OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Et PAF YouTube ! http://owni.fr/2012/10/09/et-si-cetait-ca-la-tele-connectee/ http://owni.fr/2012/10/09/et-si-cetait-ca-la-tele-connectee/#comments Tue, 09 Oct 2012 14:18:03 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=121982 Owni est allé à leur rencontre pour savoir si c'était ça, la télé connectée.]]>

Dur dur d’être une chaîne de télé en France. Outre la course au renouvellement (et à la sainte audience) perpétuelle, voilà le PAF qui se fait méchamment boulotter par des outsiders. Hier, c’était double lame : premiers pas de D8, feu Direct 8, doté d’un gros budget de 120 millions d’euros annuels, mais aussi lancement, plus discret et sans Roselyne Bachelot certes, de 13 chaînes thématiques françaises sur YouTube. Doctissimo, le groupe AuFeminin (dont le site Marmiton) ou encore l’agence Capa : beaucoup d’acteurs du web mais aussi quelques producteurs de contenus qui s’improvisent chaînes de télévision. Mais sur Internet.

A l’heure où les Cassandre, Pierre Lescure et ministre de la Culture en tête, redoutent une arrivée dévastatrice d’écrans connectés pourtant bien présents dans nos salons depuis le début du Net, ne serait-ce pas plutôt l’arrivée des e-trublions sur le territoire de la télé à papa qui incarne cette “télé connectée” qui fait trembler politiques, institutions et antennes ?

Pas un big deal

“YouTube nous permet de faire quelque chose qu’on attend depuis longtemps”, explique Claire Leproust, chargée des développements numériques chez Capa. Le lancement sur le web de programmes via des acteurs du web. Pour le moment, ce n’est pas un big deal qui va nous rapporter grand chose, mais plus un pari sur l’avenir.” TF1, M6 et compagnie n’ont donc selon elle aucun souci à se faire :

C’est une toute petite chaîne ! On n’est pas D8 !

Programmes courts, décalés, sans direct et gratuits, Capa, comme les autres acteurs qui ont suivi YouTube dans l’aventure, ne cherchent pas à se muter en antenne traditionnelle, en reproduisant les formats vus sur le PAF. Mais ne visent pas moins une qualité et un façon de travailler certifiée “comme à la télé”.

“On a la volonté d’apprendre ce qu’est la production vidéo, explique Valérie Brouchoud, présidente de Doctissimo, l’un des plus gros acteurs du web français. On essaie d’obtenir une qualité télé, vous verrez. Je suis très contente de ce qu’on a fait !” Bye-bye passion mohair et autres exotismes du genre qui ont fait le succès du site Doctissimo et de ses incontournables forums ?

Forcément, le ton web et le ton télé ne sont pas les mêmes. On fera quelque chose à mi-chemin, en essayant de garder une proximité très forte avec les internautes, en les recevant dans nos émissions. Après, sur les forums, c’est de la libre expression… Ici, on drivera les émissions…

Sans un regard de Google, ajoute par ailleurs la présidente de Doctissimo : “on reste complètement indépendant sur l’ensemble de nos programmes !” Des programmes répartis entre magazines santé, grossesse, du coaching mais aussi de la fiction, et accessibles dès le 15 octobre prochain. Ils seront produits en interne et au sein de deux boîtes de production.

Un modèle également suivi par Capa, dont l’activité historique est précisément… la réalisation et la production de séries et de magazines pour le compte de chaînes de télévision au sens classique du terme. La société de production devient donc à son tour éditeur de programmes. Ce qui fait rire Claire Leproust :

Oui, on se glisse dans la peau d’une chaîne !

Début de l’histoire

Pour autant, hors de question pour Capa d’abandonner son cœur de métier : l’extension sur le Net ne vient pas rivaliser avec la relation entretenue depuis des années avec les antennes. “On se dit que ce n’est pas demain la veille que l’édition d’une chaîne YouTube sera le Graal, poursuit Claire Leproust. On s’y met parce qu’il faut voir qu’une audience est en train de se constituer sur Internet, avec un comportement qui n’a rien à voir avec celui de l’audiovisuel.” Même son de cloche chez Doctissimo :

J’adorerais devenir une chaîne de télé, mais il est trop tôt pour le dire ! On n’en est pas là. On en est au tout début de l’histoire.

Mais de l’histoire de quoi précisément ? Si les acteurs du web se défendent pour l’instant de vouloir concurrencer le PAF historique, leur démarche s’inscrit bien dans un renouvellement de ce paysage. Chez Doctissimo, sa présidente explique “négocier avec certains acteurs comme Orange pour être présent dans leur box.” Ainsi qu’avec des “équipementiers”. Comprenez par là, “Philips ou LG, afin d’être dans leurs téléviseurs”.

Révélations sur la télévision connectée

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Fondateur de Gandi et auteur des Confessions d'un voleur, Laurent Chemla publie sur Owni sa deuxième ...

La stratégie de ces nouveaux diffuseurs semble s’inscrire dans l’émergence tant redoutée de la télévision connectée. Ce que reconnaît d’ailleurs Valérie Brouchoud, qui affirme qu’elle “ne voulait pas avoir un train de retard” dans ce domaine. L’enjeu de ce cataclysme audiovisuel annoncé serait donc moins dans la commercialisation et l’adoption d’écran de TV branché au réseau, qui comme l’explique très bien notre chroniqueur Laurent Chemla, trône dans nos salons depuis un bail, mais bien plus l’adoption des acteurs du web et de leurs contenus dans nos écrans. Téléviseurs stricto sensu, poste d’ordinateur, téléphone, tablette entre autres spécimens du bestiaire consacré.

Côté YouTube, on se garde bien aussi d’évoquer une compétition directe avec les antennes françaises. “C’est plus une démarche complémentaire que concurrentielle”, confiait ce matin Christophe Muller, directeur des partenariats YouTube Europe du Sud, de l’Est et Moyen-Orient à Owni. “Ces nouvelles chaînes sont des chaînes thématiques telles qu’il en existe déjà beaucoup sur YouTube. Il n’y a pas de programmes linéaires ou live…” Une grille et du direct, des caractéristiques spécifiques aux chaînes du PAF.

Difficile néanmoins de savoir ce que ces dernières en pensent. Contacté à plusieurs reprises, M6 a précisé ne pas souhaiter s’exprimer sur la question. Et du côté de TF1, on reste tout aussi mutique. Google assure quant à lui discuter avec toutes les chaînes. Même si “le marché français est peut-être plus difficile que les autres”, concède Christophe Muller.

Exception culturelle Googlienne

Ce qui est sûr c’est que la plate-forme vidéo du géant américain passe la vitesse supérieure. Certes, comme le rappelle son représentant, cela fait un bail que YouTube permet à ses utilisateurs la création d’espaces thématiques. “Nous avions déjà un embryon de chaîne sur YouTube”, rappelle d’ailleurs la présidente de Doctissimo. Des chaînes telles que BFM TV ou Direct 8 travaillent également déjà avec YouTube, précise de son côté Christophe Muller, qui concède néanmoins : “pas toutes, certes…”

Ce qui change aujourd’hui, c’est la volonté du géant de Mountain View de contribuer à la création. YouTube participe en effet au financement des chaînes en leur offrant une avance sur les recettes publicitaires. On avance une fourchette comprise en 10 000 et 100 000 euros par chaîne. Impossible néanmoins de connaître le détail des versements, qui fait partie des clauses du contrat : Capa et Doctissimo n’ont pas voulu en dire plus, même si ce dernier confirme se situer quelque part dans cet intervalle. Une fois l’avance remboursée, ces mêmes gains seront distribués entre YouTube et les chaînes, selon le système de répartition mis en place à l’internationale par la plate-forme.

Le secret démasqué de Gangnam Style

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L’attractivité irrésistible de la danse du cheval du rappeur coréen PSY n’explique pas le succès phénoménal de sa ...

Un système qui n’est pas sans rappeler celui, historique, du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) : l’avance sur recettes, remboursée par les résultats d’exploitation des films soutenus par le Centre. “Vous n’êtes pas la première à me le dire, sourit Christophe Muller. Après, pour être parfaitement honnête avec vous, cette initiative est partie des États-Unis, donc il est difficile de dire que c’est une copie du système du CNC. Tout est parti d’une question : ‘Que peut-on faire, en tant que YouTube, pour stimuler la création ?’”

Une volonté qui vaut pour le monde entier. Lancée il y a près d’un an aux États-Unis, la création de chaînes sur YouTube touche aujourd’hui l’Allemagne, la Grande-Bretagne et la France. Et ce n’est pas fini : “nous voulons nous étendre à d’autres pays en 2013″, confirme Christophe Muller. Après la France, voici venue l’ère de l’exception culturelle Googlienne.


Photo par XRayDeltaone (CC-BY-SA)

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Le secret démasqué de Gangnam Style http://owni.fr/2012/10/05/gangnam-style-nest-pas-a-cheval-sur-le-droit-dauteur/ http://owni.fr/2012/10/05/gangnam-style-nest-pas-a-cheval-sur-le-droit-dauteur/#comments Fri, 05 Oct 2012 11:14:20 +0000 Lionel Maurel (Calimaq) http://owni.fr/?p=121638 Cliquer ici pour voir la vidéo.

Avec le clip vidéo déjanté de sa chanson Gangnam Style, le rappeur coréen PSY a explosé tous les records, en devenant la vidéo la plus “aimée” de l’histoire sur YouTube : plus de 350 millions de vues en l’espace seulement de quelques mois !

Ce succès fulgurant s’explique en grande partie par le nombre incroyable de parodies qui ont été postées en ligne par le public, reprenant à toutes les sauces la fameuse “danse du cheval” popularisée par le clip. Un nouveau mème est né et il est impressionnant de voir la masse de reprises/détournements/remix que cette vidéo génère partout dans le monde. Il existe même déjà une page – Wikipédia Gangnam Style in Popular Culture – attestant de l’engouement planétaire pour la nouvelle star de la Kpop.

Cette synergie qui s’est mise en place entre cette vidéo et les contributions du public est déjà en elle-même fort instructive sur les nouveaux types de rapports que les créateurs de contenus peuvent entretenir avec les internautes. Mais l’attractivité irrésistible de la danse du cheval de PSY n’explique pas tout. Un des secrets du succès de Gangnam Style est aussi de ne pas avoir été à cheval… sur le droit d’auteur !

Abandon de copyright ?

Il semblerait que dans une interview, PSY ait déclaré qu’il avait abandonné son copyright, de manière à ce que n’importe qui puisse reprendre sa musique et sa vidéo de la manière dont il le souhaite. Cette hypothèse est reprise par le site australien TheVine, où le journaliste Tim Byron analyse les raisons culturelles du phénomène.

Comme le remarque le site Techdirt, il est assez improbable que PSY ou son label YG Entertainement aient réellement “abandonné leur copyright” sur le morceau ou sur le clip. Un tel renoncement est juridiquement possible, notamment en employant un instrument comme Creative Commons Zéro (CC0), qui permet aux titulaires de droits sur une œuvre d’exprimer leur intention de verser par anticipation leur création dans le domaine public.

