OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Sculpteo, impression de révolution industrielle http://owni.fr/2012/11/19/sculpteo-impression-de-revolution-industrielle/ http://owni.fr/2012/11/19/sculpteo-impression-de-revolution-industrielle/#comments Mon, 19 Nov 2012 12:58:59 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=125970

Œuvre d'art imprimée en 3D par Sculpteo, conçue par l'artiste Joshua Harker, photo (CC by nc) Venturebeat

Fondés en septembre 2009 par Eric Carreel et Clément Moreau, Sculpteo propose des services d’impression 3D. La petite entreprise a reçu cette semaine un Best of Innovation Awards 2013, catégorie Software & Mobile app mobile au prestigieux Consumer Electronic Show, raout annuel de l’électronique grand public qui aura lieu dans deux mois à Las Vegas. Il récompense leur 3DPcase, une application qui permet de concevoir des coques d’iPhone personnalisées. Un pied de nez à l’inquiétude sur “le désert français de l’électronique grand public” déplorée dans Le Monde au même moment, relevait Henri Verdier. Toutefois, si story il y a, pour le success complet il faudra attendre 2014 : la société espère être rentable à cette échéance. Et la France n’a pas encore mis le paquet sur cette technique en pleine croissance, contrairement aux Etats-Unis, où Barack Obama a inauguré cet été l’Institut national de l’innovation pour la fabrication additive, National Additive Manufacturing Innovation Institute (NAMII), 70 millions d’investissements dont 30 de l’État.

Retour sur la petite histoire de cette PME avec Clément Moreau, un ingénieur passé par les télécoms, où il développait les logiciels qui font tourner les box Internet ou des téléphones.

L’impression 3D est maintenant un secteur reconnu comme porteur, ce n’était pas aussi évident quand vous vous êtes lancés. Qu’est-ce qui vous a incité à créer Sculpteo  ?

En vérité ? Le fun ! En rencontrant cette technologie dans mon ancienne vie, je me suis dit que c’était tellement fun qu’il fallait vraiment la partager avec plus de gens. Il fallait faire sortir cette petite merveille des labos des grosses sociétés, pour que plus de gens en profitent ! Pas très sage tout ça …

Quelles ont été les principales étapes de votre développement ?

Chiffres-clés

Nombre de salariés : une vingtaine

Rentabilité : prévue pour 2014

Investissement R & D : 1 million d’euros par an.

Nous avons commencé par monter rapidement un site internet très simple, qui permettait juste à l’internaute d’envoyer son fichier 3D, de le visualiser et d’en commander la réalisation. C’est encore un des modes d’utilisation du site sculpteo.com.

Ce site a fonctionné, mais à notre goût il ne remplissait pas complètement la mission que nous nous étions donnée : que la technologie d’impression 3D profite à plus de gens. Pour le grand public, créer son fichier 3D restait trop long et compliqué.

Nous avons alors noué des partenariats avec des fournisseurs de solutions de création simples (Dassault, Autodesk, Tinkercad… ), et nous avons aussi réfléchi au rôle que devaient avoir les designers professionnels.

Pour les autres acteurs de l’impression 3D, la tentation est grande de les faire disparaître au profit d’une communauté d’amateurs, plus ou moins doués et exigeants. Nous pensons au contraire qu’ils ont un rôle fondamental à jouer, et nous avons voulu leur créer des outils pour qu’ils puissent utiliser toute la puissance de l’impression 3D, en proposant par exemple à leurs clients des designs modifiables (des “meta-designs”, pour Jean-Louis Fréchin, fondateur de l’agence NoDesign).

C’est comme ça que nous sommes arrivés aussi dans le développement d’applications mobiles, qui sont des moyens extrêmement simples et efficaces d’interagir avec le design personnalisable.

Parallèlement, nous avons amélioré nos matériaux : plastiques, plâtre coloré, plastiques teintés ou métallisés, résines haute définition (maintenant aussi en finition peinte), plastiques polis, et même des céramiques !

Quelles sont vos perspectives de développement ?

Les matériaux s’améliorent encore, deviennent de plus en plus nobles. Mais ce qui nous passionne le plus actuellement, c’est de voir que de plus en plus d’acteurs veulent utiliser nos outils et notre technologie pour les intégrer dans leurs business (existant ou naissants), et se mettre à commercialiser rapidement des lignes de produits en impression 3D, ou contenant de l’impression 3D, comme des opérateurs téléphoniques, des spécialistes d’objets de décoration ou de l’ameublement, etc. C’est ça la troisième révolution industrielle !

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Pensez-vous qu’il y ait une bulle autour de l’impression 3D ?

Peut-être, mais rien de comparable avec les dotcoms des années 1999-2000. Par ailleurs, le business d’impression 3D est un business d’objets physiques : des objets imprimés, des imprimantes … tout cela a les pieds bien sur terre, peu enclin aux grosses envolées possibles quand des startups se revendaient les unes aux autres des “visiteurs uniques” !

Que pensez-vous de la politique de la France en matière de soutien aux entreprises innovantes du secteur numérique et en particulier celles qui sont censées porter la troisième révolution industrielle ? Quelles mesures le gouvernement devrait-il prendre ?

Les gouvernements successifs nous aident déjà bien à travers les statuts de Jeune Entreprise Innovante et le Crédit Impôt Recherche, qui sont deux dispositifs extraordinairement sains : si vous faites de la recherche, l’État en prend un pourcentage à sa charge. Pourcentage suffisamment élevé pour que ça change vraiment la donne, et suffisamment faible pour éviter les labos dont le seul objectif est de ramasser de la subvention, comme cela peut exister avec d’autres dispositifs.

L’accès aux fonds propres des startups doit être par ailleurs facilité et encouragé. C’est vraiment le nerf de la guerre, et l’une des plus grosses différences avec nos amis américains.


Le crâne en illustration est une œuvre d’art imprimée en 3D, conçue par l’artiste Joshua Harker, réalisée avec Sculpteo, photographiée par Venturebeat [CC by nc]modifiée par O. Noor pour Owni

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De la data au street art, l’expulsion s’expose http://owni.fr/2012/11/02/de-la-data-au-street-art-lexpulsion-sexpose/ http://owni.fr/2012/11/02/de-la-data-au-street-art-lexpulsion-sexpose/#comments Fri, 02 Nov 2012 10:30:07 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=124583

Toujours pour rendre visibles les expulsés invisibles, nous diffusons nos motifs DANS LE MONDE RÉEL.

Le projet Expulsés.net, dont nous avions déjà parlé en grand bien, évolue pour sensibiliser davantage à la politique de reconduite à la frontière menée par la France en 2012.  Outre une base collectée auprès des association, en particulier RESF, détaillant le profil, partageable sur Twitter et Facebook, de chaque homme, femme ou enfant, Julien, le Bordelais à l’origine du projet a rajouté une couche IRL :

J’ai créé un kit de fabrication de figurines en argile reprenant les motifs du site. Il est produit avec une imprimante 3D et peut être reproduit et expédié sur demande à quiconque veut participer au projet. J’ai commencé à l’utiliser, à la plus grande surprise des passants qui emportent chez eux un petit totem mystérieux marqué d’une URL. Comme quoi la RepRap, ça sert pas qu’à faire des space invaders…

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Il est aussi possible de télécharger des stickers. Julien donne le mode d’emploi pour que ce hack urbain soit efficace : “il est toujours préférable, afin de vous éviter divers ennuis et également pour éviter que votre installation ne soit vue que par l’agent d’entretien chargé de la détruire, de diffuser sur des emplacements sinon autorisés, au moins non-affectés à des usages précis. Les centres-villes sont pleins de vitrines condamnées, de barrières provisoires en contreplaqué, etc. Choisissez des modes de diffusion alternatifs, voire n’accrochez pas votre installation et laissez les passants l’emporter chez eux en petits morceaux (c’est clairement la meilleure solution avec les figurines en argile) !”

Record de 2011 battu

La semaine dernière, le ministre de l’Intérieur Manuel Valls a annoncé qu’il y aura “un peu plus” de reconduites à la frontière cette année qu’en 2011, battant le “record” de 33 000. Le gouvernement précédent avait affiché un objectif de 40 000 en 2012 en cas de réélection de Nicolas Sarkozy. La baisse des expulsions constatées depuis mars “n’est pas la résultante de consignes, mais découle de l’impossibilité de recourir à la garde à vue pour les sans-papiers depuis des décisions de la justice européenne et de la Cour de cassation”, selon une source du ministère citée par l’AFP.

“Il y a de la part de ce gouvernement, une volonté de mener une politique humaine, juste, mais très ferme sur les reconduites à la frontière”, a précise Manuel Valls, qui se dit opposé à une “politique du chiffre qui pèse énormément sur les forces de l’ordre. Elle amène à des comportements, à des tensions qui ne conduisent pas à l’efficacité.”

Le changement de gouvernement n’est donc pas rendu caduc Expulsés.net. Julien prévoit d’ailleurs de faire une installation de grande envergure avec plusieurs centaines de figurines à Bordeaux en novembre.


Images via expulsés.net

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L’impression 3D, boulet médiatique http://owni.fr/2012/10/23/limpression-3d-ce-boulet-mediatique/ http://owni.fr/2012/10/23/limpression-3d-ce-boulet-mediatique/#comments Tue, 23 Oct 2012 09:10:01 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=123215

La semaine dernière, on a pu voir sur les murs de Paris une affiche posant cette question :

Et si ma nouvelle chaise sortait d’une imprimante 3D ?

Il s’agissait d’une réclame pour Demain dans ma vie, un événement de la Mairie de Paris destiné à mettre en valeur des “lieux d’innovation”. Le site Internet poursuivait :

L’innovation, tout le monde en parle. Mais qui se doute que dès aujourd’hui et demain encore plus, les objets de notre quotidien auront été fabriqués sur une imprimante 3D dans une boutique du coin de la rue.”

Cet été, le JT de France 2 s’est penché sur les fab labs. Après la diffusion du reportage, son auteur est venu sur le plateau avec une MakerBot, le nom générique donné aux imprimantes fabriquées par la société américain MakerBot industries, pionnier de la démocratisation de l’impression 3D grand public, avec RepRap. Extrait du simili-dialogue qui s’en est suivi :

Présentateur du JT de France 2 : ça veut dire que demain je casse ma branche de lunette, je casse mon stylo préféré, je ne vais pas l’acheter, je ne vais pas chez le fabricant, je le fabrique moi-même…

Reporter, la main sur une MakerBot : absolument, [...] vous trouvez les plans sur Internet, vous appuyez sur “enter” et la machine vous l’imprime. [...]

Présentateur : demain on a tous ça chez nous ?

Reporter : absolument, là c’est parti, [...] et si vous êtes très bricoleur, vous pouvez la fabriquer vous-même chez vous, c’est la magie d’Internet.

