Découvrez “Kanou” by Fatoumata Diawara

Le 6 juillet 2011

Nous avons rencontré Fatoumata Diawara et son album "Kanou". Cette artiste reine nous propose un fabuleux voyage entre musiques traditionnelles, blues et jazz. Laissez-vous guider en terres lointaines.

Quand elle évoque son projet personnel, elle parle de musique et de chant. Elle parle de jouer quand elle évoque les rôles qui lui ont été confiés. Fatoumata est considérée comme une artiste émergente. Pourtant sa carrière scénique est déjà bien remplie.

D’abord comédienne et actrice, elle est repérée en 1996 par le grand cinéaste Cheick Oumar Sissoko qui l’engage dans le film La Genèse (prix Un certain regard à Cannes). Elle enchaîne ensuite sur Sia : le rêve du Python (Prix spécial du jury au Fespaco) et deux ans plus tard, à Paris, elle travaille sur l’adaptation de Jean-Louis Sagot Duvauroux de la pièce Antigone.

En 2002, sa vie de femme et d’artiste prend un nouveau tournant quand elle répond à une offre pour intégrer la plus grande compagnie de théâtre de rue au monde, Royal de Luxe. Elle est engagée sur-le-champ et devient la chanteuse de la troupe. En mai 2007, elle sera appelée à interpréter le rôle de Karaba dans la comédie musicale Kirikou et Karaba. S’ensuivent une multitude de rencontres qui lui donneront l’opportunité de participer aux projets d’illustres artistes tels Dee Dee Bridgewater, Herbie Hancock, Hank Jones ou encore Cheik Tidiane Seick.

C’est alors qu’elle décide de travailler sur un projet musical qui sera le sien. Aujourd’hui, après de longues années de travail et de réflexion, Fatoumata nous offre un EP de musique traditionnelle africaine teintée d’influences jazz et blues, calme mais dansant. Le tout en touchant des sujets graves avec un charme et une douceur parfois déstabilisants.

Lors de notre rencontre avec Fatoumata Diawara, nous découvrons une femme au charisme imposant qui prend le temps de s’exprimer en choisissant chaque mot.

Une artiste émergente déjà très expérimentée

“Kanou” est ton premier EP en studio, combien de temps as-tu mis pour l’enregistrer ?

Depuis 2006, je me rends régulièrement au studio pour enregistrer. Mon producteur Nick Gold a donc récupéré tout le matériel pour faire des arrangements, des mix. Comme ce sont des enregistrements voix/guitare, il fallait ajouter quelques basses, percus, piano…

Sorties le 9 mai 2011, 5 ans donc après avoir commencé à travailler, est-ce que tes compositions te semblaient toujours d’actualité ? Quel effet ça fait de sortir cet EP que tu as mis si longtemps à réaliser ?

J’étais très contente avec mes compos et ça fait du bien de l’avoir sorti. J’avais un peu l’habitude, ayant déjà participé à plusieurs enregistrements pour d’autres artistes dont celui de Dee Dee Bridgewater, Oumou Sangaré ou Polirytmo. Mais c’est vrai que c’est différent quand il s’agit de son propre album.

Entre la scène et le studio, qu’est-ce que tu préfères ?

Je n’ai pas de préférence, ce sont deux énergies très différentes. La seule chose, c’est que j’ai toujours joué des rôles très sévères, très durs sur scène, toujours des rôles dramatiques, jusqu’à Karaba dans Kirikou et Karaba. Depuis l’Afrique, j’ai toujours joué des rôles de jeunes filles violées, battues, maltraitées. Karaba est le comble de la jeune femme malheureuse, violée et battue. Aussi, quand je chante, c’est une autre façade de moi, c’est plutôt moi en fait, je n’interprète pas un autre personnage. Là, je suis en phase avec mon âme et je m’impose. J’ai mis du temps à sortir ce projet parce que ça prend du temps de trouver son style, son genre, sa voix et être à l’aise.

Le travail d’interprète est différent de celui d’auteur-compositeur. Est-ce plus difficile à assumer ?

Assumer de sortir un album n’est pas difficile, c’est s’imposer finalement qui l’est. Tu décides que ce que tu as écrit dans l’intimité, ce que tu as écrit seule, avec tes réflexions, tes moments de solitude, tu le partages avec le monde. C’est ça la petite différence. C’est ça la sensation qui est inexplicable. C’est que tu t’imposes, que tu signes un contrat, que tu acceptes de rencontrer le monde. C’est une forme de générosité qui est énorme mais il faut être forte, il faut être capable de l’assumer, d’accepter les critiques. Il ne faut pas s’attendre aux retours, il faut donner.

L’album qui va suivre cet EP et qui sortira en septembre raconte-t-il une histoire ?

Pas vraiment une seule histoire. Ça raconte le parcours d’une jeune fille africaine, qui a décidé d’être une femme, de faire sa vie, qui a décidé d’être libre, de vivre de ses choix, de prendre des risques, de comprendre et d’apprendre la vie telle qu’elle est, à l’état brut sans que les gens te disent ce que tu dois faire et de comprendre la vie par toi-même. Donc c’est plutôt moi et, comme j’ai 29 ans, ça raconte mon parcours, ce chemin-là. Il reste plein de choses à découvrir encore, plein d’histoires à vivre. Cet album c’est le goût de mes expériences.

Pourquoi venir à Paris ?