Certains artistes ont déjà choisi ce procédé pour diffuser leur production : le rappeur anglais Dan Bull, par exemple a récemment obtenu un beau succès dans les charts anglais avec son morceau Sharing Is Caring, placé sous CC0 et popularisé par le biais d’une habile promotion multi-canaux (diffusion volontaire sur les réseaux de P2P, propagation sur les réseaux sociaux et sur YouTube, vente sur iTunes et Amazon Music, etc).

Extrait de la vidéo Gangnam style

Ce qui s’est passé avec Gangnam Style est différent : PSY et son label n’ont pas formellement abandonné leur copyright, mais ils ont plutôt choisi de ne pas exercer leurs droits, pour laisser la vidéo se propager et être reprise sous forme de remix, sans s’y opposer. C’est ce qu’explique Mike Masnick sur Techdirt :

Je ne sais pas si PSY ou son label ont fait quoi que ce soit explicitement pour abandonner leurs droits sur Gangnam Style, mais il est clair qu’ils ont été parfaitement heureux que des masses de personnes réalisent leurs propres versions du clip, modifient la vidéo et bien plus encore. Chacune de ces réutilisations a contribué à attirer plus encore l’attention sur le morceau original, en l’aidant à percer.

Donc, même s’il n’est pas tout à fait vrai que PSY ait abandonné ses droits sur la chanson ou la vidéo, qui peut honnêtement soutenir que le droit d’auteur ait quoi que ce soit à voir avec le phénomène culturel qu’est devenu Gangnam Style ? En vérité, c’est parce que tout le monde a choisi d’ignorer le droit d’auteur qu’un tel succès a pu devenir réalité. Une large proportion des œuvres dérivées qui ont été réalisées à partir de la vidéo ne respectent certainement pas le droit d’auteur. Et pourtant chacune de ces “violations” a probablement aidé PSY. On ne peut pas trouver un seul cas où cela lui ait causé un préjudice.

Sortir la création de la mélasse

« Le droit d’auteur, c’est de la mélasse !». Le cas de Gangnam Style illustre parfaitement cette comparaison faite par le juriste américain Lawrence Lessig :

Pensez aux choses étonnantes que votre enfant pourrait faire avec les technologies numériques – le film, la musique, la page web, le blog […] Pensez à toutes ces choses créatives, et ensuite imaginez de la mélasse froide versée dans les machines. C’est ce que tout régime qui requiert la permission produit.

En effet, si l’on s’en tient à la lettre du droit d’auteur, toutes les personnes qui ont réutilisé la musique ou la vidéo de Gangnam Style auraient dû adresser une demande en bonne et due forme, afin d’obtenir leur autorisation préalable. Même dans un monde idéal où des organismes de gestion collective seraient à même de gérer efficacement ce type d’autorisations, une telle charge procédurale serait ingérable pour un succès viral explosif comme celui qu’a connu Gangnam Style.

Ajoutons que ce n’est pas seulement pour la musique ou la vidéo que des autorisations sont requises. Le simple fait de mimer la fameuse “danse du cheval” peut déjà être considéré comme une violation du droit d’auteur, car les chorégraphies originales sont considérées comme des œuvres protégées. Beyoncé l’avait d’ailleurs appris à ses dépends l’année dernière, lorsqu’elle avait été accusée de plagiat par la chorégraphe belge, Anne Teresa De Keersmaeker, pour avoir repris quelques pas de danse dans le clip du morceau Countdown.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Bien sûr, il existe des mécanismes comme le fair use (usage équitable) aux Etats-Unis ou l’exception de parodie ou de pastiche chez nous, qui permettent théoriquement de créer à partir d’une œuvre préexistante, sans avoir à demander d’autorisation. Mais l’applicabilité de ces dispositifs à des reprises sous forme de remix ou de détournements est plus qu’aléatoire et nul doute que PSY ou son label auraient pu agir en justice contre leurs fans, s’ils avaient tenu à faire respecter leurs droits.

Le rôle central de YouTube

Il semble clair que ni PSY, ni YP Entertainement n’ont réellement “abandonné” leurs droits. Ils n’ont pas non plus utilisé une licence libre, type Creative Commons pour indiquer a priori qu’ils autorisaient les réutilisations de l’oeuvre (possibilité pourtant offerte par YouTube).

Ce qui explique en réalité la “neutralisation” du droit d’auteur qui a joué ici, ce sont sans doute les règles particulières instaurées par YouTube pour organiser la diffusion des contenus. La plateforme possédée par Google propose en effet un “deal” avec les titulaires de droits, qui leur offre une alternative à l’application pure et simple du droit d’auteur.

Par le biais du système  d’identification Content ID, YouTube est en effet en mesure de repérer automatiquement les contenus protégés que des utilisateurs chargeraient sur la plateforme. Il peut alors bloquer la diffusion de ces contenus et sanctionner les utilisateurs les ayant postés, par le biais d’un système d’avertissements en trois étapes avant la fermeture du compte, qui n’est pas si éloigné d’une riposte graduée.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Mais YouTube propose en réalité un choix aux titulaires de droits, vis-à-vis de Content ID : soient ils décident d’appliquer le droit à la lettre et demandent que les contenus diffusés sans leur autorisation soient retirés automatiquement par les robots de Google ; soient ils acceptent que ces contenus restent en place, en contrepartie d’une rémunération perçue sur la base d’une redistribution des revenus publicitaires générés par YouTube.

C’est vraisemblablement ce qui s’est passé avec Gangnam Style. PSY et son label n’ont pas abandonné leurs droits d’auteur, mais ils ont sans doute tout simplement accepté l’offre de monétisation proposée par YouTube. Du coup, les multiples rediffusions et reprises de la vidéo ont pu échapper aux filtres automatisés de Google, participant à la propagation virale du titre. Et avec des millions de visiteurs, nul doute que cette vidéo a dû rapporter des sommes confortables à ses créateurs.

Économie du partage

Le succès phénoménal de Gangnam Style s’ajoute à ceux d’une année 2012 qui a été marquée par d’autres réussites ayant commencé par une diffusion virale sur YouTube. Le morceau Call Me Maybye de Carly Rae Jepsen s’était déjà ouvert la voie des sommets des charts en suscitant l’adhésion des fans sur la plateforme (plus de 280 millions de vues). La même chose s’est également produite pour le titre Somebody That I Used To Know de Gotye et l’artiste avait tenu à rendre hommage aux internautes qui l’avaient aidé à percer, en publiant sur YouTube un remix à partir des innombrables reprises réalisées par des amateurs.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

La musique n’est pas le seul secteur où ces effets de synergie se manifestent. Si l’on y réfléchit bien, le succès de la série Bref de Canal+ s’explique aussi en partie par les nombreuses vidéos parodiques réalisées sur tout et n’importe quoi à partir du canevas proposé par la série.

En 2010, la demande brutale de retrait des parodies du film La Chute était apparue comme un des symboles des crispations provoquées par l’antagonisme entre la logique du droit d’auteur et les nouvelles possibilités d’expression offertes par les médias sociaux. Peut-être le succès de Gangnam en 2012 marque-t-il l’ouverture d’une nouvelle phase, où les titulaires de droits sauront davantage utiliser les forces du partage en ligne, en tissant de nouvelles relations avec le public ?

Zones d’ombre

Mais la belle histoire de Gangnam Style comporte aussi des zones d’ombre préoccupantes. Le système Content ID mis en place par Google pour surveiller les contenus postés sur YouTube n’est rien de moins qu’une sorte de police privée du copyright, organisée par entente entre un géant du web et les titulaires de droits. Cette application robotisée des règles du droit d’auteur provoque souvent des retraits abusifs, parfois particulièrement inquiétants, comme si la machine frappait aveuglément. YouTube vient d’ailleurs de modifier les règles du système pour permettre aux utilisateurs de se défendre plus efficacement, mais le principe même de cette régulation par algorithme reste contestable.

Plus encore, la monétisation des contenus organisée par YouTube constitue une forme de “licence globale privée » : elle a le même effet d’ouvrir les usages, mais les “libertés” qu’elle procure sont limitées à la plateforme de YouTube et lui permettent de capter la valeur générée par ces pratiques. Les licences globales privées sont en réalité des privilèges juridiques, que les grands acteurs du web sont en mesure de se payer, en amadouant les titulaires de droits par le bais de la promesse d’une rémunération.  Et ce système maintient une forme de répression et d’incertitude constante pour les internautes quant à ce qu’ils peuvent faire ou non.

Il est important de se demander si nous n’avons pas intérêt à ce qu’une licence globale publique organise l’ouverture des usages sur la base de libertés consacrées, tout en assurant un financement mutualisé pour la création. Des propositions comme celle de la contribution créative favoriseraient l’émergence de succès comme celui de Gangnam Style, sans rendre les artistes et le public dépendants d’une plateforme telle que YouTube. De la même façon, il serait infiniment préférable qu’une exception législative soit votée en faveur du remix (comme cela a été fait cette année au Canada) plutôt que cette liberté soit simplement “octroyée” aux internautes par des acteurs privés, sur la base d’arrangements contractuels.

Ne pas être à cheval sur le droit d’auteur, il semble que cela puisse conduire au succès, mais gardons absolument en selle l’idée que les libertés numériques doivent être publiquement consacrées !


Images via la vidéo Gangnam Style.

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UFC médiateur de la guerre Free/YouTube http://owni.fr/2012/09/20/ufc-mediateur-de-la-guerre-freeyoutube/ http://owni.fr/2012/09/20/ufc-mediateur-de-la-guerre-freeyoutube/#comments Thu, 20 Sep 2012 14:53:23 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=120463
La guerre des tuyaux

La guerre des tuyaux

Derrière la lecture d'une vidéo YouTube sur votre écran, c'est la guerre. Fournisseurs d'accès à Internet et éditeurs ...

Les abonnés à Free en sont bien conscients : regarder une vidéo le soir sur YouTube relève de l’exploit. Une histoire qui dure depuis des mois, sans pour autant trouver d’issue : Free et Google se renvoyant mutuellement la balle dans l’affaire. Et refusant de bouger d’un iota.

UFC Que Choisir a décidé d’en finir en saisissant Benoit Hamon, qui a en charge la direction de la concurrence (DGCCRF), et le gendarme des télécoms (l’Arcep) de ce problème.

Dans le but “de trancher ce litige qui prend en otage les consommateurs et de mieux encadrer le marché”, a écrit Alain Bazot, le président de l’association de défense des consommateurs, sur son blog.

Contactés par Owni, l’Arcep et la DGCCRF ont confirmé avoir été saisis, sans toutefois souhaiter s’exprimer davantage.

Sur Internet, c’est la fête, on s’interconnecte

Le marché visé par l’UFC est celui dit de l’interconnexion, dont les règles, souvent opaques pour les internautes, ont pourtant des incidences importantes sur notre quotidien en ligne : c’est la manière dont les acteurs d’Internet acceptent de se relier les uns aux autres. Des deals souvent conclus sur un coin de table, et qui peuvent tordre le principe de neutralité du Net, qui affirme que chaque internaute peut produire et consulter le contenu de son choix, sans discrimination entre les services, sur le réseau.