Extase

Chaque (r)évolution a besoin de symbole. La révolution industrielle eut la machine à vapeur, la fabrication numérique personnelle a l’imprimante 3D. Et ce n’est pas forcément une bonne chose. Tout symbole est un raccourci, avec ce que cela peut véhiculer d’erreurs, d’imprécision, de déception.

Imprimer le réel à portée de main

Imprimer le réel à portée de main

Les imprimantes 3D, c'est-à-dire des machines capables de fabriquer des objets, intéressent désormais de puissants ...

Il est compréhensible que les médias mainstream aient besoin d’un objet “sexy” qui fasse passer un concept, lui donne corps.

L’imprimante 3D est le “bon client”, photogénique en diable avec ses couches de plastique coloré qui s’accumulent et forment devant les yeux émerveillés du spectateur, son petit cri-cri qui ravit le preneur de son. Parfait pour résumer le pitch “from bits to atom”. Et elle-même est considérée comme une technique “disruptive”, comme le fut le PC en son temps, ce qui rajoute à son potentiel attractif.

Owni n’échappe pas à cet engouement, il suffit de jeter un œil aux illustrations de nos articles sur le sujet, et le nombre d’articles qui se focalisent sur ce seul objet. RepRap et MakerBot y sont déclinés sous toutes les coutures.

Cela devient franchement gênant quand le symbole est prétexte, conscient ou non, à tordre la réalité, au mépris du plus élémentaire bon sens. Revenons à nos exemples du début. Imprimer une chaise en 3D : même un enfant de 6 ans sait que le bois, contrairement au plastique, ne peut pas fondre. Même si l’on teste aujourd’hui l’impression de pâte à bois, la table basse en chêne qui sort de votre machine, ce n’est pas pour demain. Ni après-demain. Jamais en fait. Et en admettant que le modèle plastique vous tente, aujourd’hui, le format maximum est de 28,4 x 15,2 x 15,4 cm si vous avez sous la main la Replicator 2, la dernière MakerBot, sortie en septembre. Avec une imprimante CupCake, c’est 10 x 10 x 10 maximum.

Pourtant, il est déjà possible de fabriquer une chaise avec ses mimines à l’aide d’une machine assistée par ordinateur sans passer par la case CAP de menuisier et avec de l’entrainement, en utilisant une découpe-laser, la mal-aimée médiatique.

L’exemple du “stylo préféré” est tout aussi erroné : à moins que d’avoir pour stylo préféré un Bic basique, on ne peut pas aujourd’hui faire un stylo en métal d’un clic. Et puis il faudra que les plans de votre modèle favori soient en ligne, ce qui n’est pas gagné. Bref, un coup de scanner 3D semblerait plus logique. Mais c’eût été ne pas évoquer “la magie d’Internet”.

Monts et merveille

Le côté magique de l’impression 3D est un formidable attrape-mouches, comme s’il portrait tous les espoirs d’un nouveau modèle de société, avec le saint triptyque local-soi-même-personnalisé. Mais pour l’heure, il risque de susciter de la déception, comme le soulignait cet article, qui invitait à une vision à moyen et long terme :

Pour beaucoup, l’impression 3D atteint le pic de son cycle de la hype, développé par Gartner, et elle est sur le point de s’effondrer dans les abîmes de la désillusion. J’espère vraiment que c’est le cas. Pour être honnête, cela n’arrivera jamais assez rapidement pour moi !

Je trouve beaucoup plus facile de combattre le pessimisme des gens avec les possibilités positives de l’impression 3D (il y en a beaucoup) plutôt que de constamment crever la bulle des attentes exagérément enflées du public sur l’impression 3D.

L’enjeu est de la maintenir réelle, là maintenant, avec des applications authentiques et assez étonnantes, nées de la compréhension de ce que l’impression 3D PEUT et NE PEUT PAS réaliser.

Il est aussi important de comprendre que nous sommes seulement au début de ce voyage de l’impression 3D et que la technique promet de bien plus grandes choses dans le futur, avec la poursuite de la R&D.

Alors oui, nous aurons peut-être, si ce n’est déjà le cas, des cheveux gris quand l’impression 3D sera une technologie mature qui tiendra ses promesses actuelles, en admettant que les lobbies du copyright et de la propriété intellectuelle ne foutent pas tout en l’air.

L’impression 3D vend son âme

L’impression 3D vend son âme

Le fabricant d'imprimante 3D grand public MakerBot incarnait la possibilité d'un business model basé sur l'open ...

En attendant, prudence et distance sont de mise. Et rien ne vaut la pratique si l’on veut éviter de dire des âneries : mon regard sur cette technique a changé radicalement le jour où j’ai vu, piteuse, une clé laborieusement construite avec un logiciel de CAO, sortir, inutilisable : la MakerBot était mal réglée.

Toutefois, tout n’est pas à jeter dans cet engouement mal renseigné. L’attrape-média est aussi un attrape-grand public, une porte d’entrée attrayante vers les lieux de refondation (potentielle) de la société que sont les maker/hackerspaces et autres fab labs.

C’est aussi un des leviers du progrès de la technique : la communauté des contributeurs grossit, qui dit demande, dit investissement, dit R&D, dit amélioration.

Avec un possible contre-coup qui point déjà : des gros investisseurs qui se fichent pas mal des valeurs de partage et d’entraide qui ont permis à un rêve de devenir réalité, aussi mal ébarbée soit-elle à ses débuts.


Objet en 3D par Makerbot (CC-by)

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L’impression 3D vend son âme http://owni.fr/2012/09/25/limpression-3d-vend-son-ame/ http://owni.fr/2012/09/25/limpression-3d-vend-son-ame/#comments Tue, 25 Sep 2012 10:06:36 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=120703 business model basé sur l'open source. Mais la polémique enfle depuis le lancement ce mois-ci de leur nouveau modèle, qui est fermé. Certains l'accusent d'avoir renoncé à leur éthique sous la pression des investisseurs qui ont apporté 10 millions de dollars l'année dernière. ]]>

Deux imprimantes 3B Replicator Makerbot

Ce jeudi, Bre Pettis, co-fondateur de MakerBot Industries, fabricant à succès d’imprimantes 3D grand public MakerBot, doit donner un talk à l’Open Hardware Summit sur “les challenges des biens de consommation open source”. Ce qui fait bien ricaner une partie de la communauté de l’open hardware, et en particulier ceux qui contribuent au développement desdites imprimantes.

Car depuis le lancement ce mois-ci de la quatrième génération d’imprimante de l’entreprise américaine, la Replicator 2, la polémique enfle dans le petit milieu : ce nouveau modèle n’est pas open source. MakerBot a vendu son âme au monde des systèmes propriétaires sous la pression des investisseurs, accuse-t-on dans le milieu. Fini a priori l’éthique hacker qui guidait ses décisions. Une triste évolution qui se lirait dans la chronologie des faits marquants de leur jeune histoire.

MakerBot Industries a été créée en 2009 de la volonté de développer les imprimantes 3D open source domestiques, en se basant sur la RepRap, la pionnière du genre. Ses trois co-fondateurs, Bre Pettis, Zachary Smith et Adam Mayer sont issus du milieu hacker. Les deux premiers ont d’ailleurs fondé le hackerspace new-yorkais NYC Resistor.

Plus qu’un outil, RepRap symbolise une vision politique de l’open source hardware (OSHW), dont témoigne le discours d’un de ses développeurs, Adrian Bowyer : cet ingénieur rêve d’un monde où les entreprises traditionnelles seraient court-circuitées. La fabrication des produits manufacturés serait assurée par les citoyens eux-mêmes, grâce à des imprimantes 3D utilisant des plans open source partagés en ligne.

Le fondateur d’Amazon dans le tour de table

Dans les premiers temps de son existence, MakerBot réussit à fédérer une jolie communauté soudée autour des valeurs de partage et d’ouverture chères à l’éthique hacker. L’entreprise a aussi lancé le site Thingiverse, où les bidouilleurs du monde entier peuvent faire profiter des plans des objets qu’ils bidouillent avec les machines.

L’entreprise est un succès, elle compte maintenant 150 salariés, et finit par attirer l’attention des investisseurs. L’année dernière, elle lève 10 millions de dollars, alors qu’elle a commencé avec 75.000 dollars en poche. Dans son tour de table, Jeff Bezos, un des fondateurs d’Amazon. Et début de la descente aux “enfers propriétaires”.

Parmi les signes avant-coureur, le changement des conditions d’utilisation en février dernier est pointé, plus particulièrement la clause 3.2, qui oblige les contributeurs à renoncer à leur droit moral et notamment à leur droit à la paternité. Du coup, MakerBot peut utiliser le travail de la communauté dans ses produits, qu’ils soient ouverts ou fermés.

Josef Prusa, un des développeurs importants de RepRap qui monte aussi sa boîte, entame dans la foulée un mouvement Occupy Thingiverse et publie un billet à l’ironie amère :

L’impression 3D est maintenant pleine de merde. [...]

Hey regarde, nous avons pris toutes vos améliorations que vous avez partagées sur Thingiverse, nous les avons compilées dans un package et nous les avons fermées pour vous :-D .

Les imprimantes MakerBot 3D : la Replicator à gauche et la Thing-o-matic à droite

Parmi les autres indices, il y avait eu aussi au printemps dernier le départ de Zachary Smith. Il s’est aussi exprimé sur la polémique avec la même franchise :

J’essaye de contacter les gens pour prendre la mesure des choses mais jusqu’à présent, personne ne parle, et mes anciens partenaires ne répondent pas à mes appels et mes mails. Cela ne va pas, certainement. La meilleure information que j’ai trouvée est une tonne de double langage d’entreprise bullshit [La réponse de Bre Pettis, ndlr] qui caractérisait mes interactions récentes avec MakerBot.

Louvoiement

Face aux critiques, Bre Pettis se défend dans un billet au titre risqué, tant les reproches semblent fondés : “Réparer la désinformation avec de l’information”

Question 1 : est-ce que la MakerBot Replicator 2 est Open Source ?

Nous y travaillons et nous serons aussi ouvert que nous pourrons l’être alors que nous construisons un business durable.

Ou plutôt louvoie, comme taclent certains commentateurs :

Uh, FYI, tu as posé cette question :

Question 1 : est-ce que la MakerBot Replicator 2 est Open Source ?

Mais tu n’y as pas répondu. Tu tournes juste autour du pot et tu saupoudres d’une poignée de joyeux mots sur l’open source.

Steve Jobs du hardware

L’histoire dépasse la simple anecdote pour renvoyer à une histoire plus ancienne, celle du logiciel. Libre par défaut à ses débuts, sans que ce soit codifié, il est devenu propriétaire à la fin des années 70-début des années 80, quand il a commencé à générer une économie viable avec la montée en puissance de l’ordinateur personnel. Bre Pettis serait somme toute le nouveau Steve Jobs, plus entrepreneur que hacker.

