Circulation à Paris : la neige a fondu, vous pouvez ranger votre bagnole

Le 5 janvier 2011

Malgré la fonte de la neige, les problèmes de circulation parisienne sont toujours là. Pour Seb Musset, les solutions existent : décourager l'usage de la voiture et remettre chacun à sa place !

Billet garanti 100% sans « épisode neigeux jouant les trouble-fête » ni « miracle de noël, de Bethléem à Cdiscount. »

Hashtable, (blogueur libéral mais de talent), stigmatise la dernière trouvaille de la Mairie de Paris en matière de régulation du trafic : la mise en quarantaine des 4X4 et des vieux véhicules diesel. Il affirme que c’est là une attaque socialiste supplémentaire faite aux pauvres, peu à peu chassés de la ville au profit du « bobo » CSP++ (célibattant et bisexuel, abonné de l’épicerie de la fibre et fan du thé aux figues, ayant négocié la garde des enfants un week-end sur trois).

Bon, zut, je suis en partie d’accord avec lui. A ceci près que…

1 / Du « pauvre » à 4X4 ou grosse voiture à Paris, moi je n’en connais pas. Il doit probablement faire allusion à  la « classe moyenne » QSP+ (qui se la pète +).

2 / Ces classes moyennes n’ont pas déserté Paris le flingue sur la tempe. Elle ont eu une grosse envie d’acheter plus grand et les banques leur ont permis. Cette fuite a  précédé l’arrivée des socialistes à l’Hotel de ville, et bien plus encore la hausse de l’immobilier de la capitale (elle a contribué à la renforcer). Depuis 15 ans et la montée des thématiques vertes, chacun veut consommer du « meilleur cadre de vie ». Manque de bol, chacun vénère aussi sa bagnole (vite, vite la prime à la casse se termine le 31 décembre) et son pavillon individuel (cool, cool, le PTZ+ commence le 1er janvier). Chacun s’éloigne ainsi toujours plus loin de son boulot et tant pis si, lors de ses deux heures de bouchon quotidien  (2 pour madame et 2 pour monsieur), il faut gueuler sur les autres « chacun » qui ont eu la même idée géniale.[1]

3 / Le concept de « bobo » est à peu près aussi fourre-tout que celui de « classe-moyenne », l’un et l’autre s’interpénétrant sauvage au niveau des valeurs. A Paris plus qu’ailleurs, le monde se divise en deux catégories : ceux qui ont de l’argent et ceux qui les subissent.

4 / Même si certains choix Delanoesques sont contestables, voire criminels (ex : la circulation à double sens pour les vélos), je doute que la droite dispose d’un meilleur plan.

5 / Si  l’engorgement de la banlieue parisienne est en partie expliqué ci-dessus (le gros du bordel aux abords de Paris provenant de ce nombre croissant de types proprios à Chartres alors qu’ils bossent à Marne-La-Vallée), l’habitué des déplacements dans Paris relativisera le problème.

Conséquence de son étroitesse et d’une voirie conçue avant l’invention du moteur à explosion [2] : A Paris, chaque moyen de transport, marche à pied[3] incluse, (hormis le métro dont la pénibilité se suffit à elle-même) devient l’ennemi de l’autre.

Le piéton[4] hurle sur la voiture qui peste sur le motard qui crache sur le camion klaxonnant sur le piéton.

Ajoutons à cela, quelques spécialités locales…

1 / La légendaire incivilité du parisien,  à base de « mais fais gaffe où tu fous tes pieds connasse ! », au moment où le type grille le feu rouge et manque d’écraser la mère de famille et ses deux enfants. Un classique.

2 / Cette sempiternelle camionnette, se garant en double file vers Barbés pour faire sa livraison, qui, au terme d’un effet papillon tout en hurlements[5] et entorses au code de la route[6], finira par provoquer un carambolage Porte d’Ivry.

3 / Un manque de courtoisie reconnaissable entre 1000 (conséquence de la promiscuité) que, contrairement à ce qu’imagine le fan-club d’Amélie Poulain, le reste du monde ne nous envie point.

4 / Des bancs de touristes s’échouant sur la chaussée, la tête dans le Lonely Planet, tandis que leurs autocars vides sillonnent les boulevards pour ne pas avoir à stationner (de toutes les façons de la place, y en a pas)

5 / La prolifération des chantiers pour l’amélioration de votre quotidien(et engraisser du prestataire privé) avec leurs abruptes obstructions du passage et leurs labyrinthes grillagés bordés de barrières grises et vertes au-delà desquelles on ne voit, qu’une fois le mois, un semblant d’activité.

6 / Une capitale prisonnière d’un absurde périphérique déjà dépassé le jour de son lancement (à 11.48, sur ce lien) [NDLR : conçu par la droite], le tout dans un pays hypercentralisé…

…et tu obtiens une belle mélasse continue de mauvaise humeur mécanique.

Le problème est simple, l’équation connue : plus tu laisses de place à la voiture plus elle occupe l’espace et, au final, tu iras aussi lentement qu’avant en polluant plus. Donc, vu le niveau d’habitants et le peu de surface disponible à Paris : gauche ou droite, décourageons l’automobiliste, pour l’orienter vers d’autres modes de transports (heu… performants et accessibles si possible) ou l’inciter au covoiturage. (La mesure en question, se basant uniquement sur le taux de Co2 émis, ne remet nullement en question l’usage de la voiture individuelle, encourageant même à en acheter une autre.)