Alain Bazot souhaite d’ailleurs profiter du “dépôt de la proposition de loi de Laure de la Raudière visant à garantir la neutralité d’Internet”, afin d’engager une “nouvelle démarche pour pousser le gouvernement à s’engager…”

En l’espèce, Free estime que la faute revient à Google : le géant américain est accusé de ne pas déployer en France l’infrastructure nécessaire qui permettrait de désembouteiller le trafic important généré le soir, sur son site de partage de vidéos. Google quant à lui, garde le silence sur le sujet, même si en coulisses, les discussions ne seraient pas pour autant rompues.

La neutralité remise sur le tapis

La neutralité remise sur le tapis

En déposant une proposition de loi visant à protéger la neutralité du Net, Laure de la Raudière (UMP) entend bien faire ...

“Sans l’établissement de règles claires, les problèmes d’interconnexion (peering) entre les différents acteurs, dont sont victimes les consommateurs, risquent d’exploser, “ conclut Alain Bazot. “L’idéal serait d’aller plus loin que cette affaire Free-YouTube, et de poser la question générale de l’interconnexion”, ajoute Édouard Barreiro, en charge des questions numériques à l’UFC, contacté par Owni.

Un constat que partage l’Autorité des télécoms, qui a précisément décidé en avril dernier de se mêler aux questions d’interconnexion en France. Sans que l’initiative ravissent, c’est le moins qu’on puisse dire, les acteurs du Net concernés.

Particulièrement à l’étranger : Internet étant Internet, les informations demandées par l’Arcep visent aussi des sites et des opérateurs qui se relient au réseau français. AT&T et Verizon, les deux opérateurs américains, ont moyennement apprécié de voir le régulateur français fourrer son nez dans leur business. Résultat : ce dernier se retrouve attaqué devant le Conseil d’État. C’est dire si ce marché est particulièrement sensible.

Vers une solution ?

Hasard (ou pas) du calendrier, la sortie de l’UFC intervient alors que l’autorité de la concurrence vient de trancher un différend, également de longue date, opposant Orange à Cogent, un intermédiaire (ou opérateur de transit) du réseau qui revend de la bande passante à d’autres acteurs d’Internet.

L’opérateur français avait demandé à la boîte américaine de payer plus si elle voulait voir son trafic (et celui de ses clients, dont le très populaire Megaupload) transporté sur son réseau. Cogent y voyait un abus de position dominante ; c’est perdu selon l’autorité de la concurrence ! Orange est dans son bon droit, a-t-elle estimé, “dans la mesure où une telle rémunération n’est pas une pratique inhabituelle dans le monde de l’Internet en cas de déséquilibre important des flux entrant et sortant entre deux réseaux et correspond à la politique générale de “peering” adoptée par France Télécom.”

Cette décision, souligne l’autorité, est une première mondiale “sur une question très discutée dans le cadre du débat sur la neutralité de l’Internet : les opérateurs de réseau sont-ils en droit de facturer l’ouverture de capacités complémentaires ?” A en croire l’autorité de la concurrence, oui. Parions que Free saura s’en souvenir…


Photo originale par Pulpolux [CC-bync]

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Les profs Internet http://owni.fr/2012/09/18/les-profs-internet/ http://owni.fr/2012/09/18/les-profs-internet/#comments Tue, 18 Sep 2012 15:24:31 +0000 Thomas Saintourens http://owni.fr/?p=120356 Usbek & Rica, ce 18 septembre à la Gaité Lyrique à Paris, à l'occasion d'un nouveau Tribunal pour les générations futures. Pour nourrir cette réflexion, reportage chez les révolutionnaires de la pédagogie. ]]>

©Gwendal Le Scoul pour Usbek & Rica

Ce reportage est à retrouver dans le dossier « La revanche des cancres » à la Une du dernier numéro d’Usbek & Rica.

Au guidon d’un tricycle propulsé par un extincteur, Walter Lewin traverse l’amphithéâtre du MIT à toute allure en hurlant « Yihaaa ! ». Ses étudiants de physique – disons plutôt son public – se marrent et applaudissent. À la question rituelle « Quel est ton prof préféré ? », tous répondent mister Lewin, à Boston. La réponse serait la même à Dallas, Guingamp ou Hô Chi Minh-Ville : sur Internet, les cours de cet allumé à l’accent hollandais sont visionnés deux millions de fois chaque année. Pas besoin de frais d’inscription pour être un disciple de celui qui prône la nécessité «d’être un artiste pour motiver ses étudiants».

À 76 ans, Lewin représente une nouvelle génération d’enseignants, qui utilisent le « je » à tout bout de champ, gèrent leur image comme des vedettes de cinéma et font fructifier leurs talents de pédagogue bien au-delà de leur quota d’heures légal. Cette vogue vient d’Amérique, qui toujours chérit ses self-made men et sait apprécier les performances. Dans le jargon, on les appelle les trophy professors, ceux que les facs s’arrachent chaque été au terme de transferts dignes de la NBA.

À la maxime « Publish or perish », qui symbolise le souci vital des profs d’apposer leur nom dans les revues prestigieuses, un nouveau commandement est en passe d’apparaître : « Entertain ! »

Prime aux barjots

Aux côtés de l’inénarrable Lewin (il faut le voir, en tenue de safari, tirer au canon des balles de golf sur un faux singe pour expliquer la gravité) brille une constellation de profs stars, précurseurs d’une ère nouvelle où la matière, dopée au marketing personnel, devient marché de niche. Tel le philosophe américain Michael Sandel, dont le cours intitulé « Justice avec Michael Sandel » est un succès planétaire. Pas de plan en trois parties, mais une question, de laquelle découle un raisonnement richement argumenté : « Peut-on justifier la torture ? », « Combien vaut une vie humaine ? »… Son site annonce ses dates de tournée et propose une ribambelle de produits dérivés.

Moins profs que prophètes, ces hommes de spectacle savent monétiser leur charisme.

Je veux devenir le Lady Gaga de la finance !

C’est ce que clame Aswath Damodaran, 10 000 abonnés sur Twitter, des livres à la pelle, toujours bien placé aux baromètres des profs les plus influents (il exerce dans une demi-douzaine de facs à la fois). Son confrère Ron Clark, élu « Instituteur de l’année » aux Disney Awards 2001, fait son beurre au niveau élémentaire. Ses [PDF] « 55 règles » de vie en classe et sa pédagogie énergique, forgées dans des écoles publiques de Harlem, ont même eu l’honneur d’une sitcom avec Matthew Perry. Comme tout bon gourou en devenir, Clark a tôt fait de quitter l’Éducation nationale pour créer sa propre académie privée.

Ces deux ambitieux font figure de débutants comparés au prof le plus populaire de la planète. Celui qui a élevé le cours de maths au stade industriel. Salman Khan travaillait dans la finance quand sa petite cousine, fâchée avec l’arithmétique, lui demanda de l’aide sur messagerie instantanée. L’expérience fut si concluante qu’en quelques mois Sal s’est retrouvé à la tête de la plus grande école alternative (et dématérialisée) du monde. Plus de 60 millions d’élèves suivent ses chaînes thématiques gratuites, traduites dans plus d’une dizaine de langues. Et la Khan Academy attire désormais une nouvelle clientèle : des écoles publiques américaines qui n’hésitent pas à utiliser directement ses méthodes.

De vulgarisation à vulgarité, la frontière est poreuse. La nouvelle génération de profs cliquables joue parfois le show pour le show. Comme Charles Nesson, cybergourou senior basé à Harvard, qui milite pour l’utilisation du poker dans les méthodes d’apprentissage. Ou Bucky Roberts, un trentenaire à casquette – mais sans baccalauréat –, qui depuis sa chambre a lancé un tutoriel à l’imparable simplicité, baptisé « The New Boston ». Peut-être grisé par le succès, Bucky élargit son offre vers le bizarre : « Construire un kart », « Jouer au backgammon » ou « Survivre en milieu sauvage ».

En comparaison, le marché français est encore en voie de développement. Mais nos vedettes nationales, qui savent drainer un public d’âge mûr, ont compris la nécessité d’élargir leur gamme sans renier les fondamentaux. Au rayon philosophie, Michel Onfray joue toujours à guichets fermés au théâtre d’Hérouville-Saint-Clair. L’hédoniste normand est une PME à lui tout seul, écoulant 300 000 exemplaires de son Traité d’athéologie et 400 000 CD de sa Contre-histoire de la philosophie. La crise spirituelle a du bon. Celle de la finance mondiale aussi. L’anthropologue belge Paul Jorion, estampillé Nostradamus de la crise financière, est devenu le chouchou des internautes. Ce barbu, ancien trader, se rémunère notamment au moyen d’une fenêtre de dons PayPal glissée à côté des billets de son blog.

La guerre des profs

Faire émerger les profs phénomènes constitue une démarche économique rationnelle. Selon une étude publiée en janvier 2012, si chaque élève de primaire croisait au cours d’une année de son cursus un professeur excellent (à « haute valeur ajoutée »), le PIB du pays pourrait augmenter à terme de 2 %. Alors, imaginons un peu : à quoi ressemblerait l’école de demain, quand les showmen auront pris le pouvoir ?

À une course au plaisir d’apprendre, d’abord. Des programmes saucissonnés en clips vidéo, pensés pour maximiser l’attention cérébrale. Une bourse mondiale de la popularité des super profs, indexée sur les « j’aime » de leurs fans ou l’évolution des abonnements, ferait vaciller leur hit-parade officiel. Certains gonfleront leur potentiel de prophète au moyen d’entraînements intensifs. D’autres utiliseront leur capital charismatique pour une reconversion holographique en 3D : cours d’EPS avec l’avatar de Roger Federer ou tutoriel de création d’entreprise avec celui de Mark Zuckerberg.

Ce Far West académique constituera un terrain de choix pour la bataille des paradigmes. La figure de l’enseignant glissera vers celle de militant, de lobbyiste. De l’histoire à la biologie, un vernis politique pourrait bien décorer la leçon du jour, surtout s’il s’agit d’aborder les origines de l’humanité. L’affrontement entre créationnistes et évolutionnistes échappera à tout contrôle dans le monde sans pitié des donneurs de leçons. Le pouvoir unifiant de l’école, avec ses programmes établis par consensus, volera en éclat. Chacun pourra prêcher sa vérité, flatter les élèves jusqu’à ce qu’ils se transforment en partisans. L’école deviendra club. Et tous les coups seront permis pour déstabiliser la concurrence. Sabotage académique, drague intellectuelle, dumping commercial : la guerre des paroles légitimes est déjà prête à éclater dans la jungle pédagogique actuelle.

Rien d’inédit toutefois. Cet horizon probable n’est pas sans rappeler la bonne vieille Grèce antique, quand on suivait, ébahis par leur talent, buvant leurs paroles, les Socrate et autres Aristote sous les pins parasols de la mer Égée. Ou, plus près de nous, la mode des profs stars des années 1960, quand Althusser ou Foucault faisaient salle comble, à Normale sup et au Collège de France. Sauf qu’aujourd’hui, et plus encore demain, c’est au nombre de clics que se mesurerait leur incroyable popularité. Être prof a toujours été, et sera toujours, affaire de séduction.