Et comme le souligne Zachary Smith, ce tournant de MakerBot est un coup porté à ceux qui croient que l’OSHW constitue un écosystème viable :

Non seulement ce serait la perte d’un fabricant OSHW important, mais ce serait aussi la perte d’une figure emblématique pour le mouvement. De nombreuses personnes ont montré MakerBot et ont dit : “Oui, l’OSHW constitue un business model viable, regardez combien MakerBot a de succès.”

S’ils ferment leurs portes, alors cela donnerait aux gens qui diraient que l’open source hardware n’est pas viable des munitions pour leur argumentation.

Cela découragerait de nouvelles entreprises OSHW de se monter. C’est vraiment triste.

Si l’histoire se répète, la logique voudrait qu’après un coup de barre propriétaire, l’open hardware prenne sa revanche dans quelques années : l’OSHW a ses Steve Jobs, elle aura bien ses Stallman.


Imprimantes 3D via les galeries photo de wwward0, makerbot et cogdogblog sous licences Creative Commons

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Made in ma bibliothèque http://owni.fr/2012/07/10/made-in-my-bibliotheque/ http://owni.fr/2012/07/10/made-in-my-bibliotheque/#comments Tue, 10 Jul 2012 09:47:33 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=115778

Entrailles de MakerBot par Bre Pettis -cc-

Début juillet, la bibliothèque de la petite ville de Westport aux États-Unis a inauguré un nouvel espace. De nouveaux fauteuils plus confortables ? Non, un makerspace, ces lieux où les gens fabriquent des objets.  Quelques mois plus tôt, la Fayetteville Free Library (FFL) avait, la première, entamé ce projet, avec son fabulous laboratory, un clin d’œil aux fabrication laboratories du MIT, un concept similaire mais avec des contraintes.

Ces deux initiatives augurent d’une évolution du rôle des bibliothèques. Après avoir facilité l’accès à Internet et aux outils médiatiques, elles se mettent à accompagner leurs publics dans leurs envies de création. En mai, un symposium intitulé de façon éloquente “Made in a Library” y a même été consacré, à l’initiative de l’Online Computer Library Center (OCLC) et  du Library Journal. Genèse de cette mue par Lauren Britton Smedley, “directrice du développement translittéraire” (sic), à l’origine de l’idée :

J’ai d’abord appris sur l’impression 3D dans un cours intitulé “innovation dans les bibliothèques publiques” à l’université de Syracuse, où je travaillais mon master en sciences de l’information et des bibliothèques. J’ai écrit un projet de fab lab ou de makerspace dans une bibliothèque publique… Sue Considine (la directrice exécutive de la FFL, NDLR) a aimé l’idée et m’a embauchée pour la mettre en œuvre à la FFL.

Les bibliothèques publiques sont là pour fournir un accès libre et ouvert à l’information, aux technologies et aux idées. Construire un makerspace (ce que nous appelons un Fabulous Laboratory) à la FFL offrira à notre communauté la possibilité d’avoir un accès à cette technologie qui change le monde.

Aider les usagers à créer

20 commandements pour une société autofabriquée

20 commandements pour une société autofabriquée

Pour accompagner la révolution des FabLabs, permettant à chacun de produire des objets grâce à des imprimantes 3D et ...

La technologie en question, c’est la fabrication numérique, ce processus par lequel on transforme des plans conçus sur un ordinateur en des objets bien tangibles, en s’aidant de machines-outils assistées par ordinateur : imprimante 3D, fraiseuse, découpe laser, etc. Celle qui démultiplie les possibilités offertes par la bidouille, le DIY (Do It Yourself). C’est le “from bits to atom” (des bits aux atomes), que certains considèrent comme la prochaine révolution industrielle.

Une révolution qui touche aussi les individus dans leur capacité à créer en fonction de leurs envies, grâce à la démocratisation des outils et à la puissance (potentielle) de partage et d’entraide d’Internet. Aux États-Unis, c’est un véritable phénomène de société, incarnée par le mouvement des makers, qui exalte l’inventivité personnelle. Maxine Bleiweis, le directeur de la bibliothèque de Westport, est fier que son établissement monte en pionnier dans ce train  :

C’est une tendance nationale que vous allez voir balayer le pays et vous voyez ici un de ses tout premiers lieux.

Le lieu du fablab de Fayetteville encore en travaux en janvier 2012 -cc-Theron Trowbridge

Cette révolution s’effectue en douceur dans les makerspaces, hackerspaces, fab labs et autres techshops, en plein essor depuis quelques années. Les ponts se sont créés, naturellement, détaille Lauren Britton :

Je travaille et j’échange avec beaucoup de makerspaces à travers le pays. Et aussi quelques hackerspaces. Par exemple, Bre Pettis, de NYCResistor, un des créateurs de la MakerBot (un modèle d’imprimante 3D grand public open source très populaire, NDLR). Nous avons eu beaucoup de conversations sur ce qui trouve sa place dans un makerspace de ce type.

Et d’autres gens des makerspaces de Detroit, et j’ai beaucoup lu dessus… Il faut à la fois répondre aux besoins de la communauté et toucher les gens qui ont fait cela avant.

Service public et €€

Aux États-Unis, cette implémentation se justifie d’autant plus que lesdits espaces ont souvent un accès (cher) payant, contrairement à la France, alors que les bibliothèques publiques offrent leurs services pour un abonnement modique. Toutefois, le concept n’est pas dénué de considérations entrepreneuriales. À la FFL, le fab lab côtoiera… un centre d’affaires. Le tout forme un “creation lab” dévoilé fin juin, qui soulève certaines espérances si l’on en croit le montant de la bourse accordée par le sénateur de l’État de New York : 250 000 dollars. Les entrepreneurs du coin pourront donc venir, gratuitement aussi pour le moment et dans la mesure du possible, le business model n’étant pas fixé.

Cette fonction d’incubateur de start-up est devenue classique dans ce type d’espace. Elle remonte en fait à la belle époque des hackers de hardware. Comme le rappelait Dale Dougherty, le héraut de la communauté des makers, Apple est né dans un club d’informatique qui préfigurait les hackerspaces, le célèbre Homebrew Computer Club.

À en juger les nombreuses sollicitations reçues par Lauren Britton Smedley, les makerspaces devraient fleurir dans les bibliothèques américaines. En revanche en France, il faudra attendre un peu. Apparemment, seule la médiathèque de Toulouse a fait un pas dans ce sens. Fin juin, le temps d’une journée spéciale, le fab lab Artilect et le hackerspace Tetalab avaient posé leurs imprimantes 3D.  Avec un certain succès.


Photos de la Fayetteville Free Library par Theron Trowbridge (cc-bync) et entrailles de la MakerBot par Bre Pettis (cc-bync)

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L’impression 3D fabrique son lobbying http://owni.fr/2012/06/13/les-imprimantes-3d-fabriquent-leur-lobbying/ http://owni.fr/2012/06/13/les-imprimantes-3d-fabriquent-leur-lobbying/#comments Wed, 13 Jun 2012 14:57:54 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=112780

Imprimante 3D Ultimaker - (cc) Ophelia Noor pour Owni

Public Knowledge, une organisation américaine de défense des libertés numériques, l’avait annoncé dans son livre blanc éloquemment intitulé “Ce sera formidable s’ils ne foutent pas tout en l’air : impression 3D, propriété intellectuelle, et la bataille sur la prochaine fantastique technologie disruptive”. C’est maintenant chose faite, les premières notifications de demande de retrait de fichiers 3D arrivent au compte-goutte, annonciatrice d’une pluie bien plus intense.

Avec la démocratisation des imprimantes 3D et des scanners 3D, ce type de demande va croître de façon considérable. De même que la majeure partie des foyers possèdent maintenant un ordinateur, ces petites machines devraient massivement débarquer chez les particuliers dans les années qui viennent. Les prix baissent de plus en plus, avec des modèles à moins de 400 euros. N’importe qui pourra faire le plan d’un objet avec un logiciel, et l’imprimer couche après couche. Voire scanner directement un objet pour le reproduire. Et ensuite mettre le fichier du plan en ligne.

Imprimer le réel à portée de main

Imprimer le réel à portée de main

Les imprimantes 3D, c'est-à-dire des machines capables de fabriquer des objets, intéressent désormais de puissants ...

Il semble que le site Thingiverse ait ouvert le bal juridique l’hiver 2011, avec l’affaire du triangle de Penrose. Ce site de partage de fichiers lancé par MakerBot, une entreprise américaine qui fabrique l’imprimante 3D grand public la plus populaire, a ainsi retiré le fichier de cette figure géométrique réputée impossible à fabriquer. Ulrich Schwanitz, un designer, avait relevé le défi et son plan avait été mis en ligne sans son accord. Il avait donc invoqué le Digital Millenium Copyright Act (DMCA), une loi américaine votée en 1998 qui avait marqué un tour de vis en matière de droit d’auteur.

Récemment, Wired faisait état d’une demande similaire envoyée par le fabricant de jouets anglais Games Workshop à Thingiverse : un particulier avait reproduit deux de leurs figurines. Le magazine américain rappelait d’un chiffre la férocité de la bataille qui s’enclenche et les forces en présence en face ;

Vous pensiez que les labels de musique étaient des lobbies tout puissants, qui avaient écrasé Napster et poursuivent les internautes qui partagent des fichiers ? Attendez de voir ce que l’industrie peut faire. La Chambre américaine du commerce est le lobby le plus gros de Capitol Hill, avec un budget annuel de 60 millions de dollars.

Plus que les notifications en elles-mêmes, Michael Weinberg, l’auteur du livre blanc, souligne la complexité des enjeux légaux et donc le risque d’abus :

Une augmentation des notifications DMCA n’est pas nécessairement une mauvaise chose en soi. La loi américaine gère la masse de contenus générés par les internautes avec ces notifications et le retrait. De nombreuses entreprises et particuliers l’utilisent de manière responsable.

Toutefois, il faut faire attention à la qualité de ces notifications. Le statut copyright de beaucoup d’objets physiques peut être plus compliqué que d’autres choses comme les films ou les images. Si les entreprises et les particuliers y recouraient de façon illégitime, cela commencerait à susciter des inquiétudes.

Le site Chilling effect liste d’ailleurs toute ces demandes de retrait de contenus faites au nom du respect du droit d’auteur, quitte à abuser de l’ignorance des éditeurs des sites. Une initiative de l’Electronic Frontier Foundation (EFF), la plus ancienne et puissante association américaine de défense des libertés numériques, en partenariat avec les départements juridiques d’universités américaines. Le “chilling effect” désigne un effet inhibiteur, en l’occurrence ces notifications juridiques impressionnantes pour un novice en droit.