La compagnie Royal de Luxe est venue me chercher au Mali. J’ai tourné avec eux pendant 6 ans, jusqu’en 2008. Sur douze mois, je restais en tournée onze mois, et le retour se faisait sur Paris. A peine débarqués à Paris, il fallait qu’on prépare le prochain départ, les passeports, les visas pour aller en Corée, au Chili. On voyageait partout. Mais faire un aller-retour à Bamako, en ayant à peine le temps de voir sa famille, c’est très douloureux : tu n’as pas le temps de digérer ce que tu as vécu, ni d’assimiler ce que tu as appris. J’étais la chanteuse et la musique m’attirait de plus en plus. Paris m’a donc intéressé pour ça, j’ai pu adapter mon chant traditionnel à la guitare et avoir d’autres influences dans la musique.

“Mes chansons sont un signe de générosité”

Aimerais-tu retourner en Afrique ?

Je prépare mon retour comme beaucoup d’artistes. Mais on est des “enfants du monde” quand on est artiste. Ton pays t’a vu naître mais le monde t’appelle et tu es censé partir tout le temps. Je pense que je n’ai pas de terre fixe et que le Mali est un lieu ou je peux vivre comme aux Etats-Unis ou en France. Pour un artiste, les frontières ne sont qu’un rêve, ça n’existe pas. Tu passes un bout de temps partout mais tu n’es nulle part.

Quelles sont les collaborations que tu rêves de faire ?

Je trouve intéressant de collaborer avec d’autres en général mais tu ne trouves la collaboration intéressante qu’une fois qu’elle est terminée. Mon rêve ne tient pas dans une collaboration. C’est de partager ma musique avec un maximum de monde, de rencontrer un maximum de gens avec ma musique, d’aller à la conquête de la vie en fait. Mes chansons sont un signe de générosité.

Je sais aussi qu’il y a des rêves qui vont arriver sans que je les ai demandés. Par exemple, je ne m’attendais pas à la rencontre avec Herbie Hanckok. Je n’avais pas encore fait d’album. Celle avec Dee Dee BridgeWater non plus. Pourtant je n’avais toujours pas d’album et j’avais 29 ans seulement. Pour moi, si je devais rêver, je me bloquerais et je ne verrais pas d’autres opportunités. Je préfère être innocente et que les rêves viennent à moi, qu’ils me surprennent.

“Je préfère faire confiance aux gens qui savent faire”

Comment as-tu choisi de t’entourer professionnellement ?

Je fais avec la situation actuelle. Nous avons besoin de gens comme mon attaché de presse web, Worldcircuit et Universal, nous sommes complémentaires. Nous avons besoins d’eux et eux ont besoins de musique. J’ai d’abord trouvé mon producteur qui m’a fait signer chez Worldcircuit et je crois bien que c’est la première fois que Worldcircuit travaille avec des experts du web. J’attends de voir ce que va m’apporter tout ça. Je suis très confiante.

Tout s’est fait très naturellement, Nick a écouté ce que j’ai fait, il a aimé. Il m’a rencontré vraiment avec le projet “Imagine” de Herbie Hancock, son dernier projet, j’étais venue pour soutenir Oumou Sangaré et là, le producteur a vraiment eu l’occasion d’entendre ma voix. Le grain, ce que je suis. A partir de là, on a décidé de collaborer ensemble. C’est vrai que j’aurais pu décider de seulement donner l’édition, ou seulement la production, ou l’ensemble, mais je pense que je suis “trop artiste” pour pouvoir dire : “je donne mes éditions là-bas et je fais ma production…”. Je préfère faire confiance aux gens qui savent faire. Je veux continuer à composer et à écrire, me concentrer sur l’artistique, me protéger de beaucoup de choses. Et le business en fait partie. Donc pour cela, je préfère laisser les professionnels travailler sur internet. Je pourrais m’y mettre, à Twitter et tout, c’est fait pour être accessible à tout le monde.

Que penses-tu des bouleversements dus à Internet ?

Pour l’instant je pense qu’il faut laisser faire le temps. Ça paraît négatif mais ça ne l’est pas tant que ça. Cet EP par exemple, vous ne le verrez que sur Internet. Vous ne trouverez pas le disque en magasin, cette photo, vous ne pourrez pas la tenir entre vos mains.

Je crois que ça peut être bénéfique mais il faut comprendre. J’avoue ne pas passer beaucoup de temps sur internet, je n’ai pas de comptes sociaux personnels, je préfère prendre le temps pour apprendre la guitare, ça ne fait que 4 ans que je joue et ça me demande beaucoup de temps. Parce que jouer c’est une chose mais chanter en plus, devant des scènes énormes, c’est un travail qui se prépare en dix ans. Moi, j’ai décidé de le faire en deux ans et j’étais sur scène après un an et demi. Apprendre ça m’empêche d’aller sur Internet comme il le faudrait, mais il y a des gens dans ma maison de disques, mon attaché de presse web entre autres, qui sont là pour aider les artistes à pouvoir profiter de ce système. Chacun son travail, on ne peut pas tout faire.

Aujourd’hui, il y a Facebook, Twitter. Demain il y en aura d’autres. Au début, je me suis intéressée à Myspace puis, Facebook et Twitter sont arrivés et je me suis dit que ça n’allait jamais s’arrêter. Aussi, quand tu es une personne publique et que les gens savent que tu es connectée, tu es plus sollicitée que les autres. Quand tu as une petite fanbase, que tu te connectes, ça peut donner lieu à des heures et des heures de communication. Pour nous c’est bien mais à condition d’être aidé, pas quand c’est fait par nous-même sinon on n’a plus le temps de travailler. Et c’est dommage.

Retrouvez Fatoumata Diawara sur : facebook; myspace; twitter

Retrouvez Fatoumata Diawara sur scène le 15 Juillet au Cabaret Sauvage.

Crédits photos : Youri Lenquette

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