Illustrations par Gwendal Le Scoul pour Usbek & Rica.
Direction artistique et couverture du magazine par Almasty

Retrouvez en kiosque le nouveau numéro d’Usbek & Rica

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La taxe qui crève l’écran http://owni.fr/2012/07/05/la-gabelle-pour-aller-valser/ http://owni.fr/2012/07/05/la-gabelle-pour-aller-valser/#comments Thu, 05 Jul 2012 13:16:53 +0000 Lionel Maurel (Calimaq) http://owni.fr/?p=115462

En annonçant que la redevance TV pourrait être étendue aux ordinateurs, qui touche directement à la conception de la création en ligne et de ses modes de financements, la Ministre de la Culture Aurélie Filippetti a provoqué une levée de boucliers de la part de nombreux acteurs. Une telle proposition, même rejetée depuis, s’inscrit dans le refus exprimé par l’actuelle équipe gouvernementale de lier l’instauration de nouveaux prélèvements en faveur de la création à la consécration de nouveaux droits au profits des internautes.

Dans une chronique publiée au mois de mars dernier, pendant la campagne présidentielle, j’avais déjà dénoncé cette tentation de lever de nouvelles TAXes, sans chercher à instaurer une PAX numerica, par le biais d’une rééquilibrage du système de propriété intellectuelle en faveur des usages. Le gouvernement a annoncé depuis qu’il rejetait l’idée de l’extension de la redevance TV aux ordinateurs, mais il est probable que d’autres projets de financement plongeant leurs racines dans les mêmes conceptions verront le jour.

Hollande entreprend la culture

Hollande entreprend la culture

Le flou de l'après Hadopi, c'est du passé. Dans une tribune qui paraît dans Le Monde, le candidat socialiste ...

En rejetant a priori des modèles comme ceux de la licence globale ou de la contribution créative sous la pression de lobbies divers et variés, le candidat Hollande a fermé la porte à ce qui aurait pu constituer une véritable piste pour créer un droit d’auteur adapté aux évolutions de l’environnement numérique. Sommes-nous prêts à payer des gabelles numériques au nom de cette idéologie ?

Taxer les écrans ?

La proposition d’Aurélie Filippetti était relativement mesurée. Elle consistait à étendre l’obligation du paiement de la redevance audiovisuelle, destinée au financement de la télévision publique, aux possesseurs d’un ordinateur (d’une tablette ? d’un smartphone ?) qui déclarent ne pas avoir de téléviseurs. Cette “taxe sur les écrans” ne se serait cependant pas cumulée avec celle déjà prélevée sur les téléviseurs et elle se serait appliquée par foyer et non par écran possédé.

Mais indépendamment de tous les problèmes techniques et juridiques mis en avant par certains observateurs, cette taxe sur les écrans soulèvent des problèmes de fond, dont on peut hélas craindre qu’ils soient représentatifs des contours de la politique numérique du nouveau gouvernement. C’est Jean-Noël Lafargue sur son site, Le dernier blog, qui a sans doute décrit le mieux où se situe le malaise :

Il faut refuser cette taxe, non pas pour les cent-vingt-cinq euros qu’elle coûtera [...], mais pour le symbole : assimiler l’ordinateur et le réseau à un téléviseur, c’est refuser de voir que les gens y trouvent d’abord ce qu’ils apportent eux-mêmes, c’est refuser le partage de contenu, c’est refuser la coopération entre internautes, c’est refuser le bouleversement hiérarchique que représente le réseau, dont les “habitants” ne sont pas les passifs récepteurs d’un contenu officiel, venu d’en haut, mais les acteurs de leur existence en ligne. Les taxes sont aussi un moyen pour refuser que certaines choses soient gratuites, et puissent donc échapper aux impératifs de rentabilité. Le péril est grand en ce moment, car les politiques ne sont plus isolés et plusieurs acteurs de l’économie “numérique”, tels que Facebook ou Apple, semblent partager le même but : verrouiller Internet.

Internet n’est pas une télé !

Une pax numerica pour la création

Une pax numerica pour la création

Chacun rivalise d'ingéniosité pour inventer une nouvelle taxe qui permettra de financer la création à l'heure d'Internet. ...

Dé-corréler la création de nouvelles sources de financements de la consécration de nouveaux droits, c’est nier que les écrans des ordinateurs et des appareils numériques ne sont pas seulement des instruments de consommation passive, mais qu’ils sont les outils permettant à des millions d’internautes citoyens de créer et de s’exprimer en ligne. Il est significatif à cet égard de noter qu’à peu près au même moment où Aurélie Filippetti faisait son annonce relative à la redevance audiovisuelle, le New York Times consacrait un long article à l’émergence des amateurs sur YouTube. YouTube est le symbole par excellence du dépassement du paradigme de la télévision, qui a donné au spectateur un moyen simple de produire lui-même son propre contenu et de toucher une audience : “Broadcast Yourself !” Et la tribune dans le même temps consacrait de son côté un article aux makers, pro-amateurs, consom’acteurs, témoignant lui aussi du brouillage sans cesse croissant des frontières en ligne.

La chair vive du web, en termes de création, n’est plus seulement le fait de professionnels, mais celui des amateurs, producteurs de ce User Generated Content qui fait la valeur des plates-formes de partage de contenus en ligne. Les derniers chiffres montrent d’ailleurs que la part des internautes qui contribuent activement à la création de contenus a significativement évolué ces dernières années, au point de faire mentir la fameuse règle des 90-9-1.

Si le sujet touche directement à la question de la place de l’amateur dans la création, on relèvera aussi qu’une des personnes ayant réagi le plus vivement à l’annonce de cette redevance sur les écrans est un auteur et éditeur professionnel, François Bon, sur son site le Tiers Livre. Profondément investi dans les pratiques de création numérique, il s’offusque  que son outil de travail puisse être ainsi assujetti à redevance :

[...] c’est grave. C’est prendre à nouveau et encore le numérique pour une espèce de poire avariée. Ils auront beau jeu, les fonctionnaires du fisc, d’aller dans chaque bureau du CNRS et secouer le veston ou la blouse de chaque chercheur pour leur faire raquer à proportion des écrans sous leurs yeux.
Bien pour la littérature, c’est pareil. Mon petit 11″ de l’écriture perso, le 13″ des tâches administratives et comptables, mail etc, lui-même relié à un 25″ pour les mises en page InDesign et le codage… c’est mon outil de création, mais c’est aussi mon outil de vie, labeur fin de mois compris.
[...] Alors rien que le fait qu’on vienne me dire ça : que j’aurai à payer pour mon outil d’écriture, parce que l’État ou je ne sais quel fonctionnaire ou politique a eu cette idée lumineuse, non. Juste non.

Gabelles et Gabelous

La licence globalement morte au PS

La licence globalement morte au PS

La licence globale, ou vie et mort d'une idée dans le champ politique. En particulier dans le champ du PS. Autour de ...

Dans le contexte actuel de renouvellement des pratiques de création, aussi bien en ce qui concerne les amateurs que les professionnels, cette “taxe sur les écrans” apparaît complètement décalée. Si l’on devait lui trouver un nom, ce devrait être celui de “gabelle numérique”, pour le côté vexatoire et injuste qu’elle comporte.

Gabelle numérique, car la gabelle, cet ancien impôt d’Ancien Régime qui frappait les sujets à travers le sel qu’ils consommaient, avait pour corollaire les Gabelous, ces douaniers chargés de la répression de la contrebande, qui ont laissé une sinistre mémoire en raison de leur férocité.

Toute gabelle appelle mécaniquement la répression. Cette façon de concevoir le financement de la création sans consacrer de nouveaux droits appellera donc des Gabelous : la poursuite de la guerre au partage sous une forme ou une autre, voire le maintien du système Hadopi. Car à bien y réfléchir, la taxe sur les écrans et la coupure de la connexion Internet sont comme deux faces d’une même pièce ; ils procèdent d’une idéologie similaire et il ne faut pas s’étonner que les atermoiements du gouvernement sur l’avenir d’Hadopi persistent encore et toujours, malgré le lancement de la consultation sur l’acte 2 de l’exception culturelle confiée à Pierre Lescure. Le discours de politique générale du Premier ministre a encore une fois été un monument d’ambiguïté sur ces questions

Si cette redevance sur les écrans est écartée par le gouvernement, gageons cependant que d’autres gabelles numériques suivront, car toutes les nouvelles sources de financements envisagées sont peu ou prou conçues sur ce modèle : Taxe pour financer le Centre National de la Musique, Fiscalité numérique 2.0, Taxe Amazone, Taxe sur le Cloud Computing, etc. On aura compris qu’il faut trouver, vaille que vaille, de nouvelles sources de financements pour la création, mais surtout, surtout, sans jamais évoquer la question de la consécration de nouveaux droits pour l’usager, afin de ne pas écorner la sacro-sainte statue de Beaumarchais.

Peu importe que la Fondation Jean-Jaurès se déclare en faveur de la licence globale européenne et appelle le gouvernement à ne pas écarter cette piste ; peu importe que la Suisse la mette en débat à son Parlement ; peu importe que Richard Stallman, infatiguable défenseur de ces modèles alternatifs, ne viennent rappeler que des propositions concrètes existent depuis longtemps ; peu importe qu’un auteur comme Philippe Aigrain ait exploré en détail les implications du passage à la contribution créative : il semble toujours que d’autres sirènes sifflent plus fort ou savent trouver une oreille plus attentive.

Vous préférez la licence globale “privée” ?

Pendant ce temps, les gros opérateurs privés, qui vivent justement de la production et du partage des contenus par les internautes — comme Facebook, ce “roi des voleurs“ — manoeuvrent eux aussi, et il est fort possible qu’à défaut d’une licence globale consacrée par l’Etat, nous ne finissions par tomber sous le coup d’une licence globale “privée”, avec laquelle tout le monde — artistes, amateurs, public — seraient perdants.

Le risque d’une telle dérive a déjà été évoquée lorsque des opérateurs comme Apple, avec son service iTunes Match, avait proposé des offres de stockage de fichiers dans le cloud qui auraient permis aux internautes de “blanchir” leurs fichiers piratés, en échange d’un abonnement annuel. Plus récemment, un opérateur comme YouTube proposait à ses utilisateurs d’éviter le retrait des vidéos protégées qu’ils diffusent à condition d’accepter que de la publicité soit diffusée pour rémunérer les titulaires de droits.

Ce qui est intéressant avec ces systèmes, c’est que les géants du web ont bien compris que la mise en place de nouvelles formes de financements, plutôt que de constituer de pure “gabelles numériques”, devait être couplée à la consécration de nouveaux usages, ce que se refusent à faire les pouvoirs publics. Ces grands acteurs privés ont à vrai dire tout intérêt à prendre de vitesse le public à ce jeu, car ils pourraient obtenir par ce biais un renforcement de leur position dominante, qui ne présage rien de bon pour l’évolution d’Internet. Et c’est aussi ce qui rend important qu’une solution publique se mette en place.

A vrai dire, peut-être ne faudra-t-il pas trop se plaindre, si nous finissons ainsi écrasés entre des gabelles numériques publiques et des licences globales privées, sur fond de répression des usages et de course au monopole ? Car en effet, il s’est trouvé bien peu de partisans pour défendre ces modes alternatifs de financement de la création.

Zone peertageuse temporaire

Zone peertageuse temporaire

Ce mardi 1er mai, une bourse aux échanges numériques était organisée dans le cadre du Festival des ouvertures utiles. Un ...