Et de fait, le cas du Penrose Triangle était loin d’être clair, comme l’EFF l’avait souligné :

Copyright de quoi, pourriez-vous vous demander, de l’image originale ? Si quelqu’un d’autre a créé avant l’illustration de ce triangle, alors M. Schwanitz ne peut revendiquer le copyright de l’image, à moins qu’il l’ait en quelque sorte acquis, ou ait un droit exclusif, de son propriétaire.

Il ne peut non plus revendiquer le copyright du procédé de conversion de l’image en un objet 3D ; c’est une astuce mais le procédé n’est pas protégé par le copyright. Le rendu en 3D ne rajoute pas assez de créativité dans le modèle pour que M. Schwanitz réclame le copyright, séparément de l’image en 2D. Apparemment, nous sommes en présence d’une autre notification DMCA sans fondement.

Désamorcer

Toutefois, la communauté de l’impression 3D peut mettre à profit sur le précédent du téléchargement d’œuvres culturelles.  Anticipant le bourbier juridique, elle organise aussi son lobbying. Le Livre blanc de Public Knowledge fait d’ailleurs partie de ce travail.

imprimante 3D Makerbot - (cc) Ophelia Noor pour Owni

Au printemps dernier, l’organisme tenait la rencontre “3D/DC” (“3D printers to Washington, DC”), pour que les personnes qui contribuent à la démocratisation de l’impression 3D échangent avec  les législateurs. Bre Pettis, de MakerBot, Hod Lipson, à l’origine du projet Fab@Home, ou bien encore avaient ainsi tenté de convaincre leurs interlocuteurs de ne pas tuer dans l’œuf cette révolution à venir. Michael Weinberg explique leur démarche :

Un de nos buts est de nous assurer que les législateurs comprennent la communauté 3D en amont du process. Nous voulons qu’ils considèrent l’impression 3D comme la technologie légitime qu’elle est.

Nous tirons partiellement les leçons du copyright numérique. Nous voulons être certains que l’impression 3D est présentée aux législateurs dans un contexte positif. Ainsi, si quelqu’un veut réguler l’impression 3D, ces derniers comprendront la valeur qu’elle produit.

Parfois je l’explique ainsi : je ne veux pas que le premier contact des législateurs avec l’impression 3D soit une personne qui arrive dans un bureau en disant : “cette boîte de pirates détruit mon business, nous avons besoin de lois pour l’éliminer.”

Pour l’heure, poursuit Michael Weinberg, il est trop tôt pour mesurer les fruits de ces efforts :

En fait, si tout marche à la perfection, une des meilleures issues serait que rien ne se passe. Tout le travail que nous faisons maintenant sera mis à l’épreuve la première fois que quelqu’un essayera de mettre hors la loi l’impression 3D ou de restreindre son usage. C’est alors que nous verrons si nous avons réussi.

Dans l’Union Européenne, le “débat pourrait être évoqué à l’occasion de la très probable révision de la directive IPRED, notamment autour de la notion d’échelle commerciale”, explique Félix Tréguer, de la Quadrature du Net. Votée en 2004, l’Intellectual Property Rights Enforcement Directive est l’équivalent européen du DMCA. Cet hiver, la Commission européenne a dévoilé sa feuille de route sur ce dossier, affirmant qu’“il y a la nécessité de moderniser la directive pour en faire un outil juridique approprié contre les infractions commises sur l’Internet”.

Une économie

Foin du grand principe de la liberté de partage comme fin en soi, la possibilité qu’un écosystème existe est l’argument mise en avant. Zack Hoen revenait ainsi cet hiver sur l’épilogue heureux de l’affaire du triangle de Penrose :

Ulrich Schwanitz a décidé de retirer sa plainte DMCA et de le placer dans le domaine public ! Je ne suis pas au fait des raisons derrière ce choix, mais peut-être a-t-il été inspiré par les milliers d’autres designs ouverts sur Thingiverse ? J’aimerais réitérer publiquement mon encouragement au Dr. Schwanitz pour qu’il mette ses designs sur Thingiverse. J’aimerais lui montrer quelle belle communauté nous formons et que faire de l’argent est toujours possible en partageant ton design.


Photo par Ophelia Noor pour Owni

Owni est partenaire d’une battle d’imprimante 3D organisée les 28 et 29 juin à Roubaix par le hackerspace de Lille le m.e.u.h|lab, Lille-Design, organisme public régional chargé de promouvoir le design, et l’École Supérieure d’Art du Nord – Pas de Calais (ESA-N).

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Fab Lab, la pharmacopée anti-crise http://owni.fr/2012/02/23/fab-lab-la-pharmacopee-anti-crise/ http://owni.fr/2012/02/23/fab-lab-la-pharmacopee-anti-crise/#comments Thu, 23 Feb 2012 07:32:18 +0000 Sabine Blanc et Ophelia Noor http://owni.fr/?p=98282

Imprimante 3D MakerBot au FacLab de Gennevilliers -- OpheliaNoor/Owni

“C’est un beau roman, c’est une belle histoire… “ Les fab labs (fabrication laboratory),  ces mini-usines collaboratives de prototypage rapide à commande numérique, fournissent souvent un storytelling à clouer le bec aux Cassandre des temps modernes, à base de réappropriation de la technique et de partage des connaissances.
Le cas du fab lab de l’université de Cergy-Pontoise, inauguré ce jeudi, en donne une nouvelle illustration. Fac Lab est le premier ouvert en France dans une université, son berceau d’origine puisque le concept a été élaborée au MIT par le professeur Neil Gershenfeld au début des années 2000. Cet atelier sera ouvert au public dès vendredi, conformément à la charte, dans des locaux à Gennevilliers (92). Il constitue la première brique d’un campus centré sur l’innovation numérique et les nouveaux médias.

Le site de l'université de Cergy à Gennevilliers accueille le FacLab -- OpheliaNoor/Owni

Les Fab Labs, ou le néo-artisanat

Les Fab Labs, ou le néo-artisanat

Fabriquer soi-même ce dont on a besoin, réparer, au lieu de consommer des objets que l'on jette au moindre ...

L’idée a germé voilà un an et demi dans la tête d’un duo atypique dans le milieu universitaire, Emmanuelle Roux et Laurent Ricard. Tous deux ne sont pas des chercheurs mais sont issus du monde de l’entreprise : elle, voix forte et convaincue, la trentaine, gérant une petite web agency en Vendée ; lui, la voix douce et convaincue, la cinquantaine, ancien de la R & D de Kodak, où son équipe travailla à la fin des années 90  sur un appareil photo intégré à un téléphone, en vain ; il a monté sa boîte de conseil en numérique après avoir quitté Thomson. Et ils donnent des cours à Cergy dans le cadre d’une licence développement web et web mobile. Le duo présentant l’efficacité certaine en mode “j’fais c’que j’dis, j’dis c’que j’fais”. La comparaison s’arrête là.

Genèse accélérée

On les avait croisé une première fois en mai dernier au THSF, le festival du hackerspace toulousain le Tetalab, entre deux imprimantes 3D. Le projet était déjà en route. Huit mois plus tard, c’est le temps des petits fours. Si Fac Lab est allé aussi vite, c’est que le concept de fab lab tombe à point nommé en cette période de crise économique. Emmanuelle Roux se souvient de la genèse :

J’avais d’abord un projet de fab lab en Vendée. En en discutant sur un salon de l’innovation avec un élu local, il m’a répondu : “il faut le faire maintenant car quand on voudra sortir de la crise, on aura besoin de lieux comme ça”.

Finalement, avant la Vendée, ce sera l’université de Cergy. Le concept fait tilt auprès de leurs différents interlocuteurs. Côté université déjà, que ce soit le directeur de l’UFR des Sciences et Techniques Jean-Luc Bourdon, pour qui le fab lab est une solution à une problématique quotidienne :

Laurent Ricard et Emmanuelle Roux au FacLab de Cergy, février 2012 -- OpheliaNoor/Owni

“Il y a plein d’enseignants de tous poils qui sont dans des silos, des gens qui font de l’innovation, des gens de passage, des étudiants, il faut un lieu intermédiaire qui fait la glu”, analyse Laurent. “Innovation, développement de nouvelles approches pédagogiques, transfert de technologie avec les industriels, vulgarisation scientifique à destination des élèves depuis la primaire jusqu’au lycée”, égrène Jean-Luc Bourdon, autant de publics et d’arguments qui l’ont poussé à soutenir le projet. 

“J’ai été séduit tout de suite, c’est assez génial, s’enthousiasme François Germinet, le vice-président stratégie de l’université. On peut fabriquer des objets avec des techniques qui ne sont pas compliqués, comme l’imprimante 3D, avec de nombreuses applications dans les domaines où nous travaillons : la santé, les polymères, le patrimoine… ” C’est ainsi que deux chercheuses du Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France travaillant sur des projets liés à l’obsolescence technologique et ses conséquences sur la conservation ont l’intention d’expérimenter la construction d’un prototype de numériseur de films de type multispectral et une machine de lecture universelle de vidéo, en partenariat avec l’Université de Gorizia en Italie.

Côté cursus, la licence pro web comportera un parcours objet connecté, puis petit à petit, des modules seront essaimés dans les filières existantes. À terme, à la rentrée 2013, un master 1 et 2 “fabrication numérique” verront le jour.

Jeunes créateurs d’entreprise

Côté entreprises, on ouvre aussi une oreille attentive. Car le fab lab a cet avantage de ne pas être incompatible avec des activités commerciale, même si la charte précise qu’“elles ne doivent pas faire obstacle à l’accès ouvert. Elles doivent se développer au-delà du lab plutôt qu’en son sein et bénéficier à leur tour aux inventeurs, aux labs et aux réseaux qui ont contribué à leur succès.” Jean-François Benon, le directeur général du CEEVO, le Comité d’expansion économique du Val d’Oise, a vite vu l’intérêt pour les jeunes créateurs d’entreprise de pouvoir faire du prototypage rapide.

La salle de soudure du FacLab de Gennevilliers -- Ophelia Noor/Owni

Partenaire de la fondation de l’université, Orange est aussi dans le tour de table. Loin des envies de mettre à bas l’industrie d’un Adrian Bowyer, le créateur de la RepRap, une imprimante 3D autoréplicante open source, Orange y voit un intérêt en terme de R & D :

L’expérimentation que nous avons menée à Grenoble nous incite à penser qu’avoir accès à un fab lab externe pérenne pourrait être utile à plusieurs de nos équipes de R&D.

Séduit sur tous les bords

Au final, droite, gauche, université, entreprise, le concept séduit, par-delà les étiquettes politiques. Emmanuelle :

Il faut une vraie alternative, il ne s’agit pas de dire ‘on fout tout le système économique à terre’. Il n’y a que les gens de droite qui ont le droit de parler d’économie, création de valeurs et il n’y a que les gens de gauche qui soient sociaux.”

