Les cadavres syriens attaquent

Le 30 septembre 2011

Deux collectifs de hackers ont lancé une nouvelle opération contre les sites gouvernementaux syriens. Ils ont remplacé le contenu des sites officiels par une carte des opposants tués depuis le début de la révolte contre la dictature de Bacher el-Assad.

Les silhouettes des martyrs sont revenues hanter les grandes villes syriennes. Sur le site Internet de Damas, Homs, Alep ou encore Lattaquié, elles ont surgi dans la nuit, rouges sur un fond blanc. Des milliers de corps rouges épousent la forme géographique de la Syrie, en proie à une violente répression depuis mars dernier. Dans la nuit du 24 au 25 septembre, les collectifs de hackers Anonymous et RevoluSec sont ainsi passés à l’action. Les sites de sept grandes villes ont été piratés et leur contenu modifié.1.

A 9h26 le 25 septembre, le compte Twitter de RevoluSec demande, provoquant, si les administrateurs systèmes syriens sont là et annonce le début de l’opération. A 16h37, un tweet proclame le défacement du site de la ville de Damas, suivi de Lattaquié, Tartous, Deir ez-Zor, Palmyre, et enfin d’Alep à 16h40, deux minutes après.

Le visuel affiché n’est pas simplement un pied de nez aux autorités syriennes, c’est un hommage aux “martyrs pour la liberté”. Sur chaque silhouette apparaît son nom, son âge et le lieu de sa mort. Les soldats ont un picto différent, de même que les vieux, les femmes, les adolescents et les enfants. Les hackers ont utilisé les données mises en ligne par le comité Syrian Martyr. Bachar Abou Saleh, le fondateur, nous a expliqué avoir été contacté au début du mois d’août par mail par un mystérieux journaliste qui voulait les listes des morts au format excel. Ce n’est qu’en voyant le fruit de l’opération que Bachar a fait le lien avec les Anonymous.

Mémorial

Le mémorial est resté en place plusieurs heures en ligne selon le hacker KheOps qui avait participé à une opération d’ampleur au mois d’août avec le collectif Telecomix. Cette fois il a assisté en tant que témoin à ce nouvel opus d’OpSyria :

Les sites sont restés “défigurés” plus de dix d’heures. Ils ont eu une grande visibilité pendant ce laps de temps. Mais il a fallu du temps pour préparer une telle action, il a fallu repérer les failles.

Une information que confirme l’un des auteurs de l’opération. Joint sur le canal IRC dédié à l’opération, “mama” affirme que l’opération a débuté il y a longtemps, sans donner plus de détails. Passée une dizaine d’heures, les sites hackés ont été mis hors ligne par les administrateurs2. L’objectif de l’opération en elle-même était double a expliqué un membre de RevoluSec sur Al Jazeera : informer sur “les atrocités commises par le régime”, manifester sa solidarité et son soutien à la population syrienne. Un membre, qui se présente comme un coordinateur sur place, nous explique :

Nous n’allons pas arrêter avant que le monde entier sache ce qui se passe en Syrie Nous ne permettrons pas que les événements de Hama en 1982 se répètent.

Et au-delà, l’opération vise à inciter les internautes syriens à mieux sécuriser leurs connexions. Au bas des pages défigurées le lien de Telecomix renvoyait vers les instructions de Telecomix : utiliser TOR voire un VPN si possible, naviguer autant que possible en HTTPS grâce à un plugin du navigateur Firefox, ne pas faire confiance à des certificats inconnus. Et pour ceux qui voudraient en savoir plus, un lien redirigeait vers le canal de discussion mis en place par Telecomix. KheOps a remarqué une affluence supérieure à d’habitude et “des retours tous positifs, sans exception.”

Préparée de longue date, cette action a été menée conjointement par deux groupes de hackers. Les Anonymous, désormais célèbres pour des opérations contre les dictatures de la région Egypte, Tunisie ou encore Iran, ont été rejoints par le groupe RevoluSec. Dans l’interview accordée à Al Jazeera, l’un des membres revient sur ce partenariat :

Nous sommes un groupe qui travaille ensemble, certains d’entre nous sont des Anon, certains n’en sont pas. C’est mélangé.

Au début de Operation Syria, fin août, les Anonymous avaient posté une vidéo et un communiqué annonçant l’opération. Ils déclaraient notamment :

Anonymous ne va pas rester sans rien faire alors que des Etats comme la Syrie avilissent l’humanité de ses citoyens à force de menaces de violences, de surveillance et de répression.

Pour l’occasion, l’habituel slogan clôturant les annonces du collectif a été légèrement modifié, l’ordinaire “Expect Us” (Attendez-vous à nous) est remplacé par “Expect revolution” (Attendez-vous à une révolution).


Illustrations : captures d’écran

  1. Ou defaced en anglais et “défigurés” en français : consiste à remplacer le contenu d’une page web par un autre []
  2. Les sites tels qu’ils apparaissaient sont disponibles à cette adresse []

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