Même du côté des défenseurs de la Culture libre, les prises de positions sur le sujet sont devenues confuses et difficilement lisibles, au point qu’un candidat à la présidentielle comme François Bayrou avait fini par rejeter la licence globale… en s’inspirant des positions du Parti Pirate français ! Du côté d’un collectif comme Libre Accès, il y a eu aussi évolution vers un rejet de la licence globale, au motif qu’il ne fallait pas chercher à compenser les pertes occasionnées par le partage des oeuvres en ligne, dans la mesure où celles-ci n’étaient pas attestées.

C’était sans doute oublier que d’autres modèles, comme celui de la contribution créative, n’entendent pas compenser les pertes des industries culturelles, mais fonder une nouvelle économie du partage, en récompensant tous ceux qui créent des contenus en ligne, y compris les amateurs. Au lieu de cette nouvelle économie du partage, nous aurons donc sans doute ces gabelles numériques, qui ne ramèneront pas la paix en ligne, alors que l’échec d’un traité comme ACTA, s’il est un signe encourageant, appelle plus que jamais à présent l’exploration de nouvelles pistes alternatives.

Nouvelle Alexandrie

Le problème, à vrai dire, n’est pas en soi la taxe sur les écrans, car on aurait pourtant pu faire bien des choses intéressantes avec un tel levier financier ! Dans le web-docu-fiction “Le jour du vote”, qui vous propose de vous placer dans la peau d’un député au moment du vote d’une nouvelle loi sur le piratage, il est ainsi imaginé qu’une nouvelle loi “Alexandrie” vienne remplacer la loi Hadopi. Le dispositif envisagé est articulé comme suit :

1) La dépénalisation du téléchargement, en reconnaissant que la musique doit être tenue pour un bien collectif, c’est-à-dire partageable par tous les utilisateurs sans limite de temps, ni de quantité;
2) la création de la Bibliothèque Numérique de France, sur laquelle tous les auteurs de musique seraient obligés de déposer leurs oeuvres, où tous les utilisateurs de l’internet pourraient les écouter gratuitement;
3) le financement de ce projet de Bibliothèque, par une taxation des fournisseurs d’accès à Internet et de tous les supports d’écoute de musique numérique (ordinateurs, téléphones, etc).

Une taxe numérique pour créer une nouvelle Alexandrie ! Voilà bien autre chose qu’une gabelle numérique et le bibliothécaire que je suis ne peut qu’applaudir !


Photo : Merci à Filo le chat des interouèbes ;)

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Copier, coller, respirer ! http://owni.fr/2012/06/20/copier-coller-respirer/ http://owni.fr/2012/06/20/copier-coller-respirer/#comments Wed, 20 Jun 2012 13:47:12 +0000 Lionel Maurel (Calimaq) http://owni.fr/?p=113925 remix et le mashup nous enrichissent, à l'image de ces festivals consacrés à ces pratiques amateurs. Jusqu'aux frontières du légal aussi, vu que le droit d'auteur n'a pas été inventé pour amuser la galerie. Entre "droit moral" et "liberté d'expression", choisis ton camp !]]>

Avec un festival qui s’ouvre ce week-end à Paris et une disposition législative innovante en cours d’adoption au Canada, cette semaine va être placée sous le signe du mashup et du remix.

Ces pratiques amateurs emblématiques ont également été à l’honneur lors de la campagne présidentielle, avec les remix d’affiches électorales, de débats télévisés ou de photographies d’hommes politiques. Mais malgré leur développement, elles continuent pourtant à se heurter aux rigidités d’un droit d’auteur mal adapté pour les accueillir.

Petit tour d’horizon des tensions et innovations juridiques en matière de mashup et de remix !

Partage + images = partimages

Ce week-end à partir de vendredi, vous pourrez participer à la seconde édition du MashUp Festival Film, organisée par le Forum des Images. La première édition s’était déjà avérée particulièrement stimulante, avec une exposition vidéo consacrée au phénomène, un marathon de mashup opposant plusieurs équipes pendant deux jours et plusieurs tables rondes, dont l’une avait porté sur les difficultés juridiques soulevées par ces pratiques amateurs.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Car combiner des sons, des images et des extraits de vidéos pour créer une nouvelle oeuvre se heurte en principe aux limites du droit d’auteur, qui interdit que l’on reproduise ou que l’on modifie une oeuvre protégée sans l’autorisation du titulaire des droits, hormis dans le cas d’exceptions limitées comme la parodie ou le pastiche, qui ne sont souvent pas adaptées aux pratiques numériques actuelles.

Cette année pour contourner cette difficulté et organiser un concours de mashup dans un cadre juridique sécurisé, le Forum des Images a eu l’idée de mettre en place un dispositif original, en utilisant les licences Creative Commons.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Joliment intitulé Part[im]ages, ce concours “collaboratif” invite les participants à déposer dans un réservoir des sons, des images ou des vidéos, sur lesquelles ils détiennent les droits. Tous les contenus placés dans ce “pot commun” seront placés sous la licence Creative Commons CC-BY-NC-SA, qui autorise la réalisation d’oeuvres dérivées. Le règlement du concours indique que les participants devront réaliser des mashups uniquement à partir des éléments présents dans le Réservoir, en les accompagnant d’une bande son originale et en piochant dans un maximum de sources. Plusieurs ont déjà été produits et vous pouvez votez en ligne pour ceux qui vous plaisent le plus.

Cette initiative illustre une fois encore la capacité qu’ont des licences comme les Creative Commons ou la Licence Art Libre, de fluidifier les pratiques en ligne et de faire place à de nouveaux usages, par le biais d’une mise en partage maîtrisée des contenus.

Remix et Mashup en danger

Il n’en reste pas moins qu’en dehors de la sphère des licences libres, les pratiques de mashup ou de remix continuent de s’exercer dans des conditions difficiles, en raison des contraintes exercées par les règles du droit d’auteur.

La semaine dernière par exemple, le site Techdirt nous apprenait que la célèbre vidéo RIP! : A Remix Manifesto de Brett Gaylor, qui avait l’une des premières en 2008 à s’intéresser au phénomène du remix, avait été retirée de YouTube, à la suite d’une plainte déposée par le label indépendant eOn pour un usage non autorisé d’un morceau de musique sur lequel il détenait les droits. Un moment bloquée, la vidéo est depuis de retour sur YouTube, mais cet épisode illustre bien la fragilité juridique qui est le lot des mashups.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Tout aussi emblématique a été le retrait de YouTube de cette vidéo virale, visionnée par plus de 13 millions d’internautes, qui montrait la demande en mariage d’un homme à sa dulcinée, sous la forme d’un lipdub du titre Marry You de Bruno Mars. La vidéo a visiblement été repérée par le système ContentID de YouTube et automatiquement retirée.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Cette vidéo a également fini par réapparaître sur YouTube, mais ce n’est pas le cas pour “Super Mariobi-Wan Kenobros“, un mashup mélangeant les images du combat de Qui-Gon et Obi-One contre Darth Maul, à la fin de l’épisode I de Star Wars, aux bruitages du jeu Mario Bros. L’utilisateur a préféré fermer son compte YouTube à la suite d’une notification automatique de violation de copyright, non sans exprimer son ressentiment, et sa création a disparu.

Une exception au Canada

Cette précarité des productions amateurs d’oeuvres dérivées n’est pourtant pas une malédiction insurmontable, comme est en passe de le prouver le Canada. Une nouvelle loi C-11 sur le droit d’auteur est en effet en cours d’adoption, qui pourrait apporter un commencement de solution. Même si ce texte contient un grand nombre de dispositions contestables, comme la consécration des DRM, il comporte également, comme j’avais eu l’occasion de le montrer il y a quelques mois, une exception en faveur du remix montrant que ces pratiques peuvent être conciliées avec les principes du droit d’auteur.

Inspirée par le fair use américain, cette exception, prévue pour le “contenu non commercial généré par l’utilisateur”, est formulée ainsi :

Contenu non commercial généré par l’utilisateur

29.21 (1) Ne constitue pas une violation du droit d’auteur le fait, pour une personne physique, d’utiliser une œuvre ou tout autre objet du droit d’auteur ou une copie de ceux-ci — déjà publiés ou mis à la disposition du public — pour créer une autre œuvre ou un autre objet du droit d’auteur protégés et, pour cette personne de même que, si elle les y autorise, celles qui résident habituellement avec elle, d’utiliser la nouvelle œuvre ou le nouvel objet ou d’autoriser un intermédiaire à le diffuser, si les conditions suivantes sont réunies :

a) la nouvelle œuvre ou le nouvel objet n’est utilisé qu’à des fins non commerciales, ou l’autorisation de le diffuser n’est donnée qu’à de telles fins;

b) si cela est possible dans les circonstances, la source de l’œuvre ou de l’autre objet ou de la copie de ceux-ci et, si ces renseignements figurent dans la source, les noms de l’auteur, de l’artiste-interprète, du producteur ou du radiodiffuseur sont mentionnés;

c) la personne croit, pour des motifs raisonnables, que l’œuvre ou l’objet ou la copie de ceux-ci, ayant servi à la création n’était pas contrefait;

d) l’utilisation de la nouvelle œuvre ou du nouvel objet, ou l’autorisation de le diffuser, n’a aucun effet négatif important, pécuniaire ou autre, sur l’exploitation — actuelle ou éventuelle — de l’œuvre ou autre objet ou de la copie de ceux-ci ayant servi à la création ou sur tout marché actuel ou éventuel à son égard, notamment parce que l’œuvre ou l’objet nouvellement créé ne peut s’y substituer.

Cette disposition n’est certainement pas parfaite, notamment parce qu’elle comporte – comme la nouvelle copie privée en France – l’obligation de s’appuyer sur des “sources légales”, qui peuvent être très difficiles à identifier pour un internaute lambda. La dernière condition, celle d’une absence d’effet négatif sur l’exploitation de l’oeuvre peut également être difficile à estimer a priori et donner prise à des contestations en justice. Sans compter que la limitation de l’usage à des fins non commerciales est problématique si l’objectif est de publier les oeuvres dérivées sur des plateformes comme YouTube !

Mais au moins, ce dispositif a le mérite d’exister et d”expérimenter un modèle dans lequel  les pratiques amateurs de partage et de création, dans un cadre non-commercial, pourraient être jugées compatibles avec le respect du droit d’auteur.

Et en France ?

On relèvera que chez nous, ce type de questions ne semble hélas pas à l’ordre du jour dans le cadre du débat annoncé cet été sur l’avenir d’Hadopi et l’acte II de l’exception culturelle. Accordant plus d’attention à la question du financement de la création qu’à celle de l’équilibre des usages dans l’environnement numérique, il y a fort à craindre que cette consultation fasse peu de place à des sujets comme ceux du remix ou du mashup.

Le droit à l’épreuve du Mashup Festival Film

Le droit à l’épreuve du Mashup Festival Film

Le Forum des images a organisé la semaine dernière un événement dédié à une pratique artistique décuplée grâce à ...