Le fab lab se présente comme une solution séduisante pour ébaucher le futur d’une société post-technicienne débarrassée de ses excès, qui permet de créer de la richesse et pas uniquement au sens monétaire du terme.

“C’est une position personnelle, je pense qu’il faut il sortir de l’aire de la consommation, je suis adhérente de SEL aussi. La ressource existe déjà près de soi, ton voisin l’a peut-être. Cela permet aux gens de produire eux-mêmes, par contrainte ou par idéologie.

Mais ce n’est pas que des machines-outils, c’est le lieu, la rencontre, on n’a pas un seul lieu collaboratif en Vendée de rencontre, d’échange, à part le café du PMU. Les petits entrepreneurs comme moi n’ont pas d’accès à l’innovation, c’est très compliqué, il y a beau avoir OSEO, il faut pouvoir porter 40 -50% du capital dont tu as besoin, faire des dossiers.”

Et parmi les raisons pour lesquelles Jean-Luc Bourdon a soutenu le projet, il y a “le côté ‘tout-public’ et le côté ’social’ : donner la possibilité à des ados et des adultes sortis du système scolaire de pouvoir se rapproprier des savoirs et des savoirs-faire et aussi de partager leurs expériences.”

20 commandements pour une société autofabriquée

20 commandements pour une société autofabriquée

Pour accompagner la révolution des FabLabs, permettant à chacun de produire des objets grâce à des imprimantes 3D et ...

Un aspect qui a séduit aussi Jean-François Benon. Le Val d’Oise est en effet un département très jeune, avec quelques quartiers difficiles et leur lot de jeunes déscolarisés. Déscolarisés, bloqués par les circuits traditionnels coûteux et élitistes mais pas dénués de talent : “Ils ont une grande créativité, dans le domaine de la musique, du numérique, de la mode, du design, explique-t-il, leur permettre d’avoir accès à des outils et à de l’aide, tous les jours, c’est un moyen de faire ressortir leur créativité, de reprendre confiance, de rebondir, avec des projets personnels et pourquoi pas professionnels.” On comprend que Val de France, la communauté de communes qui comprend entre autres Sarcelle et Villiers-le-Bel, ait ouvert un œil très attentif. “On est persuadé que dans les années qui viennent, il y en aura beaucoup plus”, conclut Jean-François Benon. D’ores et déjà, la faculté s’est engagée à en ouvrir un en 2013 dans le Val d’Oise.

Outils et machines -- OpheliaNoor/Owni

Par-delà le territoire, un des objectifs à terme est de développer un réseau francophone de fac labs, en partenariat avec l’Agence Universitaire de la francophonie (AUF), à partir de mars. Et donc une opportunité de plus pour la faculté de “rayonner à l’international”, poursuit Jean-Luc Bourdon.

Le loup dans la bergerie

Dans le petit milieu des lieux de fabrication numérique collaboratifs et ouverts, fab lab, makerspace, hackerspace, le débat est vif et sans fin sur le financement. Faut-il des subventions ? Du public ? Du privé ? Laurent se souvient d’un débat sur le sujet à Toulouse lors d’une conférence sur les fab labs :

Les subventions s’assèchent, quels sont les différents modèles économiques qu’on peut mettre en place ? Il y avait une gêne, certains étaient recroquevillés face à la réalité : il faut aller trouver de l’argent.

Certains, comme à Cergy, obtiennent des fonds d’entreprises étiquetées “gros capitalistes”. En la matière, Orange a un petit passif peu glorieux : notre telco national a déjà lancé l’année dernière Thinging, un fab lab expérimental, enfin du moins un projet étiqueté fab lab ne respectant pas l’esprit initial puisqu’il ciblait un public restreint, “des étudiants du monde entier affinant leur cursus en informatique, électronique, design d’interaction et ergonomie pour monter des projets autour de l’Internet des objets”. Bref pas des “gamins paumés scolairement”.

Dans le fond, la machine à découpe laser - OpheliaNoor/Owni

Ce qu’ils reconnaissent : “Effectivement, il ne répond pas exactement à la charte des Fablabs du MIT, mais s’en inspire. Il existe de par le monde plusieurs initiatives dans la tendance des Fablabs. Orange essaie à travers Thinging! de s’en inspirer et pose, avec modestie et passion (sic), la question de l’usage de ces méthodologies dans l’univers de la recherche industrielle.” S’associer à un fab lab permet de soigner son image d’entreprise cool et à la pointe :

Nous choisissons aujourd’hui de soutenir cette initiative permettant aux étudiants une approche de l’innovation dans un environnement pluridisciplinaire, en raisonnance (sic bis) avec l’approche d’ « open innovation » d’Orange.

Emmanuelle défend ce choix d’un partenaire sujet à caution éthique :

“Je suis de culture pragmatique. Quand on décide de monter un projet avec l’université à la vitesse à laquelle on l’a monté, il faut des fonds. Si Orange veut apporter des fonds à la condition d’avoir leur logo sur les plaquettes de communication et encore sur le carton d’invitation, ils nous ont demandé de ne pas le mettre, je ne vois pas le problème. Si on peut amener l’esprit collaboratif, l’innovation ouverte dans Orange et aider la société à évoluer car on va apporter une nouvelle façon de travailler, impacter l’entreprise et la société de manière plus générale, je dis oui. Un accord stipule que personne n’a le droit de regard sur le contenu pédagogique.”

Le CAC40 entre dans les “fab labs”

Le CAC40 entre dans les “fab labs”

Des grands groupes industriels s'intéressent aux "fab labs", ces mini-usines collaboratives, citoyennes, ouvertes à tous et ...

Même point de vue d’Inouk Bourgon, du makerspace le NYBICC, un fab lab qui pour l’instant fonctionne sans subventions : “à titre personnel, ça ne me pose pas problème à partir du moment où ils ont des garanties. Les financeurs sont assez délicats pour ne pas avancer avec des gros sabots.”

Julien Bellanger, de PiNG, une association nantaise portant un fablab, avec des subventions publiques, est aussi dans l’expectative neutre, sans pousser de hauts cris au nom d’Orange : “Orange, c’est du mécénat à l’américaine, nous sommes plutôt sur du crowdfunding (financement par des particuliers). Ils vont être observés, l’enjeu porte sur trois points, l’ouverture au public, l’utilisation de logiciels libres et l’insertion du DIY (Do It Yourself, fais-le toi-même)  dans le cadre de diplômes. Est-ce qu’on bouge la faculté de l’intérieur ou de l’extérieur, par les étudiants ?”

Salle des imprimantes 3D - OpheliaNoor/Owni

En revanche, Alexandre Korber d’Usinette, qui se définit comme un mélange de hackerspace et de fab lab, sans subventions,  se montre plus sceptique :

Orange gagne toujours au final, ils font de l’entrisme.

Récupération politique

La question de la récupération politique se pose aussi bien sûr. Quoi de plus sexy qu’un fab lab à l’heure où les politiques n’ont que le mot “relocalisation” et “fabriquons français” sur les lèvres ? En ces temps où l’on revalorise le “lien social”, pour reprendre le cliché consacré ? Où les Trente Glorieuses et sa consommation effrénée semble un spectre absurde, une parenthèse dans l’histoire de notre développement économique ?

L’appropriation par le politique ne pose pas de problème en soi. Laurent :

Ma première réaction : c’est génial, plus il y en a qui le font, mieux ce sera, le concept n’est pas protégé. Mais est-ce que ce sera bien fait ? Si c’est juste pour coller une étiquette qui va dévaloriser le concept, juste pour l’effet d’annonce, c’est la pire des choses qui pourrait nous arriver, ça risque de dégonfler le vrai intérêt des gens.

“Oui j’ai peur qu’on ait des sollicitations à droite à gauche au milieu, chez les Verts, poursuit Emmanuelle. Déjà, on a trois autres sollicitations en cours, on ne répond pas volontairement par manque de temps.” Ils souhaitent pour l’instant garder cette démarche agile, qui leur a permis d’avancer vite et en respectant l’état d’esprit, sans partir dans des usines à gaz trop institutionnelles.

Pour l’heure, ils se contente de mener à bien le projet initial de La Forge des possibles. Chi va piano va sano, après des débuts sur les chapeaux de roue. Peut-être trouveront-ils le temps de réaliser les projets qui trottent dans la tête : du modélisme et une RepRap, pour Laurent, une lumière de studio radio et une boutonnière synchronisée avec statut Facebook pour Emmanuelle.


Photographies par Ophelia Noor pour Owni /-)
Ouverture au public : à partir du vendredi 24 février, tous les jours de la semaine de 13 heures à 18 heures, avec un nocturne le mardi jusqu’à 21 heures dans un premier temps.
Accès : dans les locaux de l’université de Cergy-Pontoise, à Gennevilliers, avenue Marcel Paul, Z.A.C. des Barbanniers. Détails ici.

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Les fab labs, incubateurs de futur http://owni.fr/2011/10/22/les-fab-labs-incubateurs-de-futur/ http://owni.fr/2011/10/22/les-fab-labs-incubateurs-de-futur/#comments Sat, 22 Oct 2011 11:53:28 +0000 Sabine Blanc et Ophelia Noor http://owni.fr/?p=84362
Tomas Diez est directeur de projet Fab Lab Barcelona à l’IAAC (Institute for Advanced Architecture of Catalonia). L’idée est de faire de Barcelone une grande Fab City composée d’une communauté interconnectée de fab labs implantée dans les quartiers.

Comment est venue l’idée de mettre en place une Fab City à Barcelone ?

Le Barcelone d’aujourd’hui est le produit de grands évènements tels que les jeux olympiques de 1992 et le forum universel des cultures en 2004. Une ville construite sur des évènements, de la spéculation, du tourisme et du spectacle. La réflexion sur le Barcelone du futur a commencé à ce moment là avec des personnes issues de l’IAAC comme Vincente Guallart, ancien directeur de l’IAAC et chef architecte de Barcelone, et Antoni Vives, député maire chargé de l’urbanisme et des technologies de l’information. Nous avons maintenant les moyens de construire Barcelone 5.0.

Justement, quels sont les objectifs de Barcelone 5.0 ?

Nous voulons retrouver l’esprit de production et d’invention de Barcelone tout au long des siècles passés mais avec de nouveaux outils et les nouvelles plateformes que sont les fab labs. La première expérience avec de l’électricité au siècle dernier a été faite à Barcelone par exemple, sur les Ramblas. Les fab labs sont les vecteurs de ces nouveaux concepts. Nous avons deux fab labs pour le moment. Un dans le Musée du design qui sera déplacé à l’est de la ville et un autre dans la vieille ville. Nous en préparons deux autres pour l’été 2012. Un green fab lab dans le nord de l’agglomération de Barcelone et un second dans le quartier défavorisé de Ciutat Meridiana. C’est un challenge. Nous voulons montrer que ce modèle peut changer les modes production, changer le lien social.

