Médias tradis: le vrai défi est plus Internet que la gratuité

Le 23 juillet 2009

La bouée de l’été, dans les médias, c’est le retour du payant sur Internet, notamment pour les journaux. Mais le vrai problème n’est probablement pas tant la concurrence de la gratuité, que la concurrence de l’Internet lui même, de son innovation permanente, et des nouveaux usages d’un public qui en raffole. La publicité évaporée n’étant pas prête [...]

La bouée de l’été, dans les médias, c’est le retour du payant sur Internet, notamment pour les journaux.
Mais le vrai problème n’est probablement pas tant la concurrence de la gratuité, que la concurrence de l’Internet lui même, de son innovation permanente, et des nouveaux usages d’un public qui en raffole.

La publicité évaporée n’étant pas prête de revenir et la migration vers l’Internet s’accélérant, la presse écrite, aux abois, tente, en Amérique comme en Europe, de bâtir des fortifications autour de ses contenus en ligne.

Péage en ligne: fortification ou château de sable?

Les éditeurs qui jouissent d’audiences record ne savent toujours pas les monétiser, voire même souvent, rentabiliser leurs opérations web. Le volume de la pub liée au trafic n’a jamais été suffisant pour faire vivre des rédactions. D’où la tentation généralisée actuelle de mettre fin au tout gratuit pour protéger leur journalisme.

Prédictions & initiatives fleurissent, la grogne contre Google monte:

Google a assez vite répondu aux grincheux : il vous suffit de deux lignes de codes pour vous faire déférencer. Chiche !

En France, Alain Weill, patron de NextRadioTv (BFM, RMC, la Tribune…) estime que tout le monde passera au modèle payant sur le web d’ici fin 2009 ou le début 2010, tandis que Libération proposait, en juin, de faire payer les fournisseurs d’accès.

On vante volontiers le modèle de Canal Plus ou des Echos (partie en clair, partie payante), on rappelle qu’après des décennies de gratuit, les gens ont payé pour de nouveaux bouquets de chaînes, et on regrette le bon vieux temps du Minitel, « cash machine formidable», rappelait récemment un éditeur éminent.

Les récentes mesures de défiscalisation des donations devraient aussi fournir de l’aide à certains.

Mais le premier problème au modèle payant est bien sûr de faire revenir en arrière toute une audience habituée à consommer, depuis 15 ans, des informations gratuitement et de ne pas tenir compte des nouveaux usages dans la manière de s’informer. Pas facile de dire à son audience : « vous avez tort, nous avons raison et on va vous montrer » !

Le deuxième obstacle est la récente abondance exponentielle de l’offre. L’information abondante restera gratuite ; celle qui est rare, fraîche ou exclusive sera payante quelques heures. Aujourd’hui seule l’info financière – d’ailleurs payée par l’employeur et non l’individu– entre entièrement dans cette catégorie. Des sujets pointus peuvent aussi jouer cette carte. Pour le reste….

Le troisième souci, probablement le plus important, est l’évolution permanente d’Internet et des nouveaux comportements d’un public (Web 2.0, médias sociaux, …) qui en raffole.

Pendant ce temps, l’un des best sellers de l’été, aux Etats-Unis, est « Free » (« Gratuit »), le nouveau livre de Chris Anderson, qui le premier avait théorisé avec sa « longue traîne », le business model de Google et d’Amazon.

Cette fois, le rédacteur-en-chef de Wired, entend montrer comment il peut être de plus en plus judicieux pour une entreprise numérique – aux coûts marginaux de distribution quasi nuls– d’offrir des produits gratuitement pour gagner sur d’autres tableaux. La subvention croisée, le tiers payant, le modèle freemium (Skype) etc…

Le mobile, support naturel du payant

Mais c’est finalement du côté de la mobilité, comme nous l’avons souvent souligné qu’un radeau de survie pourrait arriver.

  1. Les smart phones, et en particulier l’iPhone, présentent une nouvelle offre d’accès à des contenus plus facilement monétisable. On y retrouve une clé de paiement. L’acte d’achat y est plus naturel (habitude de payer son portable, abonnement à la source, faibles montants presque indolores). Le Monde compte plus de 600.000 téléchargements de son appli iPhone et il est probable qu’elle ne restera pas complètement gratuite longtemps. L’Equipe est proche des 100.000 téléchargements, un mois après avoir lancé une appli payante (0 ,79 euro) et compte décliner une panoplie d’offres nouvelles. La pub sur mobile, elle reste quasi inexistante.
  2. Les lecteurs ebook débarquent en masse. Les plus grands éditeurs de presse, les chaînes de librairies (Barnes & Noble, Amazon) multiplient les initiatives. Le grand quotidien espagnol El Pais a annoncé aujourd’hui un accord avec Amazon pour être publié sur le Kindle. La Fnac proposera en fin d’année près d’une demi douzaine de modèles différents. La couleur est pour 2011.

Reste aux éditeurs à s’entendre avec les fabricants et/ou les opérateurs de téléphonie mobile pour trouver un partage difficile des revenus car la bataille pour la marge et l’accès aux abonnés s’annonce rude.

Reste aussi aux éditeurs à proposer des contenus originaux et pertinents. En ont-ils encore la force et les moyens ?

Mais si, comme le dit Chris Anderson, « ce n’est pas difficile d’être compétitif face à la gratuité : il suffit d’offrir quelque chose de mieux ou de différent », il est en revanche beaucoup plus complexe de lutter face à Internet, en perpétuelle évolution.

D’où ce conseil de Dave Winer : « si vous vous trouvez en concurrence avec Internet, un conseil, tirez-vous ! ». Même Microsoft a du mal….

(ce billet est paru dans une première version sur le blog AFP-MediaWatch)

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