Pire encore, le programme Culture, médias, audiovisuel du candidat François Hollande comportait un axe qui entendait mettre l’accent sur une “facilitation des procédures judiciaires contre la violation du droit moral et de la contrefaçon commerciale“. Il est en soi très contestable de mettre sur le même plan la violation du droit moral et la contrefaçon commerciale, mais une telle logique peut provoquer des dommages collatéraux désastreux sur les pratiques amateurs.

En effet, la réalisation des remix et des mashup entre nécessairement en conflit avec le droit à l’intégrité des oeuvres, conçu d’une manière quasi absolue en France, dont les auteurs peuvent imposer le respect au nom du respect de leur droit moral. “Faciliter les procédures judiciaires contre la violation du droit moral” n’est donc certainement pas la meilleure façon d’aboutir à un rééquilibrage en faveur des usages et cela conduira même certainement à criminaliser encore un peu plus des pratiques qui participent pourtant au développement de la création dans l’environnement numérique.

L’obstacle du droit moral

L’exemple suivant permet de mesurer ce qui ne manquerait pas de se produire si on durcissait encore la protection du droit moral. L’image ci-dessous est constituée par la rencontre improbable entre le tableau Guernica de Picasso et les personnages des X-men. Elle a été réalisée par l’artiste Theamat sur Deviant-Art, dans le cadre d’un concours intitulé “Alternate Reality Character Designs“.

X-Men rencontre Guernica. Par Theamat/Deviantart

Repostée sur le site Blastr, il est intéressant de constater qu’elle a suscité des commentaires contradictoires qui posent la question du respect du droit moral de Picasso :

KR : “I think its disrespectful. The painting was created to show the horrors that Picasso saw and experienced during the Spanish civil war. Its not some innocuous piece of pop art.”

FR : “It’s 75 years ago and Picasso is long dead. Time to get over it.”

Qui a raison ? Il y a toujours un moyen ou un autre pour un artiste ou ses descendants de soutenir que son droit moral est violé par une modification, alors que la production d’oeuvres dérivées devrait aussi pouvoir être garantie au titre de la protection de la liberté d’expression.

Plus largement, le fait de s’inspirer et de se réapproprier des œuvres pour créer à nouveau constitue un processus inhérent à l’expression artistique. L’artiste peintre Gwenn Seemel nous l’explique concrètement dans la vidéo ci-dessous où elle montre comment les influences extérieures lui parviennent et l’aident à faire aboutir sa propre création lorsqu’elle peint un tableau.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Everything is a remix ! Le droit peut le nier et le criminaliser, mais il ne peut faire en sorte de faire disparaître le caractère nécessairement collectif de toute forme de création.

Un droit au Mashup, maintenant !

Mais ce n’est pas la seule raison pour laquelle nous avons profondément besoin aujourd’hui que le droit reconnaisse et consacre le remix et le mashup comme des pratiques légitimes.

Pour essayer de vous en convaincre, je vais prendre l’exemple de l’épouvantable chanson Friday de Rebecca Black que vous connaissez sans doute. Si ce n’est pas le cas, sachez que ce clip, posté par une adolescente américaine l’année dernière, a été consacré comme la vidéo YouTube 2011, avec plus de… 150 millions de vues ! Pourtant, le titre a été dans le même temps été désigné comme “la pire chanson jamais écrite au monde“, aussi bien pour l’ineptie de ses paroles que pour la mise en scène du clip, dont l’absurdité confine au génie !

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Il y a quelques années, si une telle chanson avait été matraquée à la radio ou à la télévision comme un produit de consommation culturelle de masse, nous n’aurions pu que la subir passivement jusqu’à l’écœurement, comme ce fut le cas avec la Lambada, Macarena et autres tubes de l’été préfabriqués.

Mais à l’heure d’Internet, la passivité n’est plus de mise et il est fascinant de taper “Friday+Rebecca Black+Remix” ou “+Mashup” dans YouTube ou Dailymotion. On découvre alors la manière dont des multitudes d’internautes se sont emparés de cette catastrophe musicale sans précédent pour en faire des adaptations géniales !

Tenez vous bien ! On trouve par exemple une grandiose version Death Metal ; un remix au violon interprété par un petit virtuose ; une version a capella avec une intéressante fin alternative ; l’inévitable (et insoutenable) version Nyan Cat ; la rencontre improbable de Rebecca Black avec le roi Arthur des Monty Python ; la version gore Friday the 13th ; une interprétation par Hitler dans son bunker

Et la plus géniale de toutes, cette version Jour de la Marmotte !

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Vous l’avez compris, le mashup et le remix, ce sont littéralement des moyens d’auto-défense numériques, alors tout de suite, là, maintenant, un droit au remix, sinon la vie ne vaut pas d’être vécue !


Photos par Karen Eliot [CC-bysa] via Flickr et Xmen meets Guernica par Themat via DeviantArt

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Les bonnes recettes du libre http://owni.fr/2012/05/16/les-bonnes-recettes-du-libre/ http://owni.fr/2012/05/16/les-bonnes-recettes-du-libre/#comments Wed, 16 May 2012 08:49:23 +0000 Lionel Maurel (Calimaq) http://owni.fr/?p=110122

"Quelques bourgeons d'espoir dans cet interminable hiver de la propriété intellectuelle que nous subissons"Calimaq

Dans les débats concernant le droit d’auteur et l’avenir de la création, la question du financement revient de manière lancinante et l’ont remet souvent en cause la capacité des pistes alternatives à assurer aux artistes les moyens de créer et de diffuser leurs productions. Et d’en tirer un revenu. Voici pourtant quatre exemples de  créateurs, ayant fait le choix de la Culture libre, qui démontrent que le système classique du droit d’auteur n’est pas la seule voie pour atteindre le succès, à l’heure du numérique.

Du domaine public volontaire aux licences de libre diffusion en passant par le Copyleft, les moyens juridiques mis en œuvre par ces expérimentateurs sont variés, mais ils mettent tous à profit l’ouverture offerte par les licences libres pour maximiser la diffusion de leurs créations sur les réseaux et entrer dans de nouvelles formes de relations avec leur public.
Ces quatre exemples sont tirés de champs différents de la création : la musique, la peinture, le livre et le cinéma d’animation. Et vous allez voir que contrairement à une autre idée reçue, la qualité est au rendez-vous.

Enjoy, Share, Remix et surtout inspirez vous !

Dans les charts

Le musicien Dan Bull a réussi la prouesse cette semaine de parvenir à faire entrer son morceau Sharing is Caring à la 9ème place des charts en Angleterre dans la catégorie Indie et à la 35ème place dans la catégorie RnB.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Artistes contre le droit d’auteur

Artistes contre le droit d’auteur

En renonçant à certains droits sur leurs œuvres, quelques artistes ont fait œuvre de pédagogie. En militant pour un ...

Pour diffuser ce morceau de hip-hop en faveur du partage, Dan Bull a fait le choix d’utiliser l’instrument le plus ouvert parmi ceux proposés par Creative Commons, à savoir le waiver CC0 qui permet de verser par anticipation une oeuvre au domaine public, en renonçant à toutes formes de droit sur sa création.

En cela, il rejoint la démarche de ces “Artistes contre le droit d’auteur” dont j’avais eu déjà l’occasion de parler sur OWNI.

Dans une interview accordée à Creative Commons UK, Dan Bull explique utiliser le sens de sa démarche :

J’ai choisi d’utiliser CC0 parce que je ne crois pas à la validité de la propriété intellectuelle. Un morceau de musique est une idée. Sous forme numérique, c’est une suite de 1 et de 0. Qui suis-je pour dire à une autre personne qu’il est interdit d’avoir une idée ou de manipuler une certaine séquence de 1 et de 0, simplement parce que j’ai eu cette idée avant elle ? Cette manière de penser me paraît perverse. La première personne qui a eu une idée n’est pas forcément la mieux placée pour l’utiliser, et c’est pourquoi le fondement même des lois sur le droit d’auteur est contestable.

Dan Bull possède déjà un lourd passé d’activisme musical dans le domaine de la culture libre, puisque c’est déjà à lui que l’on devait déjà ce rap vengeur Death of ACTA , écrit en réaction au traité liberticide, dont on espère que le titre sera prémonitoire !

Avec Sharing is Caring, Dan Bull a voulu prendre le système à son propre jeu : bien qu’il n’accorde aucune valeur particulière aux classements des charts, il voulait démontrer qu’une musique créée en dehors du système classique du droit d’auteur et sans le soutien des industries culturelles pouvaient se hisser dans le top des ventes.

Dan Bull a donc mis son morceau en partage  gratuitement en torrent sur Pirate Bay, mais dans le même temps,  il a choisi une diffusion multi-canaux et multiforme pour en maximiser la dissémination et l’audience. Le fichier était parallèlement proposé à la vente sur iTunes, Play.com et Amazon, et dans le même temps, il était largement partagé sur les réseaux sociaux et les plateformes de diffusion comme Youtube. Trois versions différentes du même morceau ont même été réalisées spécialement pour Facebook, Twitter et Google +.

Au delà de cette première trilogie, Dan Bull a diffusé 10 versions de Sharing is Caring, avec notamment des versions a capella et instrumentales, pour encourager les remix et les mashups. Pour pousser les ventes, l’artiste promettait aux fans qui achèteraient les dix versions toutes d’être cités dans une vidéo de remerciement.

Et voilà comment on obtient un succès commercial, en misant sur la dissémination virale à l’oeuvre sur les réseaux et en associant le public à sa propre création. Là où Dan Bull est parvenu à faire la parfaite démonstration de son propos, c’est que finalement  l’un des remix, une version reagge réalisée par Animal Circus, a terminé plus haut encore dans les charts que le morceau original, à la première place de la catégorie Reggae et à la seconde place de la catégorie World Music.

Qui a dit qu’on ne pouvait plus vendre de la musique ! Et cette démarche préfigure sans doute très bien ce qui se passerait pour les artistes si un système de licence globale, légalisant le partage était consacré par la loi…

Libre

La Culture libre comptait déjà certains artistes emblématiques, comme le romancier Cory Doctorow ou la dessinatrice Nina Paley, dont chaque création est ancrée dans l’esprit particulier d’ouverture et d’innovation que promeuvent les licences libres. Mais j’ai été particulièrement heureux de découvrir ces derniers temps l’œuvre de la portraitiste américaine Gwen Seemel, dont la démarche globale est particulièrement exemplaire et stimulante.

Autoportrait de Gwen Seemel (Second Face, par Gwen Seemel. 2009)

Tout comme Nina Paley avait pu le faire, Gwen Seemel n’a pas choisi d’utiliser les licences libres, mais plutôt de se placer littéralement en dehors du droit. Au pied de son son site, on ne trouve pas un symbole ©, mais un petit visage souriant conduisant le visiteur vers cette mention :

I am happy for you to copy and display my work, and you are welcome to create derivative works using my images. I would love it if you gave me credit when you do so.
(Je me réjouirais si vous copiez et diffusez mon oeuvre et je vous encourage à créer des oeuvres dérivées en utilisant mes images. Je serais heureuse si vous me créditez à cette occasion.)

Dans le domaine de la peinture, où la culture libre n’est pas si répandue, Gwen Seemel impressionne par la façon dont elle intègre l’ouverture à sa démarche créative. Spécialisée dans le portrait, elle réalise également des peintures animalières, des séries conceptuelles à thèmes, des livres illustrés, mais aussi des sacs en toile peints.

