Scoop : Libération en faillite

Le 2 octobre 2009

Vous vous étonnez de perdre sans cesse plus de lecteurs. Vous êtes vraiment surpris ? Mais relisez-vos articles. Pour vous sauver de la banqueroute, vous êtes prêts à diffuser n’importe qu’elle idée qui vous conforte dans l’ancien monde. Plutôt que de vous adapter au nouveau paradigme, vous tentez d’en détourner vos lecteurs pris en otages. [...]

Libération

Vous vous étonnez de perdre sans cesse plus de lecteurs. Vous êtes vraiment surpris ? Mais relisez-vos articles. Pour vous sauver de la banqueroute, vous êtes prêts à diffuser n’importe qu’elle idée qui vous conforte dans l’ancien monde. Plutôt que de vous adapter au nouveau paradigme, vous tentez d’en détourner vos lecteurs pris en otages. Est-ce la bonne stratégie ?

Honte à moi, j’ai lu un de vos articles en ligne : Comment Google contribue au rétrécissement du savoir. L’auteur, Thierry Klein, énonce une théorie surréaliste. Voulant nous persuader que peu de gens cherchent sur le net, il réussit juste à nous démontrer qu’il ne sait pas lui-même chercher (ou qu’il a peur de chercher ce qui le contredirait).

Le savoir disponible, c’est la quantité moyenne de savoir à laquelle un internaute accède réellement – et non pas potentiellement – au cours d’une session, d’une journée, d’une vie, multipliée par le nombre d’internautes. Or cette quantité de savoir réellement disponible, qui n’a d’ailleurs jamais été très élevée sur le Web, diminue structurellement de jour en jour, Google étant l’acteur majeur, bien que probablement involontaire, de ce rétrécissement.

Cette argumentation se base sur quels chiffres ? Vu que le nombre d’internautes ne cesse d’augmenter, que le trafic internet ne cesse de s’accroître, il est déjà facile de montrer que Klein se trompe même si éventuellement la quantité d’information remontée par tête est susceptible de baisser mais notre auteur est silencieux quant aux faits.

Il mélange tout, le programme AdWords de Google avec les résultats des requêtes. Google tente d’afficher les publicités la mieux adaptées aux requêtes tout comme les sites les mieux adaptés. À ma connaissance, personne n’a jamais montré que Google trichait, c’est-à-dire affichait des résultats sans intérêt pour pousser à cliquer sur les publicités intéressantes. Au contraire, dans de nombreux cas, il a puni ceux qui ont joué à fausser les résultats pour glisser leurs sites vers le haut (mea-culpa, j’ai jadis joué à ce petit jeu).

Si Google, faisait baisser la pertinence de son moteur pour augmenter la rentabilité des publicités, il se ferait tout de suite dénoncer par les spécialistes du référencement. D’autre part, les moteurs concurrents se frotteraient les mains et récupèreraient une bonne part de marché. Google n’a aucun intérêt à jouer au chat et à la souris. Il remonte la meilleure réponse possible, pas nécessairement commerciale.

Maintenant bien sûr les référenceurs tentent de placer en bonne position leurs clients mais le jeu devient de plus en plus difficile. Google est de plus en plus vigilent à ce sujet, justement (il y a longtemps que je ne connais plus la martingale miracle).

Si vous cherchez un hôtel, Google est encore un sacré capharnaüm. Mais dès que vous cherchez des informations non commerciales, les sites de contenus arrivent en tête, souvent Wikipedia d’ailleurs.

Google vous incite, en moyenne, à aller vers les pages les plus intéressantes pour les annonceurs, qui sont sa source de revenu.

Oui pour AdWord mais comment oser dire ça pour le reste ? Des tonnes de blogueurs jouent à ce petit jeu mesquin de lancer des accusations creuses. Mais Libération ne devrait-il pas nous offrir mieux ? Pourquoi laisser un auteur énoncer ses vérités sans qu’il fournisse la moindre preuve ?

Prenez un étudiant ou un chercheur. En théorie, il lui suffit d’avoir accès à Internet pour avoir accès à toute la bibliographie dans son domaine. En réalité, s’il va sur Internet, il rentre dans une entreprise de distraction, au sens premier du terme, qui est celui de détournement. Au bout de quelques minutes, il a toutes les chances de se retrouver à faire autre chose que de la recherche (lire la Bourse, les résultats sportifs, tchater sur MSN…). Cette distraction permanente est à comparer à son comportement en bibliothèque, isolé, sans rien pouvoir faire d’autre, dans une cellule avec ses quelques livres – l’avantage de la bibliothèque physique sur Google : l’absence de distraction. […] Même les plus optimistes sont conscients qu’Internet est avant tout une source de distraction et de temps perdu – et toutes les entreprises qui ont étudié le comportement sur Internet de leurs employés le savent.

Encore une fois sur quelles études se base l’auteur ? J’ai lu des dizaines d’études qui montraient justement le contraire, que l’attention se transformait, que les plus jeunes étaient capables de suivre plusieurs flux simultanément. J’ai même pas le courage d’aller les rechercher, ça en vaut pas la peine. C’est la méthode soutenue par Libération que je conteste.

Publions-nous moins de livres ? Non. Publions-nous moins de papiers scientifiques ? Non. Publions-nous moins de brevets ? Non. Nos technologies et nos connaissances se développent à un rythme exponentiel comme l’a montré Ray Kurzweil. Plutôt que freiner ce déploiement, Internet a plutôt tendance à l’accompagner (sans Internet pas de décodage du génome, pas de suivi des pandémies en temps réel…).

Une page qui contient de la publicité sur Internet est « probablement » peu intéressante – l’éditeur du site de ces pages n’a pas pour objectif d’augmenter votre connaissance, mais de vous faire cliquer sur un lien sponsorisé.

J’ai compris. Tout s’explique. C’est donc exactement ce que fait Libération, sur la page même où je lis cet article minable. Il y a partout des publicités et je comprends en fait que cet article n’avait d’autre but que de me faire cliquer. Tous les moyens sont bons. Même publier des insanités.

Mais cet article a-t-il été publié en 2009 ? Je me trompe non ? C’est pas 1999 ? J’ai l’impression que Libération nous a sorti un épouvantail du placard. Je crois qu’il n’a pas du souvent utiliser Google d’ailleurs. Il aurait remarqué que le moteur ne nous envoie pas souvent vers Facebook. Ces fameux gros sites 2.0 que l’auteur évoque ont pour vertu de générer eux-mêmes leur audience. Ils n’ont pas besoin de Google pour vivre contrairement à Libération.

Merci. Ne nous donnez plus jamais de leçon. Ne parlez plus jamais du web. Je vais pas dire que j’attendais mieux de vous mais tout de même. Tout le monde à le droit de penser ce qu’il veut… mais un minimum de rigueur s’impose non ? Aller, je gardais la meilleure pour la fin. Sans commentaire.

Né il y a cent ans, le cinéma qui promettait d’être le nouveau moyen d’expression culturel (sans même parler du cinéma en tant que nouvelle forme artistique) a aujourd’hui presque totalement disparu. Il est devenu un des principaux vecteurs de l’abêtissement général. Internet : le début d’une nouvelle illusion.

PS : J’ai bien sûr remarqué que l’auteur n’est pas journaliste. Mais quelle importance ? Libération l’a tout de même publié. Je me moque du statut de l’auteur. Nous sommes tous des hommes.


> Article initialement publié sur le Peuple des Connecteurs

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