Le nouveau vrai gros bazar du trafic intra-muros est le fruit de l’impossible cohabitation entre le camion poubelle, le vélib [7] du cono à l’heil-pod envoyant son texto tout en révisant son TD de russe tandis qu’une armada de scooters zigzague entre les 4X4 des bourgeoises[8] lexomylisées, pendues à leurs Blackbeurie en direction des Galfa pour s’offrir le nouveau Gavalda. Le tout parsemé de piétons déboulant au débotté parmi les voitures[9]. A noter les nouveaux périls 2010-2011 : le gamin en trottinette, les camions publicitaires (qu’on ne peut pas taguer parce qu’ils bougent) et les calèches pour russes friqués avec le sound-system qui crache « ceeeelavieennnnrooooose ».

Un début de solution serait, à mon humble avis, de répartir les moyens de locomotion sur des trajets spécifiquement réservés à chacun (zones pour camions, zones pour bus, zones pour piétons, zones pour voiture) et réapprendre à l’urbain, en plus du civisme, les vertus de la marche à pied.

Paris est, de par sa nature, une plaie pour la circulation et cela restera ainsi, à moins de tout raser et de reconstruire spécifiquement pour la voiture. (Au passage, on fera quelques logements sociaux hein Bertrand ?).

Principal grief à l’encontre de la municipalité parisienne (mais peut-on lui reprocher de défendre son image) : conforter l’idée que Paris doit rester la capitale économique ET culturelle ET touristique de La France, alors que ce pays regorge d’autres sites à visiter et de régions bien plus accueillantes pour entreprendre.

Tant que cette confusion des genres entre précieux village et capitale mondiale persiste, peu importe la couleur politique, aucune amélioration de trafic à espérer.

La jolie vidéo… où il est prouvé qu’il n’est pas si long qu’on le dit de traverser paname.

[1] C’est à son enthousiasme à endurer toutes les peines du monde afin d’assouvir des désirs dessinés par ceux qui les lui vend au prix fort que l’on reconnaît le véritable esclave. Maître et esclave s’entendent sur ce point : la non-remise en question de leur rapport et des valeurs (marchandes) l’encadrant. Tout ce qui en découle, l’égoïsme, la barbarie, l’injustice sont assimilés par chacun comme les composants indispensables de ce qui « fait société ». Parfois même, les uns et les autres appellent ça de “l’indépendance”.

[2] Pas de jaloux : la province a ses ronds-points à la con, crées en pleine connaissance de cause.

[3] Impossible à Paris : le parcours en ligne droite de plus de 5 mètres sans percuter, au choix, bite en fer, sanisette, colonne publicitaire, terrasse de café dégueulant sur la chaussée, file de cinéma pour le dernier Harry Le potier. Egalement impossible à Paris : un simple déplacement en fauteuil roulant.

[4] La chignole coûtant un bras et mon bref passage terrestre tendant à l’éradication à la source des facteurs de stress inutile, je me suis débarrassé de cette quintessence tôlée de la réussite sociale à contrat d’assistance renouvelable.

[5] Un après-midi à conduire dans Paris informera l’individu sur sa propension à la tolérance.

[6] Anecdote observée récemment résumant à elle seule, les flux parisiens :
Une voiture ne trouvant pas de place pour stationner s’arrête sur la voie de bus empêchant l’un d’eux de l’emprunter. Le bus se reporte alors sur la seule voie disponible sans se soucier du cycliste y circulant sans lumière ni gilet fluo. Ce dernier, déstabilisé, tombe de son engin et manque d’être happé sous la roue arrière de l’autocar sous les yeux vaguement concernés des passants. Il tambourine contre la carlingue mais rien y fait : le chauffeur de bus, stressé à l’idée que le feu vert passe à l’orange, continue sa route vers le Boulevard.
Le plus ironique dans l’histoire ? Ni les propriétaires de scooters, ni le chauffeur de la voiture stationnée, pas plus que le conducteur de bus n’aura conscience du mal qu’il a fait ni des conséquences de ses actes. Si on les avertit, chacun d’eux répondre probablement : « Ce n’est pas de ma faute, c’est l’autre ». Quant au cycliste, trois secondes après avoir échappé à la mort, il remontait en sens interdit une ruelle sans visibilité !

[7] Le vélo à Paris : moyen de transport de loin le plus rapide à Paris. Le cycliste parisien : indigence conspuée de tous, dispose la majeure partie du temps d’options aussi risquées les unes que les autres.

[8] Se méfier également de la cruche en Smart. Si la bourge en 4X4 se croit indestructible,  la cruche en Smart se croit invisible, ce qui revient à peu près au même lorsqu’elle percute ton môme à 60 km/h.

[9] soyons honnêtes : le piéton est obligé d’être malhonnête. S’il respecte la signalisation parisienne et les trajets prévus à son endroit, il mettra une demi-journée pour faire 300 mètres.

Billet publié à l’origine sur Les jours et l’ennui, le blog de Séb Musset, sous le titre Paris sans voitures ? Bah ouais.

Photo FlickR CC Yann Caradec ; Romain ; Jean-François Gornet ; MPD01605.

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