Mais c’est surtout sur son blog que Gwen Seemel montre les différentes facettes de son art et la manière dont il s’imbrique et s’inspire de son engagement pour la Culture libre. Je vous recommande vivement de vous y abonner surtout que Gwen est bilingue et rédige une bonne proportion de ses articles à la fois en français et en anglais.

Elle y montre sa création en train de se faire, mais aussi aborde de manière incisive et décapante des questions liées à la propriété intellectuelle comme l’imitationl’originalitéla protection contre la copie ou l’appropriation de la culture.
Elle réalise également des vidéos pour illustrer ces billets, en anglais et en français, dont j’avais particulièrement apprécié celle-ci, intitulée “le droit d’auteur, c’est pour les peureux” :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Dans un autre de ces billets, elle expose un modèle d’affaire pour les artistes qui renoncent au droit d’auteur (ce qui est son cas), particulièrement convaincant, qui montre que des modèles économiques peuvent émerger sans s’ancrer dans la culture du contrôle et de la restriction inhérente au copyright. Gwen Seemel sait d’ailleurs mettre à contribution avec succès les formes innovantes de financement de la création comme le crowdfunding, pour faire participer le public en amont au financement de projets ambitieux, comme la réalisation de séries de peintures. Chapeau bas, Gwen Seemel, pour incarner à ce point l’idéal de la Culture libre !

Italo Calvino

Ce projet a également utilisé la voie du crowdfunding (financement participatif) pour être mené à bien par son auteur, Brian Foo.

Cities of You est un projet de livre illustré, mêlant textes et peintures, inspiré par le roman Les Villes invisibles d’Italo Calvino. Il s’agit d’inviter le lecteur à un voyage imaginaire vers plusieurs cités fantastiques, chacune possédant une identité forte inspirée par une personne connue par Brian Foo, et de découvrir la manière dont la ville est construite, la façon de vivre des habitants, son histoire, sa culture et sa destinée.

Fraboo, par Brian Foo. La première des villes imaginaires de Cities of You. CC-BY-NC-SA

Pour financer son projet, Brian Foo a lancé un appel à contributions via la plateforme américaine Kickstarter, en présentant le concept de son livre et quelques planches déjà réalisées. Alors qu’il demandait 2000 dollars pour son projet, Brian est parvenu à rassembler 11 000 dollars au final en quelques semaines, grâce à 141 donateurs. Et ce avant même d’avoir terminé son ouvrage !

Une fois réalisé et comme annoncé dès l’origine sur Kickstarter, Cities of You, comportant au final les descriptions de 41 villes imaginaires, a été mis en ligne en accès gratuit sur un site Internet et les éléments de l’ouvrage, textes et images, sont placés sous licence libre Creative Commons CC-BY-NC-SA. Le livre autoédité par Brian peut être acheté en version papier, ainsi que les superbes peintures originales qui  ont servi à sa réalisation.

Sheeshani. Par Bian Foo. Cities of You. CC-BY-NC-SA

Ce type de projet est intéressant dans la mesure où il démontre que le recours aux licences libres est compatible à la fois avec un financement en amont, par le biais du crowdfunding et un financement en aval, la version gratuite en ligne ne constituant pas une concurrence pour la version papier et les peintures. Et réjouissons-nous, car un volume II de Cities of You est déjà annoncé !

Cinéma Open Source

Le dernier projet que je voudrais vous présentez est le film d’animation Open Source Tube,  à propos duquel le site Mashable a consacré cet article au titre éloquent “Will This Open-Source Animated Film Change the Movie Industy Forever“.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

L’histoire de Tube parle de quête de l’immortalité et s’inspire de l’épopée de Gilgamesh. Tous les éléments du film seront réalisés avec des logiciels libres et des formats ouverts et ils seront diffusés sous licence copyleft CC-BY-SA, permettant la copie, la diffusion, la modification des contenus, y compris à des fins commerciales.
Le financement passe ici encore par la plateforme américaine Kickstarter où la campagne de soutien rencontre un succès impressionnant. Le but de 22.000 dollars est déjà atteint et plus que dépassé, avec plus de 36 000 dollars rassemblés.
Ce succès rencontré par le cinéma Open Source n’est pas le premier. En 2006, une équipe s’était déjà illustrée en produisant le premier film d’animation de ce genre, le remarquable Elephant Dream, disponible en ligne gratuitement sous licence CC-BY. Plus récemment, le film espagnol El Cosmonauta, du producteur indépendant Riot Cinéma, s’était également fait remarquer, en recourant au crowdfunding et aux licences libres de manière particulièrement inventive.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Tous ces artistes sont engagés à divers degrés pour l’évolution de la propriété intellectuelle et contre les projets liberticides qui se multiplient dans ce domaine. Ils prouvent que même si l’évolution législative reste en panne, il est déjà possible, ici et maintenant, de créer autrement et en liberté.


illustrations et photographies par Sea Turtle (CC-byncsa) ; Brian Foo/Cities of You (CC-byncsa) ; Gwen Seemel

Lionel Maurel, alias Calimaq. Juriste & Bibliothécaire. Auteur du blog S.I.Lex, au croisement du droit et des sciences de l’information. Décrypte et analyse les transformations du droit dans l’environnement numérique. Traque et essaie de faire sauter (y compris chez lui) le DRM mental qui empêche de penser le droit autrement. Engagé pour la défense et la promotion des biens communs, de la culture libre et du domaine public. Je veux rendre à l’intelligence collective tout ce qu’elle me donne, notamment ici :  twitter .

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L’Ina et Youtube rangent les fusils http://owni.fr/2012/03/29/lina-et-youtube-rangent-les-fusils/ http://owni.fr/2012/03/29/lina-et-youtube-rangent-les-fusils/#comments Thu, 29 Mar 2012 15:47:42 +0000 Dorothée Descamps http://owni.fr/?p=103775

Cliquez sur l'image pour voir la vidéo : la télévision oeil de demain

Ce 26 mars, l’Ina et Youtube ont annoncé la mise en place d’un partenariat : 57 000 vidéos provenant du fonds d’archives de l’Institut national de l’audiovisuel vont ainsi pouvoir être directement disponibles sur la plateforme aux 4 milliards de vues par jour.

À en croire leur communiqué commun, place donc à l’ouverture et au partage des contenus. Mais ce partenariat marque surtout la fin des litiges qui opposaient l’Ina à la filiale de Google.

Tout débute en 2006. L’Ina signale à Youtube la présence de vidéos appartenant à son catalogue d’archives, sur la plateforme d’hébergement. Ces mises en ligne “non autorisées” poussent l’Ina à assigner le groupe américain en justice pour contrefaçon. Celle-ci a été reconnue lors d’un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Créteil en décembre 2010.

Après maints développements de procédure, en guise d’alternative à un procès en appel, l’Ina et Youtube se rapprochent pour sortir du contentieux, comme l’explique Jean-François Debarnot, directeur juridique de l’Institut national de l’audiovisuel :

Les discussions ont mené à la fois à un protocole d’accord qui met fin au litige entre les deux parties en appliquant la condamnation qui a eu lieu en première instance – à savoir que Youtube verse 150 000 euros de dommages et intérêts – et à ce partenariat dit “d’avenir” sur la diffusion des archives de l’Ina sur le site de l’hébergeur américain.

Cliquez sur l'image pour voir la vidéo : Algérie, l'indépendance

Un bon compromis pour l’Ina qui compte sur la notoriété de ce site d’hébergement pour augmenter sa visibilité et toucher un public différent, notamment les jeunes en ciblant l’aspect communautaire, en terme de partage de vidéos. Et pourquoi pas générer des profits conséquents, grâce aux conditions financières couvrant le partenariat :

Le partenariat tient compte d’un pourcentage reversé à l’Ina sur les recettes publicitaires ainsi qu’un minimum garanti alloué, suffisamment intéressant pour que nous ayons accepté ce contrat. Nous recevrons ainsi le pourcentage sur les recettes publicitaires que si le trafic généré est assez important.

Bien qu’il ne s’agisse pas d’un contrat d’exclusivité puisque l’Ina est également partenaire avec Dailymotion et WatTV, Youtube y voit une occasion d’enrichir son offre culturelle, même si l’intégralité des vidéos dont il disposera est déjà disponible gratuitement sur le site ina.fr.


Ce genre d’alliance est typiquement ce que nous recherchons, assure une porte-parole de Youtube. Les vidéos seront accessibles sur des chaînes thématiques et pourront être mise en valeur selon une période de l’année, une date commémorative par exemple. Pour autant, nous ne mettrons en avant ces vidéos en avant par rapport à d’autres, ce n’est pas ainsi que fonctionne le site.


A travers cette démarche, le géant américain veut montrer qu’il s’engage un peu plus dans le respect des droits d’auteur et de diffusion, démarche enclenchée par ces récents accords avec quatre sociétés françaises de gestion des droits d’auteur, notamment la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) et la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD). Les auteurs ainsi concernés seront rémunérés pour la diffusion de leurs œuvres sur YouTube.

Cliquez sur l'image pour voir la vidéo "Relaxation dans le travail - Pauses en musique dans la journée" via Ina.fr

Pour protéger les contenus mis à disposition, les vidéos disposeront d’une empreinte numérique (ou watermarking), Content ID, système gratuit mis en place par la société Google.

Content ID permet la reconnaissance de vidéos qui auraient été récupérées par des utilisateurs tiers. Informée, l’Ina pourra alors décider de soit bloquer la vidéo, soit en tirer de l’argent, soit la laisser telle quelle et même récupérer les données statistiques qu’elle génère.

Une décision qui a de quoi surprendre, quand on sait que l’Ina possède son propre système de détection de copies audiovisuelles appelé Signature. Une technologie de filtrage utilisée pourtant par les autres hébergeurs partenaires de la banque d’archive française ainsi que Canal+, TF1 et même Europa Corp. L’Ina souhaitait pourtant imposer à Youtube sa solution anti-piratage dès décembre 2008, en voulant faire reconnaître devant la justice que le système de Google n’était pas assez efficace. Pour l’heure, Youtube et l’Ina semble avoir trouvé un terrain d’entente, selon Jean-François Debarnot :


On ne pouvait imposer Signature à Google qui posséde déjà sa propre technologie. Mais ce partenariat impose de réfléchir en vue d’optimiser le système de protection à mettre en place.


Technologie hybride en passe de voir le jour ou simple accord commercial, ce partenariat semble en tout cas marquer la fin des hostilités.


Captures d’écran via Ina.fr – Cliquez sur les captures pour accéder aux vidéos

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En Syrie, Freedom 4566 ne répond plus http://owni.fr/2012/03/08/syrie-liberation-freedom-4566-turquie/ http://owni.fr/2012/03/08/syrie-liberation-freedom-4566-turquie/#comments Thu, 08 Mar 2012 14:59:02 +0000 Hédi Aouidj http://owni.fr/?p=101216 OWNI a rencontré le survivant de l'une des premières cellules médias de la révolution syrienne. Ses camarades ont été abattus ou sont en prison. Ils animaient Freedom 4566. Une chaîne sur YouTube à l'origine de plusieurs centaines de vidéos montrant la réalité de la répression, dans toute son horreur.]]>

Les morts syriens, par Ssoosay (CC)

Nous l’appellerons Abu Jaffar, pour des raisons de sécurité, il ne souhaite pas être identifié ni pris en photo. Nous l’avons rencontré de l’autre côté de la frontière, en Turquie. Abu Jaffar, entre deux bouffées de narguilé à la pomme, nous détaille comment ses amis et lui ont monté un centre de média pour couvrir la révolution syrienne. Surtout dans les régions de Lattaquié et de Jisr Al Chourour dans le Djebel Zaouia.

