Cyberpatrouille en quête de faits div’ chauds bouillants

Le 21 novembre 2010

Dans une voiture spécialement équipée, deux journalistes sillonnent Montréal, au Canada, traquant les faits divers. Objectif ? Être les premiers à livrer une info fiable et brûlante sur cyberpresse.ca, consulté par 2 millions d'internautes chaque mois.

Leur bureau sort de l’ordinaire. Une voiture quatre places toute équipée : ordinateur portable, connexion internet en 3G, GPS et huit scanners branchés sur les fréquences des pompiers, ambulanciers et policiers de Montréal, au Canada. Hugo Meunier et Patrick Sanfaçon sont deux journalistes du quotidien montréalais francophone La Presse, et de son site internet cyberpresse.ca. Ils couvrent les faits divers de la ville en temps réel, à l’écoute des fréquences radios des services d’urgence. Incendies, meurtres, accidents de la route, ils offrent une couverture quasi-instantanée aux lecteurs du site. Un pied IRL, l’autre URL.

Cyberpresse.ca, ce nom vous dit peut-être quelque chose. Le site canadien était, en octobre, un des trois finalistes avec OWNI.fr pour le prix General Excellence in Online Journalism, Non-English, Small Site, délivré par l’Online News Association, prix remporté par OWNI.

« Les faits divers sur le web, ça marche »

Grâce à une clé 3G, il est possible d'accéder partout à Internet.

Depuis son arrivée au quotidien La Presse en 2005, Hugo Meunier, 32 ans, travaillait essentiellement sur les faits divers. « Je me suis vite rendu compte que l’information publiée dans le journal du lendemain était souvent périmée, déjà reprise en boucle par les chaînes d’information en continu. Alors, j’ai lancé l’idée de créer des patrouilleurs, qui couvriraient les faits divers en temps quasi-réel sur le web. »

À l’automne 2008, il fait sa première patrouille avec Patrick Sanfaçon, 38 ans, dans une voiture qu’ils ont eux-même équipée. À l’intérieur, l’atmosphère est surréaliste. Les deux journalistes baignent dans un enchevêtrement de fils, une armée de boutons et d’écrans et surtout un flux sonore ininterrompu. « Écouter les conversations des policiers et des pompiers, c’est possible au Canada car la diffusion se fait majoritairement sur le réseau public ; peu de villes utilisent un réseau crypté, précise Patrick. De ce fait, n’importe qui avec un minimum de connaissances techniques, peut écouter ces radios. Il y a des nerds qui nous envoient des infos par mail à 3 heures du matin car ils ont entendu parler d’un incendie à l’ouest de la ville », explique-t-il. « On n’arrête jamais les radios, renchérit Hugo. Avec l’habitude, on ne fait plus attention à tous les bruits parasites. Mon cerveau est programmé pour tiquer sur certains mots-clefs. La force des faits divers, c’est d’être à l’affût. »

Arriver les premiers, parfois avant l’ambulance

Un code « 27D1 » crachouillé d’un haut-parleur – utilisé par la police municipale pour décrire un fait impliquant une arme à feu –  et la patrouille se met en branle. Pour rien, pour un vrai fait-divers, « mais on va toujours vérifier quand on a entendu une info ». Aller vite, arriver les premiers sur place, c’est leur leitmotiv. Parfois même, avant l’ambulance.

Tout va ensuite très vite. Entre services d’urgence qui arrivent, témoins et même victimes parfois encore sur place, il faut interroger avec tact et diplomatie. « Je me revois plusieurs fois interroger les personnes sur place, écrire ma breaking news sur mon smartphone, assise sur le trottoir et l’envoyer à La Presse avec les photos », explique Daphné Cameron, qui remplace ponctuellement Hugo ou Patrick quand ils sont en formation ou en congés. « Le tout, en continuant de jeter des coups d’oeil un peu partout pour voir comment les choses évoluent ». Au siège, la nouvelle est relue par les secrétaires de rédaction, mise en page puis en ligne.

Évidemment, les faits-divers sur le web, ça marche. En cas de grosse affaire, comme tout récemment, l’assassinat de Nicolo Rizzuto, « la barre des connexions s’envole », s’enthousiasme Hugo. « Le web est adapté au traitement des faits-divers : on met les 5W – l’essentiel de l’info, Who, What, Where, When Why – pas plus, avec des témoignages recueillis sur place et on met à jour régulièrement. Dans le journal du lendemain, on va plus loin dans le traitement du fait-divers. Plus d’analyse, des dossiers ou des chroniques. »

Prudence avec les réseaux sociaux

Avec 400 followers sur Twitter et 470 fans sur Facebook, la présence des patrouilleurs sur les réseaux sociaux est symbolique, et leur utilisation prudente. « Cela nous sert avant-tout à diffuser notre travail, explique Hugo. Rien n’est mis sur les réseaux sociaux avant d’être publié sur notre site. Si j’entends une info sur la fréquence des flics, je ne vais pas la mettre sur Twitter et alerter les concurrents ». Et se faire griller un scoop.

Diffusion, mais aussi recherche. Facebook est un excellent moyen pour compléter ses informations. « Toute les personnes rencontrées où concernées par un fait-divers, je vérifie sur les réseaux sociaux si elles y sont. Suivant les paramétrages de confidentialité, je peux connaître ses relations, le nom de son ancien collège ou lycée, ses employeurs, etc. Si j’ai besoin de précisions sur une adresse, je vérifie sur le site des pages jaunes », précise Daphné.

Les patrouilleurs circulent toute la semaine, été comme hiver. Cette dernière qui approche, avec son lot de températures négatives et ses centimètres de neige est signe, pour les deux journalistes, de complication des conditions de travail. Mais qu’importe. Ils aiment leur métier. « Je suis accro à la breaking news. Être le premier sur place, c’est très stimulant », conclut Patrick Sanfaçon.

Images CC Flickr Geoffrey Bonnefoy

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