Project Chaos on Internet

Le 21 février 2010

Vu de l'extérieur, 4chan est une immense poubelle porno-trash déconnante infréquentable. Comme toute culture, elle possède pourtant ses règles qu'il convient de connaître avant d'y mettre le nez et d'affirmer a priori "ça pue". Et si d'aucuns regardent de haut le site, c'est peut-être qu'il renvoie à l'Internet comme espace de liberté subversif.

Comme Valérie Pécresse, ils en parlent avec beaucoup d’aisance. Le /a/, le /b/, le /c/, le /d/ et prolonger le /e/. Comme Valérie Pécresse, ils ont surtout l’air de parler de quelque chose qu’ils ne connaissent pas du tout. Peut-être avez-vous reconnu cette lettre entourée de deux barres obliques. Il s’agit du nom de certains espaces, les boards, de 4chan. Mais eux ne le savent pas.

Mais qui sont ces gens dont je vous parle ? Ceux qui prétendent nous parler d’Internet. Qu’ils soient blogueurs, journalistes ou hommes politiques, ils parlent d’Internet, et donc de 4chan, sans vraiment les comprendre.

Sur 4chan, comme le signale très bien Boumbox, il y a de nombreux boards. Et la plupart du temps, la métonymie se fait entre 4chan et /b/, le board “Random” de 4chan où n’importe qui peut poster ce qu’il veut, c’est à dire principalement du porn. Structurellement, sur /b/, il n’y a pas plus de règles qu’ailleurs sur 4chan. Mais ces règles existent, et avisés de les lire seraient ceux qui souhaitent parler de 4chan. Il existe ensuite des règles fonctionnelles. Ces règles sont bien sûr à ne pas respecter, sauf les règles 1, 2 et 34. La règle 34 dit “There is porn in it, no exception“. Elle souligne la base principale d’Internet : le sexe.Les règles 1 et 2 quant à elle sont beaucoup plus simples et surtout, beaucoup plus importantes. Elles sont inspirées par Fight Club, film de la génération Internet.

Règle 1 : Do not talk about /b/ (Ne parlez pas de /b/)

Règle 2 : Do NOT talk about /b/ (Ne parlez PAS de /b/)

Maintenant que l’on connaît ses règles, il est légitime de se demander dans quelle mesure on doit les prendre en compte. De la même façon qu’à Vegas, il est évident que si ce qui se passe sur /b/ reste sur /b/, c’est qu’il y a une raison. Tout d’abord, les personnes qui parlent de /b/ ne comprennent pas souvent de quoi elles parlent. Ces personnes oublient qu’Internet, ou plutôt que les différentes communautés qui le peuplent, ont vécu avant qu’ils n’arrivent. On ne peut pas impunément prétendre connaître un outil, et l’utiliser. On peut mettre le pied dans le plat, mais il vaut mieux observer avant de parler. C’est ce que Markhy explique très bien. Dès que les OFFline, comme il les appelle, arrivent, ils ruinent l’ambiance. Ce mal étrange a été diagnostiqué comme le “cancer qui tue /b/“.

Alors face à cette maladie mortelle, que faire ? Il est certain que de parler de 4chan le rend plus mainstream. Comme l’explique Camille Paloque-Berges, chercheur à Paris 8, “accompagner la visibilité de 4chan, c’est aussi aider à sa légitimation, et donc altérer son pouvoir subversif“. Il faut donc savoir ce qu’on veut.

Je ne parlerai donc pas de ce qui se passe sur 4chan. Cela ne m’appartient pas, pas plus qu’à qui que ce soit d’autre et surtout cela a été fait ailleurs. C’est un bien communautaire, c’est un immense bac à sable où les chats n’hésitent pas à poser leur merde. Et lorsqu’un château de sable est assez intéressant et commence à être copié, il passe par l’usine à mème et acquiert petit à petit le rang de mème important. Le contenu autrefois fermé de ces espaces de liberté est petit à petit dévoilé par les réseaux sociaux. Cela permet de constituer une mémoire de /b/, d’extraire l’image de 4chan de son destin très éphémère. Parce qu’au delà de  la 15e page, les messages de /b/ ne sont plus visibles. Et même si certains disposent des archives, l’intérêt de 4chan est qu’il se joue dans l’instant. Parce que le fait que l’on puisse y faire des choses de manière anonyme et sans que ça reste définitivement sur Internet ajoute une énorme émulation entre les membres. Pour du contenu de qualité.

Ce que l’on peut retenir, c’est le rôle de 4chan. Toujours selon Camille Paloque-Berges :

le côté futile, provocateur, trash, etc. [de 4chan] est très important pour mettre en perspective le net comme espace positif de l’utile, des libertés, de la “démocratisation”, etc. Non pas que 4chan soit l’inverse de l’Internet “positif”, mais son miroir déformant dans un certain sens.

Laisser un commentaire

Derniers articles publiés