L’économie précède le média. Et peut lui succéder

Le 30 juin 2010

Du 2.0 ? Une start-up ? Non ! La petite entreprise dont nous parlons est un écosystème de médias, une société d’édition, métier dont le dictionnaire de L’Académie française de 1762 donne la définition suivante : “celui qui prend soin”. Ces mots ont un sens. Etat des lieux /-)

Pour se financer, 22mars, éditeur d’OWNI a effectué une levée de fond pour 600 000€ en mai dernier

#fail!

C’est une anecdote, mais comme bien souvent avec les petites histoires, elles content avec clarté la grande histoire et ses méandres. Non, nous n’avons pas réalisé de levée de fond. Non. Nous avons tenté de réaliser une levée de fond. Vous admettrez qu’une telle imprécision a de quoi surprendre son geek, qui plus est contenue dans une revue professionnelle de premier plan. Nous ne la citerons pas.

Non, nous n’avons à ce jour pas réussi à convaincre des investisseurs (nous ciblions initialement des investisseurs ISF) de participer à la croissance de notre média et de son économie… Pourtant prospère !

Car oui, OWNI est “le seul média en ligne à gagner de l’argent en France (sic, un célèbre patron de presse quotidienne). C’est aussi le seul pure-player à ne pas parvenir à lever des fonds, quand Backchich en est à sa 5° levée (encore 500 000 € !) pour des pertes quotidiennes, et ceci sans citer le futur Atlantico, le précurseur Rue89, le moustachu et payant Mediapart (ou son très financé confrère Slate) : pas un n’est à l’équilibre économique, mais tous parviennent à se financer en ouvrant salve après salve leur capital… Jusqu’à avoir déjà perdu pour certains le contrôle réel de leur destinée.

Ne croyez pas que cet édito est amer, qu’il est pétri de jalousie ou encore moins qu’il se veuille donneur de leçon. Non. Ceci est une anecdote. Juste une anecdote. Le “seul média en ligne à gagner de l’argent en France” est aussi le “seul pure-player à ne pas parvenir à lever des fonds”. Chacun son métier ?!

Quitte à avoir évoqué le sujet, allons jusqu’au bout. Nous avons réalisé 234 000€ de CA l’an dernier pour une marge après financement d’OWNI de 10 000 € et réalisons cette année un flux constant de chiffre d’affaire supérieur à 40 000€/mois pour des charges qui dépassent de peu les 30 000€. OWNI est gratuit, son code en logiciel libre (Wordpress), ses contenus en Creative Commons, et nous finançons une rédaction de plus de 20 personnes au total, dev et data inclus, sans parler des piges, ceci dans un écosystème démontré : notre économie précède notre travail éditorial.

Alors, oui, nous avons des besoins de fonds de roulement qui iront croissants avec notre développement (médias thématiques, médias typologiques et nouvelles langues, nouveaux territoires) et nous cherchons toujours a effectuer une levée de fonds, de l’ordre de 300 à 600 000€ a minima, pour 20 à 30% de notre capital au maximum. Oui. Mais pas à n’importe quel prix, pas avec n’importe qui. Pas pour faire autre chose que ce que nous faisons déjà avec passion : donner à penser le meilleur de ce qui jaillit sur le web et concevoir quotidiennement des approches parmi les plus innovantes possibles d’une information enrichie, d’intérêt public et qui ne soit pas technophobe.

Du 2.0 ? Une start-up ? Non ! La petite entreprise dont nous parlons est un écosystème de médias, une société d’édition, métier dont le dictionnaire de L’Académie française de 1762 donne la définition suivante : “celui qui prend soin”. Ces mots ont un sens. Nous ne sommes pas un média composé de journalistes, de rédacteurs en chef et de chefs en sous strates, mais un éditeur de médias composé lui-même d’éditeurs, accompagnés (et légalement portés) par un directeur de publication. Nous sommes entourés de centaines de contributeurs (600, qui génèrent chez eux près de 50% des publications), adossés à de sérieuses équipes de développement, de création design et de stratèges des médias, mais nous sommes davantage une famille ou un réseau, un ensemble hétéroclite qui se complète, qu’un média stricto-sensu.

Nombre de médias – et pas seulement – vivent de services tiers, de sites plus ou moins avouables et souvent de charmes qui ont peu à voir avec leur périmètre éditorial. De la petite annonce au minitel rose en passant par les sites de jeux en ligne et j’en passe et des meilleures, l’information pour survivre n’a jamais manqué de tentatives de diversification de ses revenus, mais souvent par contre de cohérence ou de volonté d’innovation. L’information n’est pas rentable. Non. Mais elle a un coût. Pourquoi le facturer au citoyen ou s’en remettre à des annonceurs (et donc à la quête d’audience à tout prix) ?

Tenter d’imaginer une information d’intérêt public, d’intérêt général, d’intérêt pour la société, c’est se contraindre – forcément ! – à trouver les moyens de ce projet éditorial en amont de sa mise en oeuvre. Et en aval. Car un tel chemin n’est pas sans croiser de sentiers aux milles senteurs, découverts au hasard d’une haie ou d’un bouquet… Nous sommes rentables. L’indépendance est à ce prix. Nous avons le devoir de rendre pérenne ce modèle original.

L’information est un engagement.

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