Quels sont vos moyens pour mettre ce projet en place ?

Nous allons créer une fondation et nous sommes en train de développer un label appelé FabCity. Nous pensons à un financement à la fois public et privé pour promouvoir ce projet qui sera également générateur d’une nouvelle économie. A moyen terme, nous pensons monter un fab lab par quartier. Ils seront gérés à terme par les habitants. Nous les formeront, et ils formeront à leur tour d’autres personnes. Dans quelques mois à Ciutata Meridiana, nous allons lancer le premier fab lab de quartier. Nous aurons toujours un pôle recherche et éducation mais le but est de produire des objets qui apportent du sens localement à la communauté. Des générateurs d’énergie, des antennes Internet. Tout cet argent investit générera de la productivité et de nouveaux modèles économiques, les gens fabriqueront leurs objets, des prototypes qu’ils pourront vendre à des compagnies. Même les compagnies pourront utiliser les fab labs pour tester des prototypes.

Et ces objets seront-ils gratuits ?

Je ne pense pas qu’il faut aller vers le tout gratuit. Toutes les choses ont de la valeur, ce peut-être du temps, ou le fait de donner quelque chose en échange. Vous utilisez une machine pour construire votre projet et en retour vous pouvez faire un site, ou réparer un ordinateur par exemple. Payer un abonnement à l’année peut aussi être une solution. Par exemple, vous dessinez un meuble et vous créez votre start up pour le commercialiser. Vous pourrez utiliser le fab lab pour faire vos prototypes et mettre en place votre production. Et vous versez un pourcentage au fab lab. C’est réellement un atelier de production par et pour la communauté, un partenaire de projets également. La réflexion est toujours en cours sur comment rendre les fab labs viables économiquement. Ce n’est pas facile mais nous n’en sommes qu’au début.

Les hackers parlent déjà de retour aux petites communautés reliées entre elles, les fab labs sont dans cette même continuité. C’est un retour vers un modèle coopératif local ?

Quand vous êtes sur Facebook ou YouTube, vous pensez que vous formez une communauté mais ce n’est pas le cas. Ici, il s’agit de créer des objets qui auront une utilité locale, sociale, environnementale, pour la société. Nous sommes clairement en train de changer de modèle de revenir vers le local, de fabriquer des choses utiles pour le bien commun. Nous avons tous les outils en main. Les imprimantes 3D, les machines de découpe laser même Internet. Les fab labs sont une opportunité pour connecter tous ces outils ensemble. Nous avons atteint le point où nous avons des outils puissants qui permettent de créer d’autres outils. Nous devons prendre tout cela au sérieux.

Trois étudiants en informatique et robotique, Gaétan Séverac, Aymeric Barthes et Vincent Boucher, développent un projet de robot pour aider l’agriculture durable. Gaétan, qui n’a rien à voir avec le milieu agricole, a eu cette idée en discutant avec des exploitants à la fête des asperges de Pontonx-sur-l’Adour en 2010 : ils lui ont fait part du manque de main d’œuvre pour effectuer certaines tâches. C’est grâce à Artilect, le fab lab toulousain, que le trio a pu développer une première maquette.

Présentez-nous votre concept.

Naïo technologies développe un projet de petit robot autonome, compagnon des maraîchers qui les aidera dans les tâches quotidiennes répétitives et coûteuses, en temps et en argent. Pour l’instant, nous avons identifié une application : désherbage. Cela servira aussi pour l’entretien, la récolte et l’identification des besoins pour le suivi des cultures (monitoring et aide à la décision). Par exemple, quand mettre des intrants (pesticides, engrais, etc ), pour cibler au plus juste et éviter le gaspillage en traiter uniquement la parcelle qui a besoin. Nous voulons rapprocher l’agriculture des nouvelles technologies, entre le tout bio et l’agriculture intensive, sans passer par des machines très chères, comme celles qui existent actuellement et sont rentables uniquement pour de grosses exploitations. Nous visons un produit intermédiaire. Actuellement on importe des oignons de Chine, notre projet permettrait de relocaliser.

Comment est-il reçu dans le milieu des agriculteurs ?

La problématique les intéresse mais ils sont incrédules sur la faisabilité technique. Ils voient ça comme une économie de main d’œuvre, qu’ils pourront utiliser pour optimiser le temps de travail et la gestion de la main d’œuvre, et se libérer du temps libre mais ils veulent voir un prototype avant. Il y a aussi une méfiance par rapport à l’autonomie, ils aiment garder le contrôle.

Quelles sont les prochaines étapes, quels obstacles devrez-vous passer ?

Nous avons validé la preuve de concept, nous allons ensuite fabriquer un prototype fonctionnel, soutenu par l’Icam, une école d’ingénieur toulousaine et pour la partie déplacement autonome et analyse d’image par le LAAS-CNRS à Toulouse aussi. Il devrait être prêt mi-2012 pour le tester pendant la saison des cultures.
L’autonomie dans un milieu ouvert, le champ, ce qu’on appelle la gestion des aléas, est un des principaux problèmes. Nous voulons aussi maîtriser le coût de la technologie pour que le produit reste accessible, on vise moins de 20.000 euros.

Existe-t-il des projets dans le même état d’esprit ?

[Un temps de réflexion] Aux États-Unis, un des fondateurs du ménager robot ménager Roomba prépare des robots pour le transport de charge [en].

Que pensez-vous de l’explosion des fab labs ?

C’est génial pour combler les lacunes ! Chez Artilect, nous avons trouvé des experts gratuitement pour faire un premier projet, sans argent.

Makus Kayser et son projet Solar Sinter

L’Allemand Markus Kayser s’est fait connaître avec Solar Sinter, un superbe projet d’impression 3D avec du sable. Diplômé du Royal College of Art, il vient de monter le Markus Kayser Studio à Londres, où science, art et ingénierie se rencontrent, par-delà les barrières disciplinaires.

Présentez-nous votre projet.

Le Solar Sinter est un projet qui parle de l’abondance. C’est une imprimante 3D gratuite qui utilise la lumière et le sable pour fabriquer des objets en verre dans le désert. Le but est réellement de montrer le potentiel porté par cette idée. Quand nous parlons de matières premières aujourd’hui on parle de rareté, quand on parle d’énergie, c’est pour évoquer les nombreux problèmes liés à l’environnement. Ce projet fait rêver les gens. Et c’est rare aujourd’hui.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Des personnes s’intéressent-elles déjà à ce projet ?

Nous avons eu des retours incroyables sur le Net, des milliers de gens ont vu la vidéo sur Vimeo. Je ne m’attendais pas non plus à voir des papiers de thèse déjà publiés qui explorent le développement de cette technologie sur Mars ou sur la Lune. Beaucoup de gens m’écrivent et me racontent leurs idées sur le futur de ce projet. Où cela pourrait nous mener. Cela fait rêver les gens et c’est important pour moi de continuer à le développer. Les gens pourraient s’emparer de ces idées, faire des machines similaires qui combinent technologie et nature.

Cette technologie pourrait-elle être mise en place en Afrique ?

Nous en sommes à un stade très expérimental. Nous avons besoin de plus de développement pour rendre le projet viable et donc d’argent. Par exemple, les architectes s’intéressent de très près au développement de ce projet sur une grande échelle pour imprimer directement des immeubles. Enrico Dini a déjà commencé en Italie à imprimer des structures à grande échelle. Donc, pour répondre à votre question, ce projet pourrait potentiellement venir en aide à des populations en imprimant des abris par exemple. Mais il est encore trop tôt. Tout dépend vraiment du financement !

Vous parliez d’Enrico Dini, quels sont les autres projets d’impression 3D similaires ?

En terme d’impression 3D d’ensembles architecturaux, Enrico Dini est celui qui est allé le plus loin. Beaucoup de projets existent, dont celui de l’Université de Loughborough en Angleterre, où ils utilisent du béton à la place du sable. Dini utilise du sable mais aussi un liant biologique qu’il a inventé.

Que pensez-vous du développement du réseau des fab lab à travers le monde ?

C’est un réseau fantastique. Je n’en fais pas partie directement, mais j’utilise beaucoup leurs logiciels libres, ceux des Reprap et de la Makerbot. J’espère collaborer de plus en plus à l’avenir avec eux.

Pensez-vous que nous vivons une révolution dans notre manière de produire les choses ?

Je pense que c’est ce qui se passe en ce moment même. C’est une technologie (l’impression 3D) qui devient plus efficace et qui rentre en production, mais en restant loin de la production de masse. Je ne sais pas si c’est une bonne idée que tout le monde ait une imprimante 3D mais des technologies qui permettent de réutiliser des vieux objets ou matières sont développées tous les jours. J’espère que la loi de Moore s’appliquera à cette technologie. J’y crois vraiment.

Cliquer ici pour voir la vidéo.


Interviews réalisées à Toulouse par Sabine Blanc et Ophelia Noor

Retrouvez les autres article du dossier fab lab :

Le Grand Emprunt booste les fab labs

Imprimer le réel à portée de main

Image de une par Ophelia Noor pour Owni /-)
Captures d’écran de la vidéo de Markus Kayser, Solar Sinter Project, CC Flickr Paternité KevinLallier

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Le CAC40 entre dans les “fab labs” http://owni.fr/2011/09/26/les-fab-labs-capitalisent/ http://owni.fr/2011/09/26/les-fab-labs-capitalisent/#comments Mon, 26 Sep 2011 13:56:21 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=80356

Robots du hackerspace de Toulouse (cc) Ophelia Noor

Les industriels des télécoms, de l’énergie et de la grande distribution lorgnent du côté des fab lab (fabrication laboratory), c’est-à-dire un lieu citoyen ou universitaire, non lucratif, dédié aux fabrications d’objets à la demande. Cet été, Orange a montré les premiers résultats de Thinging, un fab lab expérimental autour de l’internet des objets. EDP, l’équivalent portugais d’EDF, a fait de même l’année dernière, le groupe Adeo, propriétaire de Leroy-Merlin, s’y intéresse de près. Ces mini-usines constituées de machines-outils assistées par ordinateur (imprimante 3D, découpeuse-laser, fraiseuse, etc) sont nées au début des années 2000 au MIT sous l’impulsion de Neil Gershenfeld, et essaiment depuis dans le monde entier [en].

