Le Parti pirate français sous pression

Le 18 avril 2012

Ce mercredi, le Parti Pirate français a présenté ses candidats aux législatives de juin. Les attentes sont grandes pour la toute jeune formation, alors que ses homologues allemands et suédois accumulent les succès. Mais il n'est pas facile d'être une petite formation en France.

Drapeau du Parti Pirate sur les vitres du Lavoir Moderne - (cc) O. Noor/owni

Nous avons 230 adhérents, soit le même nombre que le Parti Pirate allemand en 2009.
Nous ne sommes structurés que depuis 2009.
Le PP suédois a obtenu 0,3% des voix à ses premières élections.

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Lors de la présentation de ses candidats aux législatives au Lavoir moderne parisien, à la Goutte d’Or, le Parti Pirate a pris soin d’égrener une poignée de chiffres pour relativiser les critiques sur son manque d’envergure dans le paysage politique français.

Le Parti Pirate (PP) est en effet attendu au tournant, au regard de la montée en puissance de ses homologues européens. Les Suédois ont envoyé deux pirates au Parlement européen, les Allemands vont de bon score en bon score, et serait désormais la troisième force politique du pays, devant les Verts. Beaucoup de pression donc pour ce qui est le premier test électoral national des pirates français. Maxime Rouquet, le co-président, en a convenu :

On est en retard, notre ambition est de rejoindre le score du PP allemand.

42 candidats pirates déclarés

Nos pirates ont aussi pris soin de souligner qu’ils partent désavantagés dans la course. Le mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours ne favorise pas les petits partis, contrairement à l’Allemagne, qui a opté pour un système à la proportionnelle. Le FN en sait quelque chose, qui ne dispose d’aucun député. Pour avoir droit à un spot télévisé de 3 minutes, il faut présenter 75 candidats. Un objectif à portée de sabre : 42 candidats pirates se sont déjà déclarés, et une vingtaine est en attente de confirmation.

Autre problème, l’argent. Là encore, il ne fait pas bon être un nain politique. L’État rembourse le coût des “opérations de propagande officielle” uniquement des candidats passant la barre fatidique des 5% au 1er tour. Et il faut présenter au moins 50 candidats et qu’ils réalisent au minimum 1% des voix pour que chacune lui rapporte 1,63 euros par an pendant la durée du mandat.

Conférence de presse du Parti Pirate au Lavoir Moderne - (cc) O. Noor/owni

Or la simple impression des bulletins revient à 3 000 euros environ par circonscription. Qui dit comptes de campagne dit certification, dit expert comptable, dit 300 euros. La situation est claire :

Le Parti Pirate ne peut pas rembourser ses candidats.

“Campagne 00″ : zero cost

Du coup, le PP a opté pour campagne, non pas low cost mais zero cost, baptisée “campagne 00″ :

- zéro euro de dépense de campagne.

- zéro euro de bulletin.

Il vous faudra donc imprimer votre bulletin. Stratégie de moindre frais qui a laissé sceptique une partie du public . Un curieux a d’ailleurs alpagué les membres du parti  :

Mais faites campagne ! N’ayez pas peur de dépenser, et soyez malins, faites par exemple imprimer des tracts par des copains au boulot. Votre stratégie est trop limitante.

Le décollage, c’est maintenant, vous êtes le premier parti post-Internet, foncez !

Une proposition qui trouvera un écho faible. En lieu et place, Maxime Rouquet évoque mollement le hacking de propagande, avec pour exemple leurs cousins allemands  qui nettoient des murs sales pour n’y laisser que le logo du Parti Pirate.

En cours de structuration

Par-delà les histoires d’€, le PP fait face à trois autres difficultés. D’une part, son programme ne couvre que cinq axes, qui ne sont pas au centre des préoccupations des Français en cette période de crise. Vous me direz, en Allemagne aussi, et ça ne les a pas empêché de percer.

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Au menu, la légalisation du partage, la lutte contre le fichage, l’indépendance de la justice, la transparence de la vie politique et l’ouverture des données publiques. Interrogés à ce sujet, les pirates ont répondu que les questions socio-économiques étaient en cours de réflexion. Outre le programme officiel, approuvé par les trois quarts des adhérents, il y a des mesures pirato-compatibles, approuvées à la majorité simple. Parmi ces dernières, on trouve le revenu de vie ou bien encore l’allocation universelle. Le PP s’est aussi rapproché du collectif citoyen Roosevelt 2012.

Enfin, le parti est victime d’une double exigence contradictoire. D’un côté, une partie des citoyens aspirent de la “politique autrement”, qui ne soit pas le fait de politiciens à vie, roublards et rouées.

Mais par ailleurs, le PP français est desservi par ses maladresses de débutant dans le grand bal de la politique, comme sa communication peu rodée, et on lui renvoie parfois dans la figure. Tout l’enjeu sera de garder leur fraicheur et leurs convictions tout en affutant leur sabre, de rester des amateurs au sens étymologique du terme, des gens qui aiment. Et pas le pouvoir comme fin en soi tant qu’à faire. Législatives en juin, municipales, territoriales et européennes en 2014, le terrain d’exercice est vaste.


Photographies par Ophelia Noor pour Owni /-)

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