Dans quelles circonstances avez-vous passé la frontière turque ?

J’avais un ami, il s’appelait Mohamed Sabaq. Je parle au passé, parce que mon ami est mort d’une balle dans la tête qui lui a arraché tout l’arrière du crâne, le 27 décembre 2011, il venait de passer la frontière turque, en fait il était 100 mètres dans le territoire turc. Il avait 29 ans. Je le connaissais depuis l’école, nous étions voisins. Ensemble nous adorions regarder des films d’actions, mais en silence, pas comme les autres syriens qui ne font que jacasser pendant un film. Mohamed était toujours calme, réservé, jamais un mot au-dessus de l’autre. Je pense à lui tous les jours.

Comment s’organisait votre travail ?

Moi, j’étais chargé de la logistique, mon ami, Mohamed qui était ingénieur à la télévision syrienne à Lattaquié était le maître d’œuvre technique. C’est lui qui postait les vidéos sur YouTube, toutes les vidéos postées sur le compte Freedom 4566 [NDLR: on y trouve plus de 400 vidéos, en arabe, décrivant la répression au quotidien. Déconseillé aux âmes sensibles] sont de lui. Au début il faisait ça de chez lui et puis nous avons décidé de bouger vers Erber Jaway pour pouvoir attraper le réseau turc. Nous avions des PC portables, des clefs 3G et chacun un iPhone. Cet équipement est vite devenu notre matériel standard pour envoyer des images et communiquer. Mohamed postait des images mais il assurait aussi la formation de certains membres de l’Armée syrienne libre ou de toute autre personne qui le voulait. Quand nous avions besoin de nous réapprovisionner, nous allions en Turquie. Tout le matériel a été financé par des Syriens vivant à l’étranger, dont deux médecins aux Etats-Unis que je ne souhaite pas nommer. L’argent nous était envoyé via Western Union. Nous sommes retournés en Syrie et cette fois nous avons commencé à couvrir un peu mieux Lattaquié, Al Kusair et Al Khoule.

Avez-vous eu conscience que vos communications étaient surveillés par les services syriens ?

Je ne peux pas vous parler trop de notre sécurité informatique, c’est surtout Mohamed qui s’en occupait. Ce qui est sûr, c’est que nous changions de mots de passe très souvent. Notre petit groupe a commencé à s’étendre. Nous avions besoin de gens actifs et qui comprennent vite. Nous avons donc été rejoints par d’autres amis à nous. Il y avait Anas, Bashir et Tarek. Moi je continuais mon rôle logistique, je faisais des allers-retours avec la Turquie pour acheter des appareils photos et les ordinateurs et récupérer les fonds que l’on nous envoyait. Nous avons pu étendre nos opérations et les faire parvenir à Homs, à Jisr Al Chourour et dans d’autres villes.

Une force syrienne libérée

Une force syrienne libérée

Entretien cartes sur table avec l’un des responsables de l’Armée syrienne libre, Amar Ouawi. Il détaille les ...


Anas et Bashir étaient plus particulièrement responsables de la zone de Jisr Al Chourour. La dernière fois que nous avons eu des nouvelles, c’est juste avant que l’armée ne mène un assaut sur la ville. Nous étions très inquiets, nous qui nous voyions tout le temps, il ne pouvait que s’être passé quelque chose de terrible. Dix jours plus tard, nous les avons vus à la télévision officielle syrienne, ils étaient en train de confesser qu’ils étaient des terroristes. Ils montraient les endroits d’où ils opéraient. Ils n’avaient pas de traces de coups sur le visage mais quelque chose de changé dans leur expression, je les connais bien, je savais bien qu’ils n’étaient pas dans leur état normal. Avec Mohamed, nous avons tout de suite envoyé leurs photos aux chaines de télévision arabes, Al Jazeera, Al Arabia. Pour qu’ils ne soient pas exécutés, il faut faire un maximum de publicité. Le régime fait toujours plus attention quand il s’agit de gens connus.

D’autres militants ont-ils remplacé vos compagnons emprisonnés ?

Il a fallu reconstituer une cellule. Nous avons recruté de nouvelles personnes et recommencé. Cette fois-ci elles opéraient à partir de Ramel, le camp de réfugié palestinien de Lattaquié. Il y avait Abu, un Palestinien, Abdel, et Ibrahim. Ils ont organisé les finances, reçu des aides de l’étranger, de France, des États-Unis et d’Arabie Saoudite. Lorsque l’armée a attaqué le camp, elle a mis trois jours à prendre le contrôle. Pendant ces trois jours, ils ont envoyé des images en direct des combats. Ils ont tous été arrêtés à la fin. Nous avons fait la même chose que pour mes amis, nous avons envoyé des photos aux grandes chaines de télévision pour les protéger. Nous étions en train de monter un réseau pour couvrir la campagne et les villes dans notre région quand les forces spéciales ont traqué mon ami Mohamed et l’ont poursuivi, vous connaissez la fin.

Au début, Abu Jaffar était déprimé et en colère d’avoir perdu ses amis. Il a depuis repris ses activités depuis la Turquie, en attendant de recommencer une fois de plus en Syrie.


Illustration par Ssosay (CC-BY)

Carte de la Syrie via CIA World Factbooks

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La marche égyptienne sur YouTube http://owni.fr/2012/01/31/marche-egyptienne-sur-youtube/ http://owni.fr/2012/01/31/marche-egyptienne-sur-youtube/#comments Tue, 31 Jan 2012 12:27:29 +0000 Brice Lambert et Marion Lippmann http://owni.fr/?p=96475 La photo d’un soldat tabassant un civil flotte dans les airs. Entourées d’une centaine de personnes, deux jeunes femmes brandissent fermement l’image. Une passante, choquée, fonce sur elles et hurle :

Partez, partez ! On ne veut pas de vous ici !

Vendredi, 19 heures, sur la place du marché d’Ard El Lewa, un quartier populaire de Gizeh, l’ambiance est électrique. Un écran, érigé au centre de la place, diffuse des vidéos de militaires qui brutalisent des civils. Certains piétons, intrigués, s’arrêtent pour regarder. D’autres, anxieux, préfèrent passer leur chemin. De grosses enceintes diffusent un son puissant, qui peine a masquer les bruits des cafés et des vendeurs d’oranges.

Menteurs

Depuis trois semaines, des dizaines d’événements semblables investissent les rues du Caire, d’Alexandrie ou d’Assiout. Tous relèvent de l’initiative “Kazeboon”, comprendre “Menteurs”. Le projet est simple : organiser des projections de vidéos sur la voie publique pour attiser la curiosité des passants et “rétablir la vérité” sur les confrontations entre civils et militaires. Désormais, la révolution se joue à coup de vidéo-projecteurs et de clips estampillés YouTube.

Après la diffusion d’une vidéo par le Conseil suprême des forces armées (CSFA) montrant des civils en train de défoncer consciencieusement un bâtiment, des jeunes ont réagi à ce qu’ils considèrent comme une manipulation en projetant à leur tour des vidéos chocs. Au détour des rues du Caire, des écrans montrent ainsi des militaires armés qui tirent sur des jeunes, qui asphyxient les manifestants à la lacrymo ou qui frappent à coups de bâton des femmes à terre.

Sur la place du marché, la tension monte et les débats sont passionnés. Les slogans volent, les insultes aussi. “A bas le CSFA !”. “Taisez-vous, c’est vous les menteurs !”. “Arrêtez avec vos bêtises, laissez-nous vivre en paix !”, lance un père accompagné de ses enfants. Mais la vingtaine d’organisateurs ne se laisse impressionner ni par l’hostilité de certains passants furieux, ni par le risque de représailles de l’armée. “Je ne céderai pas à la peur, car il faut bien que certains d’entre nous agissent” assure Wahel Mohamed, l’un des responsables de l’initiative.

Il sait pourtant que rares sont ceux qui restent assis pendant le générique dans ce genre de projections. Celle organisée quelques jours auparavant à Zamalek, un quartier huppé du Caire, avait par exemple dû être interrompue après seulement quelques minutes de diffusion, une dizaine de personnes ayant provoqué une bagarre au tout début de la séance. “Probablement des personnes payées par l’armée ou la police” suppose Ahmed El Lozy, journaliste et organisateur de l’événement.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Un an jour pour jour après les premiers soubresauts de la révolution égyptienne, initiée le 25 janvier 2011, le climat politique est à l’orage. Un fossé s’est en effet creusé entre les Égyptiens qui ne soutiennent plus la révolution et qui souhaitent un retour au calme et la minorité qui continue de manifester inlassablement pour réclamer le transfert du pouvoir aux civils. Et si les incidents entre manifestants et passants se multiplient lors des marches organisées dans les rues du Caire pour appeler les citoyens à se soulever, certains activistes admettent avoir une part de responsabilité dans ce rejet. Ahmed El-Lozy :

Nous ne sommes pas des criminels, c’est un mensonge du Conseil suprême des forces armées. Mais nous n’expliquons pas assez aux gens ce pour quoi nous nous battons. La seule chose qu’ils retiennent, ce sont les embouteillages que nous générons. Par ailleurs, les blogs, Twitter et Facebook, c’est très bien, mais les gens qui s’y intéressent sont déjà acquis à nos idées. Or, il est vain de se battre pour un état de droit si le peuple n’est pas derrière nous.

Pour renouer le lien avec la population, les activistes ont donc décidé de faire descendre YouTube dans la rue et de privilégier les actions de proximité. Dans les quartiers populaires, où l’accès à Internet est encore rare, des projections publiques sont organisées. Dans les quartiers plus riches, des DVD gravés sont distribués afin de permettre aux habitants de les visionner en toute discrétion. Des Comités de défense de la révolution sont présents dans chaque quartier du Caire.

Leurs membres vont à la rencontre des habitants, pour expliquer leurs revendications. “Souvent, lorsque ces gens réalisent qu’ils connaissent l’un des manifestants de la Place Tahrir, ils mettent un visage sur notre mouvement et cessent de nous voir comme une masse d’excités”, explique Wahel Mohamed, qui participe au Comité du quartier d’Ard El Lewa.

Les habitants eux-mêmes sont incités à devenir acteurs du mouvement : la page Facebook de Kazeboon appelle toute personne ayant été témoin de violences militaires à partager ses documents. Et l’initiative prend de l’ampleur, dépassant mêmes les frontières. Depuis deux semaines, Londres, Rome, Paris et les grandes villes américaines ou canadiennes ont vu débarquer sur leurs murs les vidéos de « Kazeboon ». Aucune n’était hébérgée sur Megavideo.


Initialement publié sur The Ground sous le titre Egypte : la révolution sera télévisée
Photos par Marion Lippmann et Brice Lambert, au Caire, Égypte.

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