Jusqu’à présent, hormis les particuliers, ce sont surtout de petites structures souples qui sont allées sur ce terrain, artisans et designers. « Nous avions plusieurs fabricants de meubles au lab, explique Joris, de Protospace [nl], en Hollande, l’un d’eux a même programmé pour faire un placard customisé, deux autres avaient déjà leur machine à fraiser CNC, sans l’expérience au lab, ils n’y auraient jamais pensé. Il y a l’initiative de Waag fablab et le label Droof design, ils ont présenté au Salon du mobile de Milan leur concept de design numérique, Design for download. Droog a demandé à quelques designers de dessiner quelque chose qui peut être fabriqué dans différentes structures, par exemple les fab labs. »

Autant de projets dont l’inscription dans la philosophie des fab labs, définie par une charte, semble assez naturelle : ouverture, partage, éducation, et donc logiciels open source, publication sous licence Creative Commons, etc. Pourtant si les grosses sociétés en sont a priori à mille lieux, les deux univers ne sont pas incompatibles. Sur le chapitre argent, la charte est en effet assez floue :

Business : des activités commerciales peuvent être initiées dans les fab labs, mais elles ne doivent pas faire obstacle à l’accès ouvert. Elles doivent se développer au-delà du lab plutôt qu’en son sein et bénéficier à leur tour aux inventeurs, aux labs et aux réseaux qui ont contribué à leur succès.

De même, la protection des inventions est autorisée :

Secret : les concepts et les processus développés dans les fab labs doivent demeurer utilisables à titre individuel. En revanche, vous pouvez les protéger de la manière que vous choisirez.
Le code de notation, qui classe les fab labs en fonction de leur degré de respect de la charte, en dit long sur les abus de nom ! Même un fab lab noté A offre « au moins un accès libre/ouvert au public (mais peut faire payer les coûts réels du matériel) ». Traduction : l’accès peut parfois être fermé au public, par exemple pour le louer à une entreprise, ou restreint à un type de public.

De quoi favoriser « des dissensions philosophiques au sein même de la communauté, explique Fabien Eychenne, de la Fondation Internet nouvelle génération (Fing). En Norvège [en], ils sont assez stricts par exemple alors qu’à Manchester [en], ils sont plus ouverts. » La raison est pragmatique, explique-t-il : cela permet de financer la structure, dont le coût s’élève à quelques milliers d’euros minimum, jusqu’à plusieurs dizaines de milliers d’euros. Dans un contexte de baisse des subventions publiques, « privatiser » l’accès moyennant finances fait partie des solutions.

« Nous gérons le fab lab sans subventions, comme la plupart des autres, explique Jaap Vermas, de FabLab Truck [en], qui, comme son nom l’indique, emporte tout le matériel dans un (gros) camion. Mais nous choisissons aussi de faire des événements gratuits. Nous sommes parfois payés par les écoles où nous faisons des workshops. Cela fait partie de la philosophie de proposer l’usage gratuit pour de courtes durées, le temps de faire un prototype, et de faire payer pour les utilisations longues. Nous avons aussi comme clients des sociétés qui investissent dans des projets non-profits, pour compliquer encore les choses… Par exemple, en Ecosse, une entreprise dans les technologies de l’information a payé notre visite, mais elle nous a demandé de faire des ateliers dans les écoles. Je pense qu’ils investissent dans un fab lab à Troon, en cours de démarrage [en], car ils pensent que c’est bon pour la compagnie d’être en relation avec. Mais ils n’ont pas d’intérêt direct à l’utiliser, à mon avis. » Il conclut dans un sourire :

Le non-profit n’existe pas. Tout le monde doit manger de temps en temps…

Quand fab lab pas content, lui toujours faire ainsi (dragon imprimé en 3D dans un fab lab au Japon).

Maintenir le territoire

Toutefois, le but principal n’est pas la rentabilité mais bien d’assurer la pérennité de la structure, contrairement à une entreprise commerciale. À ce titre, les marges de manœuvres ne sont pas légion. Le label fab lab du MIT n’a pas de valeur juridique : contrairement au logo AB, une entreprise ne peut pas se voir infliger une amende si elle ne respecte pas la charte, elle se verra retirer son logo, c’est tout.

Pourtant, les « fablabeurs » ne manifestent pas d’inquiétude outre-mesure. « En cas d’offensive de la grande distribution, les fab labs ne seront peut-être pas assez structurés pour résister, analyse Nicolas Lassabe, d’Artilect à Toulouse. Les fab labs ont intérêt à tisser des liens avec les institutions pour s’ancrer dans le paysage : universités, organismes publics. » Un retour dans la matrice protectrice somme toute puisque les fab labs ont été incubés à l’université. Et contrairement aux idées reçues, « l’université est plus ouverte qu’on ne le pense, témoigne Emmanuelle Roux, sa démarche de base, c’est la recherche, l’idée d’essayer, de tâtonner, pour trouver. » Elle témoigne en connaissance de cause puisqu’elle a obtenu en quelques mois avec son collègue Laurent Ricard l’accord de l’université de Cergy pour lancer FacLab. De même, les collectivités territoriales sont demandeuses : le fab lab, c’est du lien social et de la relocalisation à relativement peu de frais.

Nicolas Lassabe cite aussi l’exemple de Ponoko [en], un site où les gens, entre autres possibilités, fabriquent leur bien sur mesure avant de le recevoir par la poste : « son développement est un bon signe, il travaille avec des fab labs, ils sont ouverts, leur modèle économique est basé sur l’open source et le DIY. »

« Je pense que ces deux chemins peuvent coexister, explique Michael Weinberg, de Public Knowledge [en], un organisme de défense des droits des utilisateurs à l’ère du numérique, auteur d’un livre blanc sur l’impression 3D. Si je vais dans un Ikea et que je vois une imprimante 3D qui me permet de customiser une lampe achetée, cela peut me motiver à m’acheter une imprimante 3D, et je ne pense pas que cela détruirait le côté hacker de la communauté impression 3D. Le logiciel est utilisé par toutes sortes de personnes mais la communauté du logiciel open source est forte. »

Joris est plutôt optimiste : la rapidité de l’évolution technologique devrait permettre la multiplication des lieux. Ainsi, il arrive déjà à proposer son « un euro la minute de design » :

Si je peux déjà le faire maintenant, ce serait étrange si un magasin ne peut pas le faire dans quelques années. Par exemple, si votre aspirateur cesse de fonctionner, vous allez au magasin de pièces détachées (partshop, ndlr), ou DIY shop, il y a un ordinateur avec une imprimante 3D, vous tapez l’année et la marque de votre modèle et quelques heures après, vous avez votre pièce. Vous passez complètement à la trappe toute l’économie, la distribution, la logistique.

« J’aimerais voir des labs de petite taille partout »

« C’est bien si les fab labs deviennent le “business normal”, avance aussi Jaap. J’aimerais voir des labs de petite taille partout, comme il y avait des magasins d’impression avant que l’imprimante ne se généralise dans les foyers. Alors les fab labs comme les miens seraient moins nécessaires, mais seraient davantage comme un hackerspace. » Il va même plus loin : “Je pense que l’accès aux outils pour la communauté est le plus important. Si cela fonctionne sur un modèle commercial, il n’y a pas besoin des fab labs en tant que tels. D’un autre côté, ils ont aussi une fonction importante : c’est un espace de rencontre et de co-working que les structures commerciales n’auront peut-être pas. Mais je ne pense pas que cela doive être gratuit. La plupart des fab labs ont peu de temps pour un usage gratuit et uniquement pour les gens qui ont d’abord payé pour un cours d’initiation. C’est plus une question d’accès pour tous. La plupart du temps, si vous venez un jour dit “gratuit”, vous pouvez attendre longtemps avant d’avoir une machine. Ou vous devez réserver deux mois à l’avance.

L’écrivain anglais J. G. Ballard avait déjà imaginé l’issue de la question : des fab labs partout, aux mains de néo-artisans boostés à la haute technologie. C’était en 1976, dans la nouvelle L’Ultime cité :

En une génération, ils avaient réussi, comme d’innombrables communautés du même type établies autour des grandes cités, à construire leur paradis pastoral, mariage forcé d’Arcadie et d’une technologie perfectionnée. [...] À Garden city, les magasins étaient rares : tout ce dont on pouvait avoir besoin […] était commandé directement à l’artisan qui le dessinait et le fabriquait selon les exigences précises du client. À Garden City, tout était si bien fabriqué qu’il durait éternellement.

Photos CC Flickr  Paternité Atsushi Tadokoro

Robots du hackerspace de Toulouse par Ophelia Noor PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales pour Owni

Image de Une Loguy pour OWNI, téléchargez le poster.

À lire aussi : Leroy-Merlin se paye les labos citoyens ; Imprimer le réel à portée de main

Rendez-vous : FabLab Toulouse Conference du 20 au 23 octobre prochain.

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Imprimer le réel à portée de main http://owni.fr/2011/09/15/imprimer-le-reel-a-portee-de-main/ http://owni.fr/2011/09/15/imprimer-le-reel-a-portee-de-main/#comments Thu, 15 Sep 2011 07:12:45 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=78679

Fin août, MakerBot Industries, un des principaux fabricants d’imprimante 3D grand public, a levé [en] 10 millions de dollars. À ses débuts en 2009, la société avait 75.000 dollars en poche. Dans son tour de table, Jeff Bezos, un des fondateurs d’Amazon. La petite entreprise y croit : l’impression 3D va connaître une destinée similaire au PC, devenir un outil grand public, et MakerBot Industries compte bien s’en donner les moyens :

Nous embauchons pour faire grossir notre équipe et démocratiser la fabrication et rendre l’impression 3D plus accessible à tout le monde !

Signe des temps : la société HP vient elle aussi d’annoncer [en] le lancement d’une imprimante/scan 3D… Les modèles pour l’industrie se sont répandus à partir du début des années 2000 et restent très chers, minimum 10.000 euros. Depuis, des modèles pour les particuliers ont été développés : les plus courants sont la RepRap [en], open source et auto-replicante, c’est-à-dire capable de fabriquer ses propres pièces, et la MakerBot qui, lancée en 2009 à environ 1.000 dollars pièce, a été vendue à 5.200 exemplaires à ce jour.

Elles vous permettent de construire des objets physiques à partir d’un modèle virtuel, conçu grâce à un logiciel de conception assistée par ordinateur (CAO). Pièce de remplacement, jouet, article de cuisine, les possibilités sont infinies, selon vos besoins. Pour un petit aperçu, jetez un coup d’œil à la page « objets populaires » de Thingiverse, lancé par MakerBot pour rassembler cette communauté. Les imprimantes 3D ont la part belle dans les fab labs (fabrication laboratory), un concept créé par Neil Gershenfeld, professeur au MIT. Il s’agit de véritables mini-usines capables de produire des objets complexes à la demande.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Se lancer est aujourd’hui une affaire de geek : des passionnés, adeptes du Do-It-Yourself (DIY, fais-le toi-même), qui fréquentent les makerspaces, hackerspaces et autres fab labs, ces lieux de rencontre physique des passionnés de la bidouille. Ils ont la foi des pionniers du PC et leur démarche peut être politique : en démocratisant la fabrication personnelle, ce néo-artisanat remet en cause le circuit traditionnel de production-distribution. Avant que Mme Michu ne soit convaincue, il faudra abattre un certain nombre d’obstacles plus ou moins coriaces.

