Sondage choc: Marine Le Pen en tête du 1er tour

Le 7 mars 2011

L'utilisation d'Internet pour effectuer des sondages n'a pas encore fait ses preuves. Retour sur les méthodes contestables du sondage choc Harris/Le Parisien qui place Marine Le Pen en tête du premier tour de l'élection présidentielle 2012.

Le fameux sondage Harris Interactive publié dans le “Parisien Dimanche” attribuant à Marine Le Pen la première place d’un premier tour d’élection présidentielle, auquel personne n’a pu échapper, suggère trois séries d’observations.

Une enquête très contestable

Il y a sondage et sondage, et les médias seraient bien inspirés de ne point prendre toutes les enquêtes d’opinion au pied du chiffre. Comme sa signature l’indique, celle d’Harris Interactive a été effectuée auprès d’un échantillon relativement important (1618 électeurs) mais par internet. Pour des raisons de coûts, cette méthode se répand dans les instituts de sondage mais elle pose de réels problèmes en matière de mesure des intentions de vote.

La reconstitution d’un échantillon réellement représentatif de la population électorale est encore plus problématique. Il va sans dire que l’anonymat du vote potentiel est, pour le moins, mis à mal. Le recours à des panels d’électeurs, attirés d’une manière ou d’une autre, est une autre source de biais.

Les sondages réalisés par téléphone ont mis du temps à être dotés, l’expérience aidant, d’une certaine fiabilité. L’enquête par internet est sans doute l’avenir obligé de la profession sondagière. Elle n’a pas encore fait ses preuves et il y a tout lieu de craindre que cette méthode détériore encore la qualité des résultats bruts recueillis, obligeant alors les sondeurs à de périlleuses opérations de redressement des résultats.

Ce sondage spectaculaire a encore le singulier défaut de ne tester qu’une configuration de candidature socialiste. La mesure exclusive des performances hypothétiques de Martine Aubry est d’autant moins justifiée que la première secrétaire du PS ne s’est pas plus portée officiellement candidate que Dominique Strauss-Kahn ou François Hollande, et plutôt moins que d’autres personnalités de calibre inférieur. L’institut a d’ailleurs fait triste figure en annonçant qu’il allait renouveler son coup de sonde en testant les deux candidats socialistes potentiels cités plus haut.

Un déplorable emballement médiatique

On se lasse de le répéter mais il est abusif de parler vraiment d’intentions de vote à plus d’un an d’une élection. Tout au plus, les instituts de sondages peuvent-ils quantifier des “votes imaginaires” dans le contexte de l’instant et au prix de configuration politiques très hypothétiques. Les “intentions de vote” dont on nous rebat aujourd’hui les oreilles ne sont que des cotes de popularité déguisées. Voilà qui explique les scores invraisemblables, plus de 60% des votes, attribués à Dominique Strauss-Kahn en cas de duel, au second tour, contre Nicolas Sarkozy.

Quitte à vouloir se pencher sur les entrailles des électeurs, les médias pourraient plutôt leur commander des enquêtes sur le scrutin cantonal des 20 et 27 mars. A trois semaines d’un vote qui concernera la moitié de la France, les “intentions de vote” cantonales auraient un sens. Ou les intentions de non-vote puisque tout laisse craindre un très haut niveau d’abstention. Bien sûr, la mesure des rapports de forces dans les cantons est un peu compliquée, mais ces enquêtes-là parleraient du réel.

Une nouvelle stratégie sarkoziste

Au-delà des outrances chiffrées et des vagues médiatiques, la montée en puissance de Marine Le Pen est incontestable. Le renouveau du Front national s’est déjà concrétisé dans les urnes lors des élections régionales de mars 2010. Le récent congrès de cette formation a révélé un “alter-lepénisme” qui peut être électoralement efficace en ces temps de crise politique, économique, sociale et morale. La farandole des “affaires” en tous genres, révélatrice de la corruption des élites, ne peut qu’alimenter l’extrême droite.

La stratégie sarkozyste de mise en scène des peurs autour de l’insécurité et de l’immigration y contribue aussi d’une manière telle qu’il est difficile de croire à une erreur de jugement. Le président sortant a fort peu de chances de récupérer, au premier tour, les électeurs séduits par la thématique lepéniste. Ils ont été douchés par son inefficacité.
Nicolas Sarkozy ne poursuit-il pas, dés lors, une stratégie de second tour en flattant cette thématique ?

Confiant dans son socle de premier tour, grâce à la solidité d’un noyau conservateur âgé et à sa capacité à empêcher un pluralisme à droite, il peut être tenté de jouer l’élimination d’un candidat socialiste qui trahirait son incapacité à capter l’électorat populaire. A tout le moins, Sarkozy peut espérer, par l’effet d’une proximité des discours, créer les conditions d’un bon report des lepénistes du premier tour face à un adversaire socialiste qui incarnerait un peu trop la mondialisation libérale.

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Publié initialement sur le blog Murmures d’Eric Dupin
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Crédits photo via Flickr, Marine Le Pen au défilé annuel du FN le 1 er mai 2008 par Neno [cc-by-nc-nd] et Marine Le Pen for Marianne par TheManolo [cc-by-nc-sa] ; Capture d’écran, Le Parisien ;

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