogueur qui a levé le lièvre laissent planer le doute.

D’ici la fin de l’année, les salariés de Pimkie ou des parking Vinci qui font de la vidéosurveillance devront effectuer une formation de 70 heures au Greta de Montpellier, unique centre qui dispense une formation sur ce domaine. Sinon, ils seront hors la loi. Telles sont les conclusions d’un article de blog paru ce lundi qui sème le doute sur les nouvelles obligations des opérateurs de vidéosurveillance.

La vidéosurveillance vidéoprotection est devenue par décret une spécialité de la sécurité privée en décembre dernier, en même temps que les “recherches privées”. Concernant la formation, la loi est claire, souligne notre blogueur :

Chaque activité du monde de la sécurité privée doit avoir “en face” une formation spécialisée, se rapportant à l’activité exercée [...]

Article 1
Les [...] salariés d’entreprises exerçant l’une des activités mentionnées à l’article 1er de la loi du 12 juillet 1983 susvisée justifient de leur aptitude professionnelle par la détention :

-soit d’une certification professionnelle, enregistrée au répertoire national des certifications professionnelles, se rapportant à l’activité exercée ; [...]

Article 9
Le candidat à l’emploi justifie de l’aptitude professionnelle correspondant à l’activité qu’il exercera.

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Depuis mars, la loi 83-629 régissant la sécurité privée a été intégrée dans le code de la sécurité intérieure (CSI). Son article L613-13 introduit une nouveau disposition : les opérateurs privés de vidéosurveillance visionnant la voie publique ou des lieux ouverts au publics sont soumis au CSI. En clair, un agent travaillant dans un parking, un magasin, un PC autoroutier est concerné.

La situation se complique pour nos opérateurs nouvellement soumis à ces obligations car ils ont jusqu’au 31 décembre… 2012, comme le stipule un décret de 2009. Un délai d’autant plus court que le Greta de Montpellier est donc le seul sur le créneau.

Formation sine die

L’article a vite été repéré par l’Å“il sagace d’Alain Bauer, le président du Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps), le nouvel organisme chargé d’encadrer le secteur. Alertée, la délégation interministérielle à la sécurité privée (DISP) a“rassur[é] les intéressés” le jour même par nos confrères de l’agence AEF sécurité globale. Son interprétation diffère totalement de celle du blogueur. Extrait du communiqué que la DISP nous a ensuite envoyé, qui se garde de fouiller les textes de loi :

Le décret n° 2011-1919 du 22/12/2011 a bien confirmé que la vidéoprotection était partie du champ des activités privées réglementées de sécurité.

Ceci a bien pour conséquence que tout opérateur chargé de visionner des images, qu’il appartienne à une société privée prestataire de services ou à un service interne, doit être détenteur avant le 31/12/2012 d’un numéro de carte professionnelle susceptible de lui être délivré au regard de ses antécédents et de la possession d’une attestation de formation en lien avec son activité.

Actuellement, toute formation, titre ou CQP (certification de qualification professionnelle, NDLR) concernant le champ de la surveillance par des moyens humains ou électroniques permet d’obtenir la carte professionnelle d’opérateur de vidéoprotection.

La DISP précise que les formations spécifiques sont reportées sine die :

En lien avec les professions concernées, et dans le cadre de la nécessaire professionnalisation de la formation aux métiers de la sécurité privée, l’Etat a prévu de procéder à la mise en place par arrêté, d’un cadre permettant à des opérateurs agissant dans le champ de la formation de proposer le moment venu des CQP ou titres spécialisés.

La formation des opérateurs de vidéosurveillance est pourtant un enjeu urgent, comme en témoignait encore récemment une étude du chercheur Tanguy Le Goff : regard discriminatoire ou distrait pour tuer le temps, perte de temps sur des aspects techniques. Et la petite histoire illustre la mise en ordre à marche forcée de la sécurité privée, à l’image de la mise en place accélérée du Conseil national des activités privées de sécurité cette année.

Car ce n’est pas la première fois que ce genre de tour de passe-passe est exécuté rappelle l’article :

- Un CQP APS sans agrément pendant au moins quatre mois [...] (avec arrêté rétroactif pour réparer tout ça)

- Tous les diplômes de niveau II Éducation nationale (psychologie, biologie et autres) sont “transitoirement” (et illégalement ? encore aujourd’hui) reconnus comme valant aptitude préalable à être dirigeant d’une société de sécurité privée, faute de n’avoir pas assez de formation reconnue au RNCP concernant cette aptitude.

En outre, et quand bien même une formation en vidéosurveillance ne serait pas requise, la marge reste étroite pour se mettre dans les règles, nous a expliqué le blogueur :

Entre ceux qui ne sont même pas au courant qu’ils vont être soumis au CSI, et le délai incompréhensible d’environ deux à trois mois de traitement du dossier par le Cnaps, sans compter le délai de formation (au moins quinze jours) et en supposant que des sessions de formation seront programmées à temps, je vois mal comment on pourrait respecter les délais.

Si dans les hypermarchés, qui ont souvent un service sécurité déclaré, les agents visualisant le système de vidéoprotection auront cette habilitation facilement, c’est surtout pour les nouveaux acteurs que cela va être compliqué, car avant, être devant des moniteurs de vidéoprotection ne nécessitait aucun agrément ou qualification.


Photo par minifig (CC-byncsa)

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