Une technique à parfaire

« Toutes les machines ont un ticket d’entrée de compétences relativement élevé, prévient Emmanuelle Roux, qui monte un projet de Fab Lab à l’université de Cergy-Pontoise, et heureuse propriétaire d’une MakerBot. Je vois mal tout le monde posséder une MakerBot à la maison, c’est très tricky (tordu), je l’adore mais il faut être patient avec elle. » Et pourtant, les MakerBot sont vendues préassemblées. Que dire alors de la RepRap, qu’il faut construire soi-même… Adrian Bowyer [en], l’inventeur de la RepRap, ingénieur et mathématicien de son métier nous résume la situation actuelle :

Pour l’instant, les coûteuses machines propriétaires sont faciles à monter et à utiliser et les machines opensource bon marché comme RepRap sont plus difficiles. C’est surtout un problème de logiciel, et beaucoup de gens travaillent à l’améliorer, ce point est en train d’être résolu.

De plus, les matériaux utilisés sont limités, il s’agit essentiellement du plastique, ce qui limite les usages. « En dépit des avancées récentes, nous sommes probablement à une décennie ou plus avant des imprimantes 3D que tout individu sur la planète voudra posséder, estime [en] Singularity Hub. Quand ils peuvent produire de l’électronique, du tissu et du métal, il n’y aura pas un ménage aux États-Unis qui n’aura pas très envie d’une imprimante 3D. Longtemps avant d’en arriver là, nous avons besoin d’une compagnie qui puisse transformer les outils dans autant de mains technophiles que possible, de sorte que la technologie puisse se développer aux côtés d’une communauté qui inventera des applications (rentables ?) en même temps qu’elle évolue. »

De plus, la fabrication est longue, comme le détaillait au Monde Clément Moreau, cofondateur de Sculpteo, une société française qui fait de l’impression 3D :

« C’est le principal inconvénient de cette technologie : elle prend du temps. Il faut compter environ une heure par centimètre. En revanche, la qualité des objets produits a fait de très grands progrès : on peut aujourd’hui créer des objets solides, avec un très bon degré de précision, et réaliser des formes qui seraient très difficiles à produire avec une machine-outil classique. »


La caverne aux machines de MakerBot Industries : ça fait un peu peur encore.

La bataille juridique

Michael Weinberg, de l’association Public Knowledge [en], a publié l’année dernière un livre blanc [fr], « L’impression 3D, ce sera formidable… s’ils ne foutent pas tout en l’air ! ». « Ils », ce sont les représentants de l’oligarchie qui redoutent le développement de cette « technologie de rupture » et vont tenter de freiner son développement en s’appuyant sur la propriété intellectuelle. Il se rejouerait la même lutte que celle qui oppose encore les internautes aux industries culturelles, avec un potentiel de points d’achoppement plus nombreux : droit d’auteur mais aussi brevet, marque déposée, etc. Pour reprendre Ars Technica [en], un Napster bis serait en préparation, du nom de ce service d’échanges de fichiers, fermé suite aux plaintes de l’industrie musicale pour violation du droit d’auteur en 2001. À moins que les citoyens retiennent les leçons du passé, explique Michael Weinberg :

« Quand l’oligarchie a commencé à comprendre à quel point l’utilisation d’ordinateurs personnels pouvait être perturbatrice (en particulier les ordinateurs personnels massivement connectés), les lobbys se sont organisés à Washington D.C. pour protéger leur pouvoir. Se rassemblant sous la bannière de la lutte contre le piratage et le vol, ils ont fait passer des lois comme le Digital Millennium Copyright Act (DMCA) qui a rendu plus difficile l’utilisation nouvelle et innovante des ordinateurs. En réponse, le public a redécouvert des termes autrefois obscurs comme le « fair use » et s’est mobilisé avec vigueur pour défendre son droit à discuter, créer et innover. [...] L’un des objectifs poursuivis par ce livre blanc est de sensibiliser la communauté de l’impression 3D, et le public dans son ensemble, avant que l’oligarchie ne tente de paralyser l’impression 3D à l’aide de lois restrictives sur la propriété intellectuelle. En analysant ces lois, en comprenant pourquoi certaines modifications pourraient avoir un impact négatif sur l’avenir de l’impression 3D, nous serons prêts, cette fois-ci, quand l’oligarchie convoquera le Congrès. »

Michael Weinberg se dit « raisonnablement optimiste » sur l’issu de cette bataille, nous expliquant :

Je préfèrerais être dans la position de protéger les conditions légales existantes, plutôt que d’être dans celle de devoir les changer.

Pour Adrian Bowyer, l’aspect juridique n’est même pas un « problème significatif. La seule arme réelle dans l’arsenal de l’oligarchie industrielle serait de faire du lobby pour changer les lois sur la propriété intellectuelle. Cela prendrait beaucoup de temps – les machines 3D open source auront pris le dessus sur les machines de l’oligarchie industrielle bien avant que les gouvernements du monde agissent (si jamais ils le font.)

De plus, ce serait un contrôle faible. RepRap en particulier peut être distribué par les individus sans impliquer une structure centralisée ou une entreprises. L’expérience de l’industrie de la musique avec le format de fichier MP3 montre que c’est un phénomène sur lequel la loi ne peut avoir pratiquement aucun contrôle.

Troisième point, chaque imprimante 3D faite par l’oligarchie industrielle peut fabriquer des RepRaps. Mais les RepRaps ne feront pas les machines de l’industrie oligarchique. Les imprimantes 3D non-réplicantes sont stériles et ne font pas leurs propres enfants mais elles sont fertiles en concevant des RepRaps. Les RepRaps sont fertiles en concevant des RepRaps. Vous comprenez ce que cela produit à la dynamique de la population… »

Une masse suffisante de parents aura-t-elle envie de fabriquer les jouets de ses enfants ?

Au fait, la demande sera-t-elle là ?

Premier échelon, même s’il est possible de concevoir et d’imprimer à bas goût et facilement, Mme Michu ne se sent pas une âme de créatrice et/ou n’a pas envie de passer du temps à chercher un patron en 3D qui lui conviennent, et les objets à fabriquer ne sont somme toute pas légion : on n’a pas besoin de 150 vases dans une maison. Bre Pettis, co-fondateur de Maker Bot, est conscient du défi qui les attend :

Notre plus grand challenge est d’éveiller les consciences. Nous faisons de notre mieux pour que les gens sachent qu’ils peuvent posséder une machine qui peut faire quasiment tout.

Si le message ne passe pas, une utilisation partagée se développerait, sans pénétrer chaque foyer. Il existe déjà actuellement des services d’impression 3D. « Les gens qui ont besoin de créer des objets comme les artistes ou les designers en auront une », pense Antonin Fourneau, enseignant à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs (ENSAD). Son école va ainsi s’équiper d’une Maker Bot, en complément de l’imprimante 3D « haut de gamme ».

On verrait aussi le développement de fab labs de quartier, pour les projets de plus grande envergure, de la même façon que vous allez chez Ikéa acheter votre armoire Ingmar. Barcelone a ainsi exprimé la volonté de devenir la première Fab city avec 10 fab labs répartis dans chaque quartier contre quatre actuellement [pdf, en].

Pour d’autres, les usages suivront la technique, à plus ou moins long terme : « Je pense que nous verrons un jour où les imprimantes 3D seront en vente dans les magasins d’électroniques courants à côté des TV et des lave-vaisselle, mais cela ne se passera peut-être pas ou cela prendra du temps. Je me souviens que les premiers PC n’étaient pas très sophistiqués mais la combinaison de l’accessibilité et de l’enthousiasme ont amélioré lentement leur utilité pour les gens à la maison, explique Michael Weinberg. Si en 1992, après vous avoir décrit l’essentiel de l’ordinateur en réseau, quelqu’un vous avait demandé à quoi cela pourrait servir, vous n’auriez probablement pas cité Facebook, Twitter ou SETI@Home. »

« Prenons l’exemple de la voiture, le tuning se développe énormément, les fabricants sont obligés de proposer des accessoires à la demande, et amènent eux-mêmes la possibilité de choisir la couleur de tes sièges, etc. Il n’y a pas encore vraiment de création car l’outil adéquat n’existe pas, renchérit Emmanuelle Roux. Quand on parle des projets, quel que soit le public, l’argument qui fonctionne le plus, c’est l’envie de personnalisation, faire les objets à une taille donnée parce qu’on a une configuration particulière ou simplement décorer comme on le souhaite. Si on prend le boum des arts créatifs, cela va continuer, si on apporte une technologie qui ne demande pas d’être un ingénieur en électronique. »

Adrian Bowyer croit davantage non pas au potentiel créatif de M. tout le monde mais en son potentiel politique : mettre à bas la vieille industrie. Il ne s’agit plus de se limiter à la fabrication des jouets de son enfant :

« Imaginez une agriculture dans laquelle toutes les innovations génétiques et de reproduction ne seraient pas issues des grandes compagnies avec des brevets mais par les fermiers eux-mêmes, et libres pour tous. La production de nourriture et autres produits agricoles seraient complètement transformée. RepRap fait la même chose pour les produits manufacturés : non seulement la machine elle-même se développe et est modifiée sans cesse mais il en va de même avec les produits faits.

Et finalement ces produits pourront être considérés comme des biens manufacturés de tous types…. Je peux imaginer un collectif de dix familles qui vont ensemble dans un village utiliser leur imprimante 3D domestique durant une semaine pour imprimer les dessins d’une de la voiture d’une des familles, téléchargés d’un site open-source. D’un coup, il n’y a plus d’industrie de la voiture. »

L’imaginaire s’envole vers des horizons révolutionnaires :

Plus personne ne fait appel à une société d’impression pour faire des cartons d’invitation pour une fête, ils utilisent leur imprimante. Maintenant imaginez un monde ou presque tous ces produits conçus par des ingénieurs sont comme ces cartons d’invitation…

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Les Fab Lab incubateurs du futur

La Grand Emprunt booste les Fab Labs

Image de une par Ophelia Noor pour Owni /-)

Rendez-vous : FabLab Toulouse Conference du 20 au 23 octobre prochain.

À lire en anglais : 34 Rules, le dernier roman de Charles Stross met en scène un personnage qui fait des contrefaçons en 3D. Un roman d’anticipation, pas de science-fiction :)

Images Cc Flickr PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales Ѕolo, PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification Laughing Squid et PaternitéPartage selon les Conditions Initiales Alexandre